vendredi 17 décembre 2010

En 1947 aussi, on savait photographier un film...

Ca sert à cela, les ressorties en version restaurée de vieux films. A tordre le cou à certaines idées reçues, du moins à certains préjugés. Comme celui qu’un film des années 40 n’avait à priori pas la puissance visuelle d’un film des années 80, 90 ou 2000. Encore plus des années 2000, une époque où désormais il suffit pour certains d’appuyer sur une touche d’ordinateur pour travailler les teintes de l’image et perfectionner la photographie d’un film. Comment un film tourné en studios en 1947 pourrait-il rivaliser avec ce que le cinéma épique a pu offrir ces trente dernières années, n’est-ce pas ?

Eh bien voilà, pour ceux qui croiraient qu’un film réalisé il y a plus de soixante ans ne peut pas mettre une claque visuelle, quelques salles passent ces jours-ci Le narcisse noir, réalisé en 1947. Et croyez-moi, vous allez être surpris. J’ai été surpris. Sur ce bel écran de l’Élysée Lincoln, la puissance du film de Michael Powell et Emeric Pressburger m’a éclaté au visage. Et dire qu’à la base je n’avais pas spécialement l’intention de voir cette reprise... Je m’étais déjà laissé décourager par Les chaussons rouges du fait de la thématique en tutu (je sais, je suis un idiot), je me sentais moyennement motivé pour aller suivre une poignée de nonnes allant ouvrir un dispensaire dans un village reculé d’Himalaya.

C’est sur la recommandation d’un ami anglais (et de sa femme) habitant au pays où l’on filme les hobbits, lui qui m’en avait parlé quelques jours plus tôt sans savoir que le film serait bientôt à ma portée à Paris (comment peut-il le savoir lui qui habite en Terre du Milieu ?), que je me suis décidé à aller voir Le narcisse noir. Regardez cette affiche. Ce plan absolument ahurissant d’une de ces nonnes, interprétée par Deborah Kerr, défiant le vide himalayen à ses pieds, sous sa cloche. L’image est forte et représente bien ce qu’offre le film visuellement. Un éclat de chaque instant, des plans d’une rare beauté sur ces angles plongeant d’une cité haut perchée. La photographie du film en met plein les yeux.

Mais si ce n’était que ça, le film ne serait qu’un exercice de style brillant (de 1947 !!! ah je l’ai déjà dit ?). Or, Powell et Pressburger tissent, en même temps qu’ils peignent, une intrigue à l’atmosphère peu à peu étouffante et incroyablement anxiogène. C’est le dérèglement de la machine croyante. La mission qui tourne à la déconfiture. Le clash culturel entre les nonnes et cette peuplade qu’elles ne parviennent à convertir. C’est surtout la crise d’une de ces nonnes, Sœur Ruth, peu fiable et questionnant sérieusement ses vœux, qui va peu à peu s’assombrir jusqu’à devenir ce Narcisse Noir. La tension vers laquelle tendent les réalisateurs est intenable lors du dernier acte climacique du long-métrage.

S’il est difficile de croire que ce film a été réalisé en 1947 tant son audace visuelle laisse pantois, cette date est également regrettable. Car face à ce spectacle flamboyant, je rêvais de cinémascope, ce format panoramique qui ne débarqua au cinéma que dans les années 50 et aurait rendu l’impact du Narcisse Noir encore plus fort. Aaaaah, si seulement… Mais que cela n’empêche pas les jeunes cinéphiles obtus à aller s’ouvrir devant ce si beau Narcisse noir…

2 commentaires:

I.D. a dit…

C'est bien normal que la photo' soit aussi top, c'est Jack Cardiff qui en est l'auteur. On lui doit quand même celle Conan et de Rambo 2 ! Oh ! Quand même ! Respect. ^^

David Tredler a dit…

Eh oui, y a pas de mystère ;)

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