lundi 23 février 2009

La grandeur annoncée de Benjamin Button

Les grands films se sont faits rares ces derniers mois. D’excellents films, des films remarquables, fantastiques, oui, on les trouve régulièrement au cinéma. Des films qui marquent les esprits et auxquels on pense encore à la fin de l’année, on en dénombre plusieurs chaque année.


Mais un grand film, c’est autre chose. C’est un film que l’on ressent au plus profond de soi, qui nous transporte, nous fait explorer les recoins de nos désirs, nos doutes, nos rêves. C’est un moment d’ébahissement permanent, total. La sensation de vivre une expérience cinématographique comme on en vit rarement. Qui atteint une parfaite adéquation entre notre ressenti personnel, émotionnel, et l’admiration d’une œuvre pleine d’un point de vue technique.


Two Lovers de James Gray avait effleuré cette réussite l’an passé. The Chaser également. Mais il faut que je remonte à 2006, et au trio Le Nouveau Monde / The Host / Mémoires de nos Pères, pour retrouver entièrement le souvenir d’avoir ressenti cette plénitude cinématographique.


Cet instant suspendu, je l’ai à nouveau vécu ce week-end, dans la belle salle 1 de l'UGC Ciné Cité Les Halles, pendant les 2h40 qu’a duré la projection de L’étrange histoire de Benjamin Button, la fresque si intimiste de David Fincher. Bien sûr, après m’être épanché sur la rareté d’une telle sensation, inutile de préciser, que tout, techniquement, dans Benjamin Button, mérite le respect et l’admiration. De la mise en scène fluide et ambitieuse de Fincher à la photographie époustouflante de Claudio Miranda. Des maquillages et effets visuels si fins à l’interprétation retenue et étonnante des comédiens, Brad Pitt le premier. L’acteur trouve dans la transformation physique si inhabituelle de son personnage un terrain de jeu qu’il maîtrise magnifiquement, personnage en décalé par rapport au monde, parfois presque fantomatique.


Au-delà de la technique et du rôle de chacun, c’est bien la réflexion et l’observation de David Fincher et son scénariste Eric Roth qui poussent à l’admiration totale. La force avec laquelle, partis d’une courte histoire de F. Scott Fitzgerald, ils tissent une fresque ayant pour thème central le vieillissement et le rapport à la mort. Cet homme qui naît bébé avec les traits d’un vieillard, et rajeunit tout au long de sa vie jusqu'au berceau final, devient le sujet rêvé pour se pencher sur le rapport de l’être humain au temps qui passe, et à quel point celui-ci nous affecte chacun différemment.


Plus qu’un siècle, plus qu’une succession d’époques, David Fincher nous fait traverser une vie. Une vie dont la difformité nous ramène à la linéarité de la nôtre. On en ressort à fleur de peau, bouleversé par un personnage hors du commun, bouleversé par un destin remarquable, bouleversé par l’instant que dure la vie.


Allez profiter d’une telle œuvre si ce n’est déjà fait. Elle est d’une grandeur rare.

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