vendredi 9 septembre 2011

De "Super" à "Captain America", la journée des super-héros

Le planning de l’Étrange Festival est parfois étonnant. Passée la constatation amère que les films des nuits spéciales n’étaient pas repris en programmations individuelles au cours des jours suivants (sûrement pour s’assurer de faire le plein ?), il a fallu accepter que certains des autres films n’avaient eux aussi droit qu’à une seule projection durant le festival… et malheureusement des films particulièrement attendus pour certains. Ce serait le cas le lendemain pour Revenge : a love story, dont je parlerai dans mon prochain billet, mais ce fut surtout le cas mercredi de Super, un des films américains à la réputation la plus béton de l’année.

J’en connais qui ont dû renoncer à venir le voir dans la grande salle du Forum des images cette semaine, à contre cœur, car le choix du festival de ne le passer qu’une fois, un jour de semaine, à 16h30, les empêchait la mort dans l’âme de venir se régaler du film de James Gunn. Ils le regrettent d’autant plus que Super ne sortira vraisemblablement pas en salles en France, promis qu’il est à une sortie en DVD. Et ils le regrettent ENCORE plus depuis cette fameuse unique séance qui confirme que oui, Super est bien une petite bombe du cinéma indépendant américain.

Rainn Wilson, bien connu des amateurs de la version américaine de la série The Office, y incarne Frank, un type banal qui fait la cuisine dans un diner et est marié à une ex-junkie/alcoolique (qui a les jolis traits de Liv Tyler, quand même). Mais lorsqu’un caïd au nom diaboliquement français (Jacques) lui pique sa dulcinée, Frank devient triste… et se fout en rogne. Inspiré par un super-héros de sitcom évangéliste, il décide de se fabriquer un costume et d’aller affronter le crime dans la rue, armé de sa bonne volonté… et d’une clé anglaise. Avec en ligne de mire finale, Jacques le voleur de femme…

Bien sûr, on ne peut s’empêcher de penser à Kick-Ass, avec ce combattant du crime amateur se prenant pour un super-héros, d’autant que comme dans le film de Matthew Vaughn, la violence est présente à l’écran, même si essentiellement dans le dernier acte. Certains avaient reproché à Kick Ass un certain ton réac’, dans le fait de voir cette gamine tuant à tout va aussi facilement et naturellement que si elle jouait à la marelle. Mais le film restait fun et coloré, quand on se surprend à trouver un ton moins grand public dans Super. Le film est étonnamment triste, sombre et désenchanté. James Gunn, dont on a pu se régaler déjà par le passé de son Horribilis, porte un regard sur l’Amérique des marginaux et des loosers qui surprend. Le héros est, du point de vue de la société, un looser, et le reste tout du long.

A travers ce super héros ordinaire qui se laisse guider par des voix et des hallucinations, Super se pose également en discours sur la religion, et la place envahissante qu’elle prend aux États-Unis. Et lorsque Frank pète les plombs et prend les armes, James Gunn s’attaque à l’action personnelle en opposition à la justice, à ce rapport qu’entretiennent ses concitoyens avec la violence et la peine de mort. Le dernier acte surprend, par sa noirceur, sa soudaineté, et la violence qui en découle. Gunn édulcore les images avec un ton BD, mais le choc reste et fait glisser le film dans une mélancolie certaine. Qui l’eut cru d’un film avec un tel pitch ?

Pour autant on rit également devant Super, et pas qu’un peu. Derrière cette amertume et cette violence, l’humour est presque de tous les plans, grâce à un Rainn Wilson parfait en Crimson Bolt, alias L’Eclair Cramoisi en français, grâce à Ellen Page, joliment espiègle et charmeuse en Boltie, alias Cramoisette, et surtout grâce à un ton parodique constant qui fait naviguer le film avec aisance dans le second degré. Super ? Super !

Hasard de mon agenda, j’ai enchaîné quelques heures plus tard avec un vrai film de super-héros, hors du cadre de l’Étrange Festival. Les lunettes 3D collées sur le nez (j’ai attendu des semaines dans l’espoir de le voir sans la 3D, en vain), je suis allé découvrir Captain America – First Avenger de Joe Johnston. Le contraste de ton et de moyens était bien sûr saisissant avec Super, mais malgré les deux univers différents, les films ne sont pas antinomiques, et en fin de compte, malgré l’éternelle 3D dispensable, Captain America pourrait bien être un de mes films Marvel préférés. La faute (mais ce n’est est pas une) à une mythologie bien traitée et amenée, à une direction artistique remarquable dans ces décors de Seconde Guerre mondiale, et à un regard sur l’image véhiculée par les Etats-Unis, son rapport à la guerre, qui en font un spectacle qui ne se contente pas d’être joyeusement ludique, mais également historiquement ancré, avec panache. Lorsque Captain America, pas encore héroïque, vadrouille à travers le pays pour faire le clown et financer la guerre, on pense même à Mémoires de nos pères, le beau film de Clint Eastwood.

On mord également à l’hameçon avec plaisir grâce à une distribution impeccable, d’un Chris Evans souvent palot qui incarne Steve Rogers à merveille à un Stanley Tucci trop peu présent en mentor scientifique. Quant à Hayley Atwell, elle est peut-être le love interest le mieux écrit, et sans l’ombre d’un doute le plus agréable à regarder, de l’histoire des films de super héros. Certes le dernier acte s’affadit un peu, ne se montrant pas à la hauteur du reste du film, mais il y a suffisamment de qualités dans ce Captain America pour enthousiasmer les amateurs de cinéma hollywoodien offrant aventure et pouvoirs extraordinaires. Le contraire de Green Lantern en somme…
Les super héros, vrais ou faux, étaient à l’honneur aujourd’hui, et ils me l’ont joliment rendu.

16 commentaires:

Stella a dit…

Comme je fais partie des détracteurs de Kick-Ass, j'avoue avoir très envie de voir ce Super dont j'entends parler depuis quelques jours !
J'aimerais vraiment qu'il trouve le chemin des salles...

Quant à Captain America, j'ai beaucoup aimé moi aussi, et Hayley Atwell est en effet d'une classe supérieure !

David Tredler a dit…

Malheureusement ça sera plus certainement en dvd que tu pourras le voir...
Hayley Atwell, quelle femme ! ^_^

Pierre a dit…

Moi je l'ai trouver un peu malsain quand même super. Je sais pas si il fait bien passé son message le réal

David Tredler a dit…

C'est toute la question de la violence déployée par le genre, une question déjà amorcée par Kick Ass.
La différence c'est que Super fait un lien entre le fanatisme religieux et la violence. La violence n'est pas là juste pour faire tape à l'oeil. Tu trouves pas ?

Alice In Oliver a dit…

Ce n'est pas la premièer fois que je lis une critique élogieuse sur ce film. Mad Movies a évoqué ses qualités ds son dernier numéro. Hâte de le voir en tout cas.

David Tredler a dit…

Je te le recommande chaudement oui !

Alice In Oliver a dit…

en espérant qu'il sorte dans les salles !

David Tredler a dit…

C'est fort peu probable...

I.D. a dit…

> "Super est bien une petite bombe du cinéma indépendant américain."

Je confirme ! Très sympa. On rigole comme on frissonne. De bonnes situations qui prêtent à rire. Des scènes violentes aussi dont le glauque est maquillé par un aspect cartoonesque bien pensé. Les acteurs sont bons au même titre qu'une réalisation qui sait insuffler une ambiance singulière. J'ai beaucoup aimé cette ambiance d'ailleurs. Ce côté fiction pure et dure mais dont la "réalité" donne des à-coups par moment. Des à-coups qui rappellent que nous ne sommes pas dans un jeu bien que tout soit parfois léger. Sinon on pourra également souligné un scénario franchement pas mal avec des personnages forts, bien écrits et qui savent nous toucher. Super, un super film de super-héros ! ;)

David Tredler a dit…

Les ruptures de ton sont audacieuses dans le film oui, entre l'humour le plus dingue et le retour à une réalité létale des plus tranchante. Sacré p'tit film hein ? ^^

I.D. a dit…

Bah écoute pour dire vrai c'est sans doute l'un des meilleurs films non-asiatique que j'ai vu cette année.
Peut-il entrer dans un top sachant qu'il n'est pas sortie en salle ? ;) En tout cas, il est dans le mien aux côtés des Drive et autres Attack the Block.

Par contre, non sans un certain retard j'ai vu "La Horde" de Dahan et son pote, et là... c'est le drame. Pitoyable spectacle que nous offre ces deux fanboys. Je pensais vraiment qu'ils allaient nous offrir le film de zombie dont on rêvait tous (plus ou moins^^) en France ! Hé bien non ! Ils ont préféré nous faire un truc torché aussi bien du côté scénario que dans la réalisation. N'est pas cinéaste qui veut hein ?

David Tredler a dit…

Je ne sais pas encore comment je vais constituer mon Top des films de l'année, en incluant ou non les films qui ne sont pas sortis en salle. J'y réfléchis.
Pour La Horde, j'adore la verve de Dahan, mais là c'était pas possible, c'était au-dessus de mes forces tant les échos étaient négatifs, je ne l'ai pas vu...

I.D. a dit…

Je reviens au top (désolé par avance du troll). C'est vrai que ça m'interpelle pas mal moi-même. Est-ce que l'on compte les films sortis officiellement ? Sortie FR uniquement ou locale au pays d'origine ? Est-ce que l'on prend en compte également les films vu durant un évènement (comme un festival) ? Les films qui n'ont pas eu droit à une sortie salle et qui se sont retrouvés en DTV ?

Le respect d'un "top" comme le tien, cinéphile de ton état, cinéphile arpentant les salles de cinoche serait d'en réaliser un qui respecte les sorties officielles FR. Enfin, c'est ainsi que je vois les choses puisque c'est ainsi qu'on a toujours procéder avec Diana sur MIA, évitant ainsi d'inclure les perles vu dans évènements ciné'. Du coup, c'est toujours frustrant de laisser des films sur le bas côté parce que non exploité comme "Super". A part si l'on s'arrange pour avoir une section dans ce "top" qui les prendrait en considération. A méditer en cette fin d'année... ;)

"La Horde", tu as bien fait de ne pas l'avoir vu. J'ai été tenté à sa sortie ciné' mais au vu des échos, je sentais l'entourloupe. J'ai attendu la galette. Super décevant. Vivement quand même le prochain film de zombie français. Je veux en voir encore. Un jour, on tombera bien sur une pépite merde ! ^^ 'Tain David, 2 millions d'euros pour "La Horde", voilà ce que le film a coûté. 2 millions pour un tel résultat ! Les boules...

David Tredler a dit…

Moi à une ou deux rares exceptions près, j'ai toujours constitué mes Tops selon les sorties en salles en France, en laissant de côté les films vus en festival. L'une des rares fois où j'ai dérogé à la règle, c'est l'année dernière (ou celle d'avant ?), lorsque j'ai inclus dans mon Top "Moon" de Duncan Jones, que j'avais vu à l'Etrange Festival l'année d'avant, et qui devait sortir l'année suivante en salles... mais finalement le film est sorti direct en DVD, alors qu'en le voyant je m'étais dit, alors qu'il était annoncé en salles quelques mois plus tard "L'année prochaine il est dans mon Top". Même s'ils ne l'ont pas sorti, je l'ai quand même mis dans mon Top. Si je vois un film en festival qui vraiment me remue ou me bouleverse et me laisse l'impression que s'il sortait en salle, il serait à coup sûr dans mon Top, j'envisage de l'inclure dans mon Top quand même. Seulement si je l'ai vu sur grand écran. Sinon je réfléchissais à éventuellement faire un Top des Meilleurs Films pas sortis en salles. Faut voir.

I.D. a dit…

J'ai vu "Captain America". Je te rejoins sur ce que tu écris (enfin sauf la comparaison sur "Green Lantern" puisque je ne l'ai pas encore vu celui-ci). Il donne bien. un bon divertissement qui passionne. Une 3ème partie effectivement faiblarde. Franchement sympa donc. C'est presque une surprise tant je commençais à faire une OD avec tout ces supers-héros, pas toujours bien mis en scène et écrit aussi.

Sans ça, très sympa Hayley Atwell. Je ne connaissais pas du tout.

David Tredler a dit…

Oui c'est vraiment une agréable surprise. Et Hayley Atwell... aaah, Hayley Atwell. J'adore Hayley Atwell ;)

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