mercredi 30 septembre 2009

Un dernier pour la route, et puis s'oublie...

Le récit autobiographique d’Hervé Chabalier a une longue histoire de casting. Si François Cluzet fut le premier à se voir offrir le rôle par le producteur Philippe Godeau, il refusa, ce qui permit tour à tour à Daniel Auteuil, Dany Boon et Christian Clavier de s’engager sur le projet. Tous abandonnèrent finalement, et c’est vers Cluzet que Godeau, décidé entre temps à réaliser lui-même le film, se retourna. Godeau peut remercier le comédien, qui porte véritablement le film.

A la sortie de la salle, mon pote Michael qui m’accompagnait dimanche après-midi au Dernier pour la route, glissa, « Sans Cluzet, le film ne serait pas le même », remarque ô combien justifiée. Le comédien, qui a pris une autre dimension dans le cinéma français depuis sa performance dans Ne le dis à personne, en impose dans la peau de Chabalier. Sobre quand il faut l’être, plus appuyé lorsque le rôle le demande, Cluzet s’installe définitivement comme un des tous meilleurs comédiens que le cinéma français compte.

Au-delà de la performance de l’acteur, Le dernier pour la route est un film intéressant mais inégal. Inégal car trop souvent, il se pose comme un film cathartique sur le rapport à l’alcoolisme, ou de manière plus général à l’addiction. Il en résulte un discours assez didactique (boire c’est mal !) qui, s’il ne peut évidemment être discuté, aurait mérité plus de finesse. En racontant la lutte et la rédemption face à l’alcoolisme, plutôt que la descente aux enfers, le film ne sombre pas dans le glauque et choisit l’espoir, se permettant au passage une légèreté bienvenue.

Peut-être Godeau se montre-t-il finalement trop sage, ne cherchant pas la fièvre lorsqu’on l’attend. Un film correct, qui aurait pu être bien plus.

mardi 29 septembre 2009

L'affaire Farewell : Kusturica réchauffe la Guerre Froide

Dimanche fût une journée cinéma français pour moi. Après les deux beaux films américains de la semaine, ne me restaient plus que deux films hexagonaux prometteurs parmi les nouvelles sorties. Le premier des deux, L’affaire Farewell, passait dans la magnifique salle 1 des Halles. Chose rare, la projection fût en retard. La séance était prévue à 13h35, mais à 13h50, nous étions toujours en train de faire la queue à attendre le signal pour rentrer en salle.

A 13h45, un employé du cinéma était venu nous prévenir qu’il faudrait encore patienter quelques minutes avant de pouvoir entrer en salle, une femme étant tombée dans les escaliers et les pompiers devant arriver d’un instant à l’autre pour l’évacuer. A peine le mot « retard » avait-il été prononcé qu’une spectatrice (la cinquantaine, bourge sur les bords) s’était exclamé « On va être remboursé j’espère ! », comme si passer le quart d’heure à attendre debout plutôt qu’assise à regarder les pubs était inadmissible. Cinq minutes plus tard, les pompiers arrivaient et ressortaient vite avec une dame âgée, à l’évidence déboussolée. A peine installés, et finalement sans trop de retard, le film commença directement, sans bandes-annonces ni publicité en préambule.

L’affaire Farewell a cela de remarquable qu’il offre son premier rôle d’envergure devant la caméra au cinéaste Bosniaque Emir Kusturica, dont le rôle le plus marquant jusqu’ici avait été celui du condamné à mort dans La veuve de Saint-Pierre de Patrice Leconte. Kusturica, et son personnage de colonel soviétique faisant passer des documents secrets à la DST via un jeune ingénieur français travaillant à Moscou, est le point fort du film.

Formellement très classique, certains diraient même déphasé, L’affaire Farewell se plonge dans la Guerre Froide avec minutie mais sans grande excitation. La reconstitution du Moscou des années 80 est remarquable, la direction artistique générale soignée, les grandes figures historiques sont présentes, Mitterrand, Reagan, Gorbatchev, mais cette vue d’ensemble est trop propre pour être tout à fait passionnante.

En revanche, Christian Carion, à qui l’on doit le déjà peu affriolant Joyeux Noël, se montre plus convaincant lorsqu’il se focalise sur Grigoriev, ce patriote soviétique qui choisit de trahir l’URSS pour mieux sauver son peuple. Il ne s’agit pas d’un simple agent double faisant cela pour l’argent, la gloire, ou la conviction que le système capitaliste occidental est mieux fondé que le communisme soviétique. Grigoriev est un personnage plus complexe, aimant sa patrie, l’admirant même, celle qui est passée du Moyen-âge à la conquête spatiale en un demi-siècle.

La motivation de Grigoriev est celle d’un désenchanté animé par la flamme d’un avenir possible, un avenir meilleur, qui ne peut voir le jour que par la Révolution du système, quitte à se sacrifier pour y parvenir. Carion dessine bien le personnage campé avec chaleur et lucidité par Kusturica, impeccable. Il dessine également un milieu de l’espionnage emprunt de subjectivité, où la vie personnelle de chacun décide plus qu’on ne le décrit habituellement de la tournure des évènements.

En osant pousser plus en avant son exploration du point de vue soviétique, et en remuant plus les choses, y insufflant plus de vie et d’action, Carion aurait tenu une belle réussite. Reconnaissons-lui tout de même l’audace d’avoir offert un second rôle à David Soul (!!??), vision inattendue de l’acteur de « Starsky et Hutch » dans une production ciné si luxueuse.

Je me demande quand même si la spectatrice ayant poussé sa complainte dans la queue a continué à réclamer son remboursement en sortant de la salle… Toujours est-il que l’on est finalement sorti à l’heure pour pouvoir attraper la séance suivante. Ca m’aurait déplu de manquer mon rendez-vous avec François Cluzet…

lundi 28 septembre 2009

Démineurs, quand le cinéma vous coupe le souffle


Bénéficier d’une réputation irréprochable peut être à double tranchant pour un film. Ou plutôt pour le spectateur qui place trop d’attente dans cette œuvre acclamée par la critique. Démineurs, le grand retour de Kathryn Bigelow aux commandes d’un film de mecs, fait partie de ces films portés par un bouche-à-oreille énorme. Mais Démineurs ne fait pas partie de ces films qui ne tiennent pas leurs promesses. Le buzz annonçait un putain de bon film, et c’est bien ce que Démineurs est. Un putain de bon film.

Démineurs, comme nombre de films américains ces dernières années, se déroule en Iraq. Il suit (vous l’avez deviné) une équipe de spécialistes du désamorçage de situations délicates, au cours des 38 jours qui les séparent du retour au pays. Les sergents Sanborn et Eldridge viennent de perdre leur chef d’équipe lors d’une mission, et voient débarquer à leur tête le sergent James, qui s’avère vite être une tête brûlée.

Démineurs est un film qui happe d’entrée de jeu. La scène d’ouverture, où l’on se rend compte qu’une mission de déminage à Bagdad n’est pas une mission de routine, est un pur moment d’adrénaline, qui parvient en quelques minutes à instaurer l’atmosphère d’un film qui jamais, durant les 2 heures qui suivront, ne baissera en intensité. Car Démineurs n’a pas de fil narratif autre que montrer le quotidien de ces trois démineurs qui sont envoyés aux quatre coins de Bagdad pour se mettre en première ligne à la place des autres. C’est donc surtout, narrativement, une succession de séquences de déminage hautes en tension.

Si l’on reste scotché au siège d’un bout à l’autre, c’est grâce au talent grisant de la cinéaste (rare et inégale) Kathryn Bigelow, qui signe là son œuvre la plus forte. Elle propose une vision originale de la guerre, en montrant ce qui fait à la fois sa banalité et son danger (en ne nous montrant que les moments intenses, elle fait de cette horreur une routine insupportable). La cinéaste préfère laisser parler ses images plutôt que ses personnages, et grand bien lui en prend. Ce refus du commentaire ne rend que plus forts les mots qui sont enfin échangés dans la dernière partie du film, entre les deux personnages du film, Sanborn et James, portés par deux comédiens en alchimie totale, Anthony Mackie et Jeremy Renner.

Jarhead de Sam Mendes disait qu’il est impossible pour un homme de revenir de la guerre. Que quoi qu’il fasse ensuite de sa vie, une fois qu'il a tenu un fusil entre ses mains, il reste coincé là-bas, dans le souvenir de la guerre. Démineurs, en plus de faire ressentir cette difficulté que les hommes auront à tourner la page, dresse un autre type d’homme. Un homme comme le sergent James qui, quoi qu’il fasse de sa vie, ne sera jamais heureux que dans une, et une seule situation : sur le terrain, dans sa combinaison, devant une bombe à désamorcer. La guerre peut être une drogue.

dimanche 27 septembre 2009

Rebondir avec Meryl et Stanley, en attendant mieux

Il est parfois bon de voir un film hollywoodien léger et dispensable. Quand ? Après avoir vu Land of Scarecrows par exemple. Dans ces moments d’ennui profond, il faut savoir rebondir et aller voir un film qui apaise, et lorsque je suis arrivé aux Halles avec celle qui m’avait entraîné vers cette descente aux enfers coréenne, deux films commençaient dans les 45 minutes suivantes : Le Coach, et Julie & Julia. Un nom a suffit à m’attirer vers ce second film, celui de Stanley Tucci.

Il faudrait un jour que je vous parle plus en détail de monsieur Tucci, un des acteurs les plus doués et les plus sous-employés du cinéma américain, dont le rôle le plus identifiable pour le grand public est certainement celui du directeur artistique gay du Diable s’habille en Prada, déjà au côté de Meryl Streep. Celle-ci incarne ici son épouse, Julia Child, prêtresse de la cuisine française aux États-Unis où elle a publié un livre de recettes devenue une bible, et où elle a animé une émission culinaire à la télévision.

Julie et Julia fait se télescoper à distance les destins de Julia Child, entre 1949 et 1961, de ses premiers amours culinaires à la publication de son livre de recettes, et de Julie Powell, jeune bloggeuse new-yorkaise décidée, en 2002, à réaliser toutes les recettes de Child en 365 jours.
Le nouveau film de Nora Ephron, connue pour ses comédies romantiques avec Tom Hanks et Meg Ryan, n’est pas un indispensable. Trop long et trop découpé en deux films presque distincts qui n’offrent pas le même intérêt.

Le récit moderne de Julie Powell, jeune femme qui veut réussir et se lance ce défi culinaire, est étonnamment bateau et attendu, malgré Amy Adams habituellement plus à l’aise. C’est la comédie new-yorkaise moderne typique, un brin romantique, un brin faussement social, qui sera vite oubliée.

Le récit s’écoulant dans les années 50, en revanche, apporte du sel au film. Ce sont les tribulations d’une drôle d’américaine à Paris, joyeuses, festives, parfois même décalées, qui prennent largement le pas sur l’autre moitié du film. La faute à une Meryl Streep en grande forme (peut-il en être autrement ?), virevoltante en Julia Child, cette star américaine ayant œuvré pour la découverte de la gastronomie française aux États-Unis, sans que personne ne semble connaître son existence sur le vieux continent. Streep fait de cette bonne femme étrange et excentrique une femme étonnamment attachante, parfaitement soutenue bien sûr par le charisme latent de Stanley Tucci.

Pas le film indispensable du moment, mais voir Meryl Streep faire son numéro avec tant de talent donne l’impression de ne pas avoir perdu son temps. Surtout lorsque l’on enchaîne peu après avec un film d’un autre calibre… dont je vous parlerai la prochaine fois.

Le cinéma coréen peut-il ennuyer ?

L’inconvénient lorsque l’on est cinématographiquement curieux, c’est que la méfiance est trop rare. Il est pourtant parfois bon de vérifier où l’on met les pieds… Lorsque mon amie Élodie m’a proposé un film d’auteur coréen inédit qui était programmé au Cinéma des Cinéastes, je n’ai pas hésité un instant à accepter de l’accompagner. D’autant que Land of Scarecrows, le long-métrage en question, était à Cannes cette année, parmi les films sélectionnés par l’ACID (l’Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion).

Bon j’avais bien lu le synopsis avant, histoire de, comme ça, et même si j’y ai senti un film pointu faisant s’encroiser coréens et philippins dans un coin perdu de Corée du Sud, j’ai foncé. Land of Scarecrows était présenté par deux réalisateurs de l’ACID venus soutenir le film et animer un petit débat à l’issue de la projection, le metteur en scène s’affairant actuellement à préparer sa nouvelle œuvre en Corée, sa troisième. Roh Gyeong-Tae. Voici le nom du réalisateur, le nom qui aurait dû m’alerter.

Car il y a trois ans, Roh Gyeong-Tae a signé un premier film intitulé Le Dernier Repas qui était sorti en salles en France, que j’avais vu, et qui m’avait profondément ennuyé. J’avais beau ne plus me souvenir de son nom, à la vision de Land of Scarecrows, j’ai vite reconnu la patte de celui qui avait commis Le Dernier Repas. Des plans séquences interminables, un récit éclaté entre des personnages amorphes, un cadre glauque à souhait. Si je ne connaissais pas du tout la Corée, ni sa culture, ni le pays, la vision de ce film suffirait à me dégoûter à jamais du Pays du Matin Calme.

L’un des deux réalisateurs présents pour débattre du film a insisté sur les qualités plastiques et morales du film de Roh, admettant tout de même que l’on pouvait ne pas aimer et trouver cela long. Je l’en remercie grandement, car pour ma part, même si effectivement le cinéaste a des choses à dire sur l’identité, la famille, la pauvreté… Land of Scarecrows restera, comme Le Dernier Repas à son époque, un des grands moments d’ennui de l’année !

vendredi 25 septembre 2009

Woodstock en famille

Depuis les débuts de cet "Impossible Blog Ciné", plus de la moitié des films que j’ai vus en salle sont restés absents de ces pages. Il est temps que cela change, que certaines demandes amicales soient entendues, et que je rende vraiment compte de la fréquence à laquelle j'explore les salles obscures... Au diable l'intermittence !

Jeudi soir, je me suis retrouvé à 19h30 devant mon antre préféré des Halles en compagnie d’une amie, à hésiter entre Fish Tank, Démineurs et Hôtel Woodstock qui commençaient tous trois dans le quart d’heure suivant. C’est le nombre de places restantes qui nous a finalement dirigés vers Hôtel Woodstock, le onzième long-métrage du cinéaste taïwanais Ang Lee.

Deux ans après avoir remporté un Lion d’Or à Venise pour le fascinant Lust, Caution, le réalisateur s’offre avec ce nouveau film une parenthèse enchantée incroyablement légère et totalement séduisante. Chroniquant avec humour et finesse les coulisses du fameux concert de Woodstock qui enflamma l’Amérique empêtrée au Vietnam, Hôtel Woodstock ne s’attache pas le moins du monde au concert, mais à une flopée d’hommes et de femmes œuvrant à le mettre sur pied, en particulier Elliot, fils d’un vieux couple tenant un motel minable dans la région.

La richesse du film d’Ang Lee, c’est justement de rester à distance de l’évènement qui était au centre du monde en ces jours de juillet 1969. De rester en marge et de tisser cette chronique familiale joyeuse et entraînante, parcourue d’une énergie communicative, existant à travers des personnages attachants. A commencer par le jeune héros porté à bout de bras par Demetri Martin, inconnu au bataillon de ce côté-ci de l’Atlantique, qui apporte candeur et sincérité à l’homme grâce à qui Woodstock a eu lieu.
L’hystérie maternelle d’Imelda Staunton, la folie douce d’Emile Hirsch, ou la force tranquille de Liev Schreiber finissent de donner une consistance à cette ballade trippante dans l’Amérique hippie, capturant sous forme d’instantané vivant une effervescence palpable. Beaucoup se sont demandés ce qu’un tel film faisait en compétition à Cannes en mai dernier. On imagine pourtant facilement la bouffée d’air qu’a pu apporter Hôtel Woodstock sur la Croisette.

mercredi 23 septembre 2009

Spectateur insolite pour comédie en mode nocturne

Mardi soir j’ai croisé l’insolite dans une salle de cinéma. Une chose à laquelle je ne m’attendais pas vraiment à assister un jour, même si après avoir regardé la scène amusé, je me suis dit après coup « Pourquoi pas ? ».

Mardi donc, après avoir regardé le dernier volet de la fascinante série documentaire « Apocalypse », j’ai eu une soudaine envie de rire. De m’engouffrer dans un cinéma pour un film léger et décontracté, j’ai donc attrapé ma carte de cinéma et suis descendu à 22h30 aux Halles, un peu à l’improviste. Timing parfait pour aller voir Neuily sa mère !, la comédie phénomène de l’été (2 millions de spectateurs au compteur) sortie pendant mes vacances en Corée. Un des films que je ne pensais pas spécialement rattraper, mais qui en cette soirée semblait idéal pour se décontracter.

Je n’épiloguerai pas longuement sur les qualités de Neuilly sa mère, comédie plaisante qui, si elle ne brille pas par l’originalité cinématographique, a le mérite de se moquer ouvertement de l’ère Sarkozyste qui est la nôtre, certes sans trop de finesse mais avec aplomb. Est-ce ce ton irrévérencieux qui a attiré tous ces acteurs célèbres pour une courte participation, de Michel Galabru à Valérie Lermercier en passant par Josiane Balasko, François-Xavier Demaison et Elie Semoun ? Peu importe. De toute façon j’étais venu pour ce cher Denis Podalydès, qui non content d’être un grand comédien sur les planches est toujours un régal sur grand écran. Le genre d’acteur qui élève à lui seul l’intérêt et le niveau d’un film.

Si je n’oublierai pas cette séance de Neuilly sa mère !, comme je l’annonçais en préambule, ce ne sera donc ni pour les qualités du film, ni même pour ce cher Poda. Non, ce sera bien pour cet instant surréel, étonnant et assez magique, où calé dans mon fauteuil, je vis entrer en salle… une femme non-voyante, guidée par son chien et une jeune femme l’accompagnant. Cette inattendue petite troupe monta tranquillement les marches jusqu’en haut de la salle, où elle se posa.

La jeune femme qui voyait a-t-elle passé le film à décrire les images à la femme aveugle ? Ou bien celle-ci s’est-elle contentée du son ? J’étais trop loin pour m’en rendre compte. Et si je me suis cru un instant dans le court-métrage « Foutaises » de Jean-Pierre Jeunet, finalement, qu’est-ce qui empêcherait une personne non-voyante de prendre plaisir à déguster un film sur grand écran ?
Les séances nocturnes réservent parfois de drôles de surprises…

lundi 21 septembre 2009

The Rocky Horror Picture Show : les travestis traversent l'écran !

L’expression « film culte » a beau être galvaudée et employée trop facilement dès qu’un film un peu branché se trouve sous les projecteurs, il est certaines fois où l’expression colle on ne peut mieux à une œuvre. Et l’on reconnaît à coup sûr un film culte à la frénésie fanatique transcendant le long-métrage, créant un mouvement dont l’ampleur dépasse ce que les créateurs auraient pu imaginer. Star Wars et ses conventions de fans ; The Big Lebowski et ses réunions bowlings et « white russians »… Mais à Paris, le plus accessible reste le Rocky Horror Picture Show et ses animations travesties !

Petit rappel pour ceux qui ne connaîtraient pas le film. The Rocky Horror Picture Show est une comédie musicale tendance gothique dans laquelle un jeune couple atterrit par une nuit d’orage dans un manoir dont le propriétaire, docteur Frank N’Furter, est un scientifique travesti organisant de drôles de petites soirées pour montrer sa grande création : un grand blond éphèbe dont il est épris.

Un film culte le devient rarement du jour au lendemain, et le Rocky, sorti en 1975, n’a pas dérogé à la règle. C’est grâce aux séances de minuit que le film a peu à peu attiré une foule de curieux bientôt épris de personnages décalés et de numéros musicaux inattendus. Des projections un peu particulières ont commencé à germer, projections au cours desquelles des spectateurs recréaient dans la salle l’ambiance du film avec costumes et accessoires.

En France voilà des années que chaque semaine, le Studio Galande, une petite salle du Quartier Latin parisien, organise des projections du Rocky animées par deux troupes de fans différentes, une le vendredi et une le samedi. Chaque weekend donc, aux alentours de 22h, si vous passez rue Galande et que vous apercevez une longue file d’attente devant une petite façade de cinéma, aucun doute, c’est pour le Rocky.

Samedi dernier, j’en étais, pour la première fois. C’était l’anniversaire de mon amie Thérèse, et mon autre amie Cécile a eu cette idée de génie : « Et si on emmenait Thérèse au Rocky Horror Picture Show ? ». Thérèse a beau sembler discrète et timide, ceux qui la connaissent savent que derrière cette façade se cache un appétit féroce pour les films qui déménagent et font couler l’hémoglobine à flots, alors pourquoi pas un conte gothique décadent sur l’écran et dans la salle ?

Murs et écran drapés en prévision de l’animation arrosée, la salle du Studio Galande bouillonne dès l’entrée de l’excitation de spectateurs sachant à quoi ils vont assister. Les « Sweet Transvestites », animateurs du samedi soir, font les ouvreurs avant de se retrouver sur scène travestis en Village People, histoire de mettre un peu d’ambiance avant le lancement du film. La couleur est annoncée, et l’appel tombe : « Y a-t-il quelqu’un dans la salle qui vient ce soir pour une occasion spéciale ? Enterrement de vie de garçon, anniversaire… ? ». Installés à l’avant dernier rang, on regarde Thérèse, prêts à la jeter aux fauves travestis investissant l’estrade, avant qu’elle ne nous arrête (« Non non non, surtout leur dites pas, ou je vous raye de mes amis !!! »), laissant parler sa façade timide… A cet instant, le rang juste derrière nous, un certain David à l’accent étranger (américain ?) est dénoncé par ses potes. C’était samedi son 45ème anniversaire, et il fût ainsi décidé qu’il en baverait toute la soirée.

Une fois que le film est lancé, la fête commence et ne se conclue que deux heures plus tard. Chaque membre des Sweet Transvestites arbore les costumes d’un des personnages du film, et tout en recréant et mimant les gestes de leurs avatars cinématographiques, ils commentent le film, l’agrémentent de blagues dont le centre de gravité se trouve (pour le plus grand plaisir des spectateurs) juste en dessous de la ceinture, et très important, ils nous font participer. Où l’on chante et danse en rythme, où l’on interpelle les personnages à l’écran et dans la salle, où l’on fait des batailles d’eau pendant les scènes de pluie, des batailles de riz pendant les scènes de mariage… Ca et là, les Sweet aiment également à intercaler des blagues sur des faits d’actualité, et à l’évidence la mort cette semaine de Filip des 2B3 a bien nourri leur carnet de blagues liées au film !

Et bien sûr lorsqu’à l’écran les vêtements tombent et les corps se pressent, les personnages dans la salle jettent leur dévolu sur quelqu’un parmi les spectateurs pour mimer ce qui se passe dans le film (et à ce jeu là, le David du rang derrière a eu beaucoup de visites, rassurant Thérèse sur son choix d’avoir gardé sous silence la raison de sa venue…).

Lorsque les lumières se rallument, que le générique a fini de défiler, et que la troupe des Sweet a finalement présenter ses membres, les grains de riz parsèment le sol, l’eau qui nous a arrosés pendant la scène d’orage est presque sèche, et l’on quitte la salle. Sortis parmi les derniers, on se retrouve à près d’1h du mat’ rue Galande à saisir les impressions de chacun, lorsque quelques membres des Sweet sortent en costumes de scènes (comprenez slips et porte-jarretelles) pour en griller une, dont le leader de la troupe, qui incarne le majordome Riff Raff.

Après l’avoir complimenté pour le spectacle, on ne peut résister, et le secret part en fumée en même temps que la clope de Riff Raff : on est venus pour fêter l’anniversaire de notre amie Thérèse. « Mais fallait le dire !!! » Se voyant entourée de quatre hommes en porte-jarretelles prêts à la ramener dans la salle, Thérèse s’inquiète mais finalement elle accepte d’être prise en photo au milieu de ces quatre représentants des Sweet.
L’heure du dernier métro approchant, on salue la troupe une dernière fois, et dans la nuit parisienne pour une fois encore bien vive malgré l’heure avancée (on se serait presque cru à Seoul !), on laisse dernière nous le Studio Galande et ce Rocky Horror Picture Show, une séance assurément pas comme les autres, rassasiés de décadence cinéphile jouissive... jusqu’à un prochain évènement à fêter !


mercredi 16 septembre 2009

J'ai marché sur la Lune avec Sam Rockwell

L’Étrange Festival, dernière. La salle amphithéâtre du Forum des Images aurait difficilement pu être plus pleine que samedi après-midi, pour l’un des films évènements de la manifestation. Quelques semaines après sa sortie américaine, et longtemps avant qu’on puisse le revoir sur un écran hexagonal, Moon a à l’évidence attiré une flopée de curieux, probablement aimantés par une réputation en béton armé glanée par le film depuis ses débuts à Sundance en janvier dernier.

Les places étaient chères pour qui ne voulait pas se retrouver sur les côtés, chacun se ruant sur les sièges les mieux placés (moi le premier rang de l’amphi du Forum me convient donc aucun souci), comme ont pu amèrement le constater Jean-Michel Jarre et Anne Parillaud (ils sont encore ensemble ceux-là ?), exilés dans un coin de la salle.
Mais quel est donc ce petit film de science-fiction déchaînant la curiosité cinéphile ? Le héros se prénomme Sam. C’est un astronaute stationné sur la Lune où, dans un futur proche, l’homme a enfin construit une base spatiale fournissant une énergie essentielle à la Terre. Sam est seul sur le satellite de la planète bleue depuis bientôt trois ans. Dans 15 jours, il sera relevé et pourra rentrer chez lui. Mais quelque chose d’inattendu va modifier son plan de travail…

La science-fiction est un genre aussi codifié qu’il est incontournable. Il est facile de le prendre pour acquis, dès lors il devient indispensable de surprendre le spectateur par une approche originale. Ce que réussit Moon de façon remarquable. Première réalisation de Duncan Jones (pseudonyme qui cache le fils de David Bowie), ce long-métrage qu’on pourrait qualifier de minimaliste dans sa forme (tout le film se déroule dans la base lunaire) ne nous emmène pas là où on l’attend.

De ce que j’avais vu et lu de Moon, je voyais déjà le film suivre un schéma classique pour ce genre de pitch : hypothèse A, l’homme seul dans un espace confiné pète les plombs et a des hallucinations, ou hypothèse B, l’homme seul se trouve confronté à une entité inquiétante. Pourtant il n’en est rien. Duncan Jones explore une autre facette du genre, une facette inattendue, en semant des fausses pistes. Oui, Sam, seul là haut, semble être en train de péter les plombs. Oui, ce drôle d’ordinateur de bord répondant au nom de Gerty rappelle le HAL de 2001 et ne semble pas franchement honnête.

Mais non. Moon, ce n’est pas ça. En même temps, difficile d’en parler sans dévoiler justement la fraîcheur du sujet, même si tout est dévoilé assez rapidement. Il ne s’agit pas d’un film à grands effets, tiroirs et twist final. Moon est une sobre et délicate réflexion sur l’identité. Sur ce qui fait de nous un être humain. Ce qui nous différencie, ou non, les uns des autres. A l’heure du virtuel, et de nos questionnements sur notre rapport à l’espace et au temps, Moon pose un regard fascinant sur un des possibles aspects de l’avenir de l’humanité.

Je ne dévoilerais pas ici le mot clé qui déflorerait trop le plaisir que l’on a à découvrir le film. Il me suffit de mentionner l’irréprochable maîtrise formelle du sujet avec un budget réduit, le remarquable souci du scénario de se tenir loin d’effets inutiles et de sensationnalisme. Il me suffit de mentionner l’extraordinaire performance de Sam Rockwell, seul devant la caméra pendant 1h30, et faisant montre d’une capacité à canaliser son habituelle intensité avec une force incroyable.

Moon fait partie de ces petits films préférant le potentiel philosophique et émotionnel de la science-fiction à l’action et l’aventure. On ne peut que l’en remercier tant le résultat est probant.

mardi 15 septembre 2009

L'Australie sauvage et armée à l'Etrange Festival

L’étrange Festival, deuxième. Avec un peu de retard, mon compte-rendu de la manifestation (déjà close) continue… Après le clinquant Japon féodal, direction les antipodes, avec un film que l’on croyait oublié (pour l’Hexagone). Car si le western australien The Proposition est bien inédit chez nous, et ne sortira en salles qu’en décembre, il date de… 2005 ! Peut-être doit-on ce soudain intérêt français pour ce film à la sortie imminente du nouveau film de son réalisateur, John Hillcoat, dont la très attendue transposition de « La Route » sortira dans quelques semaines. Quelle que soit la raison de cette sortie tardive, on s’en réjouit, car elle est amplement méritée.

Le western, genre immédiatement associé à l’imaginaire hollywoodien, réserve parfois de belles surprises hors des frontières américaines. Oubliez un instant la conquête de l’Ouest, et projetez-vous « Down Under » comme ils disent, à la fin du 19ème siècle. L’Australie est toute fraîche pour les européens exilés sur cette terre sauvage où l’ordre a bien du mal à régner. Deux des frères Burns, redoutables criminels insaisissables, sont attrapés par le Capitaine Stanley, représentant de l’ordre d’un coin paumé. Mais celui-ci s’intéresse plus au troisième frère Arthur, le leader de leur gang, qui vit caché dans la montagne. Il passe alors un marché avec Charlie, un des deux frères arrêtés. S’il tue son sanguinaire frère aîné avant Noël, son jeune frère sera épargné et relâché.

The Proposition ressemble assez peu à un western traditionnel - si tant est qu’une telle chose existe encore de nos jours - malgré un énorme gunfight en ouverture qui met notre instinct sur une mauvaise piste. En réalité, le film de Hillcoat a plusieurs facettes. La première, la plus réussie, est offerte par le rôle du Capitaine Stanley, campé par l’anglais Ray Winstone. Un personnage qui de prime abord semble être une ordure de première, pourri jusqu’à la moelle, alors qu’au fil du film, malgré son aspect rustre, il va peu à peu s’affirmer comme le personnage apportant le plus d’humanité au récit (malgré lui tout de même). En défendant avec force le jeune Burns contre les vautours de la ville, il agit plus par peur des représailles que par conviction humaniste.

La seconde facette du film, plus risquée mais trouvant un parfait équilibre avec l’autre, est celle d’un western tendant plus vers le naturalisme. Il s’agit du personnage de Charlie Burns, interprété par Guy Pearce. Un criminel ayant quitté son frère aîné par dégoût pour les actes de ce dernier, et forcé de le tuer pour sauver son plus jeune frère. Cette quête, elle se fait dans le désert, la montagne, les paysages grandioses, sans pour autant chercher la contemplation. Si ce versant du film lorgne vers un western style Jeremiah Johnson ou L’Assassinat de Jesse James (réalisé par le compatriote australien Andrew Dominik), l’âpreté et la violence demeurent.

Elles demeurent tant et si bien que le film offre un goût de pessimisme profond dans son exploration de l’âme humaine, d’une noirceur évidente sous l’œil de sa caméra envers les hommes et femmes qui ont bâti l’Australie de l’époque. Si l’on ne peut s’empêcher parfois de penser à l’Australia de Baz Luhrman (tourné après) pour ses espaces et certains personnages (ou le rôle miroir de David Wenham), on est loin de l’image plus politiquement correct de la superproduction hollywoodienne.

A quelques semaines de la sortie de La Route, The Proposition montre en tout cas à quel point John Hillcoat est un cinéaste bien choisi pour porter à l’écran le chef-d’œuvre littéraire de Cormac McCarthy, auquel les adjectifs âpre et noir collent aussi parfaitement.

mercredi 9 septembre 2009

Goemon, plongée dans un Japon féodal flamboyant

A quoi reconnaît-on la meilleure programmation cinéphile que l’on puisse trouver à travers Paris ? Bien sûr à ce petit instinct geek, cette conviction personnelle qu’un film médiéval japonais par le réalisateur de Casshern, sorti seulement dans son pays d’origine, est forcément un évènement immanquable. Mais il y a aussi la concentration cinéphile que l’on aperçoit faisant la queue pour la projection. Et croyez-moi, ils étaient nombreux en ce mardi soir, à se presser au Forum des Images pour la 15ème édition de l’Étrange Festival, et en l’occurrence la projection exceptionnelle de Goemon.

Au programme : la seconde réalisation de Kazuaki Kiriya qui avait divisé il y a quelques années avec le trip SF Casshern mais qui nous en avait mis, quoiqu’on en pense, plein la vue. Dans la salle, ils étaient tous là. Fans absolus de cinéma asiatique, cinémaniaques plus ou moins anonymes mais reconnaissables entre tous, ou encore Christophe Gans, le réalisateur du Pacte des Loups étant lui-même un inconditionnel du 7ème Art venu d’Extrême-Orient.
(mon pote Michaël, présent lui aussi pour Goemon, m’a suggéré de consacrer un post sur ce blog à ces spectateurs que je nomme « cinémaniaques », pour que ceux n’en ayant jamais croisés comprennent de quoi je parle… Ca viendra un de ces jours…)

En attendant, avec 20 bonnes minutes de retard, le noir s’est fait dans l’amphithéâtre presque plein du Forum des Images pour nous dévoiler Goemon, épopée située dans le Japon féodal, au 16ème siècle, entre seigneurs, samourais, ninjas, et paysans. Le héros en est Goemon, « maître voleur » comme il aime à se faire appeler, brigand distribuant à la populace les richesses dérobées aux grands. Mais Goemon n’a pas volé toute sa vie. Le passé qu’il préfère cacher est celui d’un redoutable ninja au service d’un grand seigneur. Un nouveau méfait de Goemon va le mettre sur le chemin de vieilles connaissances, et de complots menaçant une paix fragile. Malgré lui, Goemon va devoir faire resurgir le guerrier qui sommeille en lui…

Comme Casshern avant lui, Goemon est un film numérique, tourné en studio avec un énorme travail de postproduction pour incruster les acteurs dans les décors presque entièrement créés par ordinateur. La liberté créatrice offerte ainsi au cinéaste est bien sûr décuplée, Kiriya ayant toute latitude de créer des séquences impossibles avec un tournage en décors naturels. Car si le pitch du film pourrait être celui d’un film en costume « standard », Goemon est bel et bien une œuvre à l’atmosphère visuelle plus proche d’un film d’action ou de science-fiction, avec des effets visuels repoussant les limites du crédible.

L’entrée en matière du film laisse assez craintif, la nature de l’intrigue et des personnages nous lançant sur une fausse piste, ou plutôt ne laissant pas tout de suite entrevoir la densité du scénario. Lorsque celle-ci est dévoilée, que le voleur de grand chemin devient ce ninja torturé solitaire, le film prend une dimension bien plus intéressante, les intrigues se font plus claires, et le récit emporte sans retour possible.

Comme Casshern, Goemon est trop souvent brouillon, pas assez concentré et souvent à la limite du trop plein visuel. Le bouillonnement du film peut facilement se retourner contre lui. Mais il s’en dégage une telle énergie, un tel désir de plonger le spectateur dans un univers fascinant, dangereux, complexe, et empreint d’une richesse narrative indéniable, qu’il est facile de passer outre les défauts qui émaillent le film.

Par bien des aspects scénaristiques, le film d’animation Sword of the Stranger vient à l’esprit à la vision de Goemon. Mais rien d’étonnant à cela, tant le film de Kiriya est empreint de personnages emblématiques d’histoire et légendes nipponnes, dans lesquelles les samouraïs et ninjas maniant le sabre en solitaire sur les routes du Japon sont légions. Si l’on se plait à regarder cette épopée, c’est également grâce à une distribution impeccable, le cinéaste ayant réuni des comédiens de talent devant la caméra, certains venant du cinéma d’auteur japonais (certains habitués de Kitano notamment).

Goemon ne fait pas partie de ces films transcendant leur qualité de divertissement pour se muer en un film indubitablement mémorable, bien que Kiriya traverse assurément son film de réflexions sur le pouvoir, la responsabilité et le sacrifice de soi. Mais la mythologie qu’il parvient à créer vaut bien des films plus maîtrisés, et justifie pleinement sa présence à l’Etrange Festival, qui a travaillé dur pour obtenir à temps une copie du film 35mm avec sous-titres anglais qui était 3 jours plus tôt… dans un festival en Australie.

lundi 7 septembre 2009

Si, ma mère, je suis allé danser


Cette semaine j’ai lu dans « Les Inrocks » le long entretien avec le cinéaste Christophe Honoré, à l’occasion de la sortie de son nouveau long-métrage, Non ma fille, tu n’iras pas danser. Malgré mes difficultés avec un certain cinéma d’auteur français, Honoré reste à l’écart de ces metteurs en scène dont le seul nom me crispe d’avance et me fait aller à reculons vers leurs films. Pourtant dans cet entretien accordé à l’hebdo culturel, Honoré avait le malheur de citer Desplechin et Assayas comme les deux cinéastes qu’il admire le plus dans le paysage cinématographique actuel. Deux parfaits exemples de cinéastes français que je redoute hautement.

Qu’importe l’entretien et la référence, seul le film compte. Lorsque je me suis rendu aux Halles pour le voir samedi après-midi, j’ai craint un instant que le film me serait gâché par mon voisin de gauche, que j’ai tout de suite reconnu lorsqu’il s’est assis à côté de moi comme étant un cinémaniaque particulièrement bruyant lors des projections, celui-ci par son rire strident s’enclenchant plus systématiquement que celui du commun des spectateurs (et pourtant croyez-moi, je n’ai pas le rire discret en salle). Heureusement, mon voisin a décidé au dernier moment que le 5ème rang à mon côté ne lui convenait pas et a préféré descendre deux rangs plus bas (même si Non ma fille… n’est pas franchement une comédie, les pointes d’humour du film ont permis à son rire démoniaque de se déployer).

Revenons au film. Christophe Honoré est un cinéaste prolifique, ayant réalisé quatre films en quatre ans. Comme dit plus haut, malgré sa claire « appartenance » à une mouvance d’un cinéma d’auteur français moderne dans la lignée d’Assayas et Desplechin, son cinéma me parle plus que celui de ces deux références, surtout grâce à Dans Paris et Les Chansons d’amour, ses meilleurs films.
Les 45 premières minutes de Non ma fille, tu n’iras pas danser sont excellentes. Une étude familiale plus proche des rires que des larmes, équilibrée, bien écrite, qui laisse augurer d’un film à la Desplechin (effectivement) mais sans l’austérité, sans l’agacement, sans l’ennui.

C’est alors que surgit l’inattendu. L’impossible. La déception. Christophe Honoré tue le film délibérément, même si ce meurtre est un ressenti bien sûr tout à fait personnel (tout de même partagé par mon pote Michaël présent avec moi à la projection). Le cinéaste insère au milieu de son film une légende bretonne racontée par un personnage, interrompant ainsi le récit pendant un petit quart d’heure. Cet interlude casse totalement le rythme du récit. Au-delà du fait qu’en lui-même, il ennuie sec, l’interlude légendaire brise le film en deux de façon totalement inutile, mettant bien en peine de rattraper le cours narratif du film.

Je me suis trouvé totalement détaché du long-métrage, incapable de raccrocher les wagons, incapable de retrouver jusqu’à la fin du film ce qui avait fait le sel de la première partie, à l’exception de quelques dialogues bien sentis. Pire, cette coupure ne me semblait plus mettre en évidence que la parfaite incapacité à trouver le moindre personnage attachant. Tous autant qu’ils sont, les personnages me sont soudain apparus d’une antipathie cinglante, rapprochant tout à coup sous un jour bien sombre à mes yeux le film d’Honoré à ceux de Desplechin. Dès lors, ma seule hâte était de voir le film se terminer.

Ce n’est pas la première fois que je trouve dans un film de Christophe Honoré un quart d’heure déplacé, inutile, menaçant de tuer son film. Dans Paris comptait en son sein ce même énorme défaut, mais dans ce film, le quart d’heure inapproprié se trouvait en prologue, laissant augurer du pire, avant de finalement laisser place avec brio au trio Duris/Marchand/Garrel. Le problème de Non ma fille…, c’est que le quart d’heure tueur se trouve en plein milieu du film.

Malgré les qualités que je trouve au début du film, j’en suis sorti avec la frustration et l’agacement de sa seconde moitié, me laissant avec un indéniable goût de désillusion dans les papilles cinéphiles. Il m’en faudra bien plus pour adopter la Technikart attitude (le mensuel tire systématiquement à boulets rouges sur le cinéaste), mais au prochain rendez-vous cinématographique avec Honoré, je serai bien plus méfiant. S’il garde le rythme, ça ne devrait pas être bien long…

jeudi 3 septembre 2009

La course à l'arnaque, ou comment rajouter une salle à son répertoire de spectateur


Ce qui est épuisant avec un retour de vacances, c’est que cela implique une soif de rattrapage pour compenser les trois semaines que l’on a pu passer loin de Paris. Quand je rentre de vacances, c’est toujours la même chose, je m’attèle vite à courir à travers Paris pour voir les films sortis pendant mon absence que je ne veux absolument pas rater. Bien sûr, je finis quand même par en laisser quelques uns de côté.

Cette année j’avais été bien prévoyant et nettoyé l’ardoise des films à voir avant de partir. Ce qui ne m’a pas empêché de me trouver avec une liste d’une quinzaine de films à rattraper. Une mission tout à fait surmontable lorsque l’on a le plus grand cinéma de Paris à deux pas de chez soi et des amis cinéphiles prêts à vous accompagner à quelques séances par-ci par-là.

Ce genre de mission de rattrapage a parfois aussi d’heureuses conséquences, comme ce fut le cas mardi soir pour l’opération « Dernière chance pour voir Une Arnaque Presque Parfaite ! ». Depuis le temps que j’arpente les salles parisiennes, il me semble parfois toutes les avoir fréquentées au moins une fois dans mon parcours de spectateur assidu. Or de temps en temps, je tombe sur un cinéma dont les sièges ne portent pas encore la trace de mon jean, et bizarrement, ça m’enchante. L’année dernière, la quête de Hamlet 2 m’avait conduit vers l’inconnu (de moi) L’Épée de Bois, où il s’était avéré que j’étais le seul à m’intéresser à ce film.

La semaine dernière, lorsque je suis rentré de vacances, j’étais persuadé d’être passé à côté d’Une arnaque presque parfaite. Quelle ne fût pas ma surprise lorsque j’ai découvert qu’il restait un cinéma à Paris à projeter le film de Rian Johnson, et qui plus est qu’il s’agissait d’une salle acceptant la carte illimitée que je n’avais jamais fréquenté auparavant, le Saint-Lazare Pasquier (celui qui a deviné tout seul que le cinéma se trouve du côté de la gare mérite un bon point).

Un petit cinéma à trois salles avec caissière presque sur le trottoir. Le film passait en salle 3, à l’étage, pour ses derniers moments à l’affiche dans la capitale française. Une petite salle qui ressemble bien à un ancien balcon d’une plus grande salle, transformé en salle supplémentaire. Quatre rangs de douze fauteuils, plus quelques fauteuils en rab’ en haut à gauche de la salle, le tout faisant face à un écran tout en largeur. Quatre personnes déjà installées au moment où je pénétrais dans la salle aux troisièmes et quatrièmes rangs (les deux derniers rangs quoi !). Moi qui déteste être trop loin de l’écran, dans une salle si petite avec un écran petit, je ne réfléchis pas longtemps avant d’aller m’installer confortablement au premier rang, en plein milieu de la rangée. Avec l’espèce de petite scène montant vers l’écran, c’est parfait pour étendre ses jambes tranquilles comme si j’étais sur mon canapé chez moi. J’ai suffisamment décrit pour que vous imaginiez la scène ?

Le film, dans lequel j’avais placé de beaux espoirs cinéphiles par amour pour le précédent (et premier) film du cinéaste Rian Johnson, Brick, s’est avéré sympathique mais relativement décevant par rapport à ce que j’en attendais. De bons acteurs (Mark Ruffalo, Adrien Brody), des personnages un peu tordus et attachants, mais finalement le scénario joue au malin avec insistance et s’étire trop pour vraiment m’emballer. Après la bouffée d’air enthousiasmante qu’était Brick, c’est un pas en arrière pour Johnson. Ce qui est dommage, d’autant que le film est traversé de beaux morceaux de cinéma, entre la folie douce-amère de Wes Anderson et l’humour noir d’Hal Ashby.

Mais au moins, ma curiosité cinéphile a été assouvie, et j’ai posé l’empreinte de mes fesses dans une salle de cinéma parisienne de plus. Il m’en reste de toute façon encore quelques unes à égrainer avant de toutes les connaître… et c’est tant mieux.

mardi 1 septembre 2009

Au ciné en Corée, la suite !!

Malheureusement, c’est dans le même cinéma que je suis allé à deux reprises à Seoul. Je n’ai pas eu l’occasion d’en voir d’autres que le CGV de Yongsan, un multiplexe situé dans un grand centre commercial. J’ai choisi en fonction du paramètre « sous-titres anglais » et des horaires, ce qui m’a conduit à deux reprises dans ce cinéma.

Mais malgré ma crainte de séances désagréables pleines de pop corn et de spectateurs agités, séances du vendredi soir et du samedi soir en mall oblige, les deux projections se sont déroulées agréablement, devant un public calme et attentif. Bonne nouvelle, les coréens savent se tenir devant un film, ça change de certains spectateurs français ! Parce que par contre, il est difficile de choisir sa place en fonction des spectateurs déjà installés dans la salle.

C’est le contre coup retors à une spécificité plutôt sympa du ciné en Corée : on choisit sa place dans la salle au moment où l’on achète son ticket en caisse. L’employé du cinéma nous montre un plan de la salle, et nous demande de choisir nos places. Ce qui évite quand même de se pointer bien en avance devant la salle pour être sûr d’avoir les places qu’on veut ! Si l’on ajoute que le prix de la place est assez dérisoire par rapport aux tarifs parisiens, avec un plein tarif à à peine plus de 5 euros, on peut quand même conclure que ça vaut le coup d’explorer les salles obscures coréennes.

Surtout lorsqu'il s'agit d'aller voir des films sympas. Comme je le disais hier, lorsque j’ai débarqué à Seoul, seul Haeundae était diffusé avec des sous-titres anglais. Et aucune nouveauté n’est ensuite sortie avec des sous-titres. En revanche, un film sorti une semaine avant mon arrivée, intitulé Take Off, qui jusqu’ici semblait uniquement projeté sans sous-titres, est devenu au fil des semaines la sensation inattendue du box-office, poussant apparemment les autorités cinématographiques à faire circuler des copies avec sous-titres anglais.

Contrairement à Haeundae qui était un blockbuster annoncé, personne n’a vu Take Off venir, cette petite comédie sportive sur l’improbable équipe de saut à ski coréenne s’entraînant pour les JO de Nagano en 1998. Une sorte de Rasta Rockett coréen, avec en toile de fond un sujet plus profond, celui des enfants nés en Corée, abandonnés et adoptés par des occidentaux, qui reviennent en Corée à la recherche de leurs racines, tel le personnage principal interprété par le toujours irréprochable Ha Jeong-Woo (le tueur de The Chaser, c’était lui).

Take Off est un vrai feel-good movie, apportant son lot de rires et d’émotion à travers le parcours iconoclaste de cette bande de skieurs du dimanche en route vers la transcendance sportive et humaine. J’y suis allé parce que le film passait avec des sous-titres, en craignant un simple film sportif, et j’y ai trouvé une histoire contée avec cœur et simplicité. Si l’aspect purement sportif du film n’est certainement pas novateur, le point de vue et le sujet très coréen qui prend le cœur du film font de Take Off un film ayant tout lieu d’être et de trouver son public.

Ce qui est déjà chose faite en Corée, où il est en train de devenir le phénomène de l’été au box-office. Après deux week-ends placé en seconde position au box-office local, juste derrière Haeundae, Take Off a ensuite enchaîné trois weekends de suite en tête du box-office coréen (dont le week-end dernier), cumulant 6 millions de spectateurs en un mois (!!). Les skieurs semblent avoir emporté l’adhésion du public, qui ne semble pas encore prêt à laisser s’éteindre la flamme autour du film.
En revanche inutile de se leurrer, il n’y a presque aucune chance que Take Off atteigne un jour les salles obscures françaises… En revanche bonne nouvelle pour les parisiens, l’excellent Breathless est programmé dans les jours qui viennent au Forum des Images dans le cadre de L’Etrange Festival, à ne pas rater !
Après ces expériences de spectateur en Corée, place aux séances de rattrapage dans les salles parisiennes…
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