mardi 10 août 2010

"City of life and death" : un peu de vie, beaucoup de mort(s)

« La vie est plus pénible que la mort ». Au fin fond de l’été, dans une poignée de salles parisiennes, on en arrive à comprendre cet aphorisme qui résonne avec force au bout de City of Life and Death. Il est souvent bien difficile d’apprécier un film objectivement lorsque celui-ci traite d’un sujet aussi délicat et révoltant que le massacre de Nankin, cet épisode plus que sanglant de la Guerre Sino-Japonaise précédant la Second Guerre Mondiale.

En décembre 1937, les troupes japonaises sont entrées dans Nankin après avoir vaincu l’armée chinoise. Les autorités chinoises fuirent, laissant quelques troupes et des centaines de milliers de civils face aux forces japonaises qui prirent le contrôle de la ville. En l’espace de quelques semaines, quelques jours, 300.000 chinois furent tués, des milliers de femmes violées. Aujourd’hui encore, le massacre de Nankin pèse lourd dans les relations sino-japonaises.

Le film de Lu Chuan, intitulé Nanjing ! Nanjing ! en version originale, prend ainsi pour cadre ces quelques semaines entre la prise de pouvoir de Nankin par les japonais et le départ de John Rabe de la Cité. Rabe, homme d’affaire allemand installé à l’époque en Chine, membre du Parti Nazi, mit en place une zone de sécurité dans laquelle l’espérance de vie était plus élevée pour les chinois face aux soldats japonais. City of life and death n’est pas un récit classique des évènements, mais plutôt une suite de chapitres de ce triste épisode de l’Histoire. Le fil rouge du récit est un soldat nippon, Kadokawa, qui va traverser chaque tableau peint par le film : la prise de contrôle finale de la ville, l’annihilation des restes de l’armée chinoise, la vie au sein de la zone de sécurité…

Le parti pris esthétique du film est intéressant car il se veut à la fois beau et brutal. Le noir et blanc donne une facture historique autant qu’il apaise la brutalité. Il confère au récit un paradoxal échange entre lyrisme et froid réalisme. Face à la saisissante violence des évènements, c’est un choix audacieux, et souvent admirable.
Certains voudront sûrement reprocher au réalisateur de dresser une vibrante peinture du courage chinois face à l’ignominie japonaise, mais ce serait nier la réalité de l’Histoire. A ce titre, Lu Chuan a fait le choix intéressant de prendre comme personnage central un soldat japonais emporté malgré lui dans l’horreur, une horreur à laquelle il ne s’attendait pas, face à laquelle il ne sait comment réagir. D’une grande innocence la plupart du temps, il apporte de la nuance au portrait qui est fait de l’armée japonaise qui perpétue le massacre. En plaçant ce japonais au cœur du récit, il parvient à traiter de la place de l’homme dans un conflit, du soldat dans la guerre.

Bien sûr, City of Life and Death est un film sur le massacre de Nankin. Mais c’est aussi, et c’est important, un film sur l’atrocité de la guerre. Un film sur le traumatisme de la guerre. Que nous reste-t-il après avoir vécu cela ? Après avoir survécu à cela ? Après avoir commis cela ? Le choix du cinéaste de terminer son film en dehors des remparts de Nankin, entre deux délivrances différentes, la vie et la mort, est beau. Il nourrit le caractère interrogatif et amer de ce récit historique au cours duquel l’atrocité ne nous est pas épargnée. Tant mieux.

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