jeudi 11 novembre 2010

Un pas de plus vers la mer, Bong Joon-Ho et Na Hong-Jin au FFCF 2010

Ca y est, après l’ouverture tout en action de la veille, le Festival Franco-Coréen du Film, 5ème du nom, entrait pleinement dans le vif du sujet mercredi. Parmi les nombreuses possibilités du jour, j’ai jeté mon dévolu sur trois films, ou plutôt deux long-métrages et un programme spécial de courts-métrages. Du dernier film de la journée, My dear enemy, je ne parlerai que plus tard dans un billet séparé. Avant cela, je vais me pencher sur le cas de One step more to the sea, « Un pas de plus vers la mer », et des courts-métrages.

Un premier film de la sélection 2010 projeté dans l’après-midi devant un public bien trop rare, voilà qui tranchait avec l’effervescence de la veille. La marge de progression est encore importante pour la fréquentation du festival au cours des séances de journée, à l’évidence. En attendant, le cinémaniaque que je suis peut au moins s’installer tranquillement à la place qui lui chante dans la salle. L’héroïne de One step more to the sea se prénomme Won-Woo. Lycéenne, elle vit dans une maison avec sa mère et sa grand-mère. La relation entre la mère et la fille s’avère souvent tendue, Won-Woo supportant assez mal que sa mère la couve tant. Il faut dire que la jeune fille souffre de narcolepsie. Elle s’endort sans crier gare où qu’elle soit, en classe, dans la rue ou chez elle. Elle s’en trouve marginalisée au lycée, et donc trop protégée à son goût par sa mère. Mais celle-ci a quelqu’un d’autre que sa fille en tête ces derniers temps. Un professeur de photographie plus jeune qu’elle qui lui tourne autour…

Si la narcolepsie a inspiré la comédie française par le passé avec le Narco de Gilles Lellouche et Tristan Aurouet, ce n’est pas la voie qui intéresse la jeune réalisatrice Choi Ji-Yeong dont il s’agit ici du premier long-métrage. Son film à elle est une étude de caractères. Une chronique familiale explorant les relations entre une mère et sa fille, des relations alternant amour et conflit dans un cadre calme, quasi hors du temps. Les hésitations se succèdent : la mère reproche à une amie de regarder les hommes plus jeunes qu’elle, puis laisse l’un d’entre eux flirter ouvertement avec elle ; la fille voudrait que sa mère se trouve un mec pour qu’elle la laisse respirer un peu, mais supporte mal de découvrir que celle-ci sort effectivement avec un homme sans lui dire.

Les relations mère/filles inspireront éternellement le cinéma, mais One step more to the sea ne restera pas parmi les films les plus indispensables sur le sujet. Certes il y a une délicatesse touchante dans le film de Choi Ji-Yeong, un véritable amour de ses personnages de marginaux des relations humaines. Mais le cardiogramme reste un peu trop plat pour vraiment emporter l’adhésion et l’émotion nécessaire. On évolue ici en terrain trop balisé pour qu’un quelconque embrasement s’opère.

Bien m’a pris de m’engouffrer plus tard dans la journée dans la salle 2 projetant une des séances spéciales de l’édition 2010 du festival. Là il y a avait du lourd, à petite échelle, mais du lourd. Les séances spéciales sont une nouveauté de la 5ème édition du FFCF, une série de films sur une thématique commune. Pour inaugurer cette section, les organisateurs du festival ont choisi de programmer des courts-métrages de réalisateurs de premier plan du cinéma coréen actuel : Bong Joon-Ho, Na Hong-Jin, Park Chan-Wook, Hong Sang-Soo, Yang Ik-Joon.

Les courts-métrages que j’ai vus mercredi étaient ceux de Bong Joon-Ho et Na Hong-Jin. Et autant le dire d’emblée, ces messieurs ont aussi du talent sur le format court. Le programme consiste en deux films de chaque réalisateur : Influenza et Incohérence pour Bong, Sweat et A perfect red snapper dish pour Na.

Influenza est sans doute le plus étrange des quatre. D’une durée de trente minutes, le film est constitué de vidéos de caméras surveillance. Celles d’une banque, des toilettes du métro, d’une épicerie et d’autres lieux du même acabit à travers lesquelles le réalisateur de Memories of Murder filme des agressions pour le moins insolites. En découlent des séquences mémorables où à l’absurdité se dispute le cocasse, toujours avec un ton digne du talent du réalisateur.

Le second court de Bong, plus vieux de dix ans (le premier date de 2004) présente une approche différente pour un résultat tout aussi réussi. Incohérence est découpé en trois chapitres plus un épilogue. Le premier chapitre suit un professeur en psychologie aimant lire Penthouse entre deux cours. Le second chapitre suit un jogger mesquin cherchant à éviter le chemin d’un livreur de journaux ayant une dent contre lui. Le dernier suit un homme en costard cravate sortant d’une soirée arrosée bien éméché et avec des maux de ventres terribles qui vont lui faire parcourir le quartier à la recherche de toilettes. Dans son amusant épilogue qui donne tout son sens au propos du film, les protagonistes des trois chapitres sont réunis.
Incohérence est une pure comédie qui dénonce avec une géniale simplicité l’hypocrisie de ceux qui ont le pouvoir vis-à-vis des « petites gens ». Le film a beau dater de 1994, l’attaque est toujours pertinente et amusante.

L’enchaînement avec le premier des courts-métrages réalisés par Na Hong-Jin est d’ailleurs assez fluide. Intitulé Sweat, « sueur », le film de 12 minutes seulement met en opposition un homme vivant à l’évidence dans l’aisance, propre et tiré à quatre épingle, et une poignée d’hommes et de femmes de classes sociales inférieures, chauffeur, ouvrier… Il ne s’agit pas là d’une opposition physique, mais d’un exercice de style où la sueur symbolise le dur labeur mal récompensé face à la netteté d’un certain type d’hommes qui ne sue qu’au lit pour une partie de jambes en l’air. Au début, l’exercice semble vain, mais au fil des minutes, la beauté des images est rejointe par cette observation sociétale peut-être facile mais donnant du sens à un bel exercice.

Mais la courte pépite de Na Hong-Jin est le film qui clôt ce programme spécial de courts-métrages, A perfect red snapper dish, ou comment un cuisinier se voit commander une préparation parfaite d’un poisson dont le nom coréen est lutjanidae. Pendant neuf minutes (à l’écran), le cuisinier va ainsi concocter une recette parfaite… mais recommencer une fois, deux fois, trois, quatre… car à chaque tentative, un rouage de la préparation se grippe et il faut tout reprendre à zéro, mettant petit à petit le physique du cuisinier à mal. Un moment de comédie d’une saveur indéniable, caressant presque le burlesque, et mettant un point final à ce premier programme spécial en beauté.

1 commentaire:

I.D. a dit…

Je me souviens surtout du Incohérence de BJH que j'ai trouvé excellent mais je ne me souviens pas du tout d'où est-ce que j'ai pu le voir par le passé.

Quant aux autres courts, je ne connaissais pas. Ils m'ont l'air sympa. Toujours intéressant de découvrir le travail de cinéaste estimé.

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