jeudi 27 octobre 2011

Mozart me traque dans les salles de ciné

Quel est le tube du moment ? Le morceau star que l’on entend partout ? Le doit-on à Eminem ? Rihanna ? Super Junior ? Francis Cabrel ? Coldplay, Muse, Mireille Mathieu, Julio Iglesias ? Les Black Eyed Peas peut-être ? Rien de tout cela. Non je ne me lance pas dans une rubrique musicale sur mon blog. Il est toujours question de cinéma, et de mes pérégrinations de spectateur. Mais depuis une semaine, il est un morceau de musique qui ne me lâche plus dès que j’entre dans une salle de cinéma. Publicité, bande-annonce, films. Quel que soit le film que je suis allé voir en salles ces derniers jours, à un moment ou à un autre, la même petite musique s’est fait entendre en Dolby Surround.

Le plus étrange, c’est que ce tube du moment, immanquable, a été composé il y a plus de 200 ans. Le Concerto pour piano n°23 de Mozart. Cela a commencé il y a quelques semaines lorsque la nouvelle publicité pour Air France est apparue sur les écrans. Dans un décor désertique majestueux, on y voit deux danseurs (dont Benjamin Millepied) œuvrer au rythme de la composition de Wolfgang Amadeus. Assez hypnotisant comme pub.

Samedi dernier, après avoir déjà vu plusieurs fois la publicité d’Air France au cours des semaines précédentes, j’étais installé au MK2 Hautefeuille pour voir Après le sud. Bien sûr, le spot pour la compagnie aérienne française a été diffusé, sans surprise. En revanche, j’ai ensuite découvert avec amusement la bande-annonce d’Il était une fois en Anatolie, le nouveau long-métrage du turc Nuri Bilge Ceylan. La musique accompagnant les images du film récompensé du Grand Prix au dernier Festival de Cannes ? Le Concerto pour piano n°23 de Mozart ! Marrant.

L’amusement a ensuite cédé la place à l’ahurissement lorsque le film (Après le sud, donc) a commencé. La scène d’ouverture montre un vieil homme dans son salon, nettoyant consciencieusement un fusil tout en l’assemblant. A l’écoute, un morceau de musique classique que je reconnais rapidement, l’ayant déjà entendu deux fois dans le quart d’heure précédent : le concerto pour piano n°23 de Mozart. Incroyable. En l’espace d’une séance de cinéma, j’aurai entendu la création du compositeur autrichien trois fois, dans trois contextes différents : musique de publicité, musique de bande-annonce, et musique de film.

Je me voyais déjà écrire ce billet. Après le Sud avait beau avoir failli m’endormir malgré son intéressante narration à multiples points de vue, la séance était suffisamment cocasse pour être racontée pour cette occurrence répétée de musique classique plus marquante que le film lui-même (ou que celui vu juste après, Un heureux évènement). Mais voilà, je ne l’ai pas écrit sur le champ. Et trois jours plus tard, contre toute attente, alors que je croyais l’avoir semé, Mozart m’est retombé dessus, toujours avec son Concerto pour piano n°23.

C’était mardi soir, une des dernières occasions de voir L’Apollonide, souvenirs de la maison close. Si la musique marque dans le film, c’est parce qu’elle est moderne, alignant quelques morceaux rock de la fin du 20ème siècle alors que le long-métrage de Bertrand Bonello prend place entre 1899 et 1900. Mais c’est aussi, pour moi qui avais encore la séance d’Après le sud en tête, parce que vers la fin du film, alors qu’une partie fine assez étrange se déroule à écran, le Concerto pour Piano n°23 de Mozart a de nouveau retenti à mes oreilles.

C’en est maintenant tellement surréaliste que je ne sais plus trop quoi en penser. Non pas du Concerto lui-même mais de son usage intempestif ces temps-ci. N’y a-t-il donc pas d’autre morceau de musique classique qui ravisse les cinéastes, les publicitaires ou les monteurs de bandes-annonces, pour que l’on ait à chaque fois droit au même concerto de Mozart – par ailleurs magnifique. Ils vont finir par me le rendre moins savoureux à force de le mettre à toutes les sauces. Ils vont aussi finir par me rendre parano, à croire que Mozart a un œil sur moi et me surveille. Quoi que je fasse, il est là, tapi dans l’ombre, prêt à me surprendre dans la moindre salle de cinéma où je me rends !

Assez curieusement, les deux films à l’affiche le plaçant, Après le Sud et L’Apollonide, sont passés par le Festival de Cannes en mai dernier, et chacun compte également Adèle Haenel à son casting. Et si elle aussi se sentait poursuivie par Mozart ?

8 commentaires:

Martin K a dit…

Traqué par Mozart, il y a pire, tu admettras. Pense à cette pauvre Adèle Haenel, qui peut croire qu'elle l'est par toi !

Non, plus sérieusement, je n'ai pour l'instant le concerto en question que dans la pub que tu évoques - jolies images et jolie musique pour pas grand chose, finalement, si ce n'est peut-être cette qualité hypnotique. Je me demande si une quelconque instance veille à l'utilisation qui est faite de la musique classique dans la pub...

Bon, sur cette question fondamentale et après avoir tapé Disco pour la vérification des mots, je te salue, cher ami cinéphile.

David Tredler a dit…

Je suis sûre qu'Adèle est ravie que je la traque ^_^
Bon week-end Martin ;)

Bertrand Rocher a dit…

A un moment c'était le concerto 21 dit "Elvira Madigan" (du nom d'un film fameux des - sauf erreur - sixties finissantes) qui était très utilisé au ciné. Perso, un des morceaux qui m'a le plus remué est le concerto pour clarinette que Redford passe sur son gramophone dans la savane à Meryl Streep dans Out of Africa. Dans le genre partage amoureux, c'est autre chose que la scène du walkman dans la Boum, Monsieur !

David Tredler a dit…

Aaaaaah oui Bertrand, celui de out of Africa est magnifique je suis bien d'accord !
C'est marrant, parce que la scène du walkman dans La Boum a été refaite dans un énorme succès du cinéma coréen cette année, je l'ai vu au récent festival dont je parlais sur le blog, et la scène est tellement cocasse que ça m'a fait hurler de rire. Y a pas à dire, Redford et Streep c'est quand même autre chose pour le romantisme !

SOLIB' a dit…

Merci pour le lien du concerto n°23. Depuis que j'ai regardé "il était une fois en anatolie" j'avais aussi cette musique qui me trottait dans la tête, sans être certain que c'était Mozart...
Et c'est en tombant sur ton blog que je me suis délivré.

Magnifique !
S

David Tredler a dit…

De rien Solib', je suis content de t'avoir délivré de cet entêtement !
;)

Anonyme a dit…

Ah l'adagio!! Certaine de connaître cet air que je viens d'entendre dans un très beau film, je tombe sur ton blog...
Le film, antérieur aux deux que tu cites: L'incompris de Luigi Comencini (1967). Il utilise ce concerto d'une façon qui sied merveilleusement bien au propos du film, dramatique tout en restant sensible mais sobre. Je le recommande si tu ne l'as pas vu (depuis 2012!!!!) et si tu t'es remis de ton allergie au n°23... Bon film!

Lola Allwhite

Sylvia a dit…

Je lis ce billet tardivement par rapport à sa parution - et apparemment je ne suis pas la seule ;-) mais rien n'est perdu car cet abus du Concerto n° 23 2ème mouvement est tellement vrai... ce qui est pire, c'est que je ne peux plus écouter en entier ce Concerto, au 2ème mouvement j'ai une envie irrépressible de zapper :(
Au moins Comencini l'avait utilisé bien avant tout le monde...

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