jeudi 31 mars 2011

La Cinémathèque Française aux couleurs d'Hong Sang Soo

Je me souviens du premier film d’Hong Sang Soo que j’ai vu. La femme est l’avenir de l’homme, en mai 2004. Je m’en souviens très bien parce que c’est au printemps 2004 que je suis tombé amoureux du cinéma coréen, et que ce film y a contribué. Je connaissais les films d’Hong Sang Soo de nom, mais jusqu’ici je ne m’étais jamais laissé tenter par aucun d’eux. Cependant dans l’excitation du moment pour le cinéma du Pays du Matin Calme, et dans l’effervescence du Festival de Cannes où le film était passé, j’ai goûté pour la première fois au cinéma d’Hong Sang Soo.

Je n’ai depuis raté aucun film du cinéaste. Conte de cinéma, Woman on the beach, Night and Day, Les femmes de mes amis, Ha Ha Ha. Je me suis déplacé en salles pour chacun d’eux. Hong Sang Soo est devenu une valeur incontournable du cinéma coréen en France, une valeur très prolifique qui plus est. Ses films ont beau ne pas rapporter grand-chose au box-office coréen, ils sortent sans exception dans les salles françaises, un fait dont peu de cinéastes asiatiques peuvent se targuer. On le sent d’ailleurs inspiré par le cinéma européen, et français en particulier, peut-être n’est-ce donc pas si étonnant que cela. Une chose est sûre ses films sont des portraits drôles, cruels et fascinants de la Corée du Sud actuelle, même si c’est toujours la même Corée qu’il semble nous montrer. Mais reproche-t-on à Woody Allen de faire du Woody Allen ? Oui, bon, en fait, on lui a souvent reproché, moi le premier, mais l’idée est bien qu’un grand cinéaste est capable de refaire toujours un peu le même film en le déclinant sous des formes diverses et variées.

Et si Hong Sang Soo n’est pas de ceux qui peuvent toucher à tous les genres, il est certainement un cinéaste qui a créé un univers récurrent qu’il aime à approfondir à chaque nouveau long-métrage, et que l’on aime explorer en tant que spectateur. C’est bien ce que la Cinémathèque m’a appris ces derniers jours. Que j’aime explorer le cinéma d’Hong Sang Soo. Car la Cinémathèque Française a eu cette année l’idée saugrenue, lumineuse, géniale et rare de consacrer une « intégrale » à un jeune cinéaste asiatique en activité, ce cher Hong Sang Soo, donc. Tous les films du cinéaste, du Jour où le cochon est tombé dans le puits à son récent Oki’s Movie.

Jusqu’ici, mon Hong Sang Soo préféré était l’exquis Ha Ha Ha, à peine sorti mais vu l’année dernière. Mais j’avais cinq films à voir à cette rétro, cinq films pour découvrir si le réalisateur coréen n’avait pas un autre film dans sa manche susceptible de m’enchanter encore plus que sa comédie provinciale. Son tout dernier film, bien sûr, l’inédit Oki’s Movie, qui avait été présenté à la Mostra de Venise 2010, mais aussi et surtout les long-métrages antérieurs à La femme est l’avenir de l’homme. Malgré ma bonne volonté, j’aurai raté La vierge mise à nue par ses prétendants pendant ces quelques jours à la Cinémathèque, mais ce contretemps ne m’a pas empêché de trouver, parmi les films d’Hong Sang Soo qu’il me restait à voir, une pépite cinématographique qui vient désormais titiller Ha Ha Ha à sa place de favori.

Ce film aurait pu être Le Pouvoir de la Province de Kangwon, un réjouissant double portrait, en deux temps, d’un garçon et d’une fille voyageant vers la même province à quelques jours d’intervalle. A plus d’un titre, celui-ci m’a rappelé Ha Ha Ha, par sa fraîcheur, son aplomb, son ton totalement décalé, et sa structure narrative qui m’aura plus séduit que la noirceur inattendue du Jour où le cochon est tombé dans le puits ou que la narration éclatée et déconcertante de Oki’s Movie.

Non, le film que je retiendrai plus que les autres de l’intégrale Hong Sang Soo à la Cinémathèque sera Turning Gate, une perle de film comme on n’en voit pas toutes les semaines au cinéma. On y retrouve cet univers reconnaissable entre tous chez Hong Song Soo. Ce double cinématographique, ici acteur pas franchement en réussite, entre deux rôles, qui va d’abord retrouver un vieil ami et piquer à celui-ci la fille sur laquelle il avait des vues. Puis il va prendre le train pour aller rendre visite à ses parents à Pusan, train dans lequel il va avoir un coup de foudre pour une jeune femme qui dit l’avoir vu dans des pièces de théâtre à Seoul et l’admirer. Notre héros descendra donc en même temps qu’elle et la courtisera assidûment, cette femme mariée, plutôt que de continuer sa route vers Pusan.

On retrouve bien l’atmosphère des films de Hong Sang Soo, ce voyage en province, ces questionnements professionnels, ces triangles amoureux. Et bien sûr tout ce qui tourne autour, des vérités envoyées sous le coup de l’alcool, des relations homme/femme maladroites et hilarantes... Mais peut-être plus que dans tout autre long-métrage de la filmographie du coréen, il y a une envie de beauté et de poésie inattendue qui parcourt le récit. Hong imprime une profondeur, un sens de la narration et de la mise en scène qui se révèlent étroitement liés. Rien n’est laissé au hasard, et malgré l’impression de familiarité, cette sensation que l’on est bien dans un film d’Hong Sang Soo et qu’il va nous emmener dans des endroits plus ou moins connus de l’âme humaine, il captive et surprend. Cette « porte tournante » qui donne son titre au film lui donne aussi un sens et une mélancolie incroyable. Après tous ces films vus du cinéaste, dans un cadre qu’il est parvenu, peut-être pas à codifier, le mot est trop fort, mais du moins à rendre familier, à le transformer en un terrain connu, il montre sa grandeur dans sa capacité à décliner ses thèmes de prédilection, ses obsessions, sous une forme malgré tout neuve et riche de sens. Je crois bien que c’est un grand film que j’ai vu là.

J’ai passé une semaine à jongler à la Cinémathèque afin de rattraper mes lacunes coréennes, accompagné à chaque séance de spectateurs joliment assidus. Si la salle Langlois n’était pas forcément pleine, la salle Franju affichait elle quasiment complet à chaque projection. J’ai testé les capacités de réaction des caissiers de la Cinémathèque à chaque séance, leur présentant le programme du Centre Culturel Coréen offrant un tarif réduit aux films, mais à chaque fois, le ou la caissière posté face à moi était surpris par l’existence de cette réduction et bataillait pour faire entrer un code adéquat dans la machine. Je les salue tous bien bas, car ils sont tous parvenus à m’obtenir ma réduction, et je pense que je peux dire « ma » réduction car je serais étonné d’apprendre que nous avons été nombreux à en bénéficier. A croire que je suis le seul à lire les petites lignes sur le programme trimestriel du Centre Culturel Coréen de Paris.

Je me demandais si je croiserais l’homme aux sacs plastiques à l’une des projections, le cinémaniaque apparaissant en général à chaque déplacement que je fais rue de Bercy. Mais non, pas d’homme aux sacs plastiques pour Hong Sang Soo. Peut-être n’est-il pas aussi assidu en cinéma coréen, ou peut-être les a-t-il en fait déjà tous vus, les Hong Sang Soo, et étrangement, je voterais plutôt pour cette option.

L'intégrale Hong Sang Soo vient de s'achever à la Cinémathèque Française, et ce que j'en retiendrai longtemps, c’est que j’y ai vu un grand film. Et c'est bien pour cela que je venais.

mercredi 30 mars 2011

Du plaisir des séries B printanières

Quand l’été va arriver, je sais déjà que je vais prendre plaisir à descendre à pied aux Halles à la séance de 22h, aller chercher le frais d’une salle de cinéma dans la chaleur estivale pour me détendre devant un no brainer de saison ou une pépite passant inaperçue. Les dernières séances quand il fait chaud et beau, il n’y a rien de tel. En attendant ces jours, je me muscle les yeux devant des films qui auraient pu sortir en plein été et constituer mes petites toiles du soir. En l’espace de quelques jours, je viens de m’enchaîner deux bonnes séries B qui feraient crier les bobos ne jurant que par Télérama qui auront tôt fait de les caser dans leur liste « Pas la peine de se déplacer ». Mon problème (qui n’en n’est pas un) c’est que je ne lis pas que Télérama, et que je déteste les listes « Pas la peine de se déplacer ». Alors j’y vais quand même.

Quel plaisir peut-il bien y avoir à NE PAS se laisser tenter par les séries B hollywoodiennes (ou presque) qui d’un coup d’œil lointain peuvent paraître lourdes ou ring’ (ou les deux) ? J’ai beau tenter de prêcher la bonne parole de la série B jouissive à qui veut l’entendre, il y en a encore qui n’y sont pas sensibles et préfèrent n’y voir que des films indignes de leur attention. Des mauvais films. Dommage.
Prenons le premier des deux films que j’ai vu. World Invasion : Battle Los Angeles, un titre à rallonge pour le marché international lorsqu’aux États-Unis, l’invasion n’est pas mondiale. Il faut croire que les distributeurs ont craint qu’un seul Battle Los Angeles agace un peu le public européen (notamment) dans l’ethnocentrisme US. En même temps il n’y aurait pas franchement tromperie sur la marchandise.

World Invasion : Battle Los Angeles se déroule en l’espace de quelques heures… à Los Angeles donc. La Terre vient d’être prise d’assaut par des extraterrestres pour le moins belliqueux convoitant nos ressources et cherchant à se rendre maître des lieux. Alors que la guerre contre les envahisseurs est mondiale (donc), et que les villes tombent une à une sous l’offensive ennemie, Los Angeles et ses escouades de Marines tente de résister. Notre héros ? Le Sergent Nantz, un médaillé en passe de prendre sa retraite qui va devoir se coltiner des aliens en guise de pot de départ alors que l’unité à laquelle il est affecté ne lui fait pas franchement confiance, lui qui vient de perdre tous ses hommes dans un conflit que l’on devine moyen-oriental.

La bande-annonce en aura peut-être trompé quelques uns, avec sa musique spleen donnant des allures joliment mélancoliques aux impressionnantes images de bataille. Non, World Invasion : Battle Los Angeles n’est pas ce film. Le film de Jonathan Liebesman est une pure série B SF et guerrière. Mais attention, pas de second degré ici. Le héros est un vrai héros, il a bourlingué, il est malaimé, et c’est par sa vaillance et sa hargne, sa volonté de défendre des idéaux primaires consistant en son corps de Marines, en son drapeau, en ses concitoyens et en sa planète, qu’il va s’élever et se transcender.

Il n’y a pas de cynisme dans World Invasion, ou si peu, il faut donc bien prendre le film pour ce qu’il est : un pur divertissement ne cherchant pas la petite bête métaphorique. On est dans le premier degré ici, comme l’était Independant Day il y a quinze ans. On dit du bien des mecs en treillis, on les glorifie, on fait vibrer la fibre humaniste, le tout emballé dans un film d’action ne lâchant pas notre attention une seconde, caméra à l’épaule et explosions à tous les coins de rue. Ca court, ça pète, ça tire, le tout avec moult courage et héroïsme. Premier degré à fond. Alors oui, forcément, si c’est la part impertinente de notre esprit qui s’y rend, c’est le désenchantement probable. Battle Los Angeles, qu’on soit clair, c’est un peu l’antithèse de Starship Troopers, le chef d’œuvre de cynisme guerrier et spatial de Paul Verhoeven. Ici, on casse de l’alien sans second degré. Certains diront « c’est paaas bieeen ». Mais Hollywood nous a appris au fil des décennies à faire fi de temps en temps de notre part allergique à leur obsession du drapeau et de l’honneur pour prendre un plaisir simple et évasif. De vibrer un peu avec ses héros (surtout lorsqu’un acteur comme Aaron Eckhart s’y colle pour faire oublier que les seconds couteaux sont faiblards).

Mon autre série B printanière, c’est Hell Driver. Oui, ce nanar en puissance dont on a vu l’affiche sur tous les bus ces dernières semaines avec Nicolas Cage et sa blondinette, celui-là même qui affiche fièrement "tourné en 3D" en guise de sous-titre. En fait, ce n’est pas un nanar. Oh, je ne vous en voudrais pas de l’avoir pensé, il faut bien avouer que lorsqu’on jette un œil à la filmo de Cage ces derniers temps, il y a plus de nanars que de bons films. Et quand en plus on lit ses interviews dans lesquelles il déclare qu’on ne le verra plus jamais dans un film nommé aux Oscars, qu’il préfère tourner avec les réals de Crank plutôt qu’avec Scorsese ou De Palma, et que le film dont il est le plus fier dans sa filmo c’est Le Dernier des Templiers (oui, c’est l’interview des Inrocks), y a de quoi s’inquiéter quand son nouveau film sort.

Et effectivement, à la vision de Hell Driver, difficile de ne pas s’accorder à dire que le film n’ira pas aux Oscars et qu’il n’est certainement pas réalisé par Scorsese. Enfin bref on l’a bien compris, Nicolas Cage a décidé de reprendre le flambeau de ces acteurs malaimés de séries B choisissant l’éclate plutôt que l’art, et vu que c’est son boulot et sa vie, on va dire qu’il fait comme il veut le neveu de Coppola, même si moi je l’aimais bien aussi dans les films plus ambitieux. Dans les mois qui viennent, on voit se profiler le redouté Ghost Rider 2 (un reboot plutôt qu'un remake, paraît-il) qui va lui permettre de donner la réplique à un autre malaimé que j’aime bien qui lui sera déguisé en moine, Christophe Lambert.
Mais bon je m’écarte. La digression Nicolas Cage, ses ambitions, ses idées, ses moumoutes, ça sera pour un autre jour. Parce que l’air de rien j’ai envie de dire tout le bien que je pense de Hell Driver tourné en 3D (c'est tentant de l'écrire ainsi), sa dernière série B en date. « Tout » le bien, j’exagère un peu, je n’ai pas non plus l’intention de crier au génie ou à l’indispensable. Mais mon éthique d’amateur de séries B me pousse à écrire ma sympathie pour le film de Patrick Lussier (un gus qui a pourtant une sacrée filmo de nanars derrière lui). Déjà il faut le dire, Hell Driver représente pour le moment l’une des plus intéressantes utilisations de la 3D relief depuis qu’Avatar a rendu la technique si populaire.

Le film a été pensé et tourné en 3D, et même si je reste persuadé que la technique est un gadget dispensable pour le cinéma, celle d’Hell Driver est l’une des plus judicieuse et agréable qui nous ait été offerte. Mais la vraie qualité de Hell Driver (non les gars, ce n’est pas Amber Heard déambulant tout du long en mini short), c’est l’esprit totalement assumé de série B, et le traitement en tant que tel. Pas de fioriture dans le film de Lussier, qui nous plonge directement dans le bain, sans préambule, nous lançant dès les premières secondes sur les routes du sud des États-Unis avec un Nicolas Cage échappé des Enfers et poursuivant inlassablement ceux qui ont enlevé sa petite fille. Les balles pleuvent, les bras sautent, le sang gicle, les pneus crissent. Ca fleure bon la série B d’entrée de jeu.

Et contrairement à… au hasard Ghost Rider pour rester dans la filmo de Nicolas Cage, ce qui fait qu’on ne tombe pas dans le nanar avec Hell Driver (titre français de Drive Angry)c’est que le film n’en fait pas des tonnes sur l’aspect ésotérique de son intrigue. Pas de Belzébuth démoniaque, pas de transformation over the top, pas de sérieux trop grand pour les épaules du film. Il se contente d’être sec, rapide, cogneur, et d’avoir de l’autodérision. Il se permet surtout de suggérer plutôt que de montrer… bon, pas dans le sang, qui gicle bien, mais plutôt dans la mythologie créée, Lucifer, l’Enfer, tout cela est mentionné plus que montré, le film préférant se fixer sur le road movie vengeur diablement efficace.

Cage, quoiqu’il raconte dans ses interviews et quelle que soit son ambition d’acteur revue à la baisse, apporte sa tronche au film, cette présence fantomatique et dure qui sied bien au personnage, la moumoute ne ressemblant à rien, le corps à peu près insensible au danger. Face à lui, autre qualité du film (non, pas le mini short d’Amber Heard…), William Fichtner, comme Cage un habitué de l’univers de Jerry Bruckheimer qui n’a pourtant rien à voir avec ce film-ci, et qui campe « Le comptable », qui poursuit Cage depuis les Enfers afin de le ramener au bercail, dut-il employer la force s’il le faut (et il le faut). Fichtner apporte bien plus par sa présence décalée tout en second degré que Billy Burke en leader de secte qui est à deux doigts de faire basculer le film dans le ridicule à chaque fois qu’il ouvre la bouche pour faire entendre son faux accent du sud trop appuyé.

Un bon film du soir, même si l'été n'est pas encore là... Je sors toujours heureux d’une série B bien foutue, que le héros y dégomme des aliens envahissants ou des fanatiques démoniaques. De temps en temps, entre un grand film et un navet, ça fait du bien. Surtout lorsqu’Amber Heard s’y balade en mini short (bah oui, quand même).

mardi 29 mars 2011

Adam Sandler mérite-t-il l’attention des spectateurs français ?

La France est hermétique à l’humour américain. Si si. Elle n’y connait rien, n’y pige que dalle. Du moins c’est ainsi que les distributeurs l’entendent. Oh bien sûr quelques films, quelques stars passent entre les mailles du filet, Jim Carrey étant le plus notable. Et quelques films aussi, par-ci par-là, comme Very Bad Trip il y a deux ans. Mais la plupart des représentants de l’humour US, la plupart des pures comédies venues du Pays de l’Oncle Sam, restent dans l’ombre en France, réservées aux sorties techniques au mieux (American Trip), à des sorties directes en DVD souvent (Zack et Miri font un porno), voire à un barrage à la douane transatlantique (j’aurais tant aimé voir Observe and Report !).

Le fantasme des distributeurs français, c’est que les spectateurs français aiment les comédies françaises, surtout, anglaises, un peu, américaines, à peine. Que les acteurs de comédies américaines, s’ils ne s’appellent pas Jim Carrey ou Steve Carell, ne nous intéressent pas. Il faut vraiment qu’un film soit un phénomène aux États-Unis, ou soit joué par des acteurs populaires en France, pour qu’on y ait droit dans 200 salles. Sinon, tout ce qu’on peut espérer au mieux, c’est l’Orient-Express et le Publicis (et moi du coup je les adoooore ces salles !).

Il y a quelques jours, Sony a lancé sur les écrans français le nouveau film interprété par Adam Sandler et réalisé par son pote Dennis Dugan (on ne compte plus les films que ces deux-là ont tourné ensemble). Sandler fait partie de ces acteurs stars aux États-Unis qui en France ont rarement droit à mieux qu’une sortie technique. Il faut dire aussi que Sandler n’est pas le comédien le plus apprécié par la critique américaine, et que ça ne doit pas trop les choquer non plus, les journalistes américains, qu’en France ses films sortent en catimini, voire pas du tout. Pourtant on ne peut pas aimer la comédie américaine et ne pas s’intéresser à Adam Sandler. Certes il n’a pas l’élasticité d’un Jim Carrey, la folie d’un Will Ferrell ou le charme d’un Steve Carell. Certes il a tourné quelques bons petits navets, à l’image du dernier de ses films à être sortis en France, le bien creux Copains pour toujours. Certes ce nouveau film en salles cette semaine ne doit probablement sa sortie à si « grande échelle » (173 salles tout de même) qu’à la présence de Jennifer Aniston et Nicole Kidman au générique du film.

Mais cela veut-il dire que Sandler doit être ignoré ? Qu’il ne tourne que des films sans intérêt ? Évidemment non. Alors si vous vous êtes laissé convaincre par les distributeurs français que Sandler n’est pas pour nous, que les américains peuvent se le garder, l’ancien du Saturday Night Live, voici un petit guide des six films à voir pour se convaincre que décidément, Adam Sandler vaut d’être suivi, qu’il ne fait pas que des comédies débiles, et que certaines de ces comédies débiles sont de toute façon géniales.

Punch-drunk love (2002)
Réalisé par Paul Thomas Anderson
Le rôle : Barry Egan, un homme ordinaire qui collectionne des coupons de voyage et s’embarque dans un voyage pour Hawaï avec une jeune femme présentée par ses nombreuses sœurs.
C’est le film avec lequel j’ai découvert Sandler. Jusque là, ses comédies ne m’avaient jamais attiré, et je m’étais laissé convaincre par les distributeurs et la plupart des critiques que les films figurant Sandler à leur générique n’étaient que des comédies lourdaudes et dispensables. D’où ma déception que Paul Thomas Anderson, le réalisateur Boogie Nights, écrive un film pour l’acteur. J’y suis donc allé craintif, et en suis sorti enchanté. Bien sûr la qualité du film en lui-même jouait, mais j’ai découvert en Sandler un acteur décalé, bouillonnant et tendre. Et à suivre.

Amour et amnésie (2004)
Réalisé par Peter Segal
Le rôle : Henry Roth, dragueur en série à Hawaï qui tombe amoureux d’une fille souffrant d’une mémoire à court terme : tous les jours elle oublie ce qu’il s’est passé depuis un grave accident, et tous les jours, il doit la séduire à nouveau.
Une seconde romance à Hawaï pour Sandler, cette fois-ci nettement plus comique que le film délicat et décalé de Paul Thomas Anderson. Sandler s’essaie à la romance comique plus qu’à la comédie romantique, et cela lui va bien. Amour et Amnésie, c’est un de mes plaisirs coupables favoris. Je ne me lasse pas du gimmick de la conquête amoureuse à reproduire chaque jour, et de son ton finalement assez mélancolique. C’est le film à partir duquel j’ai commencé à ne plus rater les films de Sandler en salles.

Spanglish (2004)
Réalisé par James L. Brooks
Le rôle : John Clasky, père de famille chef gastronomique ayant du mal à faire l’arbitre entre sa femme et ses enfants.
Probablement le rôle et la performance la plus inattendue d’Adam Sandler. Comme P.T. Anderson deux ans plus tôt, la surprise s’est imposée lorsque James L. Brooks, le réalisateur rare de Pour le pire et pour le meilleur et Broadcast News, a choisi l’acteur comique pour tenir le premier rôle de son nouveau film. Brooks, c’est une incongruité dans le paysage du cinéma contemporain, un cinéaste qui créé des personnages et bâti entièrement ses films autour d’eux plutôt qu’autour d’une intrigue. Un cinéma toujours étonnant, posé et fin, comme il l’a encore prouvé récemment avec l’incompris Comment savoir. Sandler ne jure pas le moins du monde chez Brooks et confirme que décidément, il n’est pas qu’un clown.

Rien que pour vos cheveux (2008)
Réalisé par Dennis Dugan
Le rôle : Zohan, superagent du Mossad qui se fait passer pour mort en Israël afin d’accomplir son rêve : ouvrir un salon de coiffure à New York.
Mais c’est un clown aussi, le Sandler. Et pas des moindres. Si je devais retenir une comédie pure et dure, et une seule, de sa filmographie riche dans le genre, ce serait celle-ci. You don’t mess with the Zohan en VO. Il faut dire que Sandler l’a lui-même écrite avec son vieux pote Judd Apatow. Le pitch est fou, insensé et potentiellement foireux. Or le film est un joyau de loufoquerie, hilarant de la première à la dernière seconde. C’est barré, c’est couillu, c’est graveleux juste ce qu’il faut (à savoir beaucoup tout de même !), et c’est un régal qui me plaque au sol sous les rires. Vous pensez que Sandler ne fait que des comédies débiles pas drôles ? Regardez celle-là, et essayez de résister.

Funny People (2010)
Réalisé par Judd Apatow
Le rôle : George Simmons, star comique hollywoodienne qui prend sous son aile un jeune auteur quand il apprend qu’il est atteint d’un mal incurable.
C’aurait pu être le chef-d’œuvre d’Adam Sandler. Comme je l’expliquais à la sortie du film, Apatow en avait les moyens, mais s’est planté en cours de route. Il n’en demeure pas moins que Funny People permet à Sandler de tâter le rôle qui lui ressemble probablement le plus dans sa filmographie, et si le film n’offre au final pas pleine satisfaction, cela tient plus aux choix scénaristiques qu’en la présence de l’acteur lui-même. Drôle, réflectif, passionnant, dans ses meilleures facettes, Funny People affiche ambitions et qualités dignes des meilleures comédies, et Sandler relève le défi.

Le Mytho – Just go with it (2011)
Réalisé par Dennis Dugan
Le rôle : Danny, chirurgien plastique célibataire mettant les filles dans son lit en se faisant passé pour un homme malheureux en ménage, rencontre une beauté en qui il voit « the one and only » comme disent les anglo-saxons. Mais comme elle le croit marié, il demande à sa secrétaire de se faire passer pour son ex-femme.
Eh oui, contre toute attente, la toute nouvelle comédie d’Adam Sandler figure à mes yeux parmi ses toutes meilleures. Adaptation d’une pièce classique déjà portée à l’écran dans les années 60 avec Walter Matthau (Fleur de cactus), Le Mytho m’a rappelé Amour et Amnésie pour lequel j’ai déjà avoué mon coup de cœur. Une comédie qui sous ses airs de romance propose un menu de comédie hilarant (une fois de plus principalement située à Hawaï, Sandler semble s’y plaire !), n’hésitant pas à jouer sur le terrain du graveleux. La scène la plus irrésistible du film touche même un sommet d’humour pipi-caca dont j’ai eu grand peine à me remettre (demandez à mes voisins de salle, qui ont dû s’inquiéter pour moi… ou bien de moi, ce drôle de type qui n’arrive pas à s’arrêter de rire plusieurs minutes après le gag). Oh qu’il est drôle ce film. Certains seront peut-être attirés en salle par le bikini jaune joliment porté par Brooklyn Decker, mais je suis sûr que l’humour dévastateur du film de Dugan (le même qui avait signé Rien que pour vos cheveux) fera son boulot.

Je suis prêt pour le prochain Sandler, amenez-le moi !

vendredi 25 mars 2011

Butch Cassidy et le Kid, Paulo et Bob

Je ne saurais dire quel est le premier western qui m’a fait plonger dans le genre. Danse avec les loups quand j’étais haut comme trois pommes ou à peine plus peut-être, mais on ne peut pas dire que ce soit un western classique, avec cowboys, gunfights, shérifs, saloons ou cavalerie. Peut-être étaient-ce alors les westerns qu’Eddy Mitchell programmait dans sa Dernière Séance… Quel que soit le film qui m’a le premier fait goûter au genre, il a réussi son boulot. Le western est un de mes genres préférés, un genre que je ne rate jamais en salles, même si le fait qu’il soit devenu une incongruité rare dans le cinéma américain aide à ne pas en manquer un, c’est sûr…

Ces derniers temps, les westerns ne se bousculent pas au portillon, non. S’il y en a deux dans l’année, c’est une grande année, c’est dire. Qu’y a-t-il eu comme grand western ces dernières années ? Ils se comptent assez rapidement. L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford d’Andrew Dominik et Open Range de Kevin Costner sont les meilleurs. 3h10 pour Yuma et Appaloosa se laissent regarder avec plaisir. On ne peut pas dire qu’il y a ait eu de quoi remplir des week-ends de cinéphile, à moins d’explorer les essais d’autres contrées, comme le jubilatoire Le bon, la brute et le cinglé venu de Corée. Heureusement que les classiques du genre sont là pour être redécouverts sur la grande toile blanche d’une salle obscure.

L’année dernière déjà, je m’étais laissé tenté par une redécouverte d’Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone, et le moins qu’on puisse dire, c’est que je n’avais pas été déçu du voyage. Il y a quelques semaines, un autre western connu de tous avait droit à un dépoussiérage en copie neuve sur Paris : Butch Cassidy et le Kid de George Roy Hill. Ne l’ayant vu qu’une fois, à la télé il y a plusieurs années de cela, j’ai mis le cap sur la Filmothèque du Quartier Latin, qui devient un de mes repères préférés depuis quelque temps. C’est à se demander ce que j’ai glandé ces dernières années pour y passer si peu d’heures, dans ce cinéma à la programmation irréprochable.

Butch Cassidy et le Sundance Kid. Paul Newman et Robert Redford. Je pourrais presque écrire un bouquin sur ces deux acteurs là, un peu à la manière de ce que je mentionnais dans mon rapport à Sami Frey il y a quelques mois. Si l’acteur français préféré de ma mère a toujours été Sami Frey, je crois que je peux dire sans me tromper que Newman et Redford sont ses acteurs américains favoris. Avec Steve McQueen peut-être. Quand j’étais gamin, on ne ratait jamais un de leurs films à la télé, à Paulo et Bob. Le magnétisme au regard perçant de l’un, la beauté insaisissable de l’autre. De mon enfance, j’ai gardé ce respect pour les deux acteurs, comme un héritage de ma mère. On regardait Luke la main froide, La Tour Infernale, Les Trois jours du Condor, Jeremiah Johnson, Out of Africa… Oui, si l’on devait me demander quels acteurs ont bercé ma jeunesse, je citerais certainement Paul Newman et Robert Redford.

Alors pour moi, ils sont inséparables. Pourtant ils n’ont pas souvent tourné ensemble les bougres, deux petites fois. Butch Cassidy et le Kid était la première, en 1969. Newman approchait des 45 ans, Redford en avait onze de moins. Paulo était un habitué du western, avec déjà Le gaucher et Hombre dans sa filmo, quand Bob n’était pas plié au genre sur grand écran. Redécouvrir le film en copie neuve au cinéma a été une agréable réminiscence de mon enfance, conjuguée au plaisir de voir un bon western. Et si Butch Cassidy et le Kid est bon, c’est avant tout grâce à l’alchimie entre Newman et Redford. Newman, le leader débonnaire, Redford la fidèle fine gâchette. Un duo de bandits légendaire dont la complicité crève l’écran sous l’œil de George Roy Hill.

Mais au-delà des deux comédiens, le film surprend, par sa légèreté affichée, cet humour qui le parcourt, cette joie de vivre qui transpire de ces dévaliseurs amuseurs. Il surprend aussi par des partis pris scénaristiques, comme tout ce pan du film consistant en une traque de Butch et du Kid par de mystérieux et dangereux cavaliers, à travers le désert, à travers monts et rivières, entre comique et désespoir. George Roy Hill capte un changement d’époque, la société évolue sous les yeux des deux bandits, elle se dirige dans une direction qui va à l’encontre de ce qu’ils représentent. Ainsi la légèreté se transforme en amertume, même s’ils gardent le sourire aux lèvres, et nous avec.

Quel plaisir de les voir jouer ensemble, décidément, ces deux là. Dans la décennie qui a suivi, ils se sont retrouvés pour L’arnaque, l’un des plus grands succès de l’histoire du cinéma. Encore des hors-la-loi. Encore une alchimie évidente. Encore George Roy Hill, qui restera finalement le seul à les avoir réunis sur grand écran. Pendant des années, Newman et Redford ont parlé de refaire un film ensemble. Cela semblait évident. Les années ont passé, mais ce troisième film n’est jamais venu. Voilà bientôt trois ans que Newman est décédé. Avec lui est parti en fumée ce vieux rêve de les revoir ensemble en haut de l’affiche, Bob et Paulo. Il ne nous reste plus que L’arnaque et Butch Cassidy et le Kid. Dans la salle rouge de la Filmothèque, je me suis plongé dans leur western, dans cette course amère de deux antihéros affrontant les balles ennemies. La course pleine de joie de deux acteurs que je me suis appropriés. Leur troisième film ne viendra jamais, mais je le rêve quand même pour eux.

mercredi 23 mars 2011

The Fall, et la beauté s'invite à Panic Cinéma !

Il y a trois mois, je faisais mes débuts à L’Absurde Séance au Nouveau Latina… un rendez-vous hebdomadaire qui a depuis été renommé et quelque peu repensé. Cette nouvelle mouture du rendez-vous nocturne, désormais baptisé « Panic Cinéma ! » s’écartera à l’occasion du sentier qui a fait sa réputation pour faire découvrir des étrangetés difficilement qualifiables de nanars. Le week-end dernier, je suis allé tâter Panic Cinéma ! à l’occasion de la carte blanche au webzine 1kult. Les gars ont eu l’excellente idée de sélectionner The Fall, le second-métrage de Tarsem Singh jusqu’ici inédit dans les salles françaises.

The Fall ressemblait à une arlésienne cinématographique de plus pour les spectateurs hexagonaux. Tourné essentiellement en 2004, lancé au Festival de Toronto en 2006 et dans quelques autres manifestations l’année suivante, le film était difficilement sorti dans les salles américaines au printemps 2008 sous le patronage de David Fincher et Spike Jonze, deux noms qui ne l’avaient pas empêché de rester quasiment muet au box-office (2 millions de dollars de recettes pour un film tourné dans 18 pays, ça n’a certainement rentabilisé l’investissement) mais qui l’avaient sans doute aidé à se faufiler dans les salles à l’étranger… sauf en France où le film s’est vu directement attribué un passage par la case télé / DVD sans un détour cinématographique.

Et malheureusement, quiconque avait vu la bande-annonce du film sur Internet il y a quelques années avait probablement bavé dessus, sur le potentiel de ce film ultra léché qui promettait un voyage cinématographique hors du commun. Eh bien voilà, samedi soir, Panic Cinéma ! a réparé cette injustice qui nous interdisait de découvrir le film de Tarsem dans une salle obscure, en le précédant d’une sympathique petite intro à la soirée détournant La Chute.

Les aficionados des soirées nanars du Nouveau Latina étaient aussi présents que s’il s’agissait d’un Chuck Norris datant de 1986, au premier rang desquels l’incontournable Homme aux Sacs Plastiques. Collé à son traditionnel premier rang, mon cinémaniaque préféré n’a pas manqué le rendez-vous, flanqué d’un nombre étonnant de sacs ce soir-là (il en avait bien cinq ou six). D’ailleurs je l’avais déjà croisé quelques jours plus tôt Cour Saint-Emilion sous une fine bruine, moi m’en allant vers un Hong Sang Soo à la Cinémathèque pendant que lui courait comme un dératé (comme d’hab’) en T-Shirt malgré le froid (comme d’hab’ aussi) avec ses sacs plastiques pendus à chaque bras, vers je ne sais quel film.

Si l’on aime ce genre de soirée pour l’ambiance « On va mater un nanar et on va se marrer », tout le monde sait reconnaître un film qui ne se prête pas au comportement chambreur habituel, et The Fall était à l’évidence de ceux-là. C’est une œuvre d’un grand soin dans lequel la salle semble s’être plongée avec fascination. L’action se déroule dans un hôpital californien dans les années 20. Une fillette hospitalisée s’y lie d’amitié avec Roy, un cascadeur qui se trouve sans l’usage de ses jambes suite à une cascade de trop. Souffrant le martyre, Roy convainc sa nouvelle amie de lui choper de la morphine en douce. En échange, il lui conte un récit merveilleux dans lequel cinq vaillants héros associent leurs forces pour combattre le Gouverneur Odieux, un sinistre personnage qui est considéré par chacun comme son ennemi juré. A l'écran, le conte de Roy prend vie.

S’il y avait déjà bien une chose de réussie dans The Cell, le premier film de Tarsem Singh (oui, celui avec Jennifer Lopez...), c’était l’univers visuel. The Fall laisse, sur ce plan-là, absolument ébahi. La variété de décors naturels offerts à l’œil constitue un voyage à lui seul. Forts indiens, rizières balinaises, parcs naturels africains, villas italiennes… de la Chine aux Îles Fidji, de la Bolivie à l’Indonésie, Tarsem a posé sa caméra aux quatre coins du monde, littéralement, pour un festival de plans envoûtants. D’une séquence à l’autre, le cadre change et est bouleversé par des décors stupéfiants, soulignés par une utilisation des couleurs absolument somptueuses. Il a tapé haut le bougre. Il a choisi de frapper fort dans l’œil du spectateur, quitte à se montrer un peu léger sur le scénario.

Que le récit ne soit en fait pas aussi épique que l’ambition visuelle de l’entreprise déçoit un peu, certes. Mais la puissance des images est telle qu’on ne lui en veut pas trop. Il se dégage vite que The Fall n’est pas un grand film, mais un trip imprévisible, ça oui, il l’est. On peut même y distinguer en filigrane un bel hommage au cinéma et à l’art du récit filmé et de la narration. On trouve même un ton second degré ouvertement comique qui surprend et charme au cœur d’un récit qui, lui, affirme souvent une amertume contrastant étrangement avec les couleurs chatoyantes qui éblouissent le regard.

Je ne pensais plus voir l’opportunité de découvrir The Fall sur grand écran se présenter, alors voir cette chance se concrétiser en 35mm restera comme une des belles surprises de l’année au cinéma. Merci Panic Cinéma !

mardi 22 mars 2011

Je suis alimenté vers le haut par les sous-titres pourris du Festival Cinérail ! Bollywood mérite mieux que ça !

Non, je ne me suis pas trompé de touches lorsque j’ai tapé le titre de ce billet. Dans quelques paragraphes, vous aurez compris. J’adore le cinéma bollywoodien. Je l’adore depuis le tout premier film du genre que j’ai vu sur grand écran, Lagaan. Et depuis l’année 2006 qui avait vu les sorties de trois de ces films, dont le magnifique Veer Zaara, je me désole de voir Bollywood déserter les salles de cinéma françaises. Oh, il y a bien eu le faiblard Saawariya il y a deux ans, mais voir qu’entre tous les films qui auraient pu sortir c’est celui-ci qui a été sélectionné par un distributeur français ne fait qu’ajouter une pierre à la déception.

Quelle ne fut donc pas ma joie lorsque je découvris qu’au Reflet Médicis la thématique de l’édition 2011 du Festival Cinérail était L’Inde! Le festival ne m’était connu que de nom, mais à la vue de la programmation, proposant quelques Bollywood inédits en salles, mon sang n’a fait qu’un tour et mon agenda s’est tout à coup trouvé agrémenté de deux films sur le week-end du 19/20 mars : Saathiya de Shaad Ali, et Dil Se de Mani Ratman. Je ne parlerai que peu du premier, un exercice mineur du genre datant de 2002 dont la plus grande qualité est la présence en haut de l’affiche de la resplendissante Rani Mukerji (ou Mukherjee, l’orthographe varie selon les films). Hormis cela le film offre son lot de comédie, de romance et de drame sans grande originalité, avec un cachet trop bling bling, et une seconde moitié trop « chamailles de grands adolescents » pour vraiment faire vibrer.

Le véritable enseignement de la projection de Saathiya, cela a été de constater que le film était projeté en DVD. Un cadre réduit, une qualité d’image peu reluisante, les traits du format DVD sont flagrants, et si regarder un DVD sur un écran de télé c’est de la qualité à l’état pur, la fameuse galette ne se prête pas franchement à la projection sur grand écran. L’image est moche, autant le dire. Mais bon, Cinérail n’est pas le premier festival à projeter un film ainsi, et ce n’est certainement pas le dernier. Pas de quoi rendre une projection insupportable. Ce qui l’est, en revanche, c’est ce qui s’est passé avec Dil Se.

Dil Se, ce n’est pas un Bollywood obscur. En tête d’affiche Shah Rukh Khan, LA star indienne, partageait pour la première fois l’écran en 1998 avec Preity Zinta, une des grandes étoiles féminines de la décennie qui a suivi. Grand succès au box-office indien, le film affiche même un tube (« Chal Chaiyya Chaiyya ») qui a été repris à Hollywood, par Spike Lee dans son Inside Man. Il est déjà passé en festival en France, déjà passé à la télévision sous le titre De tout mon coeur... Non, décidément, Dil Se n’est pas une rareté introuvable. Alors forcément, face à ce que nous a proposé le Festival Cinérail dimanche, l’atterrement est de mise.

En voyant Saathiya samedi, je me disais « Pourvu que Dil Se ne soit pas proposé en DVD ». Si. Dil Se a été proposé en DVD. Zut. Dommage. Mais là où le bât blesse, c’est la qualité du DVD qui nous a été projeté. Et là… là… je miserais bien sur un DVD acheté une poignée d’euros du côté de Strasbourg Saint-Denis. A quoi cela se voit-il ? Aux sous-titres. Imaginez un peu. Lors des premières images du film (petites et de mauvaise qualité, et quand il y a le petit logo « Play » qui apparaît en haut à gauche de l’écran, c’est encore plus flagrant), le sous-titrage faisait passer le protagoniste, incarné par Shah Rukh Khan, pour un handicapé mental. Mais au bout de quelques minutes, et l’intervention d’autres personnages, je me rends compte que non, le personnage n’a pas de handicap (sinon le niveau de français serait bien meilleur, à n’en pas douter), il s’agit en fait de sous-titrages très approximatifs au niveau de la langue française.

Pour être tout à fait exact, les premiers sous-titres à apparaître étaient en anglais, puis du français est apparu. Mais de français, il n’y avait que les mots. Car le sens était absent des sous-titres. Il ne s’agissait ni plus ni moins qu’une traduction littérale et automatique de l’anglais, du genre faite à partir d’un mauvais traducteur en ligne. Résultat, les sous-titres n’avaient ni queue ni tête. Sur les 2h45 de film, il a dû y avoir, allez, une quinzaine de répliques bien traduites. Les autres étaient au mieux compréhensibles en remettant la phrase dans le bon sens ou en repérant la traduction littérale à partir de l’anglais (lorsque Shah Rukh Khan dit « Je suis alimenté vers le haut » ou « Donne-le en haut », on comprend que la traduction est faite à partir de « I’m fed up », « j’en ai marre », ou « Give it up », « laisse tomber »), au pire, totalement incompréhensible. Et malheureusement, cette dernière situation n’était pas rare.

Outre le désagrément de l’incompréhension, l’autre facteur que ces sous-titres désastreux ont entraîné, ce sont les rires. Forcément, toutes ces traductions littérales ont donné lieu à un texte pathétique et parfois hilarant qui a totalement désamorcé les enjeux dramatiques du film. Au lieu d’un drame poignant sur l’héritage de l’Indépendance indienne, le Dil Se version Cinérail offrait une comédie poilante sur les affres de la traduction cinématographique. Difficile ainsi de prendre l’œuvre au sérieux, ou même de rentrer totalement dedans.

Comment donc est-il possible de suivre le film dans ces conditions ? Comment donc prendre au sérieux un festival qui ose projeter un film dans ces conditions ? N’ont-ils donc pas du tout vérifié le film et son sous-titrage avant de le jouer ? Ou bien se sont-ils dit que ce n’était pas si grave que cela, après tout ? Le film m’en a été gâché. Je serais bien incapable de dire si je l’ai aimé ou pas. Les ricanements persistaient, l’attention se décrochait, et moi, j’hésitais entre essayer de dormir (pour ne pas me gâcher le film plus en avant), et m’amuser des sous-titres en élisant quel serait le plus pathétique (à ce titre, une scène romantique où Shah Rukh Khan fait un compliment sur le sourire de Preity Zinta en lui parlant de « l’os pointu de sa joue » au lieu de ses pommettes, « cheekbone » en anglais, arrive certainement dans le Top 3).

Il y a quelques années, Shah Rukh Khan, Preity Zinta, Rani Mukerji et les autres stars made in Bollywood avaient droit à des sorties en salles officielles emballantes. Aujourd’hui, elles doivent se contenter d’un festival projetant un DVD avec des sous-titres semblant écrits par un gamin de 10 ans ayant triché sur Internet pour faire ses devoirs. J’aimerais en rire, mais je trouve ça triste.

jeudi 17 mars 2011

Souvenir… Quand "Charlie’s Angels" s’est transformé en "In the mood for love"

Automne 2000. Voilà quelques mois que la vie des amateurs de cinéma parisiens a été bouleversée par l’arrivée sur la capitale de la carte illimitée d’UGC. Cet étrange petit objet qui ressemble à une carte magnétique comme une autre est le sésame qui est en train de chambouler nos habitudes de cinéphiles. Plus besoin de se lever trop tôt le dimanche pour attraper la séance du matin moins chère. Entre payer une place plein tarif à 45 francs (oui à l’époque, on compte encore en francs), avoir le tarif réduit des matinées à moitié prix, et payer 98 francs par mois pour voir les films que l’on veut quand on veut, le choix est vite fait quand on a l’habitude de voir trois films par week-end (même le nul en math que j’étais n’a pas mis longtemps pour s’en rendre compte).

A l’automne 2000 donc, j’étais encore en phase d’apprivoisement de ma carte illimitée. Je ne voyais pas encore beaucoup plus de films qu’avant, et je commençais seulement à frayer hors des sentiers battus du cinéma français et anglo-saxon. En 1999, les films que j’avais vus qui n’étaient ni en langue française, ni en langue en anglaise se comptaient sur les doigts d’une main, c’est dire à quel point j’étais peu aventurier. En 2000, j’en ai vu huit, un léger mieux était en route.

Quand on devient toqué de quelque chose au fil du temps, on fini toujours par se demander quand, comment, par quoi cela a commencé, et si je me suis déjà posé la question il y a quelques mois « Le premier film c’était quoi ? », il m’est aussi arrivé de me demander « Les films qui ont le plus compté, c’étaient lesquels ? ». Ceux qui ont fait que les blockbusters et les films populaires n’ont plus suffi. Ceux qui ont déclenché quelque chose en moi. Lé réponse ne peut pas se résumer à un film. Du moins si c’est le cas je ne m’en souviens pas. Le processus a probablement été inconscient et dans une certaine mesure, lent. Il y aura eu les films français et américains qui ne ressemblaient pas aux films français et américains avec lesquels on grandit le plus facilement. Mais l’ouverture à une autre langue que la nôtre et que celle d’Hollywood est un pas fait vers un autre monde cinématographique (du calme sur les grandes phrases emphatiques, du calme).

Mon côté passionné et maniaque me force à me demander à quelle époque j’en ai eu marre d’entendre parler français et anglais. Et voilà pourquoi j’en reviens aujourd’hui à ce fameux jour d’automne 2000. 18 ans au compteur, une envie de films qui va grandissante. Avec ce sésame illimité en main, je me sens plus libre, plus aventurier, et plus curieux. Je me mets à aller voir au cinéma la violence de Medellin en espagnol dans La vierge des tueurs. Des danois amorphes et étranges dans Chansons du deuxième étage (bon, celui-là, j’ai regretté l’aventure). Des taïwanais dont la vie s’étend sur trois heures à l’écran dans Yi Yi.

Mais à l’automne 2000, si je m’ouvre un peu plus au monde qu’à l’accoutumée, je n’en demeure pas moins attiré par le cinéma Hollywoodien, et en un certain jour de décembre, je me suis rendu lors d’un après-midi oisif à l’UGC Ciné Cité Bercy pour aller voir à quoi ressemblait la transposition sur grand écran de la série culte 70’s « Drôles de Dames », rebaptisée Charlie’s Angels, le titre original de la série. Le film était déjà sorti depuis quelques semaines, et lorsque j’arrivai au cinéma, je découvris en demandant une place pour le film de McG que j’avais mal lu les horaires pour celui-ci, et que le film passait en alternance avec un autre, et qu’à l’heure choisie, c’était l’autre film qui passait.

L’autre film, c’était In the mood for love. J’ai sûrement poussé un soupir. Sûrement oui. J’ai hésité, oh oui j’ai sûrement hésité. Je me souviens très bien ce que je craignais du film. Ce n’était pas tant le fait que le film soit hongkongais qui me gênait, après tout j’avais vu un film taïwanais quelques semaines plus tôt. C’était plutôt que je me souvenais bien de cette bande-annonce langoureuse, de l’ambiance années 60 qu’elle annonçait, et je me souvenais surtout très bien que ma mère avait fortement attendu le film, et qu’elle en était revenue enchantée et intarissable sur les robes de Maggie Cheung. Et quand on est un mec de 18 ans, on n’a pas forcément envie d’aller voir le film à propos duquel sa mère s’extasie sur les costumes féminins. Non, vraiment pas. Ce n’était pas l’idée que je me faisais d’une petite sortie ciné détente avec moi-même. Moi je voulais voir Drew Barrymore, Lucy Liu et Cameron Diaz botter des fesses en combinaisons sexy. Merde.

Mais là c’était impossible. Et comme je venais de faire 45 minutes de métro pour venir au cinéma, et que j’avais déjà vu à peu près tout ce qui m’y intéressait, si je voulais voir un film, celui qui commençait et que je n’avais pas vu, c’était celui de Wong Kar Wai. Alors tant pis. J’ai pris ma place pour In the mood for love. Si je pouvais revoir le moi d’il y a 11 ans, je lui ferais un grand high five. Je l’embrasserais pour le remercier d’avoir laissé ses préjugés de côté pendant deux heures pour entrer dans cette salle. Quand je regarde en arrière, je vois ce plan B de spectateur comme une des projections marquantes du cinéphile en devenir que j’étais. En terme de choc cinématographique, que j’avais déjà connu en nombre jusque là, In the mood for love se pose parmi les plus mémorables, les plus importants de ma modeste vie de spectateur.


Je me souviens de la langueur des plans. De la moiteur de l’atmosphère. Je me souviens de cette musique, lancinante à souhait. Qu’il était classe, Tony Leung, dans ses costumes, clope au bec. Qu’elle était discrètement sublime, Maggie Cheung, oui, dans les robes que ma mère affectionnait tant. Qu’il était beau, cet amour muet et indicible, murmuré entre les pierres d’Angkor. J’en avais sûrement déjà vu, de grands films romantiques, mais à cette époque-là, je ne les cherchais pas. Celui-ci je ne l’ai pas plus cherché, mais peut-être m’a-t-il trouvé avec plus de force qu’aucun autre jusqu’ici, même si Sur la route de Madison avait balisé le terrain (il faudra que je vous raconte celui-là aussi).

Il y a dix ans, je ne voyais pas 10 films par an tournés dans une autre langue que le français ou l’anglais. L’année dernière, j’en ai vu 85. Certes je ne voyais pas autant de films il y a une décennie, mais je n’en voyais pas huit fois moins, loin de là. In the mood for love n’est peut-être pas LE film qui en est la cause. Mais il a joué un rôle prépondérant dans le cinéphile que je suis devenu, sans l’ombre d’un doute. Et aujourd’hui encore, je râle régulièrement pour dire que Luc Besson et son jury cannois de l’époque auraient mieux fait de remettre la Palme d’Or à Wong Kar Wai plutôt qu’à Lars Von Trier et son Dancer in the Dark…

mardi 15 mars 2011

Le 16 mars est déjà passé par là...

Mercredi, c’est jour de sorties. Et en ce mois de mars chargé en films, je suis bien heureux de constater que j’ai déjà vu trois des sorties de la semaine (ouf, ça va me laisser le temps de voir toutes les sorties du 9 que je n’ai pas encore eu le temps de voir… et également d’ attraper Butch Cassidy et le Kid à la Filmothèque du Quartier Latin qui me file entre les doigts depuis plus de deux semaines…). Si cette semaine, l’attention populaire se tournera plus certainement vers World Invasion : Battle Los Angeles et Ma part du gâteau (et que d’autres se réjouiront de l’arrivée des nouveaux opus de Ken Loach et Manoel de Oliveira), il est donc trois films que j’ai déjà vus, qui ne manquent pas d’intérêt, et dont j’ai déjà blablaté sur l’Impossible Blog Ciné. Séance de rattrapage pour ceux qui seraient passé à côté de mes billets au moment où je les ai vus…


Ha Ha Ha, la délicieuse comédie de Hong Sang Soo, en ce moment à l’honneur à la Cinémathèque française. Un film vu l’année au printemps 2010 à la reprise des films d’Un Certain Regard, sélection cannoise dont le film a d’ailleurs remporté le Prix. Lire le billet.







The Silent House (La casa muda), un film d’épouvante chilien à la tension flippante et à la maîtrise technique bluffante, qui promet autrement plus d’angoisse que l’actuel Rite de Mikael Hafstrom désespérément plan-plan. Lire le billet.







Pollen, un film documentaire mi-animalier mi-écolo, qui lorsque je l’avais vu en projection test à l’automne dernier  était des plus étranges, casse-gueule et fascinant à la fois. Depuis, apparemment, ils ont engagé Mélanie Laurent pour la voix off. Ce qui devrait changer un des problèmes du film… que je détaille dans mon billet.

vendredi 11 mars 2011

Cycle Toho à la Maison de la Culture du Japon de Paris... Tokyo tout flou !

Depuis début février et jusqu’à la fin du mois, la Maison de la Culture du Japon de Paris organise un cycle de films sur le thème « Toho : le rêve américain ». Le fameux studio japonais est mis à l’honneur à travers une série de films allant des années 30 au années 2000. Voilà plusieurs semaines que je regardais le programme en me disant « Allez quoi, ça serait bien que j’aille en voir un », et depuis quelque jours j’avais repéré dans cet agenda conséquent le film Always : crépuscule sur la troisième rue de Takashi Yamakazi, un des films les plus récents du cycle, datant de 2005.

Étonnamment, malgré la profusion de films régulièrement projetés là-bas, et mon intérêt certain pour le cinéma asiatique, je n’étais jamais allé voir un film dans la petite salle du rez-de-chaussée de la MCJP. J’étais curieux de voir à quoi ressemblait leur salle de projection, et ce fut une agréable surprise. Une salle de 120 places en profondeur avec un écran de belle taille et de sièges rappelant ceux de la Cinémathèque française. Pas mal pour une salle de Maison de la Culture. Pas mal du tout. Je me demandais également s’il y aurait du monde, les projections des films du cycle étant en accès libre (oui oui, gratuit !). On devait bien être 80 ou 85 présents pour Always, un film multiprimé au Japon il y a quelques années, adapté d’un manga.

Je dois bien avouer que vu la fraîcheur chronologique du film, et la qualité apparente de la salle, je ne me suis même pas posé la question de savoir si le long-métrage bénéficierait d’une projection de qualité. Oh le choc. J’aimerais n’avoir à parler que du film, mais je ne peux laisser de côté la qualité de la projection (à l'heure de la tragédie qui frappe le Japon, ça paraît tout de même futile comme choc, j'en suis bien conscient). Je ne saurais honnêtement pas vraiment dire d’où vient précisément le problème qui s’est posé. Mais il y avait manifestement un gros problème. Un film de 2005, bon la copie ne risquait pas d’être trop dégueulasse. Or dès que la lumière s’est éteinte, la première chose sautant aux yeux, à part la lumière verte de la sortie de secours qui était bien trop puissante (mais ça c’est une autre histoire), c’était l’image tressautante et un peu sale. Wouaouh. Moyenne la copie.

Mais finalement, les déchets de la pellicule sont allés en s’amenuisant au fur et à mesure que le film avançait. Non, le plus gênant tenait en deux autres points. Le premier, un son pourri. Ca en faisait presque mal aux oreilles tellement il crachait, et tellement la musique semblait sortir d’un tourne-disque un chouia rayé. Aïe aïe aïe, ça ne sentait pas bon. Le second point, malheureusement, était la mise au point. Brouillonne, pour le moins. Les personnages ne semblaient jamais vraiment nets, et les sous-titres presque illisibles. Un spectateur du rang devant moi, qui était en bout de rangée, s’est levé au bout de quelques minutes, à l’évidence pour aller dire à quelqu’un de la MCJP qu’il y avait un gros souci de projection, car 2 ou 3 minutes plus tard, une tentative de mise au point était faite depuis la cabine. En vain. Le projectionniste n’a pas réussi à obtenir une image correcte. Est-ce de sa faute, de celle du matériel de la salle, de la qualité originelle de la copie (qui après le départ inquiétant avait l'air bonne, finalement), je n’en sais rien, mais le résultat c’est que tout le film a été projeté avec une image peu agréable à regarder ou à écouter, et il ne fait aucun doute que s’il ne s’était agit d’un film rare dans une salle obscure française, je me serais levé et barré. Certains spectateurs étaient d'ailleurs surpris d'apprendre que le film datait de 2005, ils ont dû le croire bien plus vieux à cause de cela...

Mais le film n’a pas dû être souvent projeté en France, et ne le sera pas énormément à l’avenir (surtout avec cette copie !). Je suis donc resté avec un mal évident à me plonger dans le film dans ces conditions. Mais cela ne m’a tout de même pas empêché d’apprécier Always : sunset on the third street. Le film s’ouvre à l’aube de l’été 1958 à Tokyo. Une jeune fille de la campagne monte dans la capitale pour son premier emploi, qu’elle croit être dans une grande entreprise automobile comme secrétaire. Or lorsqu’elle arrive sur place, elle découvre qu’elle a en fait été engagée dans un petit atelier de réparation automobile de quartier, et qu’elle va devoir mettre la main dans le cambouis. A travers son arrivée, c’est la vie de ce quartier populaire à l’ombre de la Tour de Tokyo en construction que l’on découvre. Une petite rue de commerçants vivant dans leurs boutiques, d’enfants insouciants, et de souvenirs de la guerre treize ans après sa fin.

La grande réussite de Always, c’est de faire vivre ce quartier et ses habitants. Le réalisateur instaure un vrai climat de proximité entre les spectateurs et les personnages. Il les aime ses personnages, et cela se sent, grâce à quoi nous aussi on les prend vite en affection. Pour leur côté théâtral et excessif, pour la nostalgie empreinte de douceur qu’ils représentent, pour cette joie teintée d’amertume qui parcourt le film. Takashi Yamakazi appuie parfois un peu trop les émotions (et cette fin n’est pas ce qu’il y a de plus réussi), mais la force qu’il parvient à imprimer au récit se détache tout de même. La famille est au cœur du film, surtout celle que l’on se choisit. Celle que la petite campagnarde découvre en la famille qui l’accueille, et celle que le gamin abandonné trouve en cet écrivain raté qui le fait rêver. Ce regard sur les familles pas comme les autres nourrit le film.

Lorsque la lumière se rallume, la porte est grande ouverte pour la suite, qui fut tournée deux ans plus tard et que le cycle Toho programmera dans quelques jours. Si le courage d’affronter de possibles sons crachotant et images floues se fait en moi, il n’est pas impossible que j’aille découvrir ce qu’il advient des habitants de cette fameuse « troisième rue »…

mercredi 9 mars 2011

Rire et sexe à toute heure pour spectateurs oisifs

Que faire lorsque l’emploi du temps de la journée est vide, que les vacances touchent à leur fin et qu’on a des films en retard ? Une excursion en salles obscures paraît indispensable. C’était déjà le programme de la veille, mais j’avais enchaîné deux films sombres. Tous deux très bons, mais tous deux très noirs : Avant l’aube et Santiago 73 : post-mortem. Le lendemain j’avais donc envie de rire. Après tout c’est encore les vacances, il ne faudrait pas trop plomber l’ambiance, quand même.

Ca tombe bien parce qu’en ce mardi 8 mars, j’avais un film immanquable sur mes tablettes : Halal, Police d’état. Immanquable en ce jour, car il semble que le lendemain, le film serait invisible sur Paris (il ne passe plus qu’Pathé Wepler sur Paris intramuros). La nouvelle comédie écrite et interprétée par Eric et Ramzy ne semble pas s’être transformée en succès du moment auprès du public parisien, malgré les excellentes critiques dont le film a joui dans la presse. Ce sont d’ailleurs ces critiques enthousiastes qui m’ont motivé, car je dois bien avouer que les films d’Éric et Ramzy, ce n’est pas trop ma came. Je suis loin de les avoir tous vus, mais ce que j’en ai vu m’a toujours convaincu que les deux compères ne sont pas les plus grands comiques de leur génération. Loin de là.

Mais bon, il faut bien leur laisser une nouvelle chance de temps en temps, et vu que j’avais zappé Seuls Two, la lecture de la critique de Libération, où Didier Péron va jusqu’au dithyrambe en comparant l’humour du duo au meilleur de la comédie américaine, m’a finalement donné envie d’aller jeter un œil à Halal Police d’État. Il m’aura finalement fallu trois semaines pour y aller, moins par doute que pour attendre un ami désireux de le voir mais n’ayant finalement pas trouvé le temps. Tant pis pour lui, moi j’ai saisi la dernière chance de le voir sur grand écran. Et plutôt qu’une des petites salles de l’Orient Express, qui ont leur charme bien à elles (haha), j’ai opté pour une belle salle de 200 places à Bercy, à 11h30. Semaine du matin en semaine pour une comédie d’Éric et Ramzy dont le public est plutôt ado… résultat, on n’était même pas dix pour suivre les aventures parisiennes du duo de flics algériens Nerh-Nerh et Le Kabyle, loin d’avoir inventé l’eau chaude et mandatés pour prêter main forte à la police française sur une affaire de serial killer à Barbès.

Avec les six ou sept autres spectateurs calés dans le fond de la salle, j’avais l’impression d’avoir le film pour moi tout seul, et au début ça m’a un peu fait peur. Je ne me souviens pas avoir ri pendant le premier quart d’heure du film, en fait. Ca sentait déjà la daube à la Double Zéros à plein nez. Et puis finalement, petit à petit, je me suis mis à rire. Des gags commençaient à faire mouche. L’esprit absurde de l’entreprise prenait nettement mieux que sur leurs précédents films. Je n’irais pas jusqu’à m’enflammer comme Péron dans Libé, mais force est de constater qu’Eric et Ramzy ont fait des progrès. L’un des points essentiels est qu’il parvienne à rendre leurs personnages sympathiques, ce qu’ils ont habituellement bien du mal à faire. Chez eux, débile rime trop souvent avec horripilant, ce qui pose problème.

Mais ici, entre les « blédards » posant pour leur calendrier, le concierge d’hôtel tendance Norman Bates, l'enlèvement extraterrestre qui imprime un accent français et les chinois qui s’appellent Cohen, les gags pullulent, et souvent dans le bon sens. Bon d’accord, ça pullule dans tous les sens, et plus d’une fois ça tombe à plat. Mais comparé aux précédentes aventures cinématographiques d’Eric et Ramzy qui tombaient constamment à plat, il y a du mieux.

Dans le genre qui part dans tous les sens, Halal Police d’État n’est pourtant pas le plus fou que j’ai vu ce jour-là. Toujours en recherche d’humour, je suis ensuite allé poser mes fesses dans la grande salle du Balzac pour Rio Sex Comedy de Jonathan Nossiter. Voilà longtemps que je ne m’étais pas trouvé dans la belle salle du Balzac. D’ailleurs je n’étais pas allé au Balzac depuis l’été dernier, lorsque j’avais découvert la petite « salle de luxe » du cinéma pour City of Life and Death. Eh bien le mardi à 14h, il n’y a pas grand monde au Balzac non plus. Dans la grande salle de 300 places (à vue de nez), comme pour Halal Police d’État quelques heures plus tôt, nous étions à peine dix à nous répartir aux quatre coins de la salle.

A l’origine j’étais un peu hésitant pour Rio Sex Comedy. Une comédie franco-américano-brésilienne à Rio avec des couples explorant leur vie sexuelle (ainsi que ça en avait l’air) par le réalisateur du documentaire Mondovino, j’étais hautement craintif. Mais l’esprit festif qui semblait régner dans le film, plus la présence au générique du trop rare Bill Pullman, ont attisé ma curiosité. Et je crois bien que le terme technique en vigueur dans l’appréciation d’un film décrivant le mieux ce que j’ai ressenti devant Rio Sex Comedy est : je me suis éclaté. Excusé le langage très élaboré, mais il convient à merveille. Rio Sex Comedy est un film totalement foutraque. Totalement. Les personnages sont inconstants, les intrigues partent dans tous les sens, et le film est trop long… non vraiment, vu d’en haut, le film ne ressemble souvent à rien. Mais c’est pourtant bien cette confiture étrange à saisir qui fait tout le charme de Rio Sex Comedy. C’est un joyeux bordel dans lequel il fait bon être spectateur.

Pullman incarne l’ambassadeur américain qui prend la tangente dans une favella pour se trouver une nouvelle vie, Charlotte Rampling la chirurgienne plastique qui déconseille ses clientes de passer sur le billard, Fisher Stevens un drôle d’américain qui fait visiter les favellas aux touristes et est amoureux d’une belle indienne qui se rêve star de telenovela… Les personnages sont tous assez fous et inattendus, et ils vivent en osmose avec l’esprit coloré du film. C’est absurde, c’est cliché, c’est sexy. Et surtout c’est jubilatoire. Le cocktail est étonnant et réjouissant. Les craintes se sont évaporées.
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