dimanche 8 mars 2015

Deux inuits et deux Thomas pour un voyage entre Paris et le Groenland

De temps en temps, des courts-métrages ont droit à une sortie en salles au milieu de la quinzaine de longs qui débarque chaque semaine en France. Et la plupart du temps, je passe à côté, faute de temps plus que d’envie, puisqu’il m’est déjà difficile de réussir à voir tous les longs que je souhaite en salles (il faut dire que je suis très gourmand). Il y en a en revanche un que je ne voulais pas rater, cet « Inupiluk » sorti il y a quelques jours couplé avec un autre court du même réalisateur.

Ce réalisateur c’est Sébastien Betbeder, et il est la raison pour laquelle je tenais à voir ces deux court-métrages. Parce que son film « 2 automnes, 3 hivers », sorti fin 2013, m’avait enchanté. C’était une étrange comédie, pleine de tendresse et de folie, qui parvenait comme rarement dans le cinéma français à embrasser la culture populaire et à l’incorporer à son ADN avec finesse. Depuis je suis plus que curieux de voir d’autres films de ce cinéaste prometteur. Même si cela signifie aller se poser dans cette inconfortable salle 3 du MK2 Beaubourg, seule salle à diffuser « Inupiluk + Le film que nous tournerons au Groenland » sur Paris en première semaine (avant de s’attaquer à la rénovation du MK2 Hautefeuille, il y aurait des travaux à envisager dans certaines salles du MK2 Beaubourg, monsieur Karmitz).

Certains auront peut-être regardé la cérémonie des César il y a quelques jours, et repéré que « Inupiluk » était nommé au César du Meilleur Court-métrage (qu’il aurait amplement mérité de remporter, mais je dois bien avouer ne pas avoir vu le vainqueur). Le film raconte l’accueil à Paris par deux potes trentenaires, Thomas et Thomas, de deux Inuits du Groenland venus faire un peu de tourisme dans la capitale avant de partir en Suisse pour une conférence. Les deux Inuits n’ont jamais quitté leur village et devaient être accompagnés par le père de l’un des deux Thomas, français installé au Groenland. Mais le père de Thomas a dû rester là-bas, et c’est donc le fils qui doit héberger les Inuits et leur servir de guide, avec l’aide de son pote Thomas.

Sur le ton réjouissant de la comédie, le film brille par sa liberté et son énergie communicative. Un humour irrésistible lie les deux duos, les Inuits ne parlant pas un mot de français, et les français ne parlant pas un mot de… euh, d’Inuit ? Le court-métrage suivant avec lequel il est couplé, intitulé « Le film que nous tournerons au Groenland », est lui un court documentaire, qui chronique la préparation de la suite de « Inupiluk », qui sera un long-métrage dans lequel les deux Thomas iront rendre visite à leurs nouveaux amis Inuits, dans leur village au fin fond du Groenland (et au passage rendre visite au père de l’un des deux Thomas). « Le film que nous tournerons au Groenland » voit donc le réalisateur Sébastien Betbeder et les deux comédiens, Thomas Blanchard et Thomas Scimeca, réfléchir au long-métrage à venir, imaginer l’intrigue, l’évolution des personnages, et quelques séquences qui parsèmeront le film. Un brainstorming réjouissant qui est aussi drôle et frais que le court-métrage vu juste avant, et a même donné lieu à un grand effet miroir, lorsque l’un des deux Thomas fit la remarque que ce film au Groenland en préparation passerait probablement essentiellement au MK2 Beaubourg, ce qui a valu un beau rire (de plus) parmi les spectateurs dudit MK2 Beaubourg.

Que ce soit ensemble ou séparément, l’énergie que dégagent « Inupiluk » et « Ce film que nous tournerons au Groenland » se répercute sur le spectateur. Ils donnent envie d’attraper un stylo et d’écrire, que ce soit quelques lignes, un roman ou un scénario. Ils donnent envie de tourner un film et de faire l’acteur. Plus que tout ils donnent envie d’aller à la rencontre de nos congénères humains, d’apprendre à connaître les gens qu’ils soient dans notre entourage ou simplement de passage. Il donne envie de voyager, aussi. Tant d’envies nées de ces courts films, collant un sourire d’une oreille à l’autre pour toute une journée et plus encore. Et une autre envie évidente, celle de revoir sur grand écran le duo irrésistible des deux Thomas pour ce film qu’ils vont tourner au Groenland (le tournage doit commencer à la fin du mois). Au MK2 Beaubourg ou ailleurs. Alors bon voyage les gars !

dimanche 1 mars 2015

Que vais-je bien pouvoir raconter... ?

La question me tiraille en cette soirée où j’ai 30 minutes devant moi et où je sens que je pourrais en profiter pour taper sur mon clavier mettra à jour mes explorations cinéphiles. Le problème c’est que si j’écris peu ces derniers mois, je continue à aller toujours autant au ciné, et que des pérégrinations cinéphiles, j’en ai à raconter, trop. Alors qu’écrire ?

Peut-être pourrais-je raconter cet instant pendant la projection de « Une merveilleuse histoire du temps » où la salle, voyant tout à coup apparaître à l’écran dans ce film « prestigieux » visant les Oscars l’ex-footballeur Franck Leboeuf, prêtant ses traits au SEUL personnage français du film, explosa de rire. De tous les acteurs potentiels à la disposition de la production, c’est Franck Leboeuf qui a été choisi. Et une salle remplie de français ne peut évidemment s’empêcher de trouver cela drôle. J’aurais aimé que James Marsh, le réalisateur, voie son film en présence d’un public français pour voir sa propre réaction à nos rires.

A moins que je ne décrive ma déception à la découverte de « Jupiter, le destin de l’univers », l’un des films que j’attendais le plus en ce début d’année, déception de voir les Wachowski, au-delà de leur imagination visuelle toujours riche, se réfugier derrière un récit aussi éculé et des personnages aussi fades et prévisibles, sauf peut-être ce méchant incarné avec une retenue emphatique (si si c’est possible) par Eddie Redmayne justement, talentueux jeune acteur certes, mais qui a malgré tout piqué son Oscar à Michael Keaton, bluffant dans le virtuose - même si un peu creux - « Birdman »

De toute façon maintenant c’est trop tard pour commenter les Oscars et les César, moins les vainqueurs que les oubliés des nominations. Où donc étaient passés « La Grande Aventure Lego », « A Most Violent year » et « Inherent Vice » aux Oscars ? Et en France, personne à l’Académie n’avait donc vu « Au bord du monde », « Eden », « Tonnerre », « Maestro » ou « 3 Cœurs » ?

Défendre un film alors. Peut-être n’est-il pas encore trop tard pour vous pousser à aller voir le jubilatoire « Hard Day » ou l’étonnant « L’affaire SK1 », deux films qui n’ont pas eu la carrière qu’ils méritaient au box-office, en partie parce qu’ils ont eu le tort malheureux et imprévisible de sortir un funeste 7 janvier 2015. Pas trop tard non plus pour vous parler de Mark Ruffalo, acteur solaire dans « Foxcatcher », certes moins surprenant mais tout aussi important que Steve Carell. Ou ceux dont je suis sûr qu’ils sont encore à l’affiche, le glaçant « Snow Therapy », le délicat « Félix et Meira », ou le délicieux « Bons à rien » de Gianni DiGregorio, dont les films me donnent invariablement envie de voyager jusqu’à Rome. La capitale italienne n’est pas si loin de Paris, je devrais bien y arriver un jour.

J’ai lu tellement de choses qui m’ont fait tiquer dans la cacophonie qui entoure la sortie de « American Sniper » de Clint Eastwood que je pourrais aussi bien y ajouter mon grain de sel. Il faudrait donc que je traduise en mots mes haussements de sourcils répétés lorsque je lis que certains voient dans le film une hagiographie et trouvent qu’Eastwood a fait de Kyle un personnage sympathique. Ou plus que tout lorsque je lis que le film est belliqueux, une remarque qui me donne envie de leur proposer de retourner voir le film en m’inquiétant qu’ils s’y soient peut-être endormis. Mais ils me répondraient certainement à l’inverse que JE m’y suis endormi. C’est de bonne guerre.

Oublions un peu la polémique alors. Peut-être vaut-il mieux y aller de quelques phrases à propos de Marilyn Monroe, Clark Gable et Monty Clift effectuant leur dernière danse (ou presque) sous les yeux de celui qui était encore vivant il y a quelques mois, Eli Wallach, le tout devant la caméra de John Huston. Une projection qui m’a rappelé que pendant des années, j’avais dans ma chambre, épinglée au-dessus de mon lit, une belle photo de Marilyn au milieu du désert pendant le tournage du film. « The Misfits », film avec Marilyn vu dans la salle Marilyn de la Filmothèque, un clin d’œil toujours amusant.

Et puisque l’on parle d’amusement, voilà un autre chapitre de ces dernières semaines que je pourrais ouvrir, celui de l’avant-première d’ « Inherent Vice » de Paul Thomas Anderson à l’Arlequin. Peut-être devrais-je vous en raconter tous les détails de cette soirée, à laquelle je craignais que seule la productrice soit présente, et où non seulement Paul Thomas Anderson, mais Joaquin Phoenix himself ont pointé le bout de leur nez pour nous présenter le film. Avec un Joaquin égal à lui-même, étrange et drôle, pour soutenir le film fou, superbement écrit et filmé et assez hilarant de PTA.

Cela vaut mieux que raconter en détail la projection d’ « Il est difficile d’être un dieu ». Quoi que. Si je me délectais à vous décrire tous les états par lesquels je suis passé à la découverte du film d’Alexeï Guerman, une épique aventure moyenâgeuse russe de 2h50 en noir et blanc, je suis sûr que je pourrais décrocher quelques sourires. Après tout j’ai scruté, tenté de pénétrer dans le film, somnolé, hoqueté devant les éviscérations et énucléations (bon appétit) avant de sortir heureux. Heureux parce qu’une certaine forme de souffrance s’achevait, mais aussi heureux d’avoir découvert sur grand écran un film pareil, qui quoi qu’il en soit restera longtemps imprimé dans ma rétine Et mine de rien cela compte énormément, vivre une expérience cinématographique rare dont on se souviendra longtemps, quand tant de films plus faciles à regarder seront oubliés avant que le mot « Fin » ne tourne la page 2015.

Le mot fin, tiens. Cela me fait penser au générique qui clôt « Une histoire américaine » d’Armel Hostiou. La voix de Vincent Macaigne,  coscénariste et protagoniste du film, y énumère l’intégralité des informations dudit générique, les expliquant presque. Quel acteur jouait quel rôle. Quel morceau de musique était joué à quel moment du film. Quelle personne est remerciée et pourquoi. Un geste généreux, simple et jubilatoire.

Maintenant il est trop tard pour choisir un seul de ces moments. Restons-en là. En n’en choisissant aucun, je les choisis tous.
over-blog.com