dimanche 15 juillet 2012

Quick, un film coréen en France... mais pas sur grand écran


Voir un film coréen sortir directement en DVD sans passer par la case ciné me file toujours un coup au cœur. Je sais, je sais, les salles de cinéma françaises sont déjà encombrées de film, mais quand je vois le nombre de multiplexes qui passent « L’Âge de Glace 4 » et « The Amazing Spiderman » sur plusieurs écrans, je ne peux m’empêcher de penser que tout le monde serait gagnant à voir ces blockbusters laisser un peu de place aux autres films, les spectateurs les premiers bien sûr. Mais l’heure n’est pas à la coréanophilie dans les cinémas hexagonaux. En sept mois, l’année 2012 n’a toujours vu qu’un seul représentant du Pays du Matin Calme sortir sur nos écrans, et sans surprise, c’était un Hong Sang Soo, « Matins calmes à Séoul ». C’est la frilosité des distributeurs qui est cruellement mise en exergue par ce triste constat. A l’heure actuelle, si un film coréen n’est pas passé par Cannes, ou au moins réalisé par un habitué du festival, ses chances de sortie en France sont plus que minces. C’est dire toute l’importance du Festival dans la chronologie cinéphile en France, et la nécessité qu’il défriche et déniche des talents quand on peut parfois lui reprocher de se reposer sur les acquis de la cinéphilie mondiale.  Même si parfois un passage par Cannes ne suffit pas à voir un film débarquer dans les salles (On t’attend toujours « Arirang » de Kim Ki-Duk !).

Alors il reste l’édition de DVD, où les films coréens sont bien plus présents, et où l’offre est même très différente, car lorsqu’un film coréen sort en salles en France, neuf fois sur dix, c’est un film d’auteur. En DVD, ce qui marche, c’est le spectaculaire, et c’est donc là notre chance de découvrir les blockbusters coréens qui ont très rarement droit de cité dans les salles obscures françaises. Parfois, les éditeurs tentent même d’atténuer la nationalité coréenne des films en les vendant comme des machines hollywoodiennes, à l’image du film catastrophe Haeundae, carton coréen qui s’était vendu en France en DVD sous le titre « The Last Day » en ayant pris soin de gommer les traits asiatiques du film lors de la campagne marketing.

L’été 2012 voit arriver dans les bacs trois blockbusters coréens. Un remake du « Syndicat du Crime », un film de guerre prévu pour août et dont je reparlerai très vite, et Quick. Non, n’imaginez pas faire une blague en relation avec la chaîne de fast-food, en Corée ils ne connaissent pas. Le film est sorti à l’été 2011 dans les salles coréennes, l’un des évènements cinématographiques de l’été en terme de divertissement, et le film a rempli sa fonction en attirant 3 millions de spectateurs en salles. Pour vous situer un peu le film, disons que c’est un croisement entre Speed de Jan De Bont et Taxi de Gérard Pirès, à la sauce coréenne. Un coursier à moto, une légende parmi les gangs de motard de Séoul, qui fait son job à toute berzingue, est piégé par un homme qui lui apprend que le casque que porte sa cliente est équipé d’une bombe qui explosera s’il ne livre pas des paquets aux quatre coins de la ville pour lui. Des paquets eux-mêmes piégés qui vont faire des dégâts. Ajoutez dans le mix le fait que la cliente que trimballe le coursier est son ex et les flics qui lui courent après pensant qu’il est un terroriste, et vous voilà avec la combinaison de Quick.

Si le film de Jo Beom Gu lorgne clairement vers le film d’action Hollywoodien dans sa structure et son avalanche d’effets spéciaux, il lui reste tout de même un peu d’ADN coréen, et tant mieux. Sans celui-ci, on se trouverait devant un film d’action bateau et trop long, ce qu’il est assurément. Mais heureusement, on retrouve dans le film un joyeux bordel lorsqu’il est question de dépeindre la police coréenne et son action, amenant par là les meilleurs moments du film. On pourra aussi toujours souligner que pour un divertissement largement comique et très grand public, le scénario est émaillé d’un nombre incalculable de morts, ce qui peut toujours surprendre quand on est peu habitué aux caractéristiques cinématographiques coréennes.

Difficile de trouver beaucoup plus de qualités au film, qui s’embourbe trop dans un enchevêtrement complexe superflu dans l’intrigue, et échoue à rendre son héros franchement convaincant en super motard charismatique. Peut-être s’agit-il là d’une erreur de casting, tant l’acteur Lee Min-Ki est fluet et peu magnétique. Il était nettement plus à sa place dans l’excellent « Oishi Man », ou en second rôle hésitant et amusant dans le fameux Haeundae.

On se consolera avec le générique de fin, qui comme pour les films de Jackie Chan, nous présente l’envers des cascades qui font mal. Bon, d’accord, Quick n’est pas le genre de film à faire regretter qu’il ne soit pas sorti en salles en France. Le prochain inédit amènera-t-il ces regrets ?

6 commentaires:

I.D. a dit…

En France, nous devons avoir un souci avec les films pleins de "bridés". Je force les traits (sans jeu de mot) et me veux limite insultant mais tu soulignes fort bien la chose. Si le film n'est pas passé par un festival ou évènement s'y rapprochant, alors tu lui enlèves tout attrait "auteurisant" qui pourrait se vendre chez une infime couche de la population "cinéphile" (même si on t'attend toujours "Arirang"!).

Aussi paradoxal que ce soit, nous sommes plutôt ouvert en France. Un certain cinéma labellisé "asiatique" (comme s'il n'en existait qu'un seul, hum) a toujours été plus ou moins plébiscité. Mais il reste dans une veine de cinéma d'auteur comme je le souligne plus haut (OK j'enfonce une porte ouverte, j'avoue). Le paradoxe c'est qu’au-delà de cet état de fait, il existe bel et bien une population qui apprécie également ses films d'actions, ses thrillers et j'en passe. Pourtant, certains éditeurs ou distributeurs n'osent ou ne souhaitent prendre le risque d'une sortie ciné'. Pourquoi ? En France, aussi ouvert que nous sommes, on a encore du mal à voir un film remplit de "bridé". J'en démords pas. On pourra toujours compter sur une p'tite frange cinéphile qui apprécie l'auteur comme le bis mais c'est peu de chose en comparaison des risques que prendraient un distributeur ou même éditeur à les sortir en salle. Tu parles de "Haeundae" du fait qu'ils ont "pris soin de gommer les traits asiatiques du film lors de la campagne marketing". Voilà ce qui l'en est. Ils ont fait et font la même chose pour "The Raid", film indonésien actuellement au cinéma. Et sincèrement, ça veut tout dire... ou comment nous vendre un film asiatique sans dire qu'il est vraiment asiatique parce que disons-le, également passé de mode. Passé de mode également à cause des distributeurs et éditeurs qui nous ont refourgué de la bonne daube. Ils ont notamment chopé du film en lot pour pas cher et ils nous l'ont souvent vendu comme des "must". Bref.

Tout ça pour dire qu'on ne perd pas non plus grand chose avec "Quick". Ça pompe beaucoup de film sans grande originalité tellement que c'est vu et revu et repompé encore. Des acteurs principaux sans charisme et qui jouent comme tout les acteurs qui les ont précédé dans ce genre de film. Marre de voir toutes ces actrices sudco faire leur pseudo-Jeon Ji-hyeon. Ça passe bien sur le moment mais sincèrement aller mettre 20-25 euros là-dedans... vous ne tarderez pas à refourguer le DVD sur un site de vente en ligne pour 3 ou 4...

David Tredler a dit…

Ce qui me frappe toujours aussi, c'est que la plupart du temps, les bandes-annonces françaises de films asiatiques ne contiennent pas de dialogues, seulement de la musique, comme si entendre parler coréen, japonais ou chinois risquait de faire fuir les spectateurs. Ca donne des BA assez stylisées et poétiques, je repense notamment aux BA de "Sympathy for Mr Vengeance" ou "The Host", entièrement musicales, sans dialogues parlés, mais ça reflète la peur des distributeurs des langues asiatiques dans les BA.
J'ai été d'autant plus surpris de découvrir la BA de "La vie sans principes" de Johnnie To, qui n'a pas peur des dialogues, et ça fait plaisir.
Mais effectivement on ne perd pas énormément avec Quick ;)

Martin K a dit…

Assez d'accord avec tout ça, les gars, et je me souviens qu'I.D. m'avait fait remarquer que je voyais peu de films asiatiques - c'est toujours vrai, j'en suis à 4 (sur 83) à ce stade de l'année. Plus qu'une question de goût, c'est aussi pour moi une question d'opportunités. Peu ou pas de sorties en salles, peu ou pas de connaissances des films pour l'achat éventuel de DVDs, etc...

Est-ce que je suis trop peu aventureux ? C'est possible. Et je pense comme David que les langues doivent rebuter une partie du public (ou, en amont, des distributeurs). Les doubleurs et/ou traducteurs doivent être plus rares... donc plus chers.

Clairement, je ne demande qu'à découvrir, mais j'ai un peu de mal, en pratique, à aller vers ce cinéma. Encore une fois, je ne crois pas que ce soit uniquement de mon fait. Bref... merci à vous deux d'en parler avec érudition et emphase.

PS: je suis malade, mais je me soigne ;-) Dernièrement, j'ai vu un Kurosawa et j'ai du japonais, du chinois et du coréen de prévu d'ici quelques semaines...

David Tredler a dit…

C'est difficile de comparer l'offre de films asiatiques entre Paris et Nice en effet Martin. Ça te fait une bonne excuse de rater certains films ;)
Mais je sens bien que tu es curieux et que lorsque tu auras des occasions, tu les saisiras, je ne peux que te recommander de le faire !

Martin K a dit…

Pas de souci pour la curiosité et le fait de saisir quelques opportunités. La preuve, c'est que j'ai acheté "My sassy girl" à l'aveuglette. Bien m'en a pris.

Dans le même état d'esprit, j'étais allé voir "Poetry", mais là, on entre dans la catégorie des films d'auteur repérés par les festivals. Je l'avais apprécié, cela dit.

Grosso modo, j'ai peu d'occasions (à prix abordable) et encore moins de repères. En ce moment, niveau cinéma d'Asie, j'ai plutôt tendance à m'orienter vers de vieux classiques (prochainement, "Les sept samouraïs") ou des films qu'on m'a recommandés (à suivre, "Old boy" et peut-être "Le bon, la brute et le cinglé").

David Tredler a dit…

Bon achat "My Sassy Girl", Martin. J'avais il y a quelque temps fait une liste de mes films coréens préférés de la décennie 2000-2009, il y figurait avec d'autres excellents films si tu as besoin de conseils coréens : http://limpossibleblogcine.blogspot.fr/2009/12/le-meilleur-de-ma-decennie-coreenne.html

Poetry, magnifique, en effet, et justement récompensé à Cannes. Quant à ceux qui suivent sur ta liste, "Oldboy" et "Le bon, la brute et le cinglé", c'est du lourd, tu vas te régaler j'en suis sûr^^

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