dimanche 4 novembre 2012

Festival du Film Coréen à Paris 2012, 4ème jour : "Love Fiction", ce bol d'air


C’est le plaisir du soir, le bonbon sucré après une journée d’amertume, quand la journée ne fut que grisaille et épreuves. Terminer la journée par un film tout à fait futile, mais dont la légèreté même est décuplée par la comparaison avec les précédents films de la journée. « Love Fiction » a fait office de douceur nocturne avant extinction des feux vendredi soir, parce que le FFCP 2012 m’avait mis à rude épreuve dans les heures précédentes.

C’est « Self-Referential Traverse » qui avait ouvert le feu en milieu d’après-midi, alors que les trombes d’eau venaient de s’arrêter au-dessus de la capitale, que contre toute attente un rayon de soleil commençait à percer dans le ciel parisien, je me suis engouffré dans la salle 1 pour me prendre en pleine face le trip sous acide de Kim Sun. L’an passé le festival avait programmé « Anti-Gas Skin » du même réalisateur (et son frère Kim Gok), qui déjà avait fait sensation dans le n’importe quoi jonglant entre fascination et fumisterie. Avec ce nouveau film, Kim Sun parvient à pousser l’exercice nuageux encore plus loin. Les amateurs de belles images en auront certainement avalé de travers à la découverte du film. Il y avait tout de même dans la salle des spectateurs qui s’étaient rabattus sur « Self-Referential Traverse » parce que Masquerade affichait complet dans la salle 2. Ceux-là, ils ont dû se pincer pour y croire. Passer du film en costume clinquant avec Lee Byung Hun à une expérimentation politique esthétiquement laide et narrativement nébuleuse avec pour héros une mascotte de la police en bois, ça doit faire un choc.

Moi et mes compères du jour ID et Epikt y étions préparés, et déjà avec cette préparation, la projection ne fut pas de tout repos. Le film s’ouvre sur une attaque à charge de Lee Myung Bak et de sa politique (après Two Doors, décidément…) sous forme de soap familial filmé avec une caméra HD bas de gamme, puis se poursuit en métaphore de tout ce qui ne tourne pas rond dans l’action du pouvoir, avec la fameuse mascotte habillée en flic et des rats magnifiquement faux qui illustrent la lutte entre l’autorité et ceux qui s’y opposent. Tout le discours en filigrane est intéressant, couillu et dingo à la fois, mais le parti pris esthétique d’imprimer un aspect cheap, laid et « grindhouse » à l’ensemble rend l’expérience assez lassante. C’est l’exemple type de bonne idée de court-métrage qui se perd sous le format long.

Je me demande quand même bien ce que les refoulés de Masquerade en auront pensé. Ils seront peut-être allés se consoler dans les bras de « Penny Pinchers », pour retrouver un semblant de beauté dans ce monde de gris, pendant que je retournais presque immédiatement dans le sous-sol du Saint-André des Arts pour me familiariser un peu plus avec le cinéma de Kim Kyung Mook, le réalisateur invité de cette édition 2012 du Festival du Film Coréen à Paris. Trois de ses courts-métrages y étaient projetés, « Me and Dollplaying », « A Cheonggyecheon Dog » et « Peace in me », trois propositions de cinéma radicales. Le premier, un journal intime explorant la quête identitaire, parfois cru, parfois sensible, très voyeuriste, qui exprime la jeunesse de son réalisateur. Le second, un moyen métrage loufoque où l’on croise un travesti qui fait l’amour au téléphone, un flic agissant comme un chien, du sexe, un mélange de noir et blanc et de couleur, et une séquence proprement hallucinante où le travesti dialogue avec un berger allemand sous forme de film muet qui en a laissé sûrement plus d’un pantois dans la salle (moi le premier). Le troisième, enfin, est un pur exercice de style contemplative qui tient plus du travail de vidéaste à trouver dans un musée que dans une salle de cinéma.

Les courts de Kim Kyung Mook furent on ne peut plus différents, et que l’on accroche ou pas à cet univers, on sort de la salle groggy. D’où la perspective réjouissante, après avoir enchaîné ceux-ci à la suite de « Self Referential Traverse », de se plonger pour la fin de la journée dans une comédie légère telle que « Love Fiction ». J’avais prédit à mes camarades du jour qu’après ce que nous avions enchaîné, la comédie romantique de Jeon Kye-Soo allait certainement nous sembler meilleure qu’elle ne l’était vraiment tant une bouffée de joie de vivre allait nous sembler la bienvenue après cette traversée obscure de l’après-midi…

Je n’eus pas le temps d’en discuter avec eux, mais pour moi, ce fut effectivement un moment de douceur bienvenue. La récompense sucrée pour avoir osé du cinéma radical tout le reste de la journée. Une comédie romantique pleine de charme, trop longue, comme souvent dans les comédies coréennes, mais avec un grain de folie réjouissant. Le film suit un écrivain qui connaît une grosse panne d’inspiration, vit grâce à son job de barman à côté, se laisse tenté par une proposition de son éditeur d’écrire un feuilleton pour de la presse à scandale, et rencontre celle qui pense être la femme de sa vie. Mais sa maladresse en amour va lui causer bien des soucis avec elle.

Oui, les baisses de régime deviennent régulières passée l’heure de film, mais le scénario et les comédiens affichent une verve qui claque et fait passer la pilule d’une histoire parfois trop alambiquée et étirée. Les gags font mouches, et les moments de délire parsèment le film, avec une mention spéciale au clip vidéo d’une chanson bien conne sur l’Alaska dans laquelle l’acteur Ha Jung Woo se lance dans un mini rap hilarant. Le jour où les réalisateurs de comédies coréennes apprendront à être plus drastiques en salle de montage, ils feront des merveilles. Pour ce soir, c’était de toute façon suffisant à me donner la pêche, paré pour une journée de plus au festival. Il fallait bien cela, car au programme du lendemain, « Faceless things » de Kim Kyung Mook allait s’avérer… s’avérer… bon, on en reparle demain.

3 commentaires:

Lalalère a dit…

icngTiens, en parlant de ciné Coréen, je viens de voir Memories of murder. Et je dois m'atteler à The Host. Je suppose que tu les as vu.
Kang-ho Song était une des raisons, sauf que c'est Park Hae-il qui m'a sauté aux yeux finalement.

David Tredler a dit…

Aaaah, "Memories of Murder", effectivement Lalalère, je l'ai vu (j'ai écrit un billet dessus ici si tu veux voir : http://limpossibleblogcine.blogspot.fr/2010/09/memories-of-murder-six-ans-plus-tard.html )
Song Kang-Ho et Bong Joon-Ho sont deux grands artisans de ma passion pour le cinéma coréen ;)
Park Hae-Il était à l'affiche d'un film au Festival, justement, "War of the Arrows", mais je n'ai pas pu le voir...

Lalalère a dit…

Oui, Song Kang-ho était aussi excellent dans Thirst, ceci est mon sang.
Mais je trouve que Park Hae-il a un visage extraordinaire dans Memories of murder, une présence, une profondeur.
Je crois qu'il a d'ailleurs été largement récompensé pour sa presta. dans War of the Arrows, à suivre ...

over-blog.com