dimanche 31 juillet 2011

The Murderer, la Corée s'enfonce un peu plus dans le noir...

Il y a quelques années, enfoncé dans le fauteuil d’une salle parisienne qui a échappé à ma mémoire, je prenais ma première claque coréenne. C’était le premier film de Park Chan-Wook à sortir au cinéma en France, Sympathy for Mister Vengeance. A l’époque, je m’en souviens, je m’attendais à voir un polar classique avec des gentils, des méchants, du suspense, un dénouement, peut-être même un happy end. Mais en lieu et place, j’ai découvert un polar social s’intéressant au moins autant à la société coréenne et ses tracas qu’au suspense.

Cette même surprise m’a de nouveau étreint il y a quelques jours grâce à The Murderer. Pourtant il y a deux ans, The Chaser, le premier film de Na Hong-Jin, figurait parmi mes longs-métrages favoris de l’année, et révélait le talent d’un nouveau cinéaste coréen. C’était un polar, sinon social, du moins conscient de certains maux inhérents à son pays. Mais c’était surtout une course haletante et exaltante, une maestria de mise en scène qui se sublimait dans un Seoul baigné de nuit.

Avec The Murderer, et après le succès considérable et inattendu de The Chaser (en Corée), je ne m’attendais pas à ce que Na Hong-Jin plonge encore plus loin dans la noirceur humaine. Il aurait pu profiter de sa nouvelle notoriété pour viser un public plus large, pour mettre un peu d’eau dans son vin. Il n’en est rien. Et au lieu de polar, nous naviguons ici clairement dans le drame social. Gu-nam est un Joseon-jok, un coréen de Chine habitant (misérablement) au-dessus de la Corée du Nord. Endetté, au pied du mur, il accepte la proposition d’un type louche mais charismatique : aller tuer un type pour lui à Seoul, en échange d’une somme d’argent suffisante pour éponger ses dettes et reprendre sa vie en main. Ce premier acte dépeint un univers brut et désenchanté. Une vie sans lumière à la photo grise, aux mines sales, aux cœurs amers.

Puis le deal de Gu-nam dérape, sa mission ne se déroule pas comme prévu, et le voici en panique, suspect numéro 1 d’un crime qu’il n’a pas commis, recherché par les flics, pourchassé par la Mafia. Une course folle, contre la culpabilité, contre la mort, pour la vérité s’engage alors. Elle aura pour point d’orgue une des poursuites cinématographiques les plus longues, haletantes et brutales qui soit, à la fois parfaitement incroyable et étrangement réaliste. Un tel degré de maitrise de l’espace dévoile, ou plutôt confirme quel cinéaste Na Hong-Jin est en passe de devenir.

D’autant qu’au plus fort de l’action, le réalisateur ne délaisse jamais ses personnages à l’âme grise et à l’horizon funeste. Kim Yoon-Seok, en manipulateur increvable, impose un charisme machiavélique et hérite du rôle du bad guy après avoir personnifier l’anti-héros de The Chaser, à l’inverse de Han Jung-Woo auquel la rage effacée sied bien comme le calme du psychopathe lui collait à la peau dans The Chaser. Le dénouement vers lequel convergent les personnages, noueux et cherchant plus à nous bousculer qu’à nous éclairer simplement, n’est pas de ceux qui prévalent sur le chemin parcouru. Un chemin sinueux, sûrement trop long, élagué à coups de haches et de couteaux, des armes tranchantes qui deviendraient presque indissociables du film noir coréen.
Après J’ai rencontré le Diable, le cinéma coréen est décidément sanglant et désespéré ces jours-ci.

8 commentaires:

I.D. a dit…

> "Après J’ai rencontré le Diable, le cinéma coréen est décidément sanglant et désespéré ces jours-ci."

Sauf que ça fait un moment que le cinéma coréen est décidément sanglant et désespéré et qu'il s'enfonce à des kilomètres dans le noir et souvent dans le plus mauvais goût qui soit. ;) N'empêche qu'il pète bien ce Yellow Sea.

Allez pour le trip, un p'tit lien qui offre une vision pas inintéressante du cinéma sud-coréen :

http://www.vodkaster.com/actu-cine/La-grande-imposture-d-un-certain-cinema-coreen-1202

(yume l'avait dégainé lors du billet consacré à ISTD de KJW sur le blog Hkmania)

Martin K a dit…

Welcome back, David ! Tu es rentré de vacances ?

Je ne connais pas du tout ce cinéma encore, mais tu donnes envie de s'y intéresser. Ma seule crainte reste l'ultra-violence sanguinolente, qui a tendance à me faire sortir de l'histoire au profit d'un dégoût certain qui gâche mon plaisir. Mais faut peut-être que je force quelque peu ma nature. D'ailleurs, des copains ont prévu de me montrer ce qui semble être un nanar gore, alors...

Au fait, il y a une raison particulière, à ta passion pour la Corée ? Ou bien tout est parti du cinéma, justement ?

Au plaisir de te relire !

Phil Siné a dit…

bon faut pas que je le rate çui-là ! je l'ai mis en tete de liste, après mes retards de congés...

David Tredler a dit…

@ID : J'irai lire ton lien, et je suis bien conscient que le cinéma coréen est sanglant et désespéré depuis un bout de temps, mais voilà, en l'espace de 7 mois, on n'a eu que 3 films coréens en France, dont ces deux-là en l'espace de 15 jours, alors oui, le cinéma coréen est décidément sanglant et désespéré ces jours-ci ;)

@Martin : J'étais rentré l'espace d'une journée avant de repartir, et me voici définitivement rentré de vacances.
Mon attachement à la Corée vient de son cinéma, oui, et j'en ai parlé un peu ici si ça t'intéresse : http://limpossibleblogcine.blogspot.com/2009/12/le-jour-ou-le-cinema-coreen-sest-empare.html

@Phil : Oh oui, il ne faut pas que tu le rates celui-ci !

Alice In Oliver a dit…

Pas vu The Murderer mais il jouit déjà d'une bonne réputation sur la Toile. Le cinéma coréen frappe très fort ces temps-ci.

David Tredler a dit…

Le cinéma coréen frappe souvent fort ;)

I.D. a dit…

Pour ceux qui n'auraient pas tout compris à The Murderer...

http://i51.tinypic.com/1zb3u6o.jpg

C'est un pote virtuel qui me l'a fait tourner. ;)

David Tredler a dit…

Haha ! Je crois que ça m'embrouille plus qu'autre chose, je n'en avais pas besoin ;)

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