mercredi 14 septembre 2011

Quelques années plus tard, ils sortent enfin...

Le chemin jusqu’à une sortie en salles peut être un véritable marathon labyrinthique pour un long-métrage. Et pas seulement pour les films art et essai sans stars. Lorsque tout va bien, une fois qu’un film est tourné, il sort en salles (ou en DVD) dans l’année qui suit. Si le film a besoin d’effets spéciaux colossaux, cela peut nécessiter une ou deux années supplémentaires, comme Avatar, mais ce ne sont en général que des blockbusters énormes. Il y a aussi, bien sûr, les cinéastes comme Terrence Malick ou Wong Kar Wai qui ont du mal à quitter la table de montage et ont le chic pour faire longuement patienter leurs fans, comme Malick l’a fait avec The Tree of Life, mais il s’agit là de l’énergie du détail de cinéastes extraordinaires.

Et puis il y a d’autres films. Des films malades, des films malaimés, des films conflictuels, embourbés dans des litiges artistiques ou financiers les condamnant à rester coincés sur une étagère en attendant que la tempête passe. Des films pourtant réalisés par des cinéastes confirmés, ou avec des stars internationales. Mais des films qui ne sortent pas.

L’un des exemples les plus fameux de la décennie écoulée vient enfin de sortir en France… en DVD. Le film est quasi un cas d’école. Il s’agit de la seule réalisation à ce jour de l’acteur Alec Baldwin, qui l’a tourné dans une période de creux de sa carrière de comédien, en 2001, bien après sa période A-list, et avant son retour en grâce via une facette comique trop peu exploitée auparavant - en dehors du Saturday Night Live. A l’époque, le film devait s’appeler The Devil and Daniel Webster. Au casting, une belle brochette entourant un Baldwin s’étant réservé le rôle central d’un écrivain vendant son âme au Diable en échange du succès : Anthony Hopkins, Dan Aykroyd, Jason Patric, Kim Cattrall, John Savage… et en Diable sexy, Jennifer Love Hewitt, qui si elle n’était déjà pas une grande actrice, n’était pas encore ring’ et cantonnée aux téléfilms d’après-midi sur M6.

Mais après le tournage, des soucis financiers ont empêché Baldwin de finir la postproduction. Ne trouvant pas les fonds nécessaires, le film est resté dans un tiroir pendant quelques années, jusqu’à ce qu’une compagnie en fasse l’acquisition, injectant de l’argent et finissant le boulot. Le problème, c’est que Baldwin n’a pas supervisé cette nouvelle postproduction, forçant le réalisateur a retiré son nom du générique. Au lieu d’Alan Smithee, nom de code trop connu, c’est le pseudo fantôme Harry Kirkpatrick qui signe le film. Aux États-Unis, le film est du même coup rebaptisé Shortcut to Happiness pour sa discrète sortie en salles en 2007, six ans après la fin du tournage. En France, le film sort ces jours-ci en DVD sous le titre Sexy Devil, renvoyant immanquablement à Jennifer Love Hewitt, dix ans après qu’elle ait prêté sa silhouette au Diable.

Aux États-Unis, à la fin du mois, c’est un autre film tourné de longue date qui s’apprête à enfin investir les salles obscures. Le second film de Kenneth Lonergan, découvert il y a une dizaine d’années avec Tu peux compter sur moi, le long-métrage qui avait révélé Mark Ruffalo. C’est en 2005 que le cinéaste américain s’est attelé à la réalisation de son second film, Margaret, avec un casting impeccable lui promettant de ne pas passer inaperçu : Anna Paquin, Matt Damon, Mark Ruffalo, Matthew Broderick, Jean Reno, et quelques autres. Pourtant, comme Alec Baldwin avant lui, Lonergan est vite pris dans un imbroglio juridique et financier qui retarde le montage. Bientôt, l’argent n’est plus là, et le film reste en rade.

Margaret devient une véritable Arlésienne, d’autant que le scénario jouit d’une réputation flatteuse. Des rumeurs annoncent régulièrement sa sortie depuis quelques années, toujours en vain. Jusqu’à cette année, et la sortie officialisée et calée à la fin du mois. Il se dit que c’est Matthew Broderick qui a prêté à Lonergan l’argent nécessaire à la complétion du long-métrage (la version sortant en salles, bien qu'affichant 2h30 au compteur, n'est pas la director's cut, qui sera réservée à la sortie en DVD...). Affiche et bande-annonce circulent enfin sur Internet, une bande-annonce trahissant au premier coup d’œil que le film a été tourné il y a bien longtemps : Matt Damon y a l’air si jeune (non, encore plus que d’habitude, période Les Infiltrés qu’il venait de tourner !). D’ici à ce que le film arrive en France, quelques années s’écouleront peut-être encore ? Espérons que non, si la sortie américaine confirme toutes les bonnes choses qui se disent sur le scénario, supposément un grand script sur le New York post-11 septembre.

Et combien d’années faudra-t-il encore attendre Nailed, que David O. Russell a tourné avant Fighter, mais qui reste embourbé dans des litiges comme Margaret et Sexy Devil l’ont été ? Non en fait, les problèmes de Nailed sont encore plus grands, car le tournage du film n’a jamais été terminé, l’équipe ayant arrêté de travailler quand elle s’est rendue compte qu’elle n’était plus payée. Comme Baldwin, Russell semble s’être désengagé de son film, qui aurait pu être une comédie politique et qui si elle sort un jour n’aura à priori pas le nom du cinéaste à son générique. Difficile de savoir s’il y a assez de métrage pour faire de Nailed un film un jour. Ca ne fait jamais que trois ans que le tournage s’est interrompu, on risque donc d’attendre un petit moment avant d’avoir des nouvelles du film. Malgré la distribution comprenant Jake Gyllenhaal, Jessica Biel, James Marsden, Catherine Keener et Tracy Morgan.

Pendant qu’aux États-Unis, certains films trainent sur des étagères, en France, on se fait la guerre pour sortir son film le plus vite possible. Les producteurs sont tellement pressés d’être les premiers à sortir leur Guerre des boutons que des films dont les tournages se sont achevés en juillet pour l’un, en août (!!!) pour l’autre, sortent en salles dans la précipitation la plus totale en septembre. Et franchement, l’envie de les voir n’y est pas.
Dites, messieurs les distributeurs français, ça ne serait pas possible de remplacer une des Guerre des Boutons par Margaret ? Siouplait !

4 commentaires:

Michael a dit…

A priori, Margaret, étant un film Searchlight, à moins d'être vraiment mauvais, devrait ne pas avoir trop de mal à sortir.

Par contre, j'avais lu que c'était un peu de la faute de Lonergan si le film ne voyait pas le jour. Il aurait en effet été incapable de sortir un montage satisfaisant pour tout le monde. Lonergan voulait un film à pas moins de 3h alors que Searchlight exigeait pas plus de 2h.

http://blogs.indiewire.com/theplaylist/archives/martin_scorsese_to_edit_kenneth_lonergans_margaret_in_hopes_of_creating/

David Tredler a dit…

D'après le lien que tu mets, ceux qui n'étaient pas contents du montage du film étaient le studio justment, qui voulait un film plus commercial de 2h quand Lonnergan s'est accroché à son montage original de 3h. On ne peut pas reprocher à un auteur de vouloir sortir SA vision de SON film contre l'avis d'un studio, non ? ;)
Finalement le montage dure 2h29, parce qu'il a réussi à négocier son director's cut si le film durait moins de 2h30.

Michael a dit…

Oui et non ! C'est sûr qu'on ne peut pas reprocher à un mec de faire sa vision mais il semble que Lonergan a apparemment trop filmé et n'a pas réussi à se dépatouiller avec tous ses rushs en salle de montage.

Quand Sidney Pollack en vient à dire que le mec est “unprofessional and irrational", ça ressemble un peu à des caprices et, artiste ou pas, ça semble être un peu de sa faute.

Mais bon, c'est des spéculations... :)

David Tredler a dit…

Oui si à côté de ça t'as Scorsese qui se propose pour aider au montage pour ne pas gâcher le film en étant réduit à deux heures et que Mark Ruffalo dit que le montage de 3 heures est extraordinaire, ça veut quand même peut-être dire que ceux qui ont envie que le film fasse de l'argent ont peur d'un montage de 3 heures, contrairement à ceux qui n'ont pas leurs billes dedans et qui regardent seulement l'oeuvre et non sa possible rentabilité ;)

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