lundi 18 juillet 2011

I’m still here, l'art du faux

Un beau jour de l’hiver 2009, j’étais comme beaucoup d’autres scotché par cette nouvelle qui faisait lever le sourcil de la planète cinéma : barbu et hirsute, Joaquin Phoenix annonçait sa retraite des plateaux de cinéma au profit d’une carrière dans le hip hop. L’acteur fétiche de James Gray, nommé aux Oscars pour Walk the Line, pétait-il les plombs ? Quelques semaines plus tard, il apparaissait caché derrière des lunettes noires, marmonnant et mâchouillant un chewing-gum sur le canapé de David Letterman, laissant le présentateur ahuri. Dès lors, Phoenix devint un sujet de moquerie dans le showbiz, Ben Stiller le parodiant aux Oscars et des vidéos de ses performances de rappeur circulant sur Youtube, loin de le mettre à son avantage. Phoenix, dans un état semblant second, se ramassait par terre ou se battait avec un membre du public.

Pendant des mois, le petit monde d’Hollywood, et tout ce qui gravite autour, presse, télé, web, s’est demandé se qui avait piqué Phoenix, d’autant que l’acteur avait annoncé que son beau-frère Casey Affleck allait le suivre caméra au poing pour filmer sa reconversion. Mais c’est quoi cette histoire ? Le monde a crié à la folie. Le monde a crié au canular. Le monde est resté perplexe (oui je sais je pousse un peu en disant « le monde », mais la démesure sied à ce film). Dans l’attente de voir Phoenix capituler, ou percer (non, personne ne s’est jamais vraiment attendu à ce qu’il perce dans le hip hop après avoir vu les vidéos circulant sur You Tube, c’est sûr…). Dans l’attente du film de Casey Affleck qui offrirait les coulisses de toute cette histoire, son fin mot.

I’m still here est enfin arrivé, plus de deux ans après cette préretraite annoncée étrange. Entre temps, Casey Affleck avait confirmé que la reconversion de Joaquin et le documentaire la retraçant était un canular. Quel devient donc l’intérêt d’un tel film ? Il est plus qu’une simple curiosité de revoir ces séquences aperçues sur Internet dans un contexte plus large, de voir Phoenix avant et après son entrée sur le plateau de Letterman, le voir négocier pour chanter dans une boîte de nuit branchée de Miami… Il est aussi dans ce doute que l’on a quant à l’implication des personnes que l’on voit dans le film. P. Diddy, alias Sean Combs, que Joaquin Phoenix vient chercher pour produire son album, savait-il ?Avec ses yeux montant au ciel quand il entend les chansons de Joaquin, le doute est permis. Ben Stiller, quand il vient proposer à Joaquin de jouer à ses côtés dans Greenberg, sait-il ce qui se passe ? Et Edward James Olmos, c’est quoi cette histoire de goutte des montagnes ? Il a fumé celui-là ? Non, pas possible, il était de mèche. Ce semi-doute est savoureux.

Si la plongée totale dans le trash qu’ose Joaquin Phoenix et Casey Affleck fait clairement penser qu’il s’agit effectivement d’un jeu (la coke, les escort-girls et le scato, pour résumer), il y a surtout, en filigrane, la vérité qui se cache derrière le mensonge. Ce que l’on devine de la personnalité de Phoenix, derrière l’excentricité d’un projet qui le montre sous un visage supposément faux. Mais l’est-il vraiment, faux, ce Joaquin ? Cet homme un peu paumé, un peu mélancolique, un peu solitaire. Il est too much pour être vrai, mais il y a quelque chose d’indicible en lui. Une absence. Un désordre affectif. Peut-être que tout cela n’est vraiment qu’un jeu après tout, de la première à la dernière seconde. Ou peut-être y a-t-il tout de même une part de vérité dans ce faux documentaire, dans ce faux Joaquin. C’est ce doute qui fait le sel de I’m still here.

Depuis, après trois ans sans tourner, Joaquin Phoenix est sorti de sa fausse retraite pour The Master, le nouveau Paul Thomas Anderson, dans lequel Philip Seymour Hoffman interprète un gourou inspiré de L. Ron Hubbard et sa scientologie. Phoenix sera l’homme de confiance du Master. « I’m still here », chantait-il dans une boîte de nuit de Miami. Les mois ont passé, le contexte est différent, et le retour sera assurément vivement commenté. Mais c’est sûr. He’s still here.

4 commentaires:

Johanna a dit…

J'avais entendu parler de l'"histoire" et j'avoue que cela n'a fait qu'accroître ma curiosité. Du coup, ce film me tente bien...

David Tredler a dit…

Par contre j'ai oublié de mentionner que le film s'affichait avec parcimonie dans les salles... A Paris, seul l'UGC Ciné Cité Les Halles le programme en première semaine... En province, quatre cinémas...

Martin K a dit…

C'est fou, cette histoire ! Je n'avais entendu que le début, le départ du cinéma ! Et sur la photo, j'ai cru que c'était Zach Galifianakis !

David Tredler a dit…

Galifianakis n'a peut-être jamais existé, c'est peut-être Joaquin Phoenix qui se cache sous ce pseudonyme depuis le début ^_^

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