mardi 14 avril 2009

Un week-end au ciné - Chapitre 3

Si mon week-end a essentiellement consisté en une fête d’anniversaire familiale dans le sud de la Seine-et-Marne, j’ai eu le temps d’attraper deux films samedi avant de partir, et même si je l’ai déjà vu il y a plus d’une semaine, il n’est jamais trop tard pour aborder la transposition live sur grand écran de Dragonball.

Je fais partie de la génération qui a grandi avec le dessin animé d’Akira Toriyama comme œuvre de culte, me délectant dans mes années 80 natales des aventures du petit Goku et ses amis, puis plus tard du grand Goku (et toujours ses amis). Avec les potes, on en parlait à la récré, on regardait religieusement les épisodes ensemble et on se prenait pour ces héros japonais. Il est bien sûr arrivé un âge où j’ai décroché, mais la TNT aidant, j’ai depuis revu avec plaisir quelques épisodes à la télé. Et gardé avec curiosité un œil sur ce vaste et surréaliste projet hollywoodien couvant depuis quelques années à la Cité des Anges : confier à des acteurs le soin d’incarner Tortue Géniale, Bulma et les autres.

Le projet étai casse-gueule d’entrée de jeu, malgré la présence à la production du fou chinois Stephen Chow. Le résultat est, faut-il s’en étonner ?, un bon gros nanar. Les ficelles scénaristiques sont absolument grossières (jusqu’à la séquence post-générique aussi détectable que Chuck Norris au milieu d’une bande d’Aztèques), les effets spéciaux souvent risibles, et les dialogues… inénarrables.

Ces défauts étaient tant attendus qu’ils auraient été pardonnés si le scénariste s’était donné la peine de respecter l’œuvre de Toriyama et du même coup les fans de la première heure de Dragonball. Malheureusement ce n’est pas du tout le cas. La mythologie des personnages est contorsionnée, dénaturée, trahie. Le scénariste nous pond une histoire qui n’a plus grand-chose à voir avec les origines de Goku. Et dire qu’ils comptent éventuellement en faire d’autres (films !), et ont laissé entendre que la suite pourrait se raccrocher à de véritables épisodes du dessin animé… cela semble peut probable vu l’origine tout à fait différente qu’ils ont tissé pour le protagoniste.

Il est possible, pour apprécier ce Dragonball made in Hollywood, de se marrer à moitié devant Chow Yun-Fat en Tortue Géniale ou d’apprécier la beauté de l’actrice qui incarne Chi-Chi (Jamie Chung), mais il faut avouer que c’est bien peu.

Ouf, le programme de samedi a été bien plus réjouissant, et a commencé par une surprise de taille : Ron Howard serait en fait un bon réalisateur. C’est du moins ce que l’on est en droit de penser après avoir vu Frost/Nixon, la transposition ciné de la pièce de théâtre remarquée de Peter Morgan, qui déjà mettait face-à-face Michael Sheen et Frank Langella dans les rôles respectifs de l’animateur de talk show britannique David Frost et l’ancien Président des États-Unis d’Amérique Richard Nixon, dans ce récit de la préparation (et le déroulement) d’un légendaire (pour les américains) affrontement télévisuel enregistré quelques années après la démission de Nixon suite à l’affaire du Watergate.

Faiseur Hollywoodien par excellence, Richie Cunningham a réalisé quelques honnêtes divertissements (Apollo 13, Backdraft, Willow) et quelques sombres daubes que je ne nommerais pas (mais y en avait une où Audrey Tautou jouait la descendante de Jésus quand même !). Avec Frost/Nixon, Howard signe, haut la main, son meilleur travail de metteur en scène. Plus que les dessous du Watergate et de l’implication de Nixon dans le scandale, dont on se contrefout complètement, c’est dans l’examen minutieux de toute une mécanique que le film s’avère une vraie réussite.
Mécanique de la mise en place médiatique, mécanique de l’implication humaine dans une démarche collective raillée, et bien sûr mécanique d’un face-à-face entre deux hommes que tout semble opposer, mais qui se trouvent confrontés à une problématique commune : de l’issue de la joute filmée dépendra leur avenir.

Contre toute attente, Ron Howard filme cette bataille qui se joue dans des chambres d’hôtels et des salons avec plus que les simples ressorts du suspense hollywoodien dont il a coutume (et ne venez pas me vanter les qualités de son agaçant Un homme d’exception comme un exemple de son ambition !). Les personnages auxquels il s’attache sont croqués avec une justesse remarquable, dans leurs défauts autant que leurs qualités. Les décors souvent minimalistes (dus à l’origine théâtrale du matériau sans doute) sont parfaitement exploités, rendus lieu d’étouffement pour ces personnages qui rêvent de grandeur mais doivent se contenter de l’enfermement pour espérer retrouver les spotlights de la gloire, que ce soit ceux du show-biz ou de la politique.

Grimages et mimétismes sont rarement les traits d’une interprétation qui attisent mon admiration, c’est donc moins dans le Nixon de Frank Langella, par ailleurs excellent, que dans le David Frost de Michael Sheen que j’ai trouvé mon plaisir de spectateur. Sheen tisse un Frost qui au-delà de sa bonhomie forçant la sympathie se révèle souvent insaisissable, à la fois sûr de lui et angoissé, flamboyant et pathétique. Le comédien britannique ne devrait pas tarder à se voir nommé aux Oscars , dans les années qui viennent, après avoir été placé dans l’ombre d’Helen Mirren dans The Queen, et maintenant Langella dans Frost/Nixon.

Anecdote de spectateur : vu à l’UGC Ciné Cité Bercy, Frost/Nixon a attiré Michaël Youn et sa compagne qui se sont placés juste devant moi. S’ils n’ont pas l’effronterie d’une Maïwenn Le Besco, impossible de ne pas remarquer qu’ils ont bien du mal à complètement oublier leur Blackberry, même le temps d’un film…

Dernière projection du week-end, le documentaire de Fabienne Godet Ne me libérez pas, je m’en charge, consacré à l’un des anciens taulards les plus célèbres de France, Michel Vaujour. Ce dernier s’est fait un nom moins pour les exploits qui l’ont conduit au trou que pour son étonnante capacité à s’évader. Vaujour a presque toujours réussi à se libérer par ses propres moyens du carcan carcéral, parfois sans bruit, souvent avec panache comme lors de sa spectaculaire évasion, dans les années 80, de la prison de la santé… en hélicoptère.

Ses exploits évasifs pourraient en faire un héros de cinéma hollywoodien, mais ce qui a véritablement intéressé la réalisatrice, ce sont les pensées de Vaujour. Ce que l’homme a absorbé et appris de toutes ces années en prison (plus de deux décennies tout de même !), dont une longue période en isolement total. Ne me libérez pas, je m’en charge, c’est une plongée dans les réflexions de Vaujour, dans le conscient et l’inconscient d’un ancien prisonnier qui a tout connu derrière les barreaux, et a au fil du temps appris à prendre du recul. Ce documentaire, bien souvent un simple témoignage en gros plan de Vaujour, est l’un des plus saisissants longs-métrages consacrés à la vie en prison, et ses conséquences pour les personnes y ayant vécu longuement, dans des conditions extrêmes. Sans que jamais la caméra s’y pose.

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