mercredi 31 décembre 2014

Pourquoi j'ai aimé le cinéma en 2014

Et voilà, c’est déjà l’heure de ce billet. Une des traditions immuables du blog. Bien sûr, je publierai sous peu la liste de mes films préférés de 2014, mais il est bien difficile de résumer en quelques films toute une année cinéma. Les émotions, les rires, les déceptions, les rencontres, les surprises qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Ces images qui resteront gravées, ces moments de cinéma qui se sont imprimés pour longtemps sur nos rétines avides d’images. Des films, j’en ai encore vu beaucoup cette année. Des petits, des grands, des verts, des rouges, des drôles et des tristes. Mais pourquoi, au fond, ai-je aimé le cinéma en 2014 ?

Parce que Ben Stiller m’a donné envie de faire le tour du monde.

Parce qu’un des films les plus irrévérencieux de l’année était également l’un des plus drôles. Merci Riad Sattouf de m’avoir emmené au Royaume des filles.


Parce que Bernard Menez est un bon acteur.

Parce qu’Amy Adams est belle à se damner dans « American Bluff ».

Parce que ma mère était excitée comme une ado quand je l’ai emmenée voir « Hipotesis » en avant-première et qu’elle s’est rendue compte que Ricardo Darin, un de ses acteurs préférés, était assis juste derrière nous, pendant tout le film.

Parce que Michel Vuillermoz parle aussi bien portugais que moi finnois, et que ça n’en rend la balade suisse vers la révolution des œillets que plus savoureuse.

Parce que les vampires de Jim Jarmusch sont électrisants.

Parce que je n’ai pas reconnu Bill Murray dans « Dumb & Dumber De ». En même temps avec la combinaison, c’était dur.

Parce que Matthew McConaughey est un grand acteur.

Parce que le film le plus déchirant que j’ai vu cette année sur grand écran datait de 1948, « Lettre d’une inconnue ».

Parce que les bruits de Recife sont hypnotiques.

Parce qu’il ne faut pas faire chier Liam Neeson, qu’il soit flic en Lego ou en avion.

Parce qu’Eva Green a beaucoup donné de sa personne, même si, malheureusement, c’était surtout dans de mauvais films.

Parce que monsieur Gustave est incarné par Ralph Fiennes.


Parce que j’ai vu Kevin Costner deux fois sur grand écran, malheureusement pour deux films dispensables (décidément).

Parce que ça vaut le coup d’attendre Spike Jonze quelques années.

Parce que Keanu Reeves est encore capable d’envoyer sévère dans des séries B fun. Et est assez cool en vrai.

Parce qu’on a eu droit à deux films de Xavier Dolan cette année.

Parce que je n’ai pas honte de dire que je me suis éclaté devant « Babysitting ». Mais par contre devant « Barbecue », pas du tout (mais pourquoi je suis allé voir ça moi, d’abord ?).

Parce que ça me fait toujours bizarre de voir un film avec Feodor Atkine, j’ai l’impression que je suis en train de voir un film étranger en VF. Mais non, le beau « Dans la cour » est bien en version originale française. Avec la voix de Jafar.

Parce que Nicolas Cage a fait un bon film cette année.

Parce que les trente premières minutes de « Godzilla » sont démentes. Celles qui suivent, moins.

Parce que le Quicksilver des X-Men est tellement cool que l’on sait déjà que celui des Avengers fera pâle figure à côté.

Parce que j’ai vu trois films absolument « WHAT THE FUCK ??!! » cette année. « Adieu au langage » de Godard, « Moebius » de Kim Ki-duk, et « Tusk » de Kevin Smith. Un Top 3 de films barrés.

Parce que le mec qui a pondu « Gangs of Wasseypur » a remis ça avec « Ugly ».

Parce que Hollywood est encore capable de produire un film comme « Edge of Tomorrow ».

Parce que je suis à peu près sûr qu’en fait, Maurice est un vrai Orang-Outan. Nan mais franchement, c’est pas possible, c’est un vrai singe celui-là !!!


Parce qu’en écoutant la BO de « Tristesse Club » sans le film, on croirait un film d’épouvante. Même avec le film, en fait.

Parce que « Bird People » a changé ma perception des moineaux.

Parce que j’ai vu Brie Larson en chair et en os.

Parce qu’on ne sort pas facilement de « Under the Skin ». Et moi je n’y suis pas entré facilement non plus, remarquez…

Parce que je suis parti à la recherche de Vivian Maier.

Parce que la magie du cinéma fait qu’une réalisatrice qui a réalisé « Cookie » avec Virginie Efira peut quelques années plus tard réaliser un film d’une belle mélancolie comme « Maestro ».

Parce que j’ai attendu « Boyhood » pendant douze ans. Et que cela valait chaque minute d’attente.

Parce qu’on ne sort pas de la voiture de Locke pendant 1h30.

Parce que contre toute attente, pour le moment, moi aussi j’aurais donné la Palme à « Winter Sleep ». J’en suis vraiment le premier surpris.

Parce que Denis Villeneuve a remis le couvert avec Jake Gyllenhaal. Qui a définitivement confirmé cette année qu’il est l’un des plus talentueux acteurs de sa génération.

Parce qu’au 22 Jump Street, on s’éclate autant qu’au 21.

Parce que je ne me lasse pas de la chanson « Party Girl » qui clôture le film du même titre.

Parce que « The Spectacular Now » est l’un des meilleurs teen movies apparus dans le cinéma américain ces derniers temps.

Parce que « Gemma Bovery » m’a rappelé que je suis amoureux de Gemma Arterton.

Parce que la caméra de « L’institutrice » n’est pas invisible.

Parce que le cœur de Benoît Poelvoorde balance entre Charlotte Gainsbourg et Chiara Mastroianni.

Parce que ce sont les mêmes mecs qui ont réalisé « La Grande Aventure Lego » et « 22 Jump Street », Phil Lord et Chris Miller. Et qu’il y a plus de séquences drôles dans ces deux films que dans tout le reste de l’année cinéma réunie (j’exagère, mais à peine).


Parce que je ne suis pas allé voir le 3ème « Hunger Games ».

Parce que j’ai vu « I Origins » sans savoir de quoi parlait le film.

Parce que « Still the Water » et « Timbuktu » auraient quand même mérité un prix à Cannes.

Parce qu’on a eu droit à un film avec Tyler Perry sur grand écran. C’était déjà arrivé ?

Parce que je suis retourné à la Géode.

Parce que l’affiche américaine de John Wick est superbe. Pourquoi le distributeur français a-t-il changé pour un visuel bien moindre ?!

Parce que je suis resté plusieurs minutes assis sur un banc des Champs-Élysées à discuter avec le réalisateur du drôle de thriller coréen « Intruders » alors qu’il ne parlait pas anglais et que mon coréen est… oui, il est ce qu’il est, hein.

Parce que je suis allé voir « Interstellar » deux fois.

Parce que le cinéma d’animation français est capable d’un film aussi inattendu que « Minuscule ».

Parce que le directeur adjoint du Publicis m’a poussé à aller voir « La fièvre des particules ». Et qu’il avait raison.

Parce que l’amour est étrange.

Parce qu’une lycéenne nommée Han Gong-ju m’a touché en plein cœur.

Parce que je n’ai vu aucun des « Hercule » sortis cette année. Mais je me demande quand même si y a eu des courageux (masos ?) qui sont allés voir les deux.

Parce que grâce à Mia Hansen-Love, j’écoute en boucle depuis un mois « Within » et « Veridis Quo » des Daft Punk.

Parce que les gens de la manif pour tous devraient tous voir « In the family ».


Parce que je suis à peu près sûr d’avoir plus ri que n’importe quel enfant devant « Astérix : le domaine des Dieux ».

Parce que dans « Les Pingouins de Madagascar », non seulement Werner Herzog prête sa voix à un réalisateur de documentaires animaliers, mais les scénaristes ont également eu cette folle et réjouissante idée de faire des jeux de mots avec les noms de Nicolas Cage, Drew Barrymore, Kevin Bacon, Hugh Jackman et quelques autres stars. Par contre en VF je me demande ce que ça donne.

Parce que l’été est encore plus court quand il s’achève sous les yeux de Koji Fukada.

Parce que j’ai fait une soirée « Sharknado » au Max Linder Panorama et que des requins nous tombaient dessus en plein film. Littéralement (bon, d’accord, des requins en plastique, mais quand même !).

Parce que je suis allé voir des films au ciné en Corée cette année.

Parce que j’ai pu voir « Anchorman 2 : légendes vivantes » d’Adam McKay et « Drug War » de Johnnie To sur grand écran, alors que tout le monde n’a pas eu cette chance.

Parce que « Tokyo Tribe » de Sono Sion m’a collé un sacré mal de crâne, mais que ça valait le coup.

Parce que « L’île du Docteur Moreau » de John Frankenheimer est un nanar, mais un nanar à l’histoire si incroyable qu’il a accouché d’un documentaire fascinant, « Lost Soul ».

Parce que j’ai vu sur grand écran des films d’Alfred Hitchcock, Ingmar Bergman, John McTiernan, Samuel Fueller, Billy Wilder, Jacques Tati, John Ford, Joseph Losey…

Parce que j’ai eu trois conversations avec Plastic Man (désormais un fidèle du Festival du Film Coréen à Paris). Si si, de vraies conversations, où il s’adressait à moi.

Parce que Everything is Awesome ! Everything is cool when you’re part of a team !

Parce que « L’homme qui tua Liberty Valance » m’a fait redécouvrir John Ford.


Parce que le solo de batterie de Miles Teller face au regard enragé et conquis de J.K. Simmons m’a mis en transe.

Parce que We are Groot.

Parce que “Bleak Night” est enfin sorti en salles en France, même si ça s’appelait « La Frappe ».

Parce qu’on a eu droit à un court-métrage et un long-métrage de Frederick Wiseman cette année. Le court durait 2h50. Le long, 4h. Et que dans les deux cas il n’y avait pas une minute en trop.

Parce que Vincent Lacoste a enchaîné « Jacky au Royaume des Filles », « Hippocrate » et « Eden ».

Parce que Don Johnson est terriblement cool.

Parce que le Hong Sang-soo annuel était délicieux.

Parce que Vincent Macaigne a enchaîné « Tonnerre », « Tristesse Club » et « Eden ».

Parce que je me suis retrouvé sur la scène du Publicis avec Kim Yun-seok. Oui oui, l’ex-flic devenu proxénète de « The Chaser ». A côté de moi. Sur scène.

Parce que j’ai déjà vu « Haemoo », « Hard Day » et « It Follows », et que je compte bien les revoir quand ils sortiront en salles en 2015.

Parce que les cinéastes français offrent de plus en plus de rôles à Pascal Demolon. En même temps c’est normal il est toujours formidable. Ils devraient tous lui en offrir.

Parce que l’Orient-Express me manquera, malgré la tuyauterie bruyante, le RER et les souris.

Parce que si j’ai une fois de plus manqué l’occasion de voir Gong Li en chair et en os, j’ai au moins pu la voir sur grand écran. Dans un bon film en plus.


Parce que c’était peut-être la dernière fois que je voyais un nouveau film de Hayao Miyazaki sur grand écran.

Parce que « Braddock America » n’était pas un film sur Chuck Norris. Quoi qu’en fait, j’aurais encore plus aimé le cinéma en 2014 si ça avait été le cas.

Parce que 22 Jump Street a l’un des meilleurs génériques de fin de l’histoire des génériques de fin.

Parce que si je n’ai pas fait le tour du monde, j’ai vu cette année des films espagnols, coréens, argentins, japonais, anglais, danois, chiliens, polonais, suisses, brésiliens, chinois, italiens, canadiens, belges, taïwanais, suédois, australiens, indiens, turques, israéliens, norvégiens, indonésiens, allemands, vénézuéliens, irlandais, russes, mauritaniens, hongrois, français et américains. J’ai oublié quelqu’un ?

mardi 23 décembre 2014

« Au revoir l’été » : ne cachez pas ce beau film que nous voulons tant voir !

Cette année les billets se sont faits rares dans ces pages, et je n’ai pas pu aborder tous les films qui me sont allés droit au cœur. Mais je ne pouvais passer sous silence « Au revoir l’été », parce que le film le mérite trop, et (peut-être plus important encore) parce que les personnes qui devraient être les premières à défendre le film, les exploitants, ne semblent pas franchement décidées à le faire.

« Au revoir l’été » est sorti il y a quelques jours, le 17 décembre dernier. C’est un film d’auteur japonais, passé et récompensé par moult festivals, appuyé par d’élogieuses critiques, et – pour ce qui est de la capitale – programmé dans quelques cinémas majeurs de la cinéphilie parisienne : l’Arlequin, l’Escurial, le MK2 Beaubourg, le Saint-André-des-Arts et le Majestic Bastille. Sur le papier, un tel film semble avoir ce qu’il faut pour se faire un nom dans les salles Art & Essai de Paris et trouver son public. Les salles de cinéma que j’ai citées offrent chaque semaine une belle programmation, avec pour habitude de défendre les films qu’ils choisissent.

Quelle ne fut donc pas la surprise des cinéphiles mercredi dernier, le jour de la sortie d’ « Au Revoir l’été », lorsque nous (je m’inclue dedans) avons découvert que les exploitants proposant le film à Paris semblaient s’être passé le mot pour écraser le potentiel du film à son strict minimum, et offrir aux spectateurs parisiens désirant le voir (un désir légitime étant donnée la réputation du film) le minimum syndical au niveau des possibilités de séances. Des cinq cinémas que j’ai cités plus haut programmant le film à Paris, un seul (!), oui un seul, lui a réservé des séances toute la journée. Le Saint-André-des-Arts, à Saint-Michel. Séances à 14h, 16h20 et 20h35.

Les quatre autres cinémas ? L’Arlequin, séances uniquement le samedi et le dimanche à 11h10. C’est tout. L’Escurial ? Jeudi à 11h25, Vendredi, Samedi et Lundi à 11h. Le Majestic Bastille ? Vendredi à 11h10, Samedi, Dimanche et Lundi à 11h. Le MK2 Beaubourg ? Tous les jours à 11h30 et 18h40. Bon, ce dernier offre un peu plus de possibilités, mais contrairement aux autres ce cinéma possède six salles.

Par quel malheureux hasard quasiment tous les cinémas projetant « Au revoir l’été » ont-ils choisi d’offrir si peu de séances aux spectateurs, dès la première semaine d’exploitation du film ? Celui qui se retrouve lésé dans l’affaire, en plus du film lui-même, bien sûr, et de son distributeur qui j’en suis sûr espérait de meilleurs horaires pour son film de la part de tels cinémas, c’est le spectateur. Vous et moi qui guettions la sortie du film ou nous sommes laissés tenter au hasard de la lecture d’une critique du film (toutes excellentes), et avons donc ouvert notre Pariscope ou consulter Allociné pour voir où et à quelle heure nous pourrions voir le film.

Bien sûr, je me doute déjà de ce que vont répondre les exploitants. Trop de films sortent chaque semaine (et il est vrai que la semaine du 17 décembre, première des vacances de Noël, est particulièrement féconde en films), et afin d’offrir une fenêtre à chacun des films qu’ils souhaitent passer, impossible de tous les passer toute la journée. Mais que quasi toutes les salles programmant CE film en particulier aient décidé de lui réserver le même sort, à savoir presque uniquement des séances matinales, alors qu’il s’agissait peu ou prou de celui bénéficiant des meilleures critiques (à juste titre), cela envoie un mauvais message aux yeux des spectateurs. Un mauvais message à propos du film, qui ne mériterait donc pas mieux, et un mauvais message quant à l’implication du cinéma.

A l’Arlequin où j’ai vu le film le weekend dernier, alors donc que le film était une nouveauté de la semaine, RIEN ne signalait la présence du film dans ce cinéma. Aucun signe extérieur qui indiquerait au spectateur potentiel flânant devant le cinéma que ce beau film japonais récompensé en festivals et loué par la presse, « Au Revoir l’été », était visible dans cette salle. Pas d’affiche. Pas de mise en avant dans les vitrines où tous les autres films à l’affiche sont mis en avant. Rien. Ah si pardon. Sur l’une des feuilles épinglée dans l’une des vitrines du cinéma, dans un coin de page, cette mention « Films de matinée », suivi du titre des trois ou quatre films projetés uniquement le matin avec les horaires. Et parmi ces titres, très anonymement, apparaissait enfin « Au Revoir l’été », sans rien d’autre que ce titre et ses horaires. Prenez votre loupe pour remarquer cette mention.

Résultat, en ce dimanche matin, les gens étaient un peu perdus sur le trottoir de la rue de Rennes, ne voyant nulle mention du film qu’ils étaient venus voir. J’entendais autour de moi les gens s’interroger « C’est pas ici qu’ils passent « Au revoir l’été » ? », « « Pourquoi ce n’est pas indiqué qu’ils passent le film japonais ? Tu es sûr que c’est là ? », « Ah si tiens regarde, tout en bas de la feuille là, ils l’ont écrit. Mais c’est pas cette semaine qu’il est sorti le film ? On dirait pas… ».

La salle, au bout du compte, n’était (heureusement !) pas loin d’afficher complet (merci les critiques). Et le film nous a donc embarqués vers une petite ville japonaise de bord de mer, un jour de la fin d’été. Sakuko et sa tante Mikie viennent y passer quelques jours, la première pour réviser avant son entrée à la fac, la seconde pour finir son travail de traduction. Mikie a passé sa jeunesse ici, et elle va faire découvrir le coin à sa nièce. Le charme d’ « Au revoir l’été » opère rapidement, offrant le visage d’une douce chronique provinciale à l’heure où les citadins sont repartis et où le calme retombe, alors que les beaux jours persistent.

Le réalisateur Koji Fukada observe, suit, écoute ces moments de creux de la vie où se dessine la mélancolie du présent, pris entre un passé dont on ne veut plus parler et un avenir trop incertain. Le film est fait de cette simplicité qui parvient à nouer des sentiments profonds, où la langueur quotidienne est riche et où les personnages prennent vie de façon éclatante. J’en suis sorti dans cet état de flou duquel on émerge lorsque l’on retourne à sa propre réalité après avoir découvert un film qui vous a emporté dans sa douce poésie. J’ai voulu en sortant du cinéma jeter un œil en arrière, vers l’affiche du film, pour retrouver un instant le si doux visage de Sakuko (l’actrice Fumi Nikaido, remarquée dans « Why don’t you play in Hell ? » de Sono Sion) et ces quelques jours que j’ai passés en sa compagnie, racontés en deux heures. Et je me suis souvenu que l’affiche n’était pas là. L’au revoir au film était imparfait, mais « Au revoir l’été », lui, restera.

P.S. : le sort du film ne sera pas meilleur dans les salles parisiennes dans les jours qui viennent, puisqu’au MK2 Beaubourg les séances passent à 9h25 et 21h25 en deuxième semaine, et qu’à l’Escurial et au Majestic Bastille, le film ne passera plus respectivement qu’à 11h du matin lundi et mardi matin prochains. A l’Arlequin et au Saint-André-des-Arts, les séances restent sensiblement les mêmes. Dépêchez-vous !

jeudi 11 décembre 2014

« Les ascensions de Werner Herzog » : deux escalades la mort en face

Il va falloir que je profite de la rétrospective consacrée à Werner Herzog au Grand Action pour améliorer mes connaissances de ses longs-métrages de fiction, car en regardant sa filmographie, je me rends compte que j’ai plus consacré mon temps à voir ses documentaires. Ils sont rares les cinéastes à être capables de nous offrir des films importants dans la fiction comme dans le documentaire, mais Herzog en fait partie.

Ces jours-ci vient de sortir en salles « Les ascensions de Werner Herzog », titre sous lequel on trouve deux documentaires du cinéaste allemand d’une quarantaine de minutes chacun, l’un réalisé en 1977, l’autre en 1984, avec pour cadre commun la montagne et couplés pour l’occasion d’une sortie en salles. Le premier, « La Soufrière », voit Herzog filmer le volcan guadeloupéen en 1976, alors qu’une éruption menace et que la ville adjacente de Basse-Terre a été évacuée devant le danger imminent. Herzog lui, trompe-la-mort devant l’éternel, se balade sur les flancs du volcan suintant de gaz à la rencontre d’une poignée d’hommes ayant choisi de ne pas quitter la montagne et d’affronter ce qui adviendra.

Le second film, « Gasherbrum, la montagne lumineuse », tourné huit ans plus tard, voit cette fois le réalisateur filmer deux alpinistes européens (italien et allemand) escalader deux sommets himalayens, les Gasherbrum. La possibilité de découvrir ces deux périples en hauteur sur le bel écran de la salle Langlois du Grand Action a eu raison de mon hésitation (tellement de films à voir, il faut faire des choix).

La Grand Action semble aimer faire commencer ses films à des horaires simples à retenir pour ses spectateurs, à savoir les heures et les demi-heures, et les séances des « Ascensions de Werner Herzog » en sont la preuve, puisque malgré une durée d’1h15 des deux documentaires, et une séance (bandes-annonces + publicités) affichant 15 minutes, soit au total 1h30 exactement entre le film projeté et les pubs, les séances étaient cette semaine… toutes les 1h30. 14h, 15h30, 17h… Des séances enfilées les unes derrières les autres à un rythme qui pourrait faire pâlir de jalousie le directeur de l’UGC Ciné Cité Les Halles. Mais au Grand Action il s’agit plus de proposer les séances à des horaires reconnaissables que de maximiser la rentabilité de la journée, contrairement aux Halles (même si l’inconfort qui en résulte est le même).

En conséquence nous sommes entrés en salles à 17h05 pour une séance à 17h (hum…). Mais finalement ce qui m’a le plus inquiété, c’était ce spectateur assis juste dans mon dos, qui avait traîné avec lui dans la salle un immense sac à dos et un carton vide et déplié. Ce n’est pas tant ce qu’il avait avec lui qui m’inquiétait que sa propension, pendant les bandes-annonces et publicités, à maugréer avec insistance dans sa barbe inexistante. Quand parmi ses borborygmes inintelligibles, je capte enfin un « Mais qu’est-ce que ça peut te foutre ? », j’imagine un petit Syndrome de La Tourette… mais finalement une fois l’ascension de La Soufrière commencée, je ne l’ai plus entendu. Peut-être ne faisait-il que s’adresser à moi, ayant détecté avec ses antennes que mes oreilles étaient tournées vers lui…

Toujours est-il qu’il s’est tu, et c’est peut-être grâce à cette même fascination qui s’est vite emparée de moi à la vision du film de Werner Herzog, qui l’aura rendu silencieux comme moi j’étais absorbé. Absorbé par ces escalades à haut risque, non pas tant par une curiosité morbide qui peut pousser l’être humain à attendre qu’un de ses congénères soit emporté dans une catastrophe, mais absorbé par le regard et le discours de Herzog, comme c’est souvent le cas dans les documentaires de l’allemand. Absorbé par le questionnement de ce qui peut pousser l’homme à mettre sa vie en danger, plus que par le danger lui-même. Que ce soit en 1976 ou en 1984, en Guadeloupe ou dans le Nord du Pakistan, que l’on vive sur le flanc d’une montagne ou que l’on se contente d’y passer quelques jours pour se dépasser et toucher la mort du doigt.

Les deux documentaires d’Herzog ont beau avoir trente et quasi quarante ans d’existence, ils sont hors du temps.
over-blog.com