lundi 30 avril 2012

Les Muppets sur grand écran ? Pas pour tout le monde…


Cela a commencé par une déception. L’annonce que non, finalement, le nouveau film des Muppets qui avait créé l’événement aux Etats-Unis (et un peu partout dans le monde) à l’automne dernier, orchestré par Jason Segel et Nicholas Stoller (son réalisateur de « Sans Sarah rien ne va »), ne sortirait pas en salles en France. Disney l’a un temps envisagé avant de préférer le servir directement en DVD en cette première semaine de mai. Pourquoi diable ont-ils choisi de priver la France de Kermit ? Ont-ils oublié qu’ici aussi, toute une génération de spectateurs a grandi avec Miss Piggy et sa bande de marionnettes ? Ont-ils cru que c’était trop américain ? Quoi qu’il leur soit passé par la tête, ils ont à l’évidence mal pensé, et j’ai râlé plus d’une fois ici ou là sur Internet pour pester contre ce destin de direct-to-dvd réservé aux Muppets.

Jusqu’à ce qu’une blogueuse réponde à l’une de mes jérémiades par un « Bah, t’es pas invité à la projo spéciale qui a lieu au Publicis la semaine prochaine ? ». Euuuuh… non. Et voici qu’en deux temps trois mouvements, mes fesses étaient posées au sixième rang de la grande salle du Publicis, assistant à un tirage au sort pour gagner des peluches Muppets et autres goodies. Si j’aurais aimé racketter les gamins repartis avec les peluches Fozzie ou Animal, je n’en ai finalement rien fait, jouant en fin de compte le mec civilisé. Après tout, c’était pour le film que nous étions tous là (mouais, mouais…), même s’il était projeté en version française à mon grand désarroi.

Une fois tous les goodies distribués, un court-métrage « Toy Story » fut projeté en préambule, dans son doublage québécois – mais aucun accent local en vue, seulement quelque vocabulaire faisant se soulever le sourcil gauche et une prononciation de Buzz ressemblant plus à Bozz. Ce dernier, prisonnier d’un soir dans un fast-food, participait à une réunion de jouets anonymes jetés à la poubelle, et confirmait une fois de plus que Pixar s’y connaît autant en court qu’en long-métrage.

Mais ce sont bien les Muppets qui étaient les stars de la soirée. Kermit et sa bande se voyaient appelés à la rescousse par un nouveau Muppet qui apprenait par hasard en visitant les vieux studios Muppets désaffectés qu’un magnat sans scrupule était sur le point de s’en emparer et de les raser… à moins que les Muppets puissent s’acquitter des 10 millions de dollars qui leur permettraient de récupérer leur ancienne propriété. Kermit part alors sur les routes pour réunir la bande et monter un spectacle servant à lever des fonds. Après des années sans voir les Muppets, je me demandais si les aventures des marionnettes les plus célèbres de la planète me parleraient encore. Je craignais encore plus que la VF me gâche un peu le plaisir, non pas pour les voix des Muppets, mais pour celles des « vrais » acteurs, Jason Segel, Amy Adams, Chris Cooper et quelques autres, et surtout pour les numéros musicaux. Les gens de Disney auront-ils traduit et doublé les chansons, comme ils le font pour leurs films d’animation ? Malheureusement oui.

Voir Jason Segel parler en VF, c’est déjà peu agréable, mais assister à un rap de Chris Cooper avec une voix française qui ne lui convient pas du tout, c’est encore pire. Et frustrant tellement même dans un mauvais doublage, la séquence est mémorable et hilarante. Mais mes critiques à l’encontre du film s’arrêtent là. Bien sûr, la naïveté souvent étalée par le scénario est franchement kitschouille, mais dans la mesure où « Les Muppets » est un film familial s’adressant notamment aux enfants, il est difficile de vraiment faire cette reproche… Car à côté de cela, le film déborde d’une énergie et d’un humour communicatifs, et parvient à retrouver ces autoréférences constantes qui pouvaient parsemer le show à sa grande époque, notamment à travers les « papys Muppets ». Sous leur impulsion et au-delà, le scénario s’amuse à lancer des clins d’œil au spectateur en commentant l’évolution du film. « Oh non, le film sera plus court que prévu si cela continue comme ça ! ». Quand les petits peuvent s’émerveiller du premier degré, un autre niveau de lecture s’offre ainsi aux cinéphiles pour s’amuser autrement, au même titre que le défilé de stars le temps d’une micro scène souvent, de Mickey Rooney à Neil Patrick Harris en passant par Whoopi Goldberg, Alan Arkin, Emily Blunt ou Jack Black – qui a droit lui à un rôle plus costaud bien que non crédité au générique.

L’aventure du nouveau film des Muppets a donc commencé par une déception en France. Et cela sera ainsi pour tous ceux qui espéraient le voir sur grand écran. Au moins ceux qui le découvriront en DVD pourront découvrir directement le rap de Chris Cooper en VO !

jeudi 26 avril 2012

Le cinéma d'horreur pakistanais, vous connaissez ?


Il est des lieux que le cerveau a du mal à associer avec certaines notions. Comme… la chaleur en Antarctique, ou la joie de vivre en Corée du Nord. On ne peut pas dire que ce soit des rapprochements qui se font automatiquement, et même s’il est facilement possible de les accoler, ça n’en fait pas forcément des vérités. Au cinéma aussi il y a des rapprochements qui ne sont pas évidents sur le papier, mais qui eux pour le coup deviennent des réalités indiscutables une fois qu’ils sont à l’écran, aussi farfelus soient-ils.

Mais qu’est-ce qu’il raconte celui-là ?! Ne mentez pas, j’en ai clairement entendu un marmonner cela devant son ordinateur. Ces jours-ci, le Forum des Images programme un cycle de films sur la forêt, et au sein de ce cycle les équipes du Forum se sont associés à 1kult pour mettre au point une semaine spéciale sur les films qui font peur prenant pour cadre la forêt. Un beau programme quand on sait que les bois sont un cadre qui sied particulièrement à l’horreur, et cela se retrouve dans les films programmés dans le cadre de cette semaine, allant de Mario Bava au Projet Blair Witch en passant par Evil Dead. Le Forum des Images accueillant tous les ans L’Étrange Festival, il est facile d’miaginer qu’une ou deux curiosités bien sympas puissent se cacher dans la programmation.

That’s a bingo, selon les mots de Hans Landa. Car en ouverture de la semaine forêt flippante (terme pas le moins du monde officiel, mais tellement adéquat), on ne nous proposait rien moins qu’un film gore pakistanais, Hell’s Ground, ou en VO Zibahkhana (ça claque hein ?). Non non, vous avez bien lu, un film gore pakistanais. Pour ceux qui préfèrent une dénomination plus scientifique, disons que c’est un mix entre le slasher et le film de zombies. Tout droit venu du Pakistan, donc. Je ne sais pas quel est le degré de votre curiosité au cinéma, mais chez moi il est plus aiguisé que les talons de Paris Hilton, alors quand je lis dans le programme du Forum des Images : « Le premier film gore Pakistanais », un inédit datant de 2008, mes antennes cinéphiles se dressent et mes jambes me mettent rapidement dans la direction des festivités.

Direction donc le Forum des Images, où les cinéphiles amateurs d’étrange s’étaient réunis en nombre, des têtes régulièrement croisées à la Cinémathèque, au Forum bien sûr, mais aussi à Panic Cinéma !, comme ce Phil Siné qui comme moi n’aurait raté Hell’s Ground, slasher zombie pakistanais, pour rien au monde. La bonne idée de la programmation, c’est de ne pas s’être contenté de cette folie asiatique, et d’y avoir adjoint en préambule deux courts-métrages indéniablement jouissifs. Le premier, canadien, « The legend of Beaver Dam », montre de jeunes scouts se faire attaquer par un dégénéré psychopathe lors d’une nuit autour d’un feu de camp en forêt. Le second, apparemment portugais, et magnifiquement titré « Banana Motherfucker », relate une attaque de bananes tueuses dans la jungle sud-américaine où s’aventure une équipe de tournage. Ces deux courts délicieux furent une mise en bouche joyeuse à la star de la soirée, Hell’s Ground.

En nous présentant le film, Guillaume Perrin d’1kult nous a dit une chose avec laquelle je ne suis pas le moins du monde d’accord : que Zibah Khana n’était pas un nanar, qu’il n’y avait pas une once de cynisme, que c’était premier degré et qu’il fallait en profiter et ne pas hésiter à se marrer. Si j’ai été tout à fait d’accord pour en profiter et rire un bon coup, je me pose en porte-à-faux pour ériger le film en monument du nanar qu’il est. De deux choses l’une, soit le film est effectivement sincère de la première à la dernière image, sans cynisme aucun, et alors c’est un nanar pur et dur, soit le réalisateur pakistanais manie avec dextérité le second degré et nous a concocté une parodie assumée souvent réjouissante. Peut-être y a-t-il un peu des deux à la fois, mais une chose est sûre, la gaudriole était de mise devant Hell’s ground, ou la virée de deux filles et trois garçons de la jeunesse d’Islamabad qui filent en douce à un concert de rock, et pour cela empruntent une petite route campagnarde maudite où les disparitions sont légions.

Là où le film fait fort, c’est qu’il se permet de jouer sur deux tableaux de l’horreur, le slasher, avec ce tueur sanguinaire sur lequel vont tomber les jeunes et qui va rivaliser de folie pour tenter de la massacrer, et le film de zombie, donc une incursion plus politique/écolo dans le récit (la condition des zombies n’est-elle pas la faute d’hommes et de femmes de pouvoir qui n’ont pas fait ce qu’il fallait ?). Car dans cette même région où sévit le tueur, une rivière polluée contamine les habitants et les transforme en zombies. Et bien sûr, nos pauvres amis de la ville vont tomber sur eux aussi.

Maintenant attention, si vous êtes des puristes du film d’horreur sérieux et flippant, si vous n’êtes pas adeptes de la curiosité et du ridicule pas forcément volontaire, passez votre chemin. Car Hell’s Ground fait bien plus rire que flipper. Il faut voir le mec choisir de descendre voir tout seul ce qui a mordu son pote qui a la jambe bien amoché. Il faut voir les filles trouver normal que leur ami qui s’est fait mordre la jambe ait le teint blafard, les cernes noires, et bave et crache un liquide vert fort peu orthodoxe. Il faut voir celui qui se fait plus de souci pour l’état du van que pour leurs vies après qu’ils ont croisé un groupe de zombies dégueulasses cherchant à les attaquer. Et il faut tout simplement voir le tueur à la burqa que sa mère considère comme une fille, et appelle comme telle.

En moins d’1h20, le spectacle de ce film rare est vite terminé. Je ne sais pas quand il me sera donné une autre occasion de voir un film gore Pakistanais, mais je suis déjà bien content d’en avoir vu un. Un feu de camp entre scouts, des bananes tueuses, des zombies pakistanais... Il y a des soirées comme ça…

jeudi 19 avril 2012

Le Festival de Cannes a annoncé son programme...

… et comme tous les ans, je l’ai guetté avec curiosité, même si je ne vais toujours pas sur la Croisette (un jour… c’est ce qu’on dit non ?). Comme tous les ans j’attendais que certains noms et titres tombent, en vain. Comme tous les ans certaines évidences et habitudes ont pointé le bout de leur nez. Comme tous les ans, des incongruités et surprises ont heureusement réussi à se faufiler au milieu des films dont la présence était tellement attendue que l’annonce de leur titre n’a pas fourni la même excitation que d’autres alors qu’ils le méritaient tout autant. C’est cela, l’annonce de la sélection du Festival de Cannes.

J’ai espéré à peine secrètement que les noms de Terrence Malick, Wong Kar Wai, Paul Thomas Anderson ou Park Chan Wook soient prononcés, et ils ne l’ont pas été. Et si l’on pourrait craindre qu’un Festival de Cannes où ces noms ne figureront pas au profit de ceux de Zac Efron, Robert Pattinson et Kristen Stewart soient un mauvais cru, en y regardant de près il se pourrait bien que non, malgré tout.

Bien sûr à Cannes, tous les ans, on aimerait que ce ne soient pas forcément toujours les mêmes noms qui reviennent. Michael Haneke, Abbas Kiarostami, Ulrich Seidl, Walter Salles, Carlos Reygadas, Ken Loach, David Cronenberg, Jacques Audiard ? Bien sûr ça ne sent pas la grande originalité. Et même quand un nom n’évoque rien, comme celui de Sergei Loznitsa, en se penchant dessus on reconnaît celui du réalisateur de My Joy, venu représenter l’Ukraine dans cette même compétition il y a deux ans. Mais c’est cela Cannes, un formidable vivier de cinéastes aguerris à la course à la récompense cinématographique suprême, un vivier qui côtoie d’autres réalisateurs découvrant les enjeux de la quête de la Palme pour la première fois.

Et cette année, c’est du côté des anglo-saxons qu’il faut chercher les petits nouveaux. Lee Daniels, révélé par le médiocre Precious il y a trois ans, présente « Paperboy ». Les australiens Andrew Dominik (L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford) et John Hillcoat (The Proposition, La route) s’intéressent tous deux aux criminels avec respectivement « Killing them softly » et « Lawless ». Wes Anderson, qui ne se contentera pas d’ouvrir le festival avec « Moonrise Kingdom ». Et Jeff Nichols, vainqueur l’an passé de La Semaine de la Critique, promu en compétition pour « Mud » avec Matthew McConaughey et le génial gamin de Tree of Life. J’aurais aimé que Cannes aille chercher d’autres coréens que les sempiternels (et non moins passionnants) Hong Sang-Soo et Im Sang-Soo (ils ne sont pas frangins, Sang Soo c’est leur prénom), oui. Mais deux coréens en compétition, je ne cracherai pas non plus dessus.

Que retenir d’autre de cette compétition ? Assurément les retours en force de Leos Carax, Matteo Garrone et Thomas Vinterberg. Du côté des étonnements, qu’aucune femme cinéaste ne soit en compétition cette année, ni par ailleurs aucun premier film. Hors compétition, l’extase hollywoodienne n’est pas de mise lorsque l’on constate que c’est Madagascar 3 qui a été choisi… heureusement qu’un Takashi Miike sera là en séance de minuit, une comédie musicale qui plus est (« Ai to makoto ») !

Chez la petite sœur de la compétition reine, Un Certain Regard, le fils de Cronenberg, prénom Brandon, présentera son premier long-métrage (« Antiviral ») face à des pointures comme Lou Ye (« Mystery »), Pablo Trapero (« Elefante blanco »), Koji Wakamatsu (« 11.25 The Day he chose his own fate ») ou Xavier Dolan, qui avec son très attendu « Laurence Anyways » n’a pas vu les portes de la compétition s’ouvrir à lui, deux ans après son magnifique Les amours imaginaires déjà présenté à Un Certain Regard.

Claude Miller, décédé il y a quelques jours, aura l’honneur postum de clore le festival avec son dernier film, « Thérèse D. ». Un chant du cygne qui je l’espère fermera un grand festival. Car même si je ne vais pas à Cannes, je le vis et le guette comme si j’y étais. D’autant que les films d’Un Certain Regard et des sections parallèles passeront à Paris dès que la manifestation aura baissé le rideau sur la Croisette. Alors forcément, maintenant, j’attends avec impatience la sélection de la Semaine de la Critique et de la Quinzaine des Réalisateurs…

mercredi 18 avril 2012

Le cinéma allemand n'a pas la cote

Si Intouchables est le plus grand succès de l’année au box-office allemand, toutes nationalités confondues, avec plus de 7 millions de spectateurs, le cinéma allemand ne bénéficie pour autant pas de la même cote d’amour de ce côté-ci du Rhin. Goodbye Lenin ! et La vie des autres avaient bien en leur temps fait se bousculer les spectateurs français, mais ceux-ci se font moins ardents pour le cinéma germanique ces temps-ci. C’est du moins le raccourci que je pourrais faire d’un épisode que je viens de vivre dans une salle de cinéma.

Quand je me demandais il y a quelques temps si certains spectateurs choisissaient au hasard les films qu’ils allaient voir en salles, j’en ai eu ce week-end une preuve manifeste. Quelques jours plus tôt, j’avais dressé la liste des films à l’affiche qui me faisaient envie, et lorsque j’en ai compté 22, j’ai failli tourner de l’œil devant la tâche titanesque qui s’offrait à moi. Vingt-deux ! Après en avoir rapidement rayé un, le fou, fascinant et décontenançant Bellflower, en allant le voir au St-Lazare Pasquier dans une morne salle de cinq spectateurs (dont une nana décrochant son téléphone pour répondre à un appel juste au moment où le film commençait, tout ce que j’aime…), j’ai attaqué tôt le samedi ma course aux films.

J’ai jeté mon dévolu sur le discrètement sorti Pour lui, un film allemand ayant partagé le Prix Un Certain Regard à Cannes l’année dernière avec Arirang de Kim Ki-Duk (quand sortira-t-il celui-ci ?!) et contant la vie d’une famille moyenne apprenant que l’un d’entre eux, le père, est atteint d’une tumeur au cerveau qui ne lui laisse que quelques mois à vivre. Pour des raisons logistiques quant à mon enchaînement de films, c’est aux Cinq Caumartin, près de la Gare Saint-Lazare encore, que je suis allé voir le film, un petit cinéma agréable où je me souviens avoir découvert A propos d’Elly d’Asghar Farhadi. Si j’ai écrit plus haut que le cinéma allemand manque de popularité auprès du public français ces temps-ci, ce n’est pas parce que nous étions peu nombreux à cette séance de 11h du matin. Quoi que nous n’étions effectivement pas nombreux. S’il y avait bien quelques spectateurs à s’être levés tôt en ce samedi matin, ils semblaient surtout se diriger vers Les Adieux à la Reine de Benoît Jacquot.

Non, ma phrase concernant la popularité du cinéma allemand en France tient à une remarque faite dans la salle par un des trois spectateurs partageant la salle avec moi devant Pour lui (vous voyez qu’on n’était tout de même pas bien nombreux…). Certes j’avais déjà eu droit à une drôle de remarque de la caissière, qui alors que je demandais ma place pour Pour lui à la séance de 11h50 me la donna en me précisant « Mais, vous êtes en avance ». Ah bon ? Bah, ce n’était pas gênant après tout puisqu’il s’agissait de la première séance de la journée et que je pouvais tout de même entrer en salle directement. Je regardai malgré tout l’heure en quittant la caisse… 11h47. 11h47 pour 11h50, c’est arriver en avance ? Cela explique peut-être beaucoup de choses sur le problème des séances mal espacées à propos desquelles je m’énervais l’autre jour, non ?

Quoi qu’il en soit donc, je me trouvais dans cette petite salle 5. Un chiffre qui résume le nombre de rangées de fauteuils contenues dans la salle, cinq. Les trois autres spectateurs m’ont rejoint au tout début des publicités… et parmi eux, deux, donc, ont semblé entré là par hasard, un homme et une femme qui semblaient être des amis se retrouvant. Après les salutations d’usage « Alors comment ça va toi ? », elle lâcha une question à son camarade : « Bon alors c’est quoi le film qu’on va voir ? ». Je n’entendis pas la réponse, mais aurais pourtant bien voulu, car après avoir entendu la remarque suivante, j’aurais aimé savoir si l’homme savait lui exactement dans quel film il s’embarquait.

La remarque en question intervint après la diffusion à l’écran de la bande-annonce du film L’amour et rien d’autre : « Pfff, un film allemand ! Ca me viendrait pas à l’idée d’aller voir un film allemand moi ». Okayyyyyyy… je dois bien avouer que là, un drôle de sourire s’est dessiné sur mon visage. Son ami n’ayant pas réagi à la remarque, soit lui-même ne savait pas vraiment ce qu’était Pour lui, le film qu’ils étaient venus voir comme moi en ce samedi matin, soit il n’osait pas annoncer à celle qui venait de proférer cette sentence la nationalité du film qui nous intéressait précisément en ce jour.

J’aurais voulu voir sa tête lorsque Pour lui a commencé. J’ai eu le son de sa réaction, mais pas l’image, dommage. Lorsque le générique d’ouverture a affiché des mots et noms allemands, j’ai entendu un premier « Euuuuuuh » dans mon dos. Puis les personnages ont commencé à parler, et là, ce sont les pouffements de rire qui ont éclos : « Pfffpfffpffff !! C’est allemand ? C’est un film allemand ?? Pffff pffff… naaaaan ! ». Là, je dois avouer que j’ai eu peur. Allait-elle être une de ces spectatrices (ou spectateurs) qui pourrissent un film en manifestant à destination de tous leur mécontentement ? Les goujats de cette sorte, ça existe… mais la chance était avec moi, et malgré sa désaffection annoncée pour le cinéma allemand cette spectatrice à l’évidence très ouverte d’esprit (haha) a su contenir son aversion, et malgré un ou deux bavardages discrets, a su faire profil bas malgré la déception. Il faut dire que devant un film aussi abrupt, dur, fort et émouvant que Pour lui, difficile de faire un numéro.

En revanche, la spectatrice du Saint-Lazare Pasquier qui a éhontément décroché son téléphone alors que le film commençait pour dire « C’est urgent là ? Je peux pas te rappeler dans deux heures, je suis au cinéma là ? »… celle-là… Qui a dit que les multiplexes avaient l’apanage des spectateurs irrespectueux ?

jeudi 12 avril 2012

Perfect Sense, un casque sur les oreilles pour mater Eva Green ?

A chaque retour de vacances, c’est la même rengaine qui revient. « Mais comment vais-je faire pour rattraper tous ces films à l’affiche qui me font envie ? ». Entre ceux que je n’avais pas eu le temps de voir avant de partir, ceux sortis en mon absence, et ceux qui débarquent deux jours après mon retour, je me retrouve vite avec une douzaine de films sur mes tablettes, et un temps imparti trop court pour être sûr d’arriver à tous les attraper avant qu’ils ne disparaissent des salles. Si en plus la frénésie des sorties hebdomadaires se fait sentir (plus de quinze nouveaux films par semaine parfois…), ça devient vite Mission Impossible, mais ni Jim Phelps ni Ethan Hunt ne sont là pour m’épauler dans cette aventure.

C’est donc en faisant de savants calculs et des prédictions tout à fait aléatoires que j’ai établi une liste de priorités, en haut de laquelle s’est vite trouvé Perfect Sense, pour la simple et bonne raison que toutes les salles le programmant lors de sa seconde semaine d’exploitation annonçaient qu’elles ne le joueraient plus le mercredi suivant (tout de suite, ça pose la priorité…). C’était donc maintenant ou jamais (il s’avérera pourtant plus tard que l’UGC Orient Express a récupéré une copie du film pour maintenir l’exploitation du long-métrage en vie quelques jours de plus sur Paris). Si Perfect Sense faisait partie des films que je ne voulais pas rater, c’est parce que j’avais vu il y a quelques années un précédent film du réalisateur David MacKenzie intitulé My name is Hallam Foe (qui avait fini 11ème dans mon Top 20 des Meilleurs films de l’année 2008), et que j’avais bon espoir que ce nouveau long-métrage puisse être aussi fascinant, mélancolique et sensuel que son grand frère.

Imaginez plutôt. Un beau jour, l’humanité voit s’abattre sur elle un drôle de mal qui fait perdre le sens de l’odorat à toute la population, sans que les scientifiques parviennent à expliquer ni prévenir le phénomène. L’inquiétude se fait plus urgente encore lorsque quelques semaines plus tard, c’est le goût qui disparaît. Et si c’étaient tous ses sens que l’être humain se voyait condamné à perdre ? Cette catastrophe globale est vécue depuis Glasgow, à travers les yeux d’un cuistot et d’une épidémiologiste qui se consolent dans les bras l’un de l’autre et tombent amoureux.

Le mystère est là, l’amertume évidente avec cette ambiance apocalyptique, et la sensualité est omniprésente dans ce jeu de séduction puis cet amour consommé par les personnages incarnés par Ewan McGregor et Eva Green. Pouvait-on rêver couple plus sensuel ? La beauté de la comédienne française est si troublante qu’elle provoquait une déconcentration régulière tout au long du film. Pourtant j’avais déjà largement de quoi me déconcentrer dans la salle, avec un couple de spectateur des plus atypiques juste devant moi. Lui avait enfilé un casque rappelant ceux des chantiers pour couvrir le bruit après avoir forcé sa compagne à s’asseoir près de l’écran, au 6ème rang, malgré les protestations de celle qui aurait à l’évidence préférer se placer quelques rangs plus haut.

Alors que la salle s’éteignit et que le film commença, lui se leva brusquement, marmonnant quelque chose dans sa barbe, faisant signe à sa compagne de le suivre, et allant se carrer les fesses un rang plus près encore. Trouvait-il qu’ils étaient assis trop loin ? Était-il déranger par le couple assis sur le même rang qu’eux et dont la femme n’avait pas encore fini de jouer avec son smart phone ? Sa compagne le laissa en tout cas s’avancer seul, refusant de le suivre encore plus près de l’écran, à la grande surprise du casqué qui ne comprenait pas pourquoi. Elle le rejoignit tout de même, une quarantaine de minutes plus tard… Mais lui, contre toute attente, à vingt minutes de la fin du film, se leva et se dirigea vers la sortie… il partit en laissant sa compagne derrière lui, elle qui resta jusqu’au bout. Il fallait le voir, presque rampant au pied de l’écran pour ne pas gêner les autres spectateurs alors qu’il aurait fait une tête de plus en marchant sur des échasses qu’il n’aurait nullement masqué l’écran. Un petit excès de prévention qui en dit long sur le spectateur qu’il est (un bon, laissez-moi vous le dire ! et amusant de surcroit).

Fin de l’aparté spectateurs. Où en étais-je moi ? Le trouble causé par la sensualité d’Eva Green, à l’image du trouble causé par tout un pan du film, une atmosphère mélancolique qui envoûte. Après avoir vu la scène d’introduction, planante, éthérée, magnifique, j’ai pensé que MacKenzie avait soit déjà gagné ma foi dans le film, soit qu’il avait mis la barre d’entrée de jeu tellement haut qu’il se tirait peut-être une balle dans le pied sans le savoir. Mon impression générale a fait s’entremêler les deux options. Le bancal n’a pas éclipsé la fascination, ou l’inverse. Le film souffre d’un déséquilibre dans l’intention du réalisateur, entre la recherche d’un style proche de la vérité quasi documentaire, et une narration plus classique. D’un côté ces images à l’arraché d’un monde plongeant dans le chaos, la voix-off envoûtante d’Eva Green, la musique délicate et électrisante. De l’autre, une rencontre amoureuse, une passion naissante sur fond de dérive globale. Perfect Sense ne parvient pas suffisamment à faire coexister les deux styles en symbiose, et opère donc régulièrement des cassures narratives maladroites. Peut-être est-ce simplement que le réalisateur aurait dû avoir le courage de couper plus au montage, de resserrer la perte des sens et cette inéluctabilité qui plane sur l’humanité, et sur le couple McGregor / Green en particulier.

Il y avait bien matière à nouer un drame amer, beau, déchirant dans ce Perfect Sense, et les regrets sont là… pourtant certaines images, et cette musique, et ces corps amoureux d’Ewan McGregor et Eva Green seront difficiles à oublier. L’impression n’est pas aussi forte qu’à la sortie de My name is Hallam Foe, mais la patte du réalisateur est palpable, entre mystère, mélancolie et sensualité. Et en parlant de mystère, qui diable avait reconnu la danoise Connie Nielsen dans le rôle de la sœur d’Eva Green ? L’actrice de Rushmore, Mission to Mars et Demonlover y est méconnaissable… (seul son nom au générique de fin m’a fait prendre conscience de sa présence !)

mardi 10 avril 2012

Avis aux exploitants de salles : espacez les séances !

Si la qualité seule du film faisait tout le plaisir de l’expérience cinématographique, je me contenterais souvent de rester chez moi pour voir les longs-métrages en DVD. Mais ce n’est pas aussi simple que cela, pas pour moi ni pour bon nombre d’autres spectateurs assidus j’en suis sûr. Au cinéma, chaque détail compte pour que le plaisir soit entier.

Dans un monde parfait, les projections se dérouleraient sans perturbation aucune. Le son ne cracherait pas, le voisin de derrière ne donnerait pas de coups de pieds dans le fauteuil, tout le monde éteindrait son portable et rien ne viendrait gâcher le film. Souvent les spectateurs sont coupables des gênes éprouvées… allez, disons-le, la plupart du temps. L’enfer c’est les autres disait l’autre, ajoutons « même au cinéma ». Surtout au cinéma ?

Je passe suffisamment de temps sur ce blog à raconter tout ce qui me gâche les projections auxquelles j’assiste pour que l’on puisse croire que je préfèrerais rester chez moi voir les films seuls, mais ce n’est pas le cas. J’aime la salle, j’aime la communion entre spectateurs, même s’ils ne sont pas tous toujours irréprochables. D’autant qu’ils ne sont donc pas les seuls coupables de ce qui ne tourne pas rond dans les salles de cinéma. Les responsables de celles-ci auraient parfois eux aussi leur mea culpa à faire.

L’un des exemples les plus concrets qui soit dans ce que gèrent (trop souvent) mal les cinémas, c’est l’arrangement des horaires des séances. Cela fait des années que cela dure et j’ai il y a quelques semaines vécu cela une fois de trop, une fois qui me pousse aujourd’hui à écrire ma lassitude sur la question. L’objet concret de mon courroux ? Le manque d’espacement entre les séances. Certaines salles veulent caser le maximum de projections possibles dans une journée, et pour ce faire rapprochent le plus possibles les séances, ne laissant souvent que deux ou trois minutes entre le moment où un film se termine et celui où la séance suivante commence. Fin du film à 13h57, séance suivante à 14h ! Lorsque le cinéma est peu fréquenté et la salle petite, cela peut s’avérer moins gênant. A peine.

Car le temps que le public quitte la salle et que les portes s’ouvrent pour la fameuse séance suivante, à peine les spectateurs pénètrent-ils dans la salle que celle-ci s’assombrit et les bandes-annonces apparaissent à l’écran. On se marche à moitié dessus  entre spectateurs tâtonnant, on rate les précieuses bandes-annonces, et finalement avant même d’avoir eu le temps de dire « Ouf », le film commence. Allez allez, on se dépêche, on sert au maximum pour caler une séance de plus, le 7ème Art est fourni à la chaîne !

Comment cela, les spectateurs aiment avoir le temps de choisir leur place dans la salle sans être bousculés par 300 autres personnes qui entrent en même temps ? Comment cela, les spectateurs aiment regarder les bandes-annonces et non pas entrer alors qu’elles se déroulent (dans certains cas, les salles gagnent même du temps en ne projetant pas de bandes-annonces…) ? Comment cela, les spectateurs veulent rester assis jusqu’à la fin du générique final et prendre leur temps pour quitter le film, se relever, se rhabiller et retrouver le monde extérieur ? Mais ils croient quoi les spectateurs, que le cinéma est un art qui se savoure comme l’on reste plongé devant un tableau ou que l’on laisse un livre s’infiltrer en nous ??

Bah… oui. Oui, mesdames et messieurs les exploitants. Aussi étrange que cela puisse paraître à certains d’entre vous (je ne vous mets pas tous dans le même sac), les spectateurs aiment à profiter de leurs expériences cinéphiles. J’ai employé le terme « savourer » un peu plus haut, et si nous aimerions toujours être accueillis de façon gastronomique, trop souvent vous nous réservez plutôt l’accueil d’un fast-food.

Lorsque je me déplace dans un cinéma et que celui-ci me fait poireauter devant la salle jusqu’à la dernière seconde, me fait entrer dans la bousculade parce que tout le monde entre (du coup) en même temps, me fait rater les bandes-annonces  et qu’en plus, alors que le générique est à peine terminé et que je suis encore scotché au fauteuil parce que le film que je viens de voir m’a remué, l’un de vos employés vient me gâcher ce moment de flottement intense pour me dire de me dépêcher parce que la séance suivante commence dans une minute, je quitte le cinéma en pestant et en me disant que la prochaine fois, j’irai ailleurs.

Multiplexe ou indépendant, j’ai déjà maugréé dans les deux, du Champo à l’UGC Ciné Cité Les Halles. Ce dernier, que je fréquente souvent, est l’un des champions toutes catégories des séances collées les unes aux autres. Première séance à 9h et des poussières, dernière à 22h30, et entre ces deux horaires, tout est calculé pour que les séances coïncident et que le cinéma engrange plus de spectateurs, et donc plus d’argent, en ne laissant parfois que quelques secondes (sérieusement) entre le moment où le premier spectateur entre en salle et le début de la séance, au mépris de toute notion de confort et de plaisir pour le spectateur.

Lorsque c’est une salle pleine de 400 ou 500 spectateurs qui sont tous restés jusqu’à la fin du générique parce qu’il s’y passait quelque chose et que ces centaines de spectateurs doivent tous sortir en même temps par la même porte, la machine se grippe encore plus et la séance suivante (aka, les bandes-annonces) commence alors même que tout le monde n’a pas encore quitté la salle. Il y a quelques semaines aux Halles, alors que j’allais voir Alois Nebel, le beau film d’animation tchèque, c’est un autre problème qui s’est posé. Trois salles les unes à côté des autres passaient trois films commençant à la même heure et étaient contrôlées par un même employé du cinéma. Alors que la séance précédente d’Alois Nebel était terminée et la salle donc vide et attendant ses spectateurs, interdiction d’entrer en salle car l’ouvreur préférait que les deux autres films dont l’un serait fini trois minutes plus tard, l’autre cinq minutes plus tard, soient également achevés pour faire entrer les trois salles en même temps.

Et alors qu’Alois Nebel bénéficiait d’une dizaine de minutes de battement, et que nous aurions donc pu entrer en salle tranquillement, les deux autres se terminaient peu de temps avant le début de la séance suivante. Nous avons donc dû attendre le dernier moment, et comme à cet instant, l’ouvreur devait contrôler trois salles de spectateurs en même temps, cela prit un temps fou et le temps que nous entrions en salle, les bandes-annonces avaient bien sûr commencé sans nous.

J’en reviens donc au mépris du confort et du plaisir du spectateur parfois affiché par les cinémas. N’êtes-vous donc pas vous-mêmes cinéphiles, mesdames et messieurs les exploitants ? Avez-vous donc oublié ce qui fait le sel du cinéma ? Pouvoir entrer sans se presser et laisser l’atmosphère de la salle se fondre en vous… S’asseoir sans que l’on ait à se bagarrer avec un autre spectateur… Pouvoir se délecter des bandes-annonces qui nous donneront envie de revenir quelques jours plus tard… Laisser le film s’installer en nous à mesure que le générique de fin défile… Pouvoir quitter la salle à son rythme, le regard encore dans le vague… Et se dire que décidément, même si tous les spectateurs ne sont pas exemplaires, même si tous les films ne sont pas mémorables, il se passe quelque chose dans une salle de cinéma qui fait qu’y revenir est un désir irrépressible. C’est fou ce que quelques minutes de souplesse dans les horaires offre de plaisir…
over-blog.com