jeudi 31 janvier 2013

« Gangs of Wasseypur » a-t-il bénéficié de la sortie qu’il méritait ?


Vous aurez peut-être remarqué que « Gangs of Wasseypur » ne faisait pas partie de mes films préférés de 2012. Pourtant, l’épopée indienne est bien l’un des meilleurs films de l’année écoulée. Alors il est peut-être temps de dire deux mots de Gangs of Wasseypur, cette saga indienne de plus de cinq heures couvrant sur plusieurs décennies l’histoire d’une famille, ses luttes de pouvoir et de violence pour régner sur un quartier de Dhanbad. C’est un conte criminel et politique qui ose la longueur, ose la violence, ose une telle densité narrative que l’on s’accroche parfois sévèrement et passionnément pour ne pas en perdre le fil. Mais pourquoi donc ce film si fort ne figure pas parmi mes préférés de l’année, vous demandez-vous en vous arrachant les cheveux de curiosité (non ?) ?!

Avec tout le respect que je dois à Happiness Distribution d’avoir sorti le film d’Anurag Kashyap en salles en France, la faute en revient pourtant… au distributeur français. Flash-back. Mai 2012, Festival de Cannes. Pendant que les festivaliers s’enthousiasment en sélection officielle à propos d’Amour et Holy Motors, c’est à la Quinzaine des Réalisateurs que l’on trouve les meilleurs films cette année (excusez cette assertion toute personnelle). « Adieu Berthe », « Camille Redouble », « The We and the I »… et « Gangs of Wasseypur ». Le film fleuve fait parler de lui, récolte de belles critiques et fait monter le buzz. Le film sortira en salles en France sous la houlette de Happiness Distribution, en deux parties.

Attention, je ne reproche pas à Happiness Distribution d’avoir sorti « Gangs of Wasseypur » en deux parties. Étant donné la durée du film, c’est logique, et c’est d’ailleurs ainsi partout, aussi bien en Inde qu’en Grande-Bretagne. Le film est conçu pour être coupé en deux, cela ne gêne pas. Si sortir un film indien de cinq heures semble difficile, le sortir en deux fois offre même de belles possibilités. Il y a quelques années, « Nos meilleures années », la saga italienne en deux films de trois heures chacun, avait rencontré un beau succès au cœur de l’été (plus de 200.000 entrées). Seulement voilà, pour « Gangs of Wasseypur », Happiness Distribution n’a pas suivi la stratégie de « Nos meilleures années », dont les deux films étaient sortis simultanément. Le distributeur a préféré espacer de cinq mois les sorties des deux films. Première partie en juillet, seconde partie en décembre.

Il est facile de deviner les raisons d’une telle mise en place. Capitaliser sur le buzz cannois avec le premier film, laisser passer les quatre mois réglementaires permettant à cette première partie de sortir en DVD, puis quelques semaines à peine après, cinq mois donc après la sortie de la 1ère partie, lancer la 2nde sur grand écran… en espérant que les spectateurs ayant vu le premier achètent le DVD pour se remettre dans le bain du film avant la sortie du second, et au passage s’attirer de nouveaux spectateurs potentiels qui l’auraient raté en salles mais découvert en DVD. Seulement à l’évidence, cela ne s’est pas passé comme Happiness l’espérait. Si la première partie, sortie en juillet dans une petite combinaison de salle, a su trouver le public art & essai et affiché de beaux taux de remplissage dans les salles qui le diffusaient, la seconde partie, sortie à Noël, a fait son apparition dans l’indifférence la plus totale. Deux semaines après sa sortie, début janvier, le film ne bénéficiait plus que de quelques séances par semaine au Cinéma des Cinéastes, au MK2 Parnasse et à la Clé, pour ce qui est de Paris. Quelques critiques ont eu beau rappeler aux cinéphiles de voir la seconde partie de « Gangs of Wasseypur », ceux-ci ne se sont presque pas déplacés.

La raison évidente, c’est que le distributeur ne s’est pas mis dans la peau du spectateur en préparant la sortie du film. On ne veut pas avoir à acheter le DVD de la première partie d’un film pour pouvoir voir la seconde. Un film comme « Gangs of Wasseypur », riche, passionnant et néanmoins ardu, on veut pouvoir l’affronter d’une traite, ou à défaut, de façon rapprochée, comme cela avait été le cas avec « Nos meilleures années ». Les deux parties étaient sorties en même temps, et il était possible de voir le film en entier en une journée si nous le voulions, ou sur un weekend, ou avec une semaine d’écart. Mais cinq mois ?? Ont-ils seulement vu le film, pour se dire que séparer les deux parties de cinq mois ne gênerait pas les spectateurs plus que cela, ou s’en préoccupaient-ils seulement ? Une narration si dense, des personnages et des intrigues si nombreux, qui plus est dans une langue et un cadre où l’on manque de repères, autant de raisons pour lesquelles il est essentiel d’avoir la possibilité d’aborder le récit avec le plus d’unité possible.

Une anecdote pour vous montrer que je suis loin d’être le seul à penser ainsi, et qu’il s’agit d’une des raisons majeures pour lesquelles la seconde partie de « Gangs of Wasseypur » n’a même pas attiré 10.000 spectateurs en salles. Lorsque j’ai vu le film début janvier au Cinéma des Cinéastes, dans le hall alors que les portes de la salle n’étaient pas encore ouvertes, un autre spectateur s’est approché de moi et m’a demandé si j’avais vu la 1ère partie. Après lui avoir répondu affirmativement « Quand il est sorti l’été dernier » il m’a répondu qu’il l’avait lui aussi vu au cinéma cinq mois plus tôt, et qu’il craignait d’avoir du mal à suivre la 2nde partie, tant elle était sortie il y a de trop nombreux mois. « Déjà que j’avais parfois du mal à suivre la 1ère partie tant c’était complexe, mais là, cinq mois après… ».  La seconde partie reprend à la minute même où la première s’était conclue, sans rappel, sans indice. Le spectateur replonge donc dedans avec hésitation, essayant de se rappeler les liens entre les personnages, les intrigues et sous-intrigues. J’ai eu du mal, et je suis persuadé que c’était le cas de presque tous ceux qui comme moi avaient vu la première partie au cinéma quelques mois plus tôt, et seulement là.

Du coup je n’ai pas pris le même plaisir que lorsque je m’étais avidement plongé dans le film en juillet. Le choix du distributeur de sortir le film cinq mois plus tard a tué ma passion pour celui-ci. Il a empêché le premier film de faire durer la curiosité autour de lui au cœur de l’été dernier, et empêché le buzz de reprendre lorsque le second film est sorti à Noël. C’est tellement dommage, quand l’exemple de « Nos meilleures années » aurait pu aiguiller celui de « Gangs of Wasseypur ». Nos voisins britanniques seront mieux lotis que nous, puisque « Gangs of Wasseypur » va sortir fin février, les deux parties à une semaine d’écart l’une de l’autre. Non, « Gangs of Wasseypur » n’a décidément pas bénéficié de la sortie qu’il méritait en France. 

mardi 22 janvier 2013

Dredd, du projet attendu au "direct-to-dvd"


Il y a des films qui sur le papier, au moment où leur mise en chantier est annoncée, semblent être promis à devenir, lorsqu’ils sortiront, un évènement cinématographique. Bon d’accord, le terme est trop fort, disons plutôt qu’ils seront fortement attendus par la tranche reine des spectateurs, celle qui est le plus souvent le cœur de cible d’Hollywood, les mecs de 15/30 ans. Certes Dredd est trop violent pour les ados aux États-Unis, et le souvenir laissé par une première adaptation du comic-book avec Stallone a pu ringardiser le héros. Mais lorsqu’il fut annoncé que des producteurs allaient relancer le personnage du juge futuriste au cinéma pour faire oublier le nanar de Stallone passant régulièrement en VF sur NT1 ou NRJ12, le potentiel que la série B musclée attendue fasse parler à sa sortie était là.

Sorti en salles aux États-Unis en septembre, mois de disette du box-office, après avoir été longuement repoussé, Dredd s’y est mangé le trottoir en beauté. Même si le film n’avait pas coûté si cher que cela pour une telle production (40 millions de dollars), le four fut flagrant (à peine plus de 13 millions de dollars de recettes, quand la version avec Stallone, sortie il y a 18 ans à une époque où les places de cinéma étaient bien moins chères, en avait rapporté 34 millions). Ouch. Lorsque je ratai la projection du film en clôture de L’Étrange Festival, j’eus un mauvais pressentiment… Et si j’avais manqué là l’unique projection sur grand écran à laquelle la France aurait droit ? Le murmure se faisait déjà entendre à l’époque, parlant d’une sortie directement en DVD… Le mauvais pressentiment s’est confirmé, puisque Dredd de Pete Travis sort donc directement en DVD en France dans quelques jours. Des amis l’ayant vu en salles en Corée avaient beau m’avoir dit « C’est nuuul », nos goûts sont trop éloignés pour que je ne me doute que mon appréciation risquait de s’avérer différente.

Au scénario, Alex Garland, auteur et scénariste fréquent de Danny Boyle, derrière la caméra, Pete Travis, réalisateur du solide « Angles d’attaque » (qu’il fallait tout de même arrêter de regarder à 15 minutes de son dénouement ridicule), en tête d’affiche, Karl Urban, acteur intéressant pour le moment sous-employé dans le cinéma américain – et ce n’est vraisemblablement pas Dredd qui changera la donne pour lui. Si je n’ai jamais lu le comic book à l’origine du film, la vision du Judge Dredd premier du nom avec Sylvester Stallone sous le casque, kitsch à souhait, a suffi à me convaincre qu’il y avait sûrement mieux à faire sur grand écran avec le personnage, et il est indéniable que Pete Travis s’en sort bien mieux que… que… que quiconque a réalisé la version Sly à l’époque.

Non que ce nouveau Dredd soit un grand film, on en est loin, même dans le genre qui est le sien. Mais le film avec Stallone avait suffisamment baissé les attentes, et à défaut d’être mind-blowing comme diraient les américains, ce nouveau Dredd est une série B diablement plaisante que j’ai eu la chance (ouf !) de découvrir en 3D sur grand écran, en me faufilant à une projection organisée chez Metropolitan.

Dans ce nouveau Dredd, point de Stallone qui montre sa tronche quand le héros est connu pour ne jamais retirer son casque dans le comic book, point de gigantisme raté et de blagues foireuses. Pete Travis nous entraîne sur le territoire du cinéma d’action aride, brutal et pince-sans-rire. Une aventure simple et directe ne cherchant pas à étirer la mythologie Dredd, mais plutôt à la traverser. Le décor est planté rapidement, Mega City One, mégalopole de 800 millions d’habitants dans un futur ravagé par la pollution et la criminalité. Les gangs y pullulent, et seuls les juges y font régner l’ordre, arrêtant les criminels, énonçant et exécutant la sentence dans la foulée (oui je sais, c’est pas un film de gauche). Dredd est l’un de ces juges, et avec une nouvelle recrue qu’il se voit confier, le voici parti pour une journée de boulot qui va l’envoyer dans une tour de 75000 habitants, contrôlée par un gang qui va placer ladite tour en quarantaine et tout faire pour ne pas laisser Dredd et sa recrue en ressortir vivants. Piégés en territoire fermé et hostile.

Étonnamment, Dredd se situe ainsi plus dans la mouvance du cinéma de John Carpenter (toutes proportions gardées), brut et claustrophobe, plutôt que dans le kitschouille auquel le film de Stallone nous avait habitués. Ce cinéma d’action cloisonné, j’en suis toujours friand, et Garland et Travis ont eu la bonne idée de planter Dredd dedans, dans ce cinéma où le danger rôde, la violence explose et le spectateur reste scotché à son siège. Le costume du juge va comme un gant à Urban, qui joue (un peu trop ?) de la mâchoire carrée à merveille.  Même si la 3D ne m’a pas franchement convaincu de son utilité, et que les ralentis ne sont pas franchement du meilleur effet (comme souvent), voilà un juge Dredd qui a de la gueule à défaut d’être inoubliable.  

dimanche 20 janvier 2013

Puis-je comprendre "Le monde de Charlie" ?


Bon, je ne vais pas me faire beaucoup d’amis avec ce billet, si j’en crois l’enthousiasme ambiant autour du film que je m’apprête à aborder. Oyez oyez, cher amateurs de cinéma, j’ai un film à vous conter. Un film que j’aurais aimé admirer autant que celles et ceux qui l’avaient vu avant moi et m’avaient laissé entrevoir une œuvre qui les avait touchés en plein cœur. Le genre de film qui se trouve quelque peu délaissé par la critique mais que le public s’approprie (le taux de remplissage des quelques salles projetant le film en atteste). Un film sur la jeunesse, ô jeunesse qui fait s’enflammer le spectateur et fait fleurir les « Ce film, c’est moi, c’est comme si le réalisateur avait lu dans ma tête » et autres « Tu peux pas comprendre ! » à ceux qui leur répondent « Bof ». Le genre de film qui exacerbe l’identification qui peut s’en dégager.

Ce film c’est donc « Le monde de Charlie » - horrible titre français qui pourrait s’appliquer à tellement d’autres et perd la poésie et le mystère de l’original « The perks of being a wallflower » - première réalisation de Stephen Chbosky, qui porte là lui-même son roman à l’écran. Passez votre chemin si vous n’avez pas encore vu le film et comptez y jeter un œil. Peut-être même feriez-vous bien de passer votre chemin si « ce film, c’est vous », parce qu’il se peut que vous ayez envie de m’insulter à la lecture de ce billet, voire pire, de me lancer un cinglant, parlant, et définitif « Tu peux pas comprendre ». Mais je ne peux me taire, j’ai envie de dire ce que j’ai vu dans « Le monde de Charlie ».

Je tiens à préciser, avant que vous ne vous apprêtiez donc à me lancer « Tu peux pas comprendre », qu’à la base, je peux comprendre. Sur le papier, un personnage comme Charlie, je devrais le comprendre. Moi aussi j’ai été un ado dans les années 90, moi aussi j’aime la musique spleen, moi aussi  j’étais un grand timide et je n’osais pas dire à une fille qui me plaisait qu’elle me plaisait, moi aussi j’ai été le p’tit nouveau qui a du mal à se faire des amis. Si vous avez sûrement compris maintenant que « Le monde de Charlie » m’a amplement déçu, comprenez bien que cette déception tient dans la promesse, dans le potentiel, dans le fait qu’il y avait derrière ce film quelque chose qui aurait pu me toucher comme il a touché tant de monde.

Le cinéma m’a pourtant appris depuis longtemps qu’il faut plus qu’un personnage sensé me toucher sur le papier pour que tout coule de source. J’attendais un regard unique sur l’adolescence, j’attendais les rêves et les espoirs, j’attendais la joie et la tristesse, j’attendais de l’audace, du punch, j’attendais cette étincelle. Qui n’est pas venue. Qu’ai-je vu ? J’ai vu un film maladroit. C’est une chose la maladresse, elle peut même ne pas empêcher la grandeur.  C’est quoi, en somme, « Le monde de Charlie » ? Idéalement, ce serait l’histoire d’un ado qui commence le lycée, un petit timide intelligent qui trimballe suffisamment de casseroles personnelles pour avoir du mal à être à l’aise et s’intégrer, et trouve l’amitié auprès d’une bande de marginaux un peu plus âgés qui vont l’aider à s’assumer.

Pourquoi pas. C’est le film que j’attendais, j’étais prêt à me plonger dedans. Le problème c’est que je n’ai jamais pleinement réussi à me plonger dedans. Parce que je n’ai jamais vraiment cru aux personnages, parce que cinématographiquement, c’est un beau bordel. Chbosky est un écrivain, et cela se ressent à chaque minute qui passe dans le film. Certains auteurs ont su se glisser dans la peau de cinéaste sans difficulté, Chbosky a du mal à se dépêtrer des différences narratives entre un roman et un film. Malgré une nette tendance à laisser un morceau de musique et des images exprimer des sentiments, Chbosky surutilise la voix-off. Il Elle inonde le récit et raconte tout, même ce que l’on ne voit pas, même ce dont on pourrait se passer, comme s’il n’osait pas couper. Mais ce n’est pas de la voix-off dont je voulais particulièrement parler. Elle n’arrange certes rien à l’affaire, mais c’est presque un détail.

Je voulais parler de ces personnages auxquels je ne suis pas parvenu à m’attacher. Charlie, Patrick et Sam, deux garçons, une fille. Chbosky a du mal à définir ses personnages. Ce sont des jeunes intelligents et incompris, marginaux mais branchés. Ils ont un goût musical pointu, ils ont des critères qui ne vont pas dans la norme, ils aiment les Smiths et Nick Drake. Ok. Vous allez me traiter de pinailleur, mais c’est un détail qui compte, alors pourquoi diable, après les avoir définis comme des amateurs éclairés de musique, qui connaissent les groupes qui comptent et le disquaire branché, pourquoi diable les montrer entendant à la radio « Heroes » de David Bowie et les faire dire, l’air de débarquer de Mars : « Oh mon Dieu, mais c’est génial ! C’est qui ? C’est quoi ? ». Hein ? Quoi ? Pardon ? Non seulement ils ne connaissent pas une des plus célèbres chansons de Bowie, mais ils ne reconnaissent pas sa voix ? Donc ils ne connaissent pas Bowie, sauf peut-être de nom ? Ne me dites pas « Oh mais faut pas s’arrêter à ça ! », franchement, je suis obligé de tiquer là-dessus. C’est impossible. Le réalisateur n’a pas pu passer les 20 minutes précédentes à nous montrer à quel point les personnages étaient habités par la musique et connaissaient tout ce qu’il y avait d’important à connaître pour ensuite les faire passer pour trois neuneus découvrant l’existence de David Bowie.

Alors forcément, à partir de là, j’ai commencé à ne plus croire à ces personnages qui ne me semblaient plus faits de chair et d’os, mais les simples pantins d’un scénario bancal. Et ces personnages auxquels j’avais commencé à m’identifier, je m’en suis détourné. J’ai vu une foire au misérabilisme déguisée derrière un « coming of age movie », comme on dit à Hollywood. Tout cela n’a plus été à mes yeux qu’un drame de la bourgeoisie américaine, les adolescents dans leurs grandes maisons cossues auxquelles il arrivait tous les malheurs du monde. Le drame de Patrick ? Le garçon qu’il aime et avec qui il sort en cachette le méprise en public et se fait tabasser par son père lorsque celui-ci les surprend ensemble. Le drame de Sam ? Elle ne tombe jamais sur le bon garçon, et cela depuis toute petite puisque, comme elle le révèle au détour d’une conversation jusqu’ici gentillette à Charlie, elle s’est faite abusée à l’âge de 11 ans par le patron de son père. Mais Charlie la comprend, puisqu’il lui dit dans la foulée qu’il a vécu la même chose.

Ah bon ? Il a donc lui aussi été abusé sexuellement dans son enfance ? Ok, ça doit être ça les flash-backs incessants vers sa tante décédée, souvenirs qui l’obsèdent. Mais en fait, il ne s’en souvient réellement que plus tard, lorsque Sam lui caresse la cuisse, geste qui lui rappelle la tendresse trop prononcée de sa tante à son égard. Là c’est la révélation, mais comme Charlie avait glissé ce « J’ai vécu la même chose » 30 minutes plus tôt, on avait déjà compris. Mais Charlie lui n’avait pas compris, et part faire un séjour à l’hôpital. D’autant que, autre traumatisme, six mois avant qu’il ne rencontre Sam et Patrick, le meilleur ami de Charlie s’était suicidé (je sais ça fait beaucoup pour un jeune lycéen mais c’est comme ça).

Heureusement, le petit Charlie, ce freshman tout juste arrivé au lycée, trouvera un beau réconfort puisqu’il emballera tout de même deux seniors pendant sa première année de lycée. Aux États-Unis, le lycée c’est quatre ans, donc pour mieux comprendre ce qu’est un freshman et ce qu’est un senior il y a un écart de trois ans entre les nouveaux, comme Charlie, et les anciens qui ont la fac en ligne de mire, comme Patrick et Sam. Cela a fini de rendre les personnages moins crédibles à mes yeux, puisque le petit timide de 15 ans (équivalent d’un élève de 3ème chez nous) mal dans sa peau couche finalement avec deux terminales de 18 ans.

Alors oui, il y a quelques beaux éclats dans « Le monde de Charlie », il y a Ezra Miller, jeune acteur toujours fantastique qui campe Patrick, et globalement les acteurs relèvent le niveau. Mais ce qui s’annonçait comme un regard singulier sur l’adolescence s’est avéré à mes yeux comme une accumulation de clichés (j’ai précisé que Charlie s’entendait super bien avec son prof de lettre qui le comprenait si bien et l’encourageait à écrire et lui faisait lire ses bouquins préférés ?) souvent peu crédibles. Oui, il y a un peu de moi dans Charlie, sur le papier c’est évident. Mais cela en fait-il un film qui me touche ? Pas vraiment non. Alors ne me dites pas « Tu peux pas comprendre », parce que ça me fait sourire.

mercredi 16 janvier 2013

Mes films préférés de 2012 ? Les voici...


C’est le rituel immuable quand on écrit un blog à tendance cinéphilique. C’est le rituel immuable même sans blog, dès lors que l’on aime le cinéma. La liste de mes films préférés de l’année, je la dresse consciencieusement d’année en année depuis la seconde moitié des années 90. Hollywood s’y dispute avec le cinéma d’auteur, la France joue des coudes avec le Japon, le cinéma scandinave cherche sa place entre deux films sud-américains. Chaque année je suis un peu long à la détente, parce qu’avant de m’atteler à dresser ce fameux top de mes films préférés de l’année, j’aime justement à avoir vu en salles le maximum de films, j’attends d’avoir bien vu tous les films de décembre que je comptais voir. Cette année, c’est « Gangs of Wasseypur, 2ème partie » qui fut le dernier film de 2012 à passer sous mes yeux (et j’en reparle d’ailleurs bientôt…). Dès lors, j’ai pu enfin mettre de l’ordre dans les films qui m’ont le plus marqué ces douze derniers mois.

Distinguer mes films favoris n’est jamais bien difficile. Il y en a chaque année une quinzaine qui se détache sur la ribambelle que j’ai vue. Ne vous attendez pas à découvrir ici les films ayant reçu les meilleurs critiques de l’année, ceux ayant raflé chacun les plus grands prix des festivals importants, ou ceux ayant récoltés les Oscars de l’an passé ou de l’année à venir. Oh il y en a bien sûr. Mais ce top n’a pas pour vocation à crier à la face du monde (bon, d’accord, mon blog n’a peut-être pas tout à fait cette portée…) mon besoin d’être reconnu comme un cinéphile ayant les goûts qu’il faut. Les films qui suivent sont ceux qui m’ont le plus ému, le plus fait rire, le plus fait frissonner. Ce sont ceux qui ont le plus touché l’amoureux de cinéma que je suis. Elle est également très ponctuelle. Dans deux mois, même si l’ossature du top serait sensiblement la même, elle pourrait être différente. Mais il faut bien arrêter de tergiverser quelques instants pour coucher cette liste. Peut-être 2012 n’a-t-elle pas été une très grande année de cinéma. Peut-être pouvait-on attendre mieux de certains films qui ont déçu, peut-être n’y a-t-il pas eu LE grand film qui s’est imposé à moi en un claquement de doigts. Mais les films qui suivent, je ne suis pas près de les oublier.

1. Adieu Berthe, l’enterrement de mémé
Certaines années, il se trouve un film à propos duquel, à peine ai-je mis le pied hors de la salle à la fin du générique, je m’exclame d’un grand « Wouah ! C’est le film de l’année ! ». Le film de Bruno Podalydès n’est pas un de ces films. Pourtant le voici trônant au sommet de mes préférés de 2012. Peut-être est-ce cet humour doux et dingue. Peut-être est-ce cette mélancolie latente. Peut-être est-ce la magie d’un film alliant le rire et l’amertume à la perfection. Peut-être est-ce cette grand-mère  que l’on ne voit jamais mais qui habite le film. Peut-être est-ce Denis Podalydès plongeant dans les souvenirs de Berthe et s’embourbant dans les méandres de sa vie. L’alchimie qui me lie à « Adieu Berthe » est indéfinissable, finalement. Je l’ai vu, il m’a transporté, et il a choisi de ne pas me quitter. De rester et de grandir jusqu’à ce qu’une évidence s’impose des mois plus tard, alors que je commençais à dresser cette liste. Wouah. C’est mon film de l’année.

2. Guilty of romance
En 2011, j’ai vu un film de Sono Sion qui s’est avéré être l’une de mes expériences cinématographiques les plus pénibles de l’année, « Cold Fish ». Cette année, j’ai vécu l’inverse grâce au même cinéaste. Sono Sion m’a offert l’œuvre cinématographique la plus sensorielle de l’année, entre désir et frisson. Mais le japonais se paie également le luxe d’un film réfléchi qui nous pousse à ne pas nous reposer sur nos acquis de spectateur. C’est un voyage poétique, philosophique, violent, sensuel (pour ne pas dire sexuel), qui a su bouleverser mes sens. J’en suis sorti abasourdi, exténué, provoqué. A fleur de peau.

3. Skyfall
Ma seule certitude une fois que j’ai défini quels films feraient partie de ce top, ce fut celui qui en occuperait la première place. Longtemps les autres se sont baladés d’une place à l’autre, et c’est à la dernière seconde que la nouvelle aventure de James Bond s’est hissé dans le Top 3. Si l’on m’avait dit il y a un an que 007 se retrouverait dans mon Top 10, je ne l’aurais probablement pas cru. Pourtant c’est un fait, Skyfall fut un moment de cinéma grisant de bout en bout, une maestria visuelle autant qu’un grand film de réalisateur qui a enthousiasmé au plus haut point l’amateur d’aventures que je suis. Mais ce n’est pas tout. On a beaucoup reproché au film de Sam Mendes son machisme, trait de caractère inhérent au personnage et à sa ribambelle de films. Mais c’était passer à côté du cœur de ce qui se dégage du film, en plus du film hollywoodien excitant qu’il est : une métaphore sur l’anachronisme du cinéma, un regard posé sur un dinosaure d’un autre âge qui évolue à une époque qui n’est peut-être plus la sienne. Un héros qui navigue dans un cinéma peut-être devenu trop jeune pour lui, dans lequel il n’aurait plus tout à fait sa place. Et Mendes se plait à tordre le cou à  la métaphore en signant le film hollywoodien le plus abouti de l’année.

4. La Taupe
Des espions britanniques collent au train du plus célèbre d’entre eux. A mille lieues de 007, « La Taupe » est venu me souffler à l’entame de 2012. Réunissant la crème du cinéma britannique actuel, le suédois Tomas Alfredson a retroussé ses manches pour adapter John Le Carré. Je me souviens du jour où je l’ai vu. J’étais avec quatre amis dont trois se sont endormis pendant le film. Ça c’est ce qu’ils m’ont dit en sortant, car j’étais bien trop absorbé par la mécanique du film pour me rendre compte que je n’étais pas seul dans la salle. Certains ont pu lui reprocher d’être froid, il se dégage pourtant de La Taupe des émotions d’une belle subtilité, cachées au milieu de ces faux-semblants tissant la toile d’un film qui s’offre un cadre d’apparence suranné pour mieux parler de notre époque. Une orfèvrerie cinématographique.

5. Les enfants loups, Ame & Yuki
Cette année, le cinéma d’animation américain s’est avéré trop souvent décevant, trop simple, trop enfantin. Mais au coeur de l’été, une bourrasque nous est venue du Japon. Si le public français a appris à connaître et admirer le nom d’Hayao Miyazaki, il va désormais falloir qu’il apprenne celui de Mamoru Hosoda. Le réalisateur du déjà splendide « La traversée du temps » a su trouver les mots et les images pour exprimer cette voix qui parle à la fois à l’enfant qui est en nous et à l’adulte. Hosoda sème de la fantaisie pour disserter sur notre société, il s’appuie sur le fantastique pour poser un regard juste sur les êtres, il allie le rire, l’aventure, l’émotion pour confectionner un film majestueux. Si les grands films sont ceux que l’on a du mal à quitter, alors « Les enfants loups » est un très grand film, car il ne nous quitte jamais vraiment.

6. The Descendants
J’ai vu « The Descendants » en décembre 2011. J’en suis sorti en me disant « Voilà, j’ai déjà vu un des grands films de 2012 », et me voici, plus d’un an plus tard, à lui accorder une place de choix parmi mes favoris de l’année. De film en film, Alexander Payne dessine un portrait en creux de l’Amérique, une Amérique qui n’est ni triomphante, ni admirable, ni sûre d’elle. « The Descendants », c’est une Amérique en proie au doute et au chagrin, une Amérique qui amuse parce qu’elle est paumée, qui attendrit parce qu’elle se cherche. L’Amérique vue par Payne n’est jamais glorieuse, mais elle est humaine, et c’est cette humanité qui fait de ce film un des films forts de 2012.

7. Camille redouble
« Camille redouble » me hante depuis que jel’ai vu. Un autre jour, il se serait sûrement trouvé plus près au classement de son cousin « Adieu Berthe ». Le film de Noémie Lvovsky partage avec celui de Podalydès, outre une bonne partie du casting, cette douce étincelle mâtinée à la fois d’humour, de tendresse et de  poésie. Lvovsky nous propose un voyage vers le rêve et la fantaisie, mais un voyage qui n’oublierait pas de rester ancré dans le réel. Ces occasions manquées, ces désirs évanouis, ces rêves que l’on a oubliés et que l’on voudrait retrouver. Camille redouble en dit autant sur la jeunesse que sur l’âge adulte, elle navigue dans les eaux troubles du passé et du présent, du rêve et de la réalité. C’est un voyage cinématographique d’une infinie douceur.

8. Chronicle
Le cinéma américain ne manque pas de films de super-héros. Chaque année, Hollywood nous en abreuve, et je m’y rends le plus souvent avec plaisir. J’aime le genre, mais si Avengers et Dark Knight Rises ont attiré la couverture médiatique à eux, le film de super-héros qui m’a leplus impressionné est sorti de nulle part. Un premier film fauché en caméra subjective qui suit trois lycéens se découvrant des super pouvoirs. Je parlais de cinéma sensoriel pour définir « Guilty of romance », et contre toute attente, s’il est un autre film sensoriel dans ce top, c’est celui-là. Son jeune réalisateur Josh Trank bouscule et nous plonge au cœur du récit comme jamais dans le genre. Il renouvelle notre façon d’aborder le mythe du super-héros, se jouant au passage du teen-movie, et nous bombarde de sensations incroyables. Je ne me suis jamais senti plus super-héros qu’en regardant Chronicle.

9. I wish
En général, chaque année, j’ai au moins un film coréen dans mes préférés de l’année. Cette année fait exception, puisqu’aucun n’y figure. En revanche, trois films japonais s’y étalent. Et après « Guilty of Romance » et « Les enfants loups », c’est le récent opus de Kore-eda Hirokazu qui a su me parler. Comme le film d’animation d’Hosoda, c’est d’ailleurs un grand film sur la famille et sur l’enfance. Deux frères, chacun vivant avec l’un de leur parent dans une ville différente, et chacun tentant de renouer les liens familiaux. Des enfants forcés par les évènements de jouer à être des adultes, ce n’est pas une première pour le cinéaste japonais, et il fait preuve ici d’une grande finesse pour nous embarquer dans l’aventure de ces deux frères tiraillés entre l’insouciance de leur âge et les circonstances qui grignotent leur innocence.

10. 21 Jump Street
Je regrette de ne pas voir plus de comédie dans les films favoris des uns et des autres. Moi-même je laisse une grande place au sérieux, à la mélancolie, à la gravité, mais lorsqu’une comédie m’offre un spectacle ébouriffant d’humour pendant 90 minutes, je ne peux m’empêcher de le saluer comme un film majeur de l’année écoulée. Pour tout dire je n’attendais pas grand-chose de « 21 Jump Street ». Je n’étais pas particulièrement fan de la série, et voir Channing Tatum en haut de l’affiche avait plutôt tendance à me rendre méfiant. Comme quoi, il ne faut pas toujours se fier à son instinct. Je n'ai rien vu qui arrive à la cheville de Jump Street en terme de comédie pure en 2012. Du rire ravageur, malin, surprenant, qui a fait son œuvre sans pause et m’a laissé dans un état de bonheur sans équivalent. Voici l’exemple parfait d’un cinéma qui se fait jubilation de chaque instant. La comédie, ça a vraiment du bon.

Je m’arrête à 10 parce que je m’étais promis de faire un Top 10. Mais parce qu’il y a encore quelques jours, d’autres films étaient censés figurer dans ce top, et les aléas ponctuels des goûts ont fait qu’ils en sont sortis, alors qu’ils pourraient très bien s’y trouver si je repensais à ce top dans deux semaines, je ne peux m’empêcher de citer quelques films qui ont donc bien failli avoir droit à leur paragraphe dans ce billet : « Oslo 31 août », « The We and the I », « Take Shelter » et « Sugar Man ». Eux aussi font partie de mes films préférés de 2012, autant que ceux déjà cités.
over-blog.com