lundi 22 mars 2010

J'ai goûté au cinéma bulgare

Cinéma coréen, américain, français, japonais, australien, chinois… Un coup d’œil dans le rétro, et je me rends compte que le cinéma européen se fait très occasionnel dans ces pages, comparé aux autres… Peut-être n’en vois-je pas assez. Sûrement. La frilosité me guetterait-elle lorsqu’il s’agit de s’aventurer dans les cinémas de mes voisins d’Europe ? Si c’est le cas, le meilleur remède contre ce genre de comportement, c’est d’en voir un bon. Plusieurs c’est encore mieux bien sûr, mais en voir ne serait-ce qu’un, de temps en temps... Pour éprouver du désir pour le cinéma européen. Ca tombe bien je viens d’en voir un. Un très bon. Un qui donne envie d’oublier la frilosité.

De tous les coins du cinéma d’Europe, celui de l’Est est celui qui inlassablement me fait le plus peur et échoue à me motiver. La critique a beau s’enflammer sur l’émergence du cinéma roumain, je n’ai pas eu le courage de croquer dedans. La dernière fois que je me suis aventuré (cinématographiquement) en Europe de l’Est, je crois que c’était pour Katyn, d’Andrzej Wajda. Je ne regrette jamais d’avoir vu un film, mais après coup je me suis tout de même dit que celui-là, si je l’avais raté, je m’en serais remis.

Pour la première fois depuis quelques mois, j’ai de nouveau éprouvé l’envie de voir un film d’un pays d’Europe de l’Est. C’est rare. Ce qui est encore plus rare, c’est que j’en suis sorti loin de la déception. Eastern Plays est un film bulgare, un pays peu représenté dans les salles françaises (certes leur rendement niveau production ne doit pas non plus être du niveau d’autres pays d’Europe). Un premier film, qui plus est. Bien sûr, être passé par le Festival de Cannes, à la Quinzaine des Réalisateurs (et y être bien reçu), aide à trouver par la suite un distributeur en France. Tant mieux.

Ce qui me rebute souvent dans le cinéma d’Europe de l’Est, c’est le caractère sombre, voire glauque du cadre dans lequel les cinéastes choisissent de poser leurs sujets. Et le traitement qui va avec. Le réalisateur Kamen Kalev nous envoie lui une plume plutôt qu’un poids, et esquisse son histoire pourtant peu joviale avec une certaine luminosité. Car en fait de glauque, le sentiment qui se dégage d’Eastern Plays est celui d’une profonde mélancolie.

La caméra s’attache à Christo, trentenaire, bossant pour une fabrique de meubles mais rêvant à une vie où il pourrait se consacrer pleinement à son art, la sculpture sur bois. Il a une petite amie auquel il n’est pas attaché, des parents qu’il voit peu et un frère qu’il voit se laisser entraîner vers la violence. Il glisse à travers la vie sans parvenir à y voir de la joie, et se noie dans l’alcool du matin au soir. Un éclair de lumière entre pourtant dans sa vie lorsque, une nuit, il défend une famille turque agressée par une bande violente.
Pour Christo, éprouver de l’empathie pour son prochain est une inconnue qu’il aimerait maîtriser. Il a beau être un brave gars serviable, il ne ressent rien. Paradoxe d’un rêveur qui ne croit pas en ses rêves, d’un artiste qui n’a pas le courage de goûter à l’aventure. D’un rebelle empêtré dans son quotidien et ses démons.

Le plus beau cinéma est celui qui sait se montrer lumineux. Il ne s’agit pas de mièvrerie, de bons sentiments ou de happy end. Il s’agit de transformer la noirceur en mélancolie. De transformer le noir en gris. De maintenir vivante, vibrante, l’étroitesse qui sépare la tristesse de l’espoir, un cocktail de désenchantement qui plonge un film entre chien et loup. Pendant 1h25, c’est à cela qu’Eastern Plays nous invite, à cet instant où le prisme de la société bulgare se trouve observée à travers le destin indécis et délicat de cette âme en peine à la recherche d’envie. Un instant inattendu où un certain cinéma européen se rappelle à mes goûts cinématographiques.

Petite parenthèse, l’acteur Christo Christov, apparemment très proche hors caméra du personnage qu’il incarne dans Eastern Plays, est décédé pendant le tournage. Comme si le film n’était pas suffisamment teinté de désenchantement…

5 commentaires:

I.D. a dit…

Ca m'a pas l'air mal tout ça, je suis assez attiré par ce film. J'ai peur de le louper. Je n'ai pas encore vu Achille et la Tortue, ni Le Guerrier silencieux (dont je préfére le titre original). Le temps ne joue pas pour moi bon sang de bon soir !

Je reviens vers le film qui nous intéresse ici. J'ai pu voir en effet que l'acteur est décédé, du coup le réal' a dû changer la fin de son film. Ce dernier est un ancien élève de la Femis, il me semble qui a un regard bien singulier sur ses petits camarades de l'époque française. Un mec comme je les aime, en somme. ;)

David Tredler a dit…

Ce qui est bien c'est qu'on ne ressent pas que le réal a dû bricoler la fin pour compenser le décès de Christov. La fin est très réussie.

Va falloir te dépêcher si tu veux voir Eastern Plays, Achille et Valhalla, I.D. !! Les 3 sont à voir absolument, mais les trois ne sont pas énormément distribués... Fais gaffe ;-)

Epicentre Films a dit…

Bonjour à vous,

Merci pour votre critique David :)

Pour ceux qui souhaitent voir le film, voilà plusieurs pages que nous pouvons vous conseiller :
- notre site internet (rubrique programmation)
- la fiche du film sur Evene.fr
- la fiche du film sur Allocine (rubrique Séances)

Pour plus d'infos sur le film (notamment l'interview du réalisateur à Cannes), retrouvez les sur les pages fan d'Epicentre Films et Eastern Plays ;-)

Chris a dit…

J'ai bien aimé aussi le film, même si je trouve que le scénario est squelettique et gâche un peu l'ensemble. Pour le cinéma d'Europe de l'Est, je te conseille le cinéma roumain que tu connais sûrement, c'est souvent fantaisiste, amusant, ou déjanté.

David Tredler a dit…

@Chris : un metteur en scène de talent n'a pas besoin d'un scénario très dense pour happer, et c'est ce que parvient à faire, à mon sens, celui d'Eastern Plays. Il serait temps que je me penche plus sérieusement sur le cinéma roumain, jusqu'ici j'y ai été peu enclin...

@Epicentre : c'est sincère !

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