mercredi 5 octobre 2011

Où je retombe en enfance au détour d'un zapping télé...

C’était un mardi soir trop ordinaire et pourtant pas vraiment comme les autres, entre lessive, courses et bureau de poste. A force de repousser les corvées, elles finissent par toutes se chevaucher en une même soirée. C’était un mardi soir où je n’avais décidé d’allumer la télévision que pour m’occuper les yeux le temps de manger, en attendant d’aller écrire mon billet sur Hobo with a shotgun. Je zappe alors, en quête d’un bout de programme agréable à regarder sans risque de rester accroché deux heures durant devant le poste.

J’ai zappé jusqu’à tomber sur le cheval ailé blanc de la Tristar annonçant le début d’un film sur la TNT. Tiens, Hook… En voilà un que je n’ai pas vu depuis longtemps, ça pourrait être marrant de regarder le premier quart d’heure, et après j’éteins. Quand j’ai commencé à regarder le film de Steven Spielberg, je ne doutais pas que j’avais assez vu cette relecture de Peter Pan pour parvenir sans difficulté à m’en détourner rapidement. Pourtant je n’ai éteint que plus de deux heures plus tard, un sourire aux lèvres et un petit frisson me traversant. Un frisson de souvenirs vieux de quinze ou vingt ans.

Le premier souvenir, c’était celui des bus en 1992, arborant tous sur leurs flancs une affiche de film promettant une aventure digne des rêves d’un enfant d’une dizaine d’années. Hook, ou la revanche du Capitaine Crochet. Le réalisateur d’Indiana Jones portant à l’écran Peter Pan, ce personnage qui est le héros de tous les enfants. Robin Williams, Dustin Hoffman, Julia Roberts, Bob Hoskins devant la caméra. En 1992, j’en rêvais de ce film.

Mon second souvenir prend place quelques semaines plus tard au Paramount Opéra. A l’époque, chaque déplacement dans une grande salle de cinéma parisienne est un émerveillement pour le gamin banlieusard que je suis, et le souvenir de mon entrée dans la grande salle du Paramount est indélébile. Nous sommes en retard, le film est déjà commencé depuis quelques minutes, ma mère nous presse, ma sœur et moi, et nous fait asseoir rapidement. Du haut de mes dix ans, la salle et l’écran me paraissent immenses. J’y découvre les aventures de ce Peter Pan ayant grandi et oublié qu’il est Peter Pan. Obligé de retourner au Pays imaginaire pour sauver ses enfants du crochet de son vieil ennemi pirate, Peter doit convaincre les enfants perdus, et lui-même, qu’il est bien Peter Pan. Et retrouver ses aptitudes au combat, pour aller défier Crochet. Une aventure dont on ne peut décoller les yeux lorsqu’on a dix ans.

Mon troisième souvenir est celui des visions répétées du film. La vidéo a souvent fait chauffer le magnétoscope au début des années 90. Une première fois pour découvrir ces premières minutes que nous avions ratées au Paramount Opéra. Et toutes les fois suivantes, pour le plaisir de voler vers le Pays Imaginaire au côté de Clochette, de manigancer avec Mouche, de rêver avec les enfants perdus. Aujourd’hui je ne regarde plus les films comme je le faisais enfant. Aujourd’hui je vois rarement les films plus d’une fois. Ma curiosité pour les films ne me laisse que peu de temps pour les revoir lorsque j’en ai tant à découvrir. Il y a quinze ans, l’envie de plonger encore et encore dans les univers cinématographiques qui me fascinaient était plus forte que la curiosité. C’est une caractéristique de l’enfance, sans doute. Voir et revoir les films nous plongeant dans l’aventure et le rêve.

A cet âge-là, on se croit encore immortel, l’insouciance tourne à plein régime, et rien ne compte plus que voir ces histoires de héros et de bravoure. Un jour, c’était sûr, mon tour viendrait. Moi aussi je vivrais des aventures où il faudrait affronter des méchants, voler au secours des faibles, sauver une jolie fille en danger. Comme Peter, je resterais un enfant. Comme Peter je volerais. Alors inlassablement, la vidéo retournait dans le magnétoscope, Peter Pan oubliait qui il était, Crochet enlevait ses enfants, Clochette le ramenait au Pays Imaginaire, les Enfants Perdus acclamaient son retour, et il finissait par renfiler son collant vert et défier Crochet, en souvenir du bon vieux temps où il était cet enfant qui refusait de grandir.

Steven Spielberg trouvait les mots simples et naïfs pour parler à l’enfant qui verrait son film, c’est aujourd’hui évident à la vision du film. Les répliques sont trop sucrées, les effets spéciaux trop voyants, les couleurs trop criardes. Mais à l’époque, c’est ce qui me faisait vibrer. Les attentes de l’enfance sont différentes de celles de l’adulte. Sa façon de voir les films aussi. Enfant, je me jetais à corps perdu dans les films, je devais les vivre continuellement, les regarder chaque semaine jusqu’à les connaître par cœur, jusqu’à croire que c’était moi, le héros du film. C’était moi, Peter Pan. Et Indiana Jones. Et Marty McFly. Et Inigo Montoya. Et d’autres encore.

Je l’ai tellement voulu, je l’ai tellement cru qu’aujourd’hui encore, leurs paroles résonnent en moi. Les répliques fusent aussi vite dans ma bouche qu’à l’écran. Je ne m’y attendais certainement pas, car la dernière fois que j’avais vu Hook, je ne devais pas avoir plus de 18 ans. Comme si une fois devenu adulte, le monde des enfants qui ne voulaient pas grandir n’était plus fait pour moi. Mais en ce mardi soir de 2011, j’ai reconnu chaque visage, chaque voix, chaque réplique. Ils se sont tous bousculés pour me faire revivre un pan de mon enfance. Et après la lessive, les courses et le bureau de poste, j’ai retrouvé les rêves du garçon de dix ans que j’ai été. Bangarang !

11 commentaires:

Martin K a dit…

Chouette chronique, que j'ai dû lire jusqu'au bout pour découvrir que ton frisson n'était pas dû à l'énième report des corvées... :)

Blague à part, je n'ai pas revu Hook l'autre jour, mais je me souviens de l'avoir plutôt apprécié alors qu'il avait été assez mal accueilli. Il faudra de toute façon que je le revoie, mon idée étant d'avoir vu un jour tous les Spielberg. Je parierais presque que toi, c'est déjà fait !

Bonne journée, ami cinéphile.

I.D. a dit…

La magie de la TNT ! Tu retombes sur des films ou téléfilms que tu aurais presque oublié avec le temps... les JCVD, les Steven Seagal et j'en passe. L'autre jour encore, il y avait Cocoon. Bref.

Je n'ai pas aimé ce film à l'époque. La VHS a tourné une fois dans le magnétoscope et c'était la dernière. Je me suis posé au début du film mardi et j'ai vite zappé. Peter Pan, jamais aimé non plus.

David Tredler a dit…

@Martin : en fait, il y a un Spielberg que je n'ai jamais vu... Sugarland Express. Il serait temps que je me penche sur la question...

@ID : C'est ce que j'aime sur la TNT, eux au moins n'hésitent pas à passer des films le soir, quels qu'ils soient.

I.D. a dit…

Je te rejoins là-dessus David. C'est clair que de nos jours, ils sont les seuls. Les chaînes hertziennes préférant quant à elles diffusées des émissions de télé réalité, des séries et autres divertissements. Lorsqu'on était môme, il y a avait du cinéma sur ces chaînes-là. Le mardi soir par exemple voulait dire quelque chose à notre époque. Je fais limite "vieux con" avec le discours qui dirait "c'était mieux avant" n'empêche c'est bien dommage. Après, je ne suis pas naïf, je sais aussi que les chaînes de la TNT diffusent ce genre de film parce qu'elles achètent à moindre coût et que réaliser des émissions coûtent de l'argent.

David Tredler a dit…

Mais elles passent aussi ces films parce qu'ils cartonnent niveau audience ID. La TNT a réoffert une belle fenêtre au cinéma à la télévision, avec des résultats remarquables. Et ça ça fait plaisir^^

I.D. a dit…

Là, je ne saurais dire. Les chiffres, je ne les ai pas. Du coup, je te crois volontiers. Si les chiffres sont là alors elles ne peuvent qu'être satisfaites et continuer. Tant mieux!

David Tredler a dit…

Oui les films diffusés en prime time sur la TNT attirent régulièrement plus d'1 million de téléspectateurs, quand même ^_^

Jocelyn Manchec a dit…

Oncques d'Hook on se toque. Ou presque. Voilà qui est suspect.
La défiance est générale, volontiers admise, légendaire. D'Hook on dit pis que pendre, le prétend worst of, digne du wall of shame.
Certes la chose a ses défauts: le casting opportuniste et irritant (Robbin Williams et Julia Roberts sont régulièrement é-pou-van-tables) n'en est pas le moindre à égale mesure avec la philosophie du conte de Barrie sévèrement trahie - la sempiternelle charge anti-chromos dont fait l'objet le film et l'auteur nous touchant déjà moins.

De Peter Pan Spielberg semble ainsi ne vouloir retenir que l'enchanteur, le merveilleux, et l'épuiser à l'extrême par le recours forcené au complaisant sentimentalisme. Pour ce faire il va jusqu'à nier certains aspects du matériau originel qui l'embarrassent et fait de Pan un être finalement doué d'émotions et d'empathie (ce dont le garnement éternel ne jouit précisément pas, prix à payer pour demeurer un enfant !) - le débat sur les largesses et les limites de l'adaptation cinématographique n'ont ainsi pas cours à cette occasion, tant le contresens, le refus de l'essence même de l'œuvre est au cœur du curieux dispositif de Spielberg variant son Barrie. Disney qu'on accuse de tant de maux à l'égard du patrimoine n'en a jamais fait autant dans la trahison (mieux, il s'en affranchit: la seule première apparition de Peter Pan dans sa version de 53 observant les parents Darling s'éloigner sous entend toute la cruauté juvénile de l'espiègle garçon !).
Cet "arrangement" permet toutefois à Spielberg de faire coïncider sa propre thématique sur la crise familiale (qui innerve nombre de ses films, de Duel à Arrête-Moi si tu Peux) et de se payer en outre une sorte de luxueux jouet (c'est le seul film de Spielberg a donner cette impression), de coûteux caprice Lucasien (le barbu caméotera d'ailleurs à l'écran et sa néfaste influence se ressent jusque dans le camp des enfants perdus devenu littéralement un village des Ewoks pour marmots steampunks), singulièrement démonstratif.

La finesse ne règne ainsi guère tout au long des 144 minutes de Hook.
Tout y est en force et en regrettables maladresses (les love stories larvées avec la vieille Wendy ou Clochette sont bien peu subtiles) et seules l'idée d'un Crochet dépressif et faussement suicidaire ainsi que la séquence de l'assaut final (elle même peu subtile) permettent un sursaut d'enthousiasme aux plus cléments d'entre les spectateurs (nous en sommes). Au point de sauver in extremis (à nos yeux du moins) la laborieuse affaire.
Mais il nous faudra admettre que jouant par trop sur la nostalgie mais aussi sur un merveilleux sommairement, bassement calibré, le film est presque caduc, anachronique lorsqu'il sort (à l'instar de Jumanji, autre Williamserie tristement retardataire) aux côtés de Terminator 2, de Fisher King ou, même !, de La Famille Addams... où le côté obscur de l'imaginaire n'est plus systématiquement évacué ni l'enchanteur farouche et forcené (une volonté nette chez Hook et qui en fait un titre plutôt réactionnaire !).

Aujourd'hui, en plus des outrages succinctement évoqués, s'est ajouté celui du temps (effet propre aux films se reposant un peu trop sur leurs fxs): le titre est très régulièrement laid et sa plastique la plus plaisante s'est, depuis, vue dépossédée de son "style" par l'expansion des Disneyland de par le monde (quid des chromos évoqués plus haut ?): ils sont bien jolis ces bateaux, mais si on peut pas monter dedans à Fantasyland, à quoi bon ?

D'Hook donc on ne se toquera pas ici non plus.
Mais sans non plus, rédhibitoirement, décocher d'uppercut au Crochet.

David Tredler a dit…

Belle éloquence Mariaque, que je ne peux qu'approuver avec mon regard d'adulte, même si l'enfant en moi, comme je le souligne dans mon billet, frissonnera toujours un peu devant cet Hook farfelu ;)

Phil Siné a dit…

quel joli article, d'où émane une belle émotion... et c'est drôle, j'avais beaucoup insisté pour qu'on m'emmène voir ce film à l'époque et on était également arrivé en retard... ;)
(mais bon ce n'était pas au paramount, mais dans une pauvre salle de province...)

David Tredler a dit…

Merci Phil !
Aaah, les parents à l'époque, incapables de nous faire arriver à l'heure au cinéma... ^_^

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