samedi 20 décembre 2008

Paris accueille le cinéma coréen, ou comment j'ai vu un grand film qui ne sortira qu'en 2009

Quiconque ne s’est pas intéressé au cinéma coréen ces dix dernières années est passé à côté d’une flopée de grands films. JSA, Oldboy, Memories of Murder, The Host, Secret Sunshine pour n’en citer qu’une poignée.

Ville cinéphile s’il en est, Paris se devait d’abriter un festival ouvrant ses portes aux films du Pays du Matin Calme. En ce moment a lieu la 3ème édition du Festival Franco-Coréen du Film à l’Action Christine. Peu médiatisé, le festival a un aspect très amical, attirant quelques dizaines d’amateurs de cinéma coréen à chaque séance, et bien sûr quelques coréens résidant à Paris.

Ces trois premiers jours de festival m’ont déjà permis d’assister à trois projections. Il y eut For Eternal Hearts et Milky Way Liberation Front, tous deux projetés au format Digi-Beta, qui n’est certes pas idéal pour découvrir un film dans toute sa splendeur visuelle mais qui a le mérite de nous les faire découvrir.

Le premier est une romance tendance fantastique, dans laquelle un étudiant ne cesse de voir une jeune femme avec laquelle il s’était lié d’amitié avant qu’elle ne se suicide (est-ce un fantôme ?). Ni inquiétant ni bouleversant, For Eternal Hearts est une plaisante balade entre deux mondes et deux réalités, teinté de poésie.

Plus délirant, le foutraque Milky Way Liberation Front cinéma de bric et de broc. Un jeune cinéaste, sur le point de voir son court-métrage projeté au est une franche comédie louant le Festival de Pusan, se heurte aux affres de l’écriture et de la production pour la préparation de son premier long-métrage. Les digressions sentimentales du héros, et son imagination créative débordant sur la réalité, donnent au film un goût de bricole que ne renierait pas (toutes proportions gardées) un cinéaste comme Michel Gondry.

Il y a malheureusement peu de chance que ces deux films soient distribués un jour dans les salles françaises.

Il en est un troisième, en revanche, qui est déjà inscrit dans le calendrier des sorties de 2009. Un film qui a fait le bonheur des festivaliers à Cannes en mai dernier, où il était présenté en séance de minuit. The Chaser. Sans cesse repoussé par son distributeur français Haut et Court ces derniers mois, ce polar est une merveille qui devrait faire taire ceux qui pensent que la vague cinématographique coréenne s’essouffle depuis deux ou trois ans.

Le protagoniste du film est un pur anti-héros. C’est un ancien flic qui, après avoir été viré des forces de l’ordre, s’est reconverti dans le proxénétisme. Depuis quelques semaines, plusieurs de ses « filles » ont disparu. Pensant qu’elles ont déserté pour la concurrence, Joong-Ho (c’est son nom) mène l’enquête et découvre qu’un même homme avait loué les services de chacune d’entre elles les soir de leurs disparitions respectives. La chasse à l’homme commence.

Comme beaucoup de films coréens ces dernières années, The Chaser pourrait n’être qu’un bon petit film. Pourtant comme beaucoup de films coréens ces dernières années, The Chaser est bien plus que cela. C’est un grand polar, qui parvient à jouer avec nos nerfs, à nous tenir en haleine et à remuer nos tripes, en proposant un pari scénaristique audacieux : si le héros, Joong-Ho, ne comprend pas tout de suite la personnalité de l’homme après lequel il court, nous le savons d’emblée, dès les premières minutes du film : c’est un tueur.

Toute l’originalité et la difficulté de The Chaser est de nous faire plonger dans ce face-à-face avec une omniscience que ne possède pas le protagoniste (que ceux qui viennent de dire « Bah comme un épisode de Colombo quoi… » se passent sur le champ un savon dans la bouche).

Ce parti pris offre au réalisateur, dont c’est ici le premier long-métrage (!), une grande latitude pour ne pas se focaliser sur le « whodunit » (qui est le tueur ?), mais plutôt s’attarder sur les travers de la police, les démêlées du système judiciaire, et plus que tout creuser le portrait de Joong-Ho, ce mac borné au sang chaud dont le caractère va s’affiner au fur et à mesure de sa confrontation avec le tueur et de son implication dans la recherche de Mi-Jin, la dernière fille à avoir été kidnappée par le tueur, séquestrée quelque part dans Seoul.

Bien sûr, on se surprend à rire à plus d’une reprise à gorge déployée. Les cinéastes coréens ont le don de savoir introduire des moments de pure comédie (souvent grinçants de cynisme) au milieu d’un polar ou d’un drame qui au final remue et laisse K.O. (comme Bong Joon-Ho le fait si bien dans Memories of Murder et The Host). Et les comédiens ne sont justement jamais meilleurs que lorsqu’ils jonglent ainsi entre sérieux et ridicule, comme c’est le cas ici avec l’interprétation remarquable de Kim Yoon-Seok.

Le mot de la fin ? The Chaser est une bombe, à dévorer d’urgence lors de sa sortie en salles en mars prochain.

4 commentaires:

Tu0r a dit…

S'il te plait va voir Magicians et Milky Way je suis trop dégouté de pas pouvoir les voir il faut que tu me racontes!!!

David Tredler a dit…

Mais j'ai vu Milky Way !!^^

Michael a dit…

C'est exactement ce que j'ai pensé de THE CHASER.
Ca m'a refait penser à cette fin terrible et glaçante !

David Tredler a dit…

Comme quoi ça nous arrive de parfaitement partager un avis sur film ;-)

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