mardi 7 septembre 2010

No Mercy, ou comment Alejandro Jodorowsky m'a survendu un polar coréen quelconque

Après la mise en bouche amusante de la veille, les choses sérieuses commençaient dimanche à L’Étrange Festival grâce à la carte blanche à Alejandro Jodorowsky. L’artiste chilien, maître en divers domaines dont le cinéma (El Topo et La Montagne sacrée entre autres), a choisi pour le Festival quelques films de genre qu’il apprécie particulièrement et bonne surprise, l’un des films retenus se trouve être un polar coréen inédit dans les salles françaises, sorti au début de l’année en Corée du Sud, No Mercy.

Jodorowsky lui-même s’est fendu d’une présentation du long-métrage qui affichait presque complet. Et le bougre nous l’a bien vendu, comme il s’y était déjà employé dans le programme du festival. Mais là, devant les 500 spectateurs que nous étions, Alejandro a laissé parler son enthousiasme de plus de 80 printemps avec accent sud-américain à la clé pour nous convaincre que nous étions partis pour une claque comme les coréens en ont le secret. Le présentateur de luxe est même allé jusqu’à dire que No Mercy était supérieur à Oldboy dans le genre, une comparaison forte quand on sait à quel point les amateurs de cinéma de genre portent haut le film de Park Chan-Wook dans leur cœur.

Malheureusement, force a été de constater, deux heures plus tard, que Jodorowsky nous a bien trompés. Il nous a survendus le film, qui est au final l’exact opposé de ce qu’il voulait nous faire croire: No mercy n’est qu’un ersatz de Oldboy. Une pâle copie qui, loin de le surpasser, ne fait que reproduire son thème et ses effets sans jamais parvenir à transcender le modèle. A la sortie du film, un de mes camarades de visionnage a sorti « No mercy, c’est Oldboy produit comme un épisode des Experts. Oldboy produit par Jerry Bruckheimer et réalisé par Michael Bay, l’action en moins ». Je ne serais pas allé chercher une comparaison par là, mais force est de constater qu’on n’en est pas loin.

Le corps d’une jeune femme est retrouvé près d’un estuaire. Une jeune flic à peine sortie de l’académie assiste les inspecteurs sur l’enquête, tout heureuse de pouvoir côtoyer un de ses anciens professeurs, le Docteur Kang, médecin légiste de son état, sur une enquête. Ce dernier va se trouver au cœur de l’affaire lorsqu’il va découvrir que le tueur tient sa fille en otage et menace de la supprimer si le professeur ne l’aide pas à échapper à la justice.

Il apparaît bien vite qu’il y a une raison précise au chantage exercé sur le légiste de la part du tueur, enfoui dans le passé de l’homme, un passé qu’il devra fouiller en même temps que les policiers enquêtent sur le meurtre. Une course contre le temps et les dissimulations similaires à celle d’Oh Dae-su dans Oldboy. Lorsqu’on a compris que le réalisateur Kim Hyeong-Joon a pris le film de Park Chan-Wook pour modèle, le scénario nous balade sans franchement nous happer, ni tout à fait nous surprendre, malgré le joli minois de l’actrice de dramas Han Hye-Jin et la présence de Seol Kyeong-Gu, plus sérieux que dans Haeundae (autrement connu ici sous le titre The Last Day) mais moins intense que dans Oasis de Lee Chang-Dong.

J’aurais vraiment voulu me prendre une claque devant No Mercy comme je m’étais pris une claque devant Oldboy ou The Chaser, comme me l’avait promis Alejandro Jodorowsky. Sa passion pour le film était communicative, jusqu’à ce que le visionnage nous révèle la supercherie. Certes il n’a pas été aidé par un problème technique survenu en cours de projection : au bout d’1h40 de film environ (qui dure un peu plus de deux heures en tout), nous avons été privés de sous-titres pendant cinq minutes. Pas de bol, il semblait évident que l’absence de traduction écrite intervenait exactement à un moment crucial ou des clés de l’intrigue étaient révélées. Mais pour la majorité de la salle, ces clés se sont évanouies dans la barrière de la langue. Pour ma part, l’incident m’a fortement agacé et déconnecté du film bien après que le sous-titrage ne réapparaisse miraculeusement, plombant le film un peu plus.

Heureusement la projection n’était pas en 35mm, sans quoi l’absence de sous-titres aurait probablement duré au moins le temps d’une bobine. Et j’ai beau avoir fait des progrès en coréen ces dernières années, et comprendre la langue mieux qu’un français lambda, retirez-moi les sous-titres sans prévenir et mes lacunes se font jour. Mais même sans cet incident, No Mercy n’aurait pas fait forte impression, j’en ai bien peur.

Décidément L’Étrange Festival 2010 démarre mollement. Vivement que le sentiment change. Prochaine étape, Dream Home mercredi soir.

10 commentaires:

I.D. a dit…

Alors autant te prévenir avant d'aller vers une déconvenue, Dream Home ne sera pas un chef-d'oeuvre, ni un très bon film. Bon ? A voir. Ce serait plutôt le genre de film intéressant mais qui donne un sentiment mitigé. En gros ne rien s'attendre du film. :) Je pars dans cette perspective. Ainsi on évitera sans doute le conditionnement d'un mec comme Jodorowsky lorsqu'il te vend ce thriller (le coréen). Finalement, à te lire, je ne regrette pas d'avoir zappé ce No Mercy. Qui sait ? Il sera peut-être bien au Festival Franco-Coréen 2010 dans une plausible séance rattrapage.

Les bonhommes comme Jodorowsky (sans remettre en cause sa connaissance du cinéma), je me demande justement s'il ne manque pas de connaissance sur le cinéma sud-coréen et plus globalement du cinéma du continent asiatique. A l'image de pas mal de critique "pro'" qui parce qu'il ont vus 5 films sortis en France (salle ou DVD) te balancent des trucs comme le nouveau Old Boy et ici pour le coup, meilleur que le PCW. Ca s'enflamme malheureusement trop vite. Et dans le cas de figure No Mercy, tu te retrouves à placer la barre haute. J'imagine la déception. Les passionnés parfois, ils ne sont pas assez objectif. Ce n'est pas pour me déplaire et c'est même tant mieux mais lorsque tu ne partages pas le même enthousiasme à la fin de séance c'est tout de suite moins cool.

David Tredler a dit…

Je te rassure ID mes attentes ne sont pas du tout les mêmes pour Dream Home. Je n'en attend rien de particulier, pour tout te dire je ne sais même pas vraiment de quoi ça parle, on verra bien, à l'inconnu ça ne fait pas naître trop d'attente et c'est bien comme ça aussi !
Sera-t-il au Festival Franco-Coréen ? Bonne question. J'espère que non. Après j'ai parlé du film à Dong-Suk à la sortie, qui m'a avoué aimer les films de vengeance et avoir apprécié celui-là, et il semblait déçu que personne n'aime, du coup ça ourrait être un signe... Mais j'espère décidément que non^^

Pour ce qui est de Jodorowsky, d'après ce qu'il nous disait en préambule il voit beaucoup de films asiatiques qu'il se procure en DVD, parfois même sans sous-titres. Il nous a dit adorer le cinéma asiatique parce qu'il connait peu les acteurs, ou seulement de tête, pas comme des stars américaines que l'on connait par coeur, et lui déteste les stars. Donc d'après ce qu'il nous a dit, il est loin de n'avoir vu qu'une poignée de films. Il nous a même dit avoir déjeuné avec Park Chan-Wook par le passé, et qu'il adore son travail même s'il préfère ce No Mercy...
Non je pense qu'il a juste des goûts douteux^^

I.D. a dit…

Oui alors, dit comme ça... le constat est là : Jodorowsky a des goûts (plus que) douteux. :) En même temps, je suis un peu spécial, je n'ai pas aimé Old Boy bien que je lui concède des qualités. Après, ça me fait marrer parce qu'il doit voir des films avec des "vrais" stars locales. Un paradoxe lui qui ne semble pas aimé les "stars". Parce que l'on prend Andy Lau. Andy Lau surpasse de très loin les Tom Cruise, Will Smith et consort en terme de popularité sauf... en occident. Mais si l'on comptablise, il doit être loin devant. C'est qu'ils sont nombreux sur le continent asiatique. ^^

Et sinon, je rentre dans l'exclamation ! Non ! Ne me dis pas que Dong-suk a aimé ce film ! (Bon en même je ne l'ai pas vu mais maintenant j'arrive "presque" à jauger tes goûts) Ce bonhomme est incroyable, il doit être le seul passionné de cinéma a aimé ce que la majorité déteste. Je me souviens de certains films présents au FFCF'09... j'aurai de grande chance alors de l'avoir dans une séance rattrapage. :) En tout cas bonne nouvelle, il n'y aura pas de Bedevilled d'après les infos diffusées sur FB. ^^ Bon vite fait pour en revenir sur ce film-ci, je lis de plus en plus de bonne critique à son sujet. Je m'interroge sur mes propres goûts... lol. Je ne suis pas Jodorowsky ! :))

David Tredler a dit…

Félicite-toi de ne pas être Jodorowsky, ID, car après avoir vu "No Mercy", c'est une preuve de goût ^_^

C'est sûr que le degré de célébrité ne peut pas être évalué à sa juste valeur lorsque l'on n'est pas présent sur le continent où cela se joue.

Quant aux goûts de Dong Suk, ils sont impénétrables je pense, et c'est pour ça qu'on l'aime bien aussi^^ Faut oser aimer Lee Myung Se quand même ! Pour Beveilled j'ai lu ça effectivement, qu'il n'y serait pas. D'ailleurs j'ai vu que le film venait de sortir le week-end dernier en Corée dans une petite combinaison de salles. Moi j'ai du mal à évaluer ce que je pense du film, vu les conditions dans lesquelles je l'ai vu. Finalement il faudrait peut-être que je le revois !^^

I.D. a dit…

David ! On ne va pas rentrer à nouveau dans ce débat ?! Lee Myung-se, c'est pas mal... j'aimerai que Bedevilled soit au niveau de la majorité de ses films. Ouh la vanne ! Cheol-soo Jang mérite tout de même qu'on s'intéresse à lui.

Maintenant, on peut dire ce que l'on veut même lorsque c'est n'importe quoi. Jodorowsky nous a ouvert la voie... ;)

David Tredler a dit…

Zut, t'aimes bien Lee Myung-se toi ?! J'avais oublié^^ T'es pas un pote à Jodorowsky par hasard ? ;)

Oui, Alejandro nous a à l'évidence ouvert la voie ^^
Le peu que j'en ai vu, je pense que je préfère (largement ?) Bedevilled à tout film réalisé par Lee Myung-Se. Facile. ;)

Phil Siné a dit…

bon faut vraiment que je me préoccupe de cet étrange festival moi...

David Tredler a dit…

Je te le recommande, Phil !

Benoît Di Pascale a dit…

Mon appréciation de No Mercy s'est fait dans le chemin inverse. N'en attendant absolument rien, je me suis retrouvé devant un thriller coréen pas spécialement original (même grammaire que Old Boy en effet, mais la comparaison s'arrête là) mais rondement mené et divertissant.
Après je peux comprendre qu'entendre un hurluberlu dire à qui veut l'entendre que le film est un nouveau Old Boy juste avant la séance peut résulter dans une amère déception...
Mais pour moi, ce fut un agréable et divertissant visionnage. Je ne m'attendais pas non plus spécialement au dénouement, quoiqu'un peu "abusé".

David Tredler a dit…

Peut-être en attendais-je trop, certainement, mais je pense que même en en attendant moins, j'aurais tout de même été cruellement déçu par ce film Benoît...

over-blog.com