mardi 8 novembre 2011

Le gentil cinéma a la cote

Dimanche après-midi, je me suis retrouvé devant La couleur des sentiments, le carton surprise de la rentrée aux États-Unis, où il avait cumulé plus de 100 millions de dollars de recettes en salles. Je ne savais pas trop pourquoi j’allais le voir, par curiosité probablement, par envie de voir quel est ce film qui a enthousiasmé le public américain et se voit depuis parmi les potentiels candidats aux futurs Oscars, sûrement. Un peu craintif tout de même devant la durée du film (2h30 !!), un peu blasé et persuadé que le film ne serait pas exceptionnel.

Le sentiment que laisse le film est étrange, pris entre un savoir-faire narratif qui le rend plaisant à regarder, et un manque flagrant d’audace  qui le rend aussi passionnant qu’un article de 20 minutes. Efficace mais léger en somme. En fait le film souffre d’un mal récurrent et bien connu, celui des films qui préfèrent emprunter les chemins archi balisés de ce qui fonctionne auprès du public plutôt que de trouver une voie propre. Ce n’est pas profondément déshonorant, c’est même certainement pour cela que le public aime le film. Car il l’aime, aucun doute là-dessus, et c’est difficile de lui en vouloir. Moi aussi j’ai apprécié cette histoire d’une jeune journaliste blanche qui essaie d’aider les bonnes noires de Jackson, Mississipi à révéler les conditions de vie qui sont les leurs au sein de la communauté encore très sudiste et ségrégationniste dans cette Amérique période Kennedy.

On l’apprécie parce qu’il ne prend pas de risque, parce qu’il brosse tout le monde dans le sens du poil, parce qu’il allie humour et émotion (apparemment), et parce qu’il s’appuie sur tout un tas de clichés sur les relations humaines qui nous confortent dans l’idée que l’être humain est bon et beau (si si). Finalement, il y a de l’espoir pour tout le monde ici bas. C’est louable, et cela permettra peut-être même au film de Tate Taylor, adapté du best-seller de Kathryn Stockett, de glaner quelques nominations aux Oscars (à commencer par Octavia Spencer pour la statuette de la meilleure actrice dans un second rôle).

Mais la sortie du film est tout de même un peu amère. Non pas par cynisme (« Ralala, qu’est-ce que c’était gnan-gnan quand même !), mais plus par déception de voir un sujet et un cadre potentiellement si forts traités avec l’ambition d’un film Disney. Ah, on me fait signe dans ma cabine que le film est distribué par Disney, donc tout va bien, ceci explique certainement cela. Et puis La couleur des sentiments est aussi l’occasion de voir pour la troisième fois cette année la révélation féminine 2011 du cinéma américain, Jessica Chastain (avant de la revoir en décembre puis en janvier, alléluia !). C’est un plaisir non négligeable après tout.

Mais finalement, La couleur des sentiments n’est pas le seul à souffrir en ce moment du syndrome du cinéma gentil. Real Steel  est encore à l’affiche, et le film de Shawn Levy est un autre exemple parfait de ce que donne un cinéma qui choisit la facilité à l’aventure mais parvient tout de même à accrocher l’attention du spectateur, moi le premier. Il n’y a rien dans Real Steel qui fera hausser les sourcils de surprise. Tout y est prévisible, toutes les répliques semblent sorties d’un moule déjà passablement usé, tous les rebondissements scénaristiques photocopiés de dizaines d’autres films. Et pourtant cela marche, c’est évident, probablement parce que Shawn Levy et ses scénaristes ont regardés les bons films avant de faire le leur.

Mais le plaisir est-il aussi fort devant ces films, comme La couleur des sentiments et Real Steel, qui n’osent à aucun instant faire du hors piste ? Les cinéastes sont-ils heureux, et les spectateurs comblés, de se contenter d’un plaisir immédiat correct aux dépens d’une potentielle prise de conscience ou d’une potentielle jubilation durable. C’est du gentil cinéma. Du cinéma que l’on serait de mauvaise fois de trouver désagréable à regarder, mais du cinéma trop générique pour emballer les sens. Et quand les sens ont pu être mis en éveil ces derniers temps par La guerre est déclarée, La cave des grottes perdues, Drive ou Les aventures de Tintin… difficile de se contenter de gentillesse.

4 commentaires:

Michael a dit…

Je reste persuadé que tu aurais vu ces films à 12 ans, tu t'en souviendrais aujourd'hui de la même façon dont tu te souviens de Princesse Bride ou des Goonies.

David Tredler a dit…

Je ne me pose même pas la question. Si je devais me dire en regardant chaque film "Tiens pour celui-là il faut que je me mette en mode 12 ans", ou "Tiens pour celui-là je vais me mettre en mode 17 ans", le cinéma perdrait sa saveur et sa spontanéité. Le cinéma me fait ressentir des émotions sincères et immédiates. Il y a des films qui parviennent à me faire retomber dans la pure jouissance enfantine sans que j'ai besoin de faire d'efforts, alors ceux qui ne sont qu'une enfilade de clichés pour ressembler à ces films là n'excitent pas mes sens.

Cécile a dit…

Je suis d'accord avec toi pour La Couleur des sentiments. C'est un peu cucu mais on aime au final. Mais c’est vrai qu'un peu plus de force pour un tel sujet aurait été bienvenue.
J'étais aussi très réticente face à la durée du film mais j'ai trouvé que le temps était passé très vite. En revanche pendant toute la durée, je gardais en tête ce scandale concernant Kathryn Stockett comme quoi elle aurait volé l'histoire d'une ancienne aide noire... (Ça ne m'étonnerais pas spécialement si c'était vrai) C'était très gênant de penser à ça durant tout le film !

Même sentiment pour Real Steel mais bon ça fait quand même du bien de voir ce genre de temps en temps :)
Il ne faudrait juste pas que ça devienne une habitude.

David Tredler a dit…

Oui Cécile, ça ne fait pas de mal de voir de tels films, d'autant qu'on les oublie très vite. Je ne m'étais pas penché sur le bouquin, donc je ne connais pas cette polémique, mais c'est parfaitement ironique comme affaire !^^

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