lundi 23 septembre 2013

L’Étrange Festival 2013, suite et (déjà) fin...

Chaque année, raconter mes découvertes cinématographiques à l’Étrange Festival est un rituel qui s’étend sur plusieurs jours. Cette année, à peine ai-je commencé à le relater que le festival était terminé, pendant que mon dernier compte-rendu s’est lui fait attendre. Il y a quelques jours je racontais les déceptions « Berlin File » et « Confession of murder » et la réjouissance « Ghost Graduation ». Après mon billet plus développé sur « Snowpiercer », me voici donc de retour pour les trois autres films vus à l’Étrange, alors que la manifestation est terminée depuis quelques jours déjà.

Oui, vous comptez bien, j’aurais voulu en voir 17 ou 18 cette année, mais je n’ai même pas atteint la barre des dix en fin de compte. La faute au nouveau système de billetterie du Forum des Images et surtout à mon emploi du temps chargé qui m’a même fait rater l’un des films que j’attendais le plus au Festival, « A Field in England » ou « English Revolution » en version française, le nouveau film de Ben Wheatley, à qui l’on doit les excellents  « Down Terrace », « Kill List » et « Touristes ». Un raté d’autant plus rageant que le film anglais ne sortira pas en salles en France, mais au lieu de cela vient tout juste de sortir directement en VOD, un choix probablement adoubé par le réalisateur lui-même étant donné tout le bien qu’il pensait de la sortie simultanée en Grande-Bretagne en salles et en VOD. Quand le réalisateur lui-même commence à se réjouir de voir son film sortir en même temps en VOD et en salles, c’est la mort de la salle de cinéma qui avance à petit feu. C’est triste.

Si je n’ai pu voir « English Revolution », j’ai en revanche vu « The Station », un petit film d’horreur autrichien réalisé par Marvin Kren et incroyablement survendu par le même homme qui un an plus tôt nous avait survendu l’horrible remake d’ « Histoires de Fantômes Chinois » (il aggrave son cas d’année en année). Bon, n’exagérons rien, « The Station » n’est pas si mauvais que cela, mais lorsque l’on nous annonce avant la projection un film d’une maîtrise incroyable, un futur grand nom du cinéma de genre qui va compter dans les années à venir, et que l’on découvre un gentil p’tit nanar drôle mais assez mal fagoté, on sort forcément déçu.

« The Station » suit une équipe de scientifiques étudiant le réchauffement climatique dans les Alpes  qui se trouve confrontée à un organisme entraînant la mutation de la faune locale, rendant celle-ci particulièrement agressive à l’égard de l’homme. L’univers clos de la station d’étude et de ce bout de montagne est plutôt bien géré et offre un temps un certain potentiel dans la tension, mais celle-ci retombe très vite lorsque l’on découvre les monstres attendus, et surtout la façon dont ils sont perçus.  Krent choisit une caméra subjective qui rend les attaques des bêtes mutantes plus ridicules que flippantes, un ridicule qui va atteindre son paroxysme dans le dénouement du film, nanaresque à souhait.

Heureusement, je n’en suis pas resté là à l’Étrange Festival, et si je n’ai pas pu voir le nouveau Ben Wheatley (je sais, je rabâche), j’ai pu attraper le nouveau Sono Sion, qui venait tout juste de faire sa Première Mondiale à la Mostra de Venise, ainsi que d’être projeté au Festival de Toronto, avant de sortir dans son Japon natal ces jours-ci. Après être resté des années sans être visibles sur les grands écrans français hormis dans les festivals, le cinéaste nippon a vu deux de ses films sortir en salles ces derniers mois, le puissant « Land of Hope » succédant au poétique et sulfureux « Guilty of Romance ». Et « Why don’t you play in Hell » constitue une œuvre de plus de Sono Sion qui mériterait amplement d’être amené sur les grands écrans hexagonaux.

La capitale mondiale de la cinéphilie ne peut que se réjouir d’un tel film, parfois sauvage et rageur, d’autres amer et poétique. Le long-métrage suit les tribulations d’une bande d’amis sur le point d’entrer dans l’âge adulte, passionnés de cinéma et rêvant de faire un grand film quand ils seront plus mûrs. Dix ans plus tard, la passion ne les a pas quittés, mais ils sont restés amateurs, n’ayant toujours pas touché du doigt leur rêve. Parallèlement, un yakuza s’apprête à accueillir sa femme qui vient de passer dix ans en prison. Pour son retour, il aurait voulu qu’elle soit fière de sa fille qui se rêve actrice. Les chemins des apprentis cinéastes et du couple père/fille yakuzas sont destinés à se croiser…

« Why don’t you play in Hell ? » n’est pas une simple déclaration d’amour au cinéma. C’est un cri du cœur en direction du cinéma tel qu’il se fait rare, le 35mm et ses énormes caméras, les cabines de projection où le bruit des bobines est synonyme de bonheur cinéphile. Ces salles de cinéma qui se vident (dans certains pays), peut-être parce que c’est la crise, peut-être parce que l’on peut désormais regarder les films sur son ordinateur, sa tablette ou son téléphone. Une certaine mélancolie se dévoile entre les lignes du film de Sono Sion, mais une mélancolie qui ne cache jamais la passion, l’exaltation, l’envie qui parcourent le film et les personnages.

C’est parfois maladroit, le film bouillonne tant d’émotions qu’il manque peut-être parfois de tenue, mais c’est aussi ce qui fait sa force et son pouvoir de séduction sur les amoureux des salles obscures qui étaient présents à la projection. Comme une évidence, « Why don’t you play in Hell ? » s’est vu récompensé du Prix du Public, son amour du cinéma ayant trouvé sans surprise écho auprès de ses spectateurs.

La cérémonie qui a vu triompher Sono Sion s’est ponctuée par un film de clôture séduisant à défaut d’être franchement mémorable, « Haunter ». Il s’agit là du nouveau long-métrage réalisé par le canadien Vincenzo Natali, révélé il y a 15 ans (déjà !) par « Cube », et à qui l’on doit notamment le fascinant « Nothing » et l’irritant « Splice ». A la sortie du film, tout le monde semblait résumer le film de la même façon, à quelques mots près : « C’est Un Jour Sans Fin dans une maison hantée ».  C’est toujours un peu dommage de réduire un film à une telle formule, même si force est de constater qu’il s’agit peu ou prou de cela.

Abigail Breslin (la gamine de « Little Miss Sunshine » qui a grandi) y incarne une adolescente semblant condamnée à revivre continuellement la même journée dans une sombre maison avec des parents et un petit frère qui eux ne semblent pas se rendre compte que chaque jour est le même que le précédent. Elle seule semble avoir compris qu’ils sont tous morts et qu’ils n’ont d’autre choix que de rester dans cette maison à revivre cette journée. Pourtant elle veut savoir ce qui leur est arrivé, et quelles sont ces voix et ces ombres inquiétantes qui parsèment la maison. La situation intrigue, la film happe occasionnellement, mais ne parvient pas à conserver sa fraîcheur et son attrait tout du long.

Malgré cela si cette année j’avais pu venir chaque jour au festival et voir tous les films qui me faisaient envie avant le début des festivités, j’aurais pu voir un beau clin d’œil dans cette répétition quotidienne des jours en clôture du festival. L’Étrange Festival 2013 aura vu une nette baisse de régime de ma part, mais puisque l’an prochain marquera la vingtième édition du Festival préféré des parisiens amateurs de cinéma de genre, je ne doute pas qu’en 2014, je tenterai de redoubler d’effort pour satisfaire mes désirs cinéphiles.

1 commentaire:

Martin a dit…

Merci pour cette nouvelle chronique, David. Apparemment, comme dans tout Festival, il y a du bon et du moins bon. Mais tu donnes envies d'y être.

Je signerais bien pour quelques-uns des films dont tu as parlé.

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