dimanche 8 juillet 2012

"High Noon" ou la solitude solidaire de spectateurs esseulés


C’est un moment redouté dans la vie d’un spectateur. Non, pas se retrouver assis à côté d’un adolescent tenant un énorme seau de pop-corn. Quoique. Non, pas non plus oublier sa carte illimitée chez soi… quoique… également. Bon d’accord, les moments redoutés dans la vie d’un spectateur assidu sont nombreux dans une salle de cinéma, mais celui auquel j’ai été confronté au Festival Paris Cinéma est autre : assister à une projection en présence d’un cinéaste venu spécialement de l’autre bout du monde et constater que nous ne sommes qu’une petite poignée dans une grande salle pour l’accueillir. C’est un moment quelque peu honteux de s’avérer si peu dans une salle qui pourrait contenir tant de spectateurs et entendre cet écho caractéristique au moment des applaudissements lorsque la personne venue présenter son film entre en salle.

Cette mésaventure m’était déjà arrivée il y a quelques mois pour la venue d’Alexander Payne à Paris pour l’avant-première de « The Descendants ».  C’était déjà au MK2 Bibliothèque, exactement dans la même salle. Pourtant le Festival Paris Cinéma s’était jusqu’ici paré d’une jolie fréquentation au MK2 Bibliothèque à chaque séance, alors je m’imaginais qu’il en serait de même pour « High Noon », l’un des films projetés dans le cadre de la mise à l’honneur de Hong Kong. Un premier film réalisé en 2008 par une jeune femme (même pas 25 ans à l’époque), Heiward Mak, et projeté en soirée.

Pourtant à 21h passées, quand les portes de la salle s’ouvrirent et que nous nous installâmes (c’est classe le passé simple), nous n’étions qu’une petite trentaine  de curieux – dont l’ami blogueur Phil Siné qui accepta de se poser en ma compagnie au 5ème rang. Quelques heures plus tôt à peine, nous étions encore moins nombreux au cinéma Les Trois Luxembourg pour « Made in Hong Kong », mais la salle était plus petite et le réalisateur n’était pas présent. Je vis deux cinéastes d’ailleurs ce soir-là car en sortant de « Made in Hong Kong » rue Monsieur Le Prince, je tombais presque nez-à-nez avec Yuen Woo Ping qui s’apprêtait à donner une masterclass dans la salle que je venais de quitter.

Mais je m’éparpille. Où en étais-je ? Oui, les rangs trop vides de la salle 12 du MK2 Bibliothèque. Losque Bastien Meiresonne arriva tout joyeux pour nous présenter Heiward Mak et l’un des comédiens de « High Noon », nous fîmes tous bonne figure, le présentateur de la soirée le premier qui nous recommanda de rester en fin de projection pour discuter avec la réalisatrice et son acteur, en précisant « Déjà qu’on n’est pas nombreux… », mais avec une bonne humeur qu’il espéra communicative (ce fut le cas).

« High Noon » nous emporta ensuite 1h50 durant dans une exploration fougueuse de l’adolescence hongkongaise. Une bande d’amis lycéens faisant les 400 coups dans et hors les murs de l’école, au grand désespoir des profs et des parents. Cet esprit fougueux bat le chaud et le froid sur le film, si enthousiaste et jeune qu’il parvient régulièrement à emporter l’adhésion, osant passer de la comédie au drame avec défi, au risque de beaucoup trop s’éparpiller sur la longueur. Heiward Mak part dans tous les sens, appuie excessivement sur la pédale de la stylisation et nous laisse quelque peu fatigués. « High Noon » est un film plein d’excès entre rires et larmes qui dénote finalement beaucoup avec « Made in Hong Kong » vu plus tôt, un film plus sobre et maîtrisé, plus sage aussi mais non moins pourvu de sensibilité. Deux regards sur la jeunesse HK montrant l’un (Made in Hong Kong), à l’heure de la rétrocession, la fin des rêves et des illusions quand l’autre (High Noon) s’attache au difficile passage vers la maturité alors que la rétrocession est consommé mais a laissé des traces dans les rapports humains.

A l’heure de voir « High Noon », nous étions donc une trentaine assis ce qui en soi, déjà, semblait bien trop peu pour l’occasion. Mais lorsque le film s’acheva, seule la moitié des spectateurs resta pour la rencontre avec la réalisatrice et l’acteur du film. En me retournant sur mon siège, je constatai avec déception qu’au-delà du 6ème rang, la salle était complètement vide. Seuls restaient une quinzaine de spectateurs répartis donc sur les premiers rangs.

Heureusement, malgré la gêne évidente, qui en tout cas était ressentie du côté spectateurs, le silence ne demeura pas longtemps et la conversation eut bien lieu, s’attachant à la jeunesse hongkongaise, à la violence, aux acteurs amateurs ou à la voix de fausset du producteur Eric Tsang. Malencontreusement, la traduction de la conversation avec l’interprète se faisait à partir de l’anglais (les interprètes français/chinois devaient être mobilisés dans d’autres salles ?), ce qui entraîna quelques quiproquos et difficultés dans l’échange, ajoutant parfois un peu à la gêne.

Difficile d’imaginer que la réalisatrice et l’acteur de « High Noon » ne furent pas déçus par le manque de curiosité des spectateurs français pour leur film, à découvrir la poignée que nous étions. Qu’ils se rassurent, nous nous sommes sentis aussi déçus et gênés qu’eux. Quelque part dans leur moment de solitude, ainsi face à nous, ils ont pu compter sur notre solidarité. Nous aussi, nous nous sentions seuls dans cette salle.

13 commentaires:

I.D. a dit…

Aïe, aïe, aïe le malaise. Le souci vient de la prog'. Je ne veux pas taper gratuitement sur les personnes qui ont monté ce festival mais sincèrement ce jour-là, c'était juste pas possible. Entre la table ronde sur la Nouvelle Vague HK, certes à 19h alors que le film était à 21h. Pas sûr que cette table ait durée 2 heures non plus. Du coup, ça devait laisser une demi heure de battement. Mais ailleurs et tu en parles, il y avait YWP que tu as vu de loin pour sa masterclass. C'était à 20h ! Perso', j'ai privilégié à Mk2 Bibli' la séance pour "The System", une rareté qu'il était presque impossible de louper pour un aficionados de film HK, tant ce film a son importance et la salle était plutôt pleine, c'était à 20h. Sans ça, on pourrait parler à 21h45 de Just Like Weather d'Allen Fong, l'une des pointures de la Nouvelle Vague HK en sa présence aussi ! La concurrence était donc hard pour Heiward Mak, toute jeune cinéaste méconnue. Je me désole d'avoir loupé son film qui avait aiguisé ma curiosité.

Sans ça, Heiward Mak a une sacrée descente. Elle s'inspire énormément de sa vie pour ses histoires et personnages et elle n'hésitera sans doute pas de mettre en scène cette soirée lorsqu'elle parlera d'elle comme Hong Sang-soo parle de lui en tant que cinéaste. ;)

Sinon, c'est BastiAn et non BastiEn pour la présentateur. Une gouache peu comparable pour introduire un film. Bref, il ne t'en voudra pas... ^^

David Tredler a dit…

Oui c'est ce que tu m'avais fait remarqué, ID. En effet, la concurrence était sévère ce soir-là, à cet horaire-là, et pour un premier film inconnu d'une cinéaste quasi inconnue, c'est dur de faire le poids. C'est vraiment dommage. Mais si elle le raconte dans un jour futur à la HSS, j'en serai ravi ;)

Je suis sûr que BastiAn ne m'en voudra pas. J'espère... ;)

Martin K a dit…

C'est vrai que, si la saison est vraiment grande et les rangs vraiment clairsemés, ça doit être bizarre pour le public et plus encore pour le réalisateur.

J'avoue que j'ai aussi du mal à comprendre qu'alors que le réalisateur est présent pour montrer son film, on puisse ne pas rester pour écouter ce qu'il a à en dire. Mais bon... c'est l'affaire du goût de chacun, je suppose. Qu'est-ce qui te détermine à rester ou à partir, toi, David ?

David Tredler a dit…

La seule fois où je ne suis pas resté (si mes souvenirs sont bons...), c'est l'autre jour après la projection de "Voyage vers Agartha" dont je parle dans un autre billet. Parce que mon amie était fatiguée, moi aussi, et que le film m'avait déçu, et que le discours du réalisateur dans les premières minutes de l'échange me laissait de marbre... Sinon je reste, vaille que vaille ;)

FredMJG a dit…

Argh ! comme I.D. j'étais à The system puis à la découverte d'Allen Fong qui était plutôt ravie de découvrir une petite salle enthousiaste mais tu me ferais presque regretter de ne pas m'être rendue à la projection du vendredi. J'ai une bonne excuse, j'étais mollement enfoncée dans un fauteuil en compagnie de mes collègues jurés. On ne quitte pas une assemblée pareille !
Et comme il était noté "première européenne" je me suis dit que le film allait sortir. Croisons les doigts.
Quant à filer en présence du réal, j'avoue tout désormais. Le générique de fin de Just the wind commençait à peine que c'était sauve qui peut la vie !

FredMJG a dit…

RAVI sans "e"
Allen Fong est un charmant monsieur. Pardon, j'étais encore sous le choc

David Tredler a dit…

Oui mais bon, Fred, un film de 2008, ça a beau être une "première européenne", c'est déjà un peu trop tard pour qu'il ait une vraie chance de sortie en salles ;)
Mais bon, c'est vrai, t'as une bonne excuse.
"Just the wind", quand même, avec tous ces mauvais échos et pourtant le Prix du Jury décroché, je suis curieux ça me donne envie de le voir (oui je sais je suis un peu maso...) !

FredMJG a dit…

Cela ne m'étonne pas que tu ais envie de voir ce machin. Puisque, j'estime qu'il est normal que les gens aillent se faire leurs propres idées plutôt que de suivre aveuglément l'avis de tel ou tel.
Simplement, cela a été une telle souffrance qu'il nous a paru incompréhensible que certains le portent au pinacle quoique... parfois quand on apprend le secret de certaines délibérations, les choix deviennent plus une question de politique ou de pis-aller que de bon goût ^^
PS. Et pour la sortie de High noon, moi je dis, mieux vaut tard que jamais

David Tredler a dit…

Pour avoir déjà fait partie d'un jury et avoir déjà vécu une délibération, je sais à quel point les tournures peuvent être surprenantes, même si l'on préférerait que l'évidence l'emporte parfois ;)
Pour les sorties de film, mieux vaut tard que jamais on est bien d'accord. Il y a encore certains films réalisés il y a quelques années que je ne désespère pas tout à fait de voir sortir un jour officiellement en salles en France...

Martin a dit…

On était 15 spectateur en Octobre dernier pour la venue de Satoko Yokohama à la Maison du Japon, sans parler d'une réal super timide et d'une presentatrice qui n'a pas su casser la glace pour faire durer un peu le Q&A... ça fout un peu les boules, ah oui .. la séance était gratos, le film inedit et vostf ..

Heureusement j'ai pu longuement l'interviewer le lendemain et lui montrer qu'on s'interressait un peu à elle ^^

David Tredler a dit…

Tu as sauvé l'honneur des cinéphiles français Martin aux yeux de la cinéaste, au moins !

Martin a dit…

Le pire c'est que ça tombe tjs sur des réalisatrices toutes mignonnes .. les cinephiles sont vraiment à coté de la plaque! Mais bon, j'ai entendu qu'elle avait une sacrée bonne descente, ça a du meubler les temps morts les soirs de festoche.

David Tredler a dit…

Elles noient leur déception dans les soirées arrosées ^_^

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