mardi 27 mars 2012

10 films que je voudrais voir ici, là, maintenant (enfin, sur grand écran, quand même...)

Chaque fois qu’une nouvelle année commence, j’aime me projeter en avant et repérer les films à venir pour lesquels je tuerais père et mère. En général le temps que je me décide à m’astreindre à une liste réduite, quelques semaines se sont déjà écoulées et le mois de février est bien entamé (voyez l'année dernière). Cette année, je bats tous mes records de retard dans l’élaboration de cette liste des longs-métrages qui me font palpiter d’envie. Tant pis, je me lance tout de même, en partie en souvenir de l’agacement causé par la découverte de ce même type de listes dans les magazines de cinéma qui consistent bien trop souvent (allez, à 80%), en des suites, des films de super-héros et des ressorties en 3D. Et le reste alors ? Les films qui n’ont pas de super-héros au programme, ne sont pas des adaptations de BD ? Ceux qui n’ont pas un numéro 1 ou 2 qui les a précédés et a déblayé le chemin pour eux ? Moi aussi je meurs d’envie de voir Bilbo le Hobbit et The Dark Knight Rises, moi aussi je me délecte à l’avance du retour de James Bond sur grand écran, d’autant plus que Sam Mendes est cette fois aux commandes. Mais halte aux suites, remakes, prequels, et place à l’originalité ou à ce qui y ressemble, pour des films qui me font tout autant saliver. Quels sont les films que j’attends le plus en 2012 ? Ceux-là…

Moonrise Kingdom
C’est quoi ? Le nouveau Wes Anderson, avec deux gamins que je ne connais pas, et aussi Edward Norton, Bill Murray, Bruce Willis, Tilda Swinton, Jason Schwartzman, Frances McDormand, Harvey Keitel !
Pourquoi j’en salive déjà ? Parce que depuis que j’ai vu Rushmore un jour d’automne 1999, je suis un inconditionnel du cinéaste texan. Parce que chaque film vu depuis a été un enchantement de cocasserie, d’une mélancolie incroyablement drôle et poétique dont Anderson a le secret. Parce que les films de Wes Anderson sont souvent parmi les plus beaux de l’année qui les voit sortir, et que la bande-annonce de Moonrise Kingdom laisse deviner que celui-ci a de fortes chances de suivre cette voie. Parce que Bruce Willis chez Wes Anderson, c’est inattendu, et parce que surtout, cela fait trop longtemps qu’Edward Norton ne fait pas de films à la hauteur de son talent. Il était temps qu’un film comme celui-là arrive pour lui. Et pour nous. Moonrise Kingdom fait l’ouverture du prochain Festival de Cannes, l’occasion pour le cinéaste américain de faire son tout premier voyage sur la Croisette. Et il sera dans toutes les villes de France (ou presque) en même temps.

Looper
C’est quoi ? Le troisième film de Rian Johnson, avec Joseph Gordon-Levitt, Bruce Willis (une belle année en perspective !), Paul Dano et Emily Blunt.
Pourquoi j’en salive déjà ? Parce que le premier film de Rian Johson s’intitulait Brick, et que c’est un des meilleurs premiers films que le cinéma américain ait connu ces dernières années. Et si son second, Une arnaque presque parfaite, a déçu, le réalisateur s’essaie avec Looper à un genre toujours plein de potentiel, la science-fiction, avec une histoire de tueur confronté à celui qu’il sera plus tard dans un twist de voyage temporel. Et pour ce faire, il a la bonne idée de s’adjoindre les conseils de Shane Carruth, le concepteur du film de voyage dans le temps le plus cheap et fascinant de la décennie écoulée, Primer. L’association de ces deux-là pourrait bien aboutir à quelque chose d’unique. Looper, LA bombe SF de l’année ?

The Grand Masters
C’est quoi ? L’arlésienne de Wong Kar Wai, avec Tony Leung Chiu Wai, Zhang Ziyi et Chang Chen.
Pourquoi j’en salive déjà ? En fait, cela fait plusieurs années que le film de Wong Kar Wai et me fait rêver. Il n’y a qu’à remonter vers ce billet révélant mes films les plus attendus pour l’année… 2010 (!!), et se rendre compte que le film que le maître hongkongais consacre à Ip Man, maître ès kung-fu, a commencé il y a bien longtemps. Mais faut-il s’en étonner, Wong Kar Wai n’ayant rien à envier à Terrence Malick pour ce qui est de la patience et de la minutie. Deux ans ont donc passé, deux ans qu’on l’attend, et il semble que 2012 sera enfin l’année, enfin… ça c’est ce que je pensais jusqu’à ce que quelques nouvelles viennent d’Asie et annoncent que le réalisateur d’In the mood for love n’avait toujours pas fini de travailler sur son film et que The Grand Masters ne serait prêt… qu’à la fin de l’année. Mais une part de moi ne parvient pas encore à tirer un trait sur la possibilité de le voir en 2012. L’espoir fait vivre !

Untitled Terrence Malick Project
C’est quoi ? Puisqu’on parle de Terrence Malick…
Pourquoi j’en salive déjà ? Je le clame suffisamment régulièrement pour que les habitués de ces pages connaissent ma passion pour le cinéma du réalisateur de La balade sauvage. Cela ne fait même pas un an que The Tree of Life a débarqué sur les écrans après une longue attente, faisant sienne au passage la Palme d’Or cannoise, mais aussi fou que cela puisse paraître à l’échelle du temps de Terrence Malick, il a déjà mis un nouveau long-métrage en boîte. Le cinéaste enchaîne les projets à un rythme auquel il ne nous avait pas habitué en 40 ans de carrière, mais rien ne dit que Malick ne va prendre son temps au montage, comme il en a finalement l’habitude. Ce film n’a toujours pas de titre, et tout juste sait-on qu’il s’agirait d’un drame romantique avec Ben Affleck, Rachel McAdams, Javier Bardem et Rachel Weisz. Bien sûr, difficile de ne pas fantasmer à l’idée que Terrence Malick puisse revenir dès le mois de mai remettre sa Palme d’Or en jeu sur la Croisette. Mais s’il est bien un réalisateur avec lequel on n’est jamais sûr de rien, c’est bien lui. Excepté peut-être la certitude de voir des films inoubliables.

Laurence Anyways
C’est quoi ? Le retour du prodige québécois Xavier Dolan.
Pourquoi j’en salive déjà ? Parce que j’ai vu Lesamours imaginaires. Je pourrais me contenter de cette courte phrase, elle suffit à nourrir mon désir de voir le troisième long-métrage réalisé par Xavier Dolan, qui à à peine plus de 20 ans est vraiment ce qu’on peut appeler un prodige du cinéma. Son sens de l’esthétisme, son langage cinématographique extrêmement poétique, sa rage et son audace en font un des cinéastes les plus passionnants à avoir émergé ces dernières années. Il met un pied en France avec ce troisième long en prenant pour héros un Melvil Poupaud désirant changer de sexe. Un passage par Cannes en mai semble incontournable… peut-être en compétition pour la première fois ?

Gravity
C’est quoi ? Un film d’Alfonso Cuaron qui envoie Sandra Bullock et George Clooney dans l’espace.
Pourquoi j’en salive déjà ? Vous n’avez pas lu la phrase précédente ? Alfonso Cuaron continue à creuser le sillon de la science-fiction, en partant dans les étoiles cette fois. La dernière fois qu’il nous avait été donné de voir un long-métrage du cinéaste mexicain révélé par Y tu mama tambien !, c’était il y a bientôt six ans pour le renversant Children of Men, qui contient deux des plus vertigineux plans-séquences que le cinéma américain ait connu ces dernières années. Une longue file d’actrices et d’acteurs s’est formé pour prendre la tête d’affiche du projet Gravity, parmi lesquels Angelina Jolie et Robert Downey Jr., avant que Bullock et Clooney ne gagnent leurs places. Le pitch est maigre pour le moment, une mission spatiale qui tourne mal, mais c’est aussi pour cela, alors que l’on peut encore fantasmer à loisir (le film ne débarquera en salles que cet automne…) que Gravity fait rêver.

Cloud Atlas
C’est quoi ? Le nouveau film des frères du frère et de la sœur Wachowski, en collaboration avec l’allemand Tom Tykwer !
Pourquoi j’en salive déjà ? Parce que quoi que l’on puisse penser d’eux, les Wachowski sont pétris d’une ambition souvent démesurée, et que la démesure fait rêver. Quatre ans après le mal aimé Speed Racer (raté mais fascinant), les créateurs de Matrix reviennent avec l’une des promesses les plus folles de 2012. Une histoire défiant le temps et l’espace, déclinant leurs acteurs sous plusieurs personnages, explorant les époques (les concepts aperçus ici et là laissent deviner des décors futuristiques éblouissants) et les continents. Devant la caméra, un melting-pot international plus qu’intrigant, de l’américain Tom Hanks à la coréenne Bae Doona, en passant par Susan Sarandon, Jim Broadbent, Jim Sturgess, Hugo Weaving, Halle Berry, Ben Whishaw et Hugh Grant, ce dernier ayant récemment déclaré dans la presse que les Wachowski lui avaient réservé un contre emploi sadique étonnant. Si les Wachowski ont une tendance à décevoir, ils ont un talent fou pour rendre leurs projets excitants, comme celui-ci.

De rouille et d’os
C’est quoi ? Deux ans après Un prophète, Jacques Audiard revient déjà derrière la caméra.
Pourquoi j’en salive déjà ? Parce que film après film, Jacques Audiard s’impose comme une des grandes voix du cinéma français, parvenant à distiller dans ses films la force du cinéma de genre et le discours d’un cinéma social et sociétal. Regarde les hommes tomber, Un héros très discret, Sur mes lèvres, De battre mon cœur s’est arrêté, Un prophète. Combien de cinéastes en exercice peuvent se targuer d’afficher une filmographie aussi passionnante ? Programmé qu’il est pour sortir en mai, De rouille et d’os renverra certainement le réalisateur sur la Croisette cette année avec une histoire de boxe, d’amour et de jeu si l’on en croit le livre dont il est tiré. Devant la caméra, Audiard a arraché Marion Cotillard à Hollywood et Matthias Schoenhaerts à sa Flandre natale. Après Bullhead, nulle doute que Shoenaerts va exploser grâce à De rouille et d’os.

Stoker
C’est quoi ? Les premiers pas de Park Chan-Wook dans le cinéma américain !
Pourquoi j’en salive déjà ? Parce que le cinéaste coréen a beau ne pas m’avoir enthousiasmé depuis quelques films, le souvenir électrisant de JSA, Sympathy for Mister Vengeance et Oldboy fait grimper l’excitation. Dès que le nom de Park Chan-Wook s’appose à un projet, même si ce film-là le voit traverser le Pacifique pour s’essayer au cinéma américain, l’étincelle est là. Étonnamment, le scénario de Stoker est signé sous un pseudonyme par Wentworth Miller, l’acteur de « Prison Break », un scénario qui est passé par la Black List des meilleurs scénarios en circulation à Hollywood. Malgré le mystère qui entoure le film, il se dégage une atmosphère assez hitchcockienne du pitch qui voit une adolescente endeuillée par la mort de son père intriguée par cet oncle inquiétant qui profite de ce décès pour réapparaître. Devant la caméra, Mia Wasikowska, Nicole Kidman, Matthew Goode, Dermot Mulroney et Jackie Weaver (la matriarche de Animal Kingdom) se côtoient (étonnamment, IMDb liste Judith Godrèche dans la distribution… ??). Alors, que va donner la rencontre entre Park Chan Wook et le cinéma américain ?

Django Unchained
C’est quoi ? Un western par Quentin Tarantino !
Pourquoi j’en salive déjà ? Un western par Quentin Tarantino ! Enfin, le réalisateur de Pulp Fiction parle de « southern » plutôt que de western, en référence au sud des États-Unis où se déroule l’action plutôt que dans l’Ouest où sont traditionnellement situés les westerns. Ici, le héros n’est pas un cowboy mais un ancien esclave libéré de ses champs de coton, qui avec l’aide d’un chasseur de primes allemand va tenter de libérer sa femme du joug d’un propriétaire terrien particulièrement salaud. Un point de départ follement grisant, comme toujours avec Tarantino, et si le casting me fait également me pourlécher les babines, ce n’est pas tant pour le héros du film, incarné par Jamie Foxx (mouais, j’aurais préféré un Idris Elba qui était aussi dans la course), que pour tous ceux qui fourmillent autour, à commencer par Leonardo DiCaprio qui va prêter ses traits d’ex-jeune premier pour incarne Cotton Candy, le grand méchant du film. A l’origine, c’était Kevin Costner qui devait lui prêter main forte du côté des bad guys, mais au final, c’est Kurt Russell, donc un plan B plus qu’acceptable. Si on ajoute à cette liste Christoph Waltz, Joseph Gordon-Levitt, Samuel L. Jackson, Sacha Baron Cohen ou Don Johnson, on devine que le film va nous embarquer vers un trip exaltant. La fin de l’année ne saurait arriver assez vite.

Je ne paierais pas moins cher pour voir Mud, le troisième film de Jeff Nichols, The We & the I, le nouveau Gondry, Argo, la dernière réalisation de Ben Affleck, Captured, le retour tant attendu de Brillante Mendoza, Killer Joe, William Friedkin relançant la carrière de Matthew McConaughey, The Master, la Scientologie vue par Paul Thomas Anderson, Cogan’s Trade, les retrouvailles entre Brad Pitt et son réalisateur de L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, j’ai nommé Andrew Dominik. Et qui sait, Only God Forgives de Nicolas Winding Refn, si celui-ci est prêt d’ici la fin de l’année ?

jeudi 22 mars 2012

Pourquoi j'aime le cinéma, 2ème !

Le mois dernier, j’ai eu envie de lister tout un tas de raisons tentant d’expliquer l’inexplicable, ma passion pour le cinéma. J’aurais pu en lister des centaines, mais je me suis dit que faire durer le plaisir, c’était encore meilleur. Que j’en ferais une série régulière apparaissant au gré des envies entre deux billets. Figurez-vous que c’est déjà l’heure d’une seconde salve, alors, silence, moteur, et action. Pourquoi j’aime le cinéma ?


Parce que quand je dis « Birdie Num Num » avec l’accent indien, ce n’est pas aussi drôle que Hrundi V. Bakshi. Pas encore en tout cas. J’y travaille.

Parce que rien n’est plus agréable qu’une salle vide et tranquille, sans spectateurs agaçants pour gâcher le film.

Parce que Jim Carrey fait ce qu’il veut de son corps.

Parce que rien n’est plus jubilatoire qu’une salle pleine à craquer, emplie de spectateurs vivant le film en osmose.

Parce que c’est le seul endroit où j’apprécie la compagnie des grands requins blancs, des anacondas, des crocos géants, des piranhas affamés et des dinosaures ressuscités.

Parce que le monde se divise en deux catégories. Ceux qui ont un pistolet chargé, et ceux qui creusent. Et toi, tu creuses.

Parce que pour voyager dans le temps et dans l’espace, la science n’a jusqu’ici rien proposé de mieux.

Parce que Braddock met les pieds où il veut… et c’est souvent dans la gueule.


Parce que quand j’étais gamin, en attendant que l’écran se dévoile, j’adorais lire les publicités locales affichées sur le rideau géant.

Parce que Gary Busey a déjà été nommé aux Oscars. Si si, sans déconner.

Parce qu’à Toonville, la Trempeeeeette fait flipper.

Parce que les étoiles incrustées dans le dos des fauteuils du Saint-Germain des Prés restent allumées quelques secondes dans le noir avant que le film commence.

Parce que j’ai vu L’Empire Contre-Attaque dans la salle 6 des Halles quand j’avais 15 ans, et que la lointaine galaxie ne m’a jamais semblée si proche.

Parce que le regard de Zooey Deschanel est encore plus bleu et encore plus fascinant sur grand écran. 

Parce qu’Yves Montand et Sami Frey prennent le p’tit dej’ ensemble à la fin de César et Rosalie.

Parce que dans l’espace, personne ne vous entend crier (en revanche dans la salle, chut, tout le monde vous entend parler !).

Parce qu’un jour j’ai voulu voir Charlie et ses Drôles de Dames, que je me suis trompé dans les horaires et que du coup, je me suis retrouvé devant In the mood for love. Certaines erreurs forgent la cinéphilie.

Parce que je ne suis pas Jeffrey Lebowski. Je suis le Dude.


mardi 20 mars 2012

38 témoins, 120 spectateurs, 1 spectacle

J’ai déjà maintes fois décrit le spectacle que peut occasionner une séance de cinéma à l’intérieur même de la salle (ici, , et de ce côté également, au hasard). C’est souvent énervant, parfois amusant, occasionnellement même fascinant. Cette populace se trouvant en communion devant un film est souvent des plus hétéroclites, et le comportement de chacun n’est jamais uniforme. Parfois je rêve que tous deviennent comme moi pour que mes projections soient moins perturbées. D’autres fois je me dis que ce serait vraiment dommage et que cela gâcherait la beauté de la chose. Et certains films font ressortir les comportements des spectateurs encore plus que d’autres. Comme 38 témoins de Lucas Belvaux par exemple.

Avec le Printemps du Cinéma, le cinéma affichait complet pour plusieurs films, dont celui-ci. Avec ce genre d’évènement offrant des places à tarifs réduits, le public n’est pas forcément aussi passionné qu’à une séance habituelle. Il se peut qu’il ait pris une place pour ce film car celui qu’il voulait voir affichait déjà complet. Cela donne toujours une atmosphère particulière à ces projections. Moi je venais spécifiquement voir 38 témoins. Je n’avais pas été recalé pour Cloclo ou un autre film, c’est bien le long-métrage de Lucas Belvaux que je désirais voir. Je savais à quoi m’attendre, à savoir pas à un polar avec enquête malgré le cadavre, pas à un suspense haletant malgré le sang versé. A une étude de caractères plus probablement, et très vite, effectivement, c’est cette exploration de la nature humaine qui s’est dégagée, et avec elle, mes sens de spectateurs se sont rapidement mis en éveil, comme si la finesse du regard de Belvaux sur ses congénères poussait l’être humain que nous sommes à observer ceux qui nous entourent. Et moi, c’étaient d’autres spectateurs qui m’entouraient.

Peut-être est-ce parce que 38 témoins est lent et paraîtrait presque ennuyeux, alors qu’il est en fait posé, fin et passionnant, mais les us de mes co-spectateurs m’ont moins dérangé que d’habitude, et je les ai notés avec amusement. Cela a commencé avant qu’on entre en salle, lorsqu’à côté de moi un spectateur sexagénaire s’est lancé dans une longue conversation au téléphone dans la queue. Blablabli, et blablabla, ça n’en finissait pas. Lorsqu’enfin nous sommes entrés, la salle s’est vite avérée pleine. Un homme a bien cherché la place libre qui aurait dû l’accueillir, et a même fait mandé un employé du cinéma pour l’aider à trouver sa place, mais rien à faire, la salle affichait déjà complet.

Au deuxième rang, pendant la longue publicité Cartier qui orne les écrans depuis quelques jours, une spectatrice attrape ses affaires et s’apprête à quitter la salle, avant de demander tout de même par acquis de conscience quelque chose à ses voisins. De mon cinquième rang, je n’entends pas la teneur de la conversation, mais vu le contexte, les gestes et les mimiques, je devine la conversation :
« Ce n’est pas la salle de « 38 témoins » ?
- Mais si, c’est bien celle-là.
- Ah bon, mais c’est quoi ce film animalier qui passe à l’écran là ?
- Bah, c’est une pub, pour Cartier !
- Ah bon ? Mais ça fait 5 minutes que ça dure là…
- Oui c’est vrai elle est longue, mais le film va commencer après…
- Ah bon, j’avais un doute j’ai cru que je m’étais trompé de salle… bon bah je me rassois alors ».
A deux ou trois mots près, ça devait être ça. A côté de mon amie, un couple est sur les nerfs, la jeune femme semblant peut goûter le choix de son compagnon qui s’est porté sur le film de Lucas Belvaux. Le rang devant nous, avant que la salle ne soit tout à fait pleine, une dame qui manifestement ne se plait pas au quatrième rang se précipite hors de celui-ci après avoir repéré un fauteuil vide beaucoup plus haut.

A l’écran, Yvan Attal lutte avec sa conscience en même temps qu’avec ses concitoyens lorsqu’il s’agit d’apporter son témoignage au meurtre de sa voisine, en pleine nuit dans une indifférence tout apparente et toute relative. Tandis que mon amie n’a pas tardé à s’endormir, le couple assis devant nous s’amuse à observer la salle, manifestement occupé à déceler la fatigue chez les autres spectateurs. Le soin qu’apporte Lucas Belvaux, par touche discrète, à remuer les instincts égocentriques de l’homme, ne semblent guère autant les passionner que les spectateurs assoupis.

D’ailleurs ils en ont un juste à côté d’eux, le monsieur qui justement quelques dizaines de minutes plus tôt était pendu à son téléphone dans la queue, commence alors à émettre des bruits de ronflement manifestes. Discrets d’abord, mais en quelques secondes, la respiration s’affole, et le voilà émettant des bruits de ronflement plus que cocasses dans le silence de la salle. A l’écran, le drame n’accapare pas assez l’attention, et la salle se focalise plus volontiers sur le rythme de la respiration hachée du ronfleur, et lorsque son ronflement enfle tant qu’il réveille le ronfleur lui-même dans un sursaut, la salle explose littéralement de rire, gardant un échos pendant quelques dizaines de secondes qui pousse ma voisine de droite à se pencher sur sa propre voisine de droite pour lui demander ce qui se passe pour que tout le monde rit ainsi. Tiens, en voilà une qui n’a pas entendu le ronfleur, alors que celui-ci se trouvait juste devant elle. Comme Natacha Régnier assurant qu’elle était au lit à 23 heures et n’a rien entendu. C’est louche ça, un ronflement pareil, cela s’entend. Que cherche-t-elle à cacher ?

Mais je n’ai pas le temps de m’interroger plus sur ce semblant de mensonge, car déjà, une autre spectatrice cherche à attirer l’attention à elle pendant que Nicole Garcia mène son enquête de journaliste pour en savoir autant que la police, voire plus, à propos de ces témoins qui n’ont rien vu ni entendu. Elle est assise au deuxième rang, et alors qu’une demi-heure plus tôt déjà, elle s’était levée et avait quitté la salle quelques instants, Miss « Regardez-moi moi plutôt que l’écran » se lève à nouveau, doucement, et plutôt que sortir discrètement, reste plantée 3 ou 4 secondes debout, prenant son temps, réajustant sa robe, éveillant au passage l’ire justifiée de ses voisins de derrière. Et quand elle passe devant l’écran, mademoiselle y va d’un pas tout aussi tranquille, sans se baisser pour essayer de ne pas trop gêner les autres. Elle aurait presque mérité une salve d’applaudissements. Ou une ou deux tomates bien lancées, plutôt.

Le spectacle dans la salle, bien que plus discret que ce billet peut le laisser transparaître, est plus folklorique que l’étude de la lâcheté ordinaire qui se déroule à l’écran. Carrément aux yeux de nos voisins de gauche, dont la fille se plaignait avant que le film commence que ce soit ce film-là qu’ils viennent voir. Une fois le générique terminé et la salle quasi vide, son compagnon s’emporte : « Mais y en a pleins des films sans action qui font réfléchir, y en a des tonnes dans lesquels il ne se passe pas grand-chose mais qui sont tout de même géniaux. Y a « Lost in Translation » de Sofia Coppola ». Tiens, me dis-je, il défend le film bec et ongle face à sa copine celui-là ! Jusqu’à ce que je l’entende ajouter : « Mais ça, ça c’était tellement plat, c’est pas possible de faire un film aussi plat, tu comprends ?! » Haussant le ton face à sa compagne, qui peut-être, contre toute attente, défendait le film au grand dam de son compagnon, auquel elle a été obligé de répondre pour le calmer : « Oh ça va c’est bon maintenant, m’engueule pas hein ! ». Devant nous, le couple qui s’amusait à regarder les autres dormir n’auront pas eu la patience d’attendre la fin du générique, bousculant tout le monde sur leur rang pour en sortir le plus vite possible, faisant comme si les autres n’existaient pas, ne pensant qu’à leur petite personne.

Lucas Belvaux a renvoyé les témoins face à leurs propres démons, et a du même coup renvoyé les spectateurs face aux leurs. Moi, je naviguais entre les deux. De l’ennui, de la passion, du n’importe quoi, de l’amusement. Il y avait de tout ce jour-là. A l’écran comme dans la salle.

jeudi 15 mars 2012

Moment de grâce à Oslo, un jour d'été

La critique cinématographique a certainement perdu de l’influence qu’elle pouvait avoir sur le public il y a quelques décennies, voire quelques années seulement. Celle-ci n’a certes jamais pu empêcher un naveton indigne de devenir un grand succès au box-office si les spectateurs décidaient de s’emparer d’un long-métrage, et elle ne peut à l’évidence toujours pas l’empêcher (pour le plus grand plaisir de Michael Bay). Mais le rôle primordial de la critique n’a jamais tant été de nous détourner des mauvais films (la culture du nanar, ça existe aussi) que de nous aiguiller vers les meilleurs, aussi confidentiels soient-il. Eviter l’ombre à ceux qui risqueraient de passer inaperçus sans un soutien écrit. Sur ce terrain-là, la critique a laissé son mojo se rabougrir quelque peu, tant le constat est indéniable qu’il est aujourd’hui plus difficile pour le cinéma d’auteur de devenir par les chiffres un cinéma populaire. La durée de vie des films n’est plus la même, et l’échelle d’un succès art & essai se regarde plus à la loupe que par le passé.

Cependant l’heure n’est pas à la capitulation. Chaque succès, chacun à son échelle, permet de reprendre confiance dans l’influence de la critique, dans la capacité des petits films à percer, ceux ne pouvant compter sur aucune surexposition médiatique, aucune star hollywoodienne en promo pour le porter vers un public plus large qu’une poignée de spectateurs parisiens. L’année dernière, il y a eu les 890.000 entrées de La guerre est déclarée ou les 975.000 spectateurs d’Une séparation. Certes il ne s’agissait pas là seulement de l’influence de la critique, les films ayant été remarqués, voire récompensés, aux Festival de Cannes et Berlin. Mais la corrélation est tout de même indéniable.

Si les critiques m’empêchent rarement d’aller un voir un film qui était sur mes tablettes, une critique unanime dans l’enthousiasme pourra toujours me pousser vers un film qui aurait justement pu me passer sous le nez sans que j’y fasse attention. Pas sûr que l’année dernière je serais allé voir Senna, ou Pater, ou Sweetgrass s’ils n’avaient pas ainsi été portés par la critique. Si je me mets à écrire ces lignes aujourd’hui, c’est parce que j’ai fait ce même saut dans le vide sur la foi de la passion que j’ai aperçu dans la presse, à l’époque de Cannes l’année dernière où il avait fait ses débuts, et à l’heure où Oslo, 31 août sort en salles, ces jours-ci. Et j’ai constaté que je n’avais pas été le seul à le faire en jetant un œil au box-office de la semaine où le film de Joachim Trier est sorti : un peu plus de 38.000 entrées dans seulement 38 salles, un record pour un film norvégien en France, qui lui permettait d’afficher le second meilleur taux de remplissage de la semaine, devancé seulement par Les Infidèles.

Soyez sûrs que si la critique française dans son intégralité, de Télérama à Première en passant par Libé, Les Inrocks, Le Monde, 20 minutes, Studio Ciné Live, Le Nouvel Obs ou Les Cahiers du Cinéma, si tous n’avaient pas loué, voire encensé, Oslo 31 août, les 38 salles dans lesquelles le long-métrage étaient diffusé n’auraient pas été aussi pleines. Bien sûr, le film ne deviendra pas un phénomène à la Une séparation, mais attirer près de 40.000 spectateurs en une semaine est déjà une victoire pour le cinéma norvégien en France.

La cerise sur le gâteau, c’est que la critique a raison. Ces vingt-quatre heures passées dans la vie d’un ancien junkie revenant à Oslo après une cure de désintox est une douce mélodie cinématographique. Des premières minutes empruntant au documentaire où l’on écoute des habitants de la capitale norvégienne parler de leur ville à ce dénouement aussi doux qu’il est terrible, Oslo 31 août nous entraîne dans les pas de cet homme cherchant à renouer avec son passé pour mieux l’abandonner. Un personnage sombre qui imprime une mélancolie splendide à la pellicule, observé avec patience et langueur, entre tristesse et sensualité.

Oui, il y a bien de la grâce dans Oslo 31 août, un voyage cinématographique qui se grave en nous à mesure qu’on le découvre et qui nous laisse en plein vague à l’âme radieux. Je me souviendrai longtemps de la traversée d’Oslo à l’aube, en vélo, enfumé par le gaz d’un extincteur… Oui, il y aura toujours de la place pour la critique cinématographique tant qu’elle parviendra à orienter ses lecteurs vers ces moments de cinéma suspendus dans un écrin, quelle que soit la langue, quel que soit le nombre de salles. En seconde semaine, Oslo 31 août gagnait des salles supplémentaires. Et si vous regardiez s’il ne passe pas dans votre quartier ?

mardi 13 mars 2012

John Carter, plus terrien que martien

Le sort des adaptations de sagas littéraires cultes peut être cruel. Les affaires de cœur et de cul de vampires mormons peuvent s’avérer rentables et populaires au point qu’il existe plus de films que de romans dont ils sont tirés quand d’autres, conçus irraisonnablement, vendus fébrilement, attendus avec méfiance, sont destinés à ne pas reproduire leur succès littéraire sur grand écran. C’est déjà plus ou moins ce qui était arrivé à La Boussole d’Or, le premier volet d’A la croisée des mondes par Chris Weitz d’après Philip Pullman, dont le public ne s’était pas suffisamment emparé il y a quelques années pour que le studio New Line mette en chantier les suites. Le destin de John Carter, s’il est de devenir un grand guerrier sur Mars, semble surtout dans nos contrées terriennes plus prosaïques de prendre le chemin de ces projets hollywoodiens pharaoniques ayant mis leurs producteurs dans le rouge et laissé leurs spectateurs orphelins de la suite pourtant promise de leurs aventures. John Carter existe enfin sur grand écran, mais il est peu probable qu’il perdure.

Le héros créé par Edgar Rice Burroughs (le même que Tarzan oui) ne fait pas partie de mon imaginaire immémorial. J’ai découvert l’existence de l’œuvre via le feuilleton de sa mise en route cinématographique à l’époque où Robert Rodriguez et consorts essayaient de lui donner vie sur grand écran. L’historique de la relation entre l’œuvre de Burroughs et le grand écran, ces décennies d’abandon et de déroutes, de promesses et d’attente, est aussi épique et dense que le récit des aventures de Carter lui-même. Depuis quelques semaines, le récit de l’arrivée tant attendue de John Carter sur grand écran est raconté aux quatre coins d’Internet. Depuis quelques jours, l’échec annoncé du film fleurit encore plus. J’ai moi-même caressé un instant l’idée de faire un billet somme pointant du doigt ce film que tous analysent déjà avec condescendance. Et puis je me suis ravisé. A quoi bon, finalement.

Le week-end dernier, dimanche soir exactement, je suis allé voir John Carter dans une salle immense et quasiment pleine des Halles, en sachant par avance que le film en appellerait d’autres - il a été conçu ainsi - mais que ces autres ne verraient probablement jamais le jour, car le destin de John Carter, le film, est bien d’être un de ces projets comme en a déjà vu passé Hollywood : mal compris, mal conçu, mal vendu, et mal soutenu. Il sera toujours possible de blâmer Andrew Stanton, le réalisateur estampillé Pixar qui fait avec le film ses débuts hors de l’animation, pour n’avoir pas su gérer un projet d’une telle ampleur, et n’avoir pas su appliquer la rigueur qu’on lui a connu avec Le Monde de Nemo et Wall-E. Il sera toujours possible de blâmer Disney pour n’avoir pas su comprendre John Carter, et l’avoir vendu au monde comme s’il était une patate chaude dont le studio ne savait trop que faire, lui attribuant des visuels (très, très) laids (voir ci-contre), changeant son titre, passant de A Princess of Mars à John Carter of Mars à John Carter, titre lambda, passe partout, perdant l’identité forte de l’œuvre de Burroughs et poussant des malins (qui ont bien eu raison de le faire) à concevoir des affiches remplaçant Taylor Kitsch par le John Carter de la culture populaire des années 90 et 2000, celui de la série Urgences.

Il y a tant de personnes qu’il serait possible de blâmer pour tenter d’expliquer pourquoi John Carter n’est ni le grand film d’aventures SF qu’il aurait pu être, ni le blockbuster qu’il aurait dû devenir au box-office. John Carter est un film malade, artistiquement et financièrement. Il s’en ira probablement mourir dans l’inconscient populaire collectif – en France encore plus facilement qu’aux États-Unis – au même rythme que Disney, qui en sera de plusieurs dizaines (centaines ?) de millions de dollars dans l’affaire, ravalera sa fierté et tirera un trait sur toute perspective de faire du héros d’Edgar Rice Burroughs le fer de lance d’une nouvelle saga cinématographique.

Pourtant, même s’il ne relève pas le défi de son potentiel cinématographique évident, il m’a plu ce John Carter. Il a tout du film malade, c’est vrai. La structure narrative manque de linéarité, les personnages secondaires n’ont pas été parés de beaucoup d’épaisseur, les dialogues font souvent plus que frôler le kitschouille sous les violons de Michael Giacchino, et l’ensemble manque cruellement de saignant et de couleurs, broyé par le sceau de Disney peut-être. Mais ces défauts qui parsèment le film aident à lui conférer cette étrange dignité que l’on trouve chez certaines œuvres semant les idées et les envies à tout vent. John Carter of Mars, ainsi qu’il aurait dû être intitulé, a du souffle à revendre à défaut de grandeur, et nous offre  un voyage dans le temps et l’espace qui parvient, malgré toute sa maladresse, à nous transporter dans un imaginaire qui a de la gueule. Et vu de la Terre, cela a suffit à me faire marcher pendant 2h20. Il n’y en aura certainement pas d’autres, alors autant profiter de ce John Carter-là.

vendredi 9 mars 2012

Une cinémaniaque me joue un tour devant "La grande illusion"

Les cinémaniaques peuvent prendre n’importe quelle forme. Homme ou femme, jeune ou vieux, le profil type n’existe pas forcément, même s’il y a peu de chance qu’il soit ado. Mais une fois qu’il ou elle pénètre dans la salle, on le repère. J’ai un radar à cinémaniaque qui tourne en permanence quand je suis dans un cinéma. J’ai aussi un radar à emmerdeur, mais ça c’est une autre histoire – quoi que l’un et l’autre ne soient pas incompatibles. Lundi soir mes radars tournaient à plein au Champo, où j’étais venu voir La Grande Illusion de Jean Renoir.

La Grande Illusion fait partie de ces films que j’ai découvert adolescent non par envie mais parce qu’à un moment ou un autre, il y a toujours un prof d’histoire au collège ou au lycée qui a la bonne idée d’enrichir son cours en offrant à ses élèves une bouffée d’air cinématographique, même si ce n’est qu’en mettant une vidéo dans le magnéto et pas en les emmenant en salle. Je me souviens avoir découvert le film de Renoir ainsi, dans le cadre d’un cours. Les quelques années qui se sont écoulées depuis n’ont jamais ramené le film devant mes yeux, alors la perspective de le voir en copie neuve au Champo était plus que tentante, elle était incontournable – même si ma dernière expérience dans la salle du 5ème arrondissement de Paris ne m’avait pas laissé une grande impression quant à la qualité de l’accueil.

C’était donc un jour de semaine, en fin d’après-midi, alors que le film était ressorti depuis bientôt deux semaines et promettait donc une séance raisonnablement fréquentée. Nous étions une quinzaine dans la salle, moi ancré au quatrième rang, les autres disséminés un peu partout lorsque je la vis entrer. Elle sentait la cinémaniaque à plein nez, la soixantaine bien entamée, un look informe, marmonnant en avançant le long de la travée centrale. Direction le premier rang, complètement à gauche. Un vrai choix de cinémaniaque. Et puis finalement non, pas au premier rang à gauche. Elle s’est relevée, a pris ses affaires et a remonté les rangées regardant autour d’elle à la recherche d’une place plus satisfaisante… jusqu’à finalement s’installer à l’exact opposé de son premier choix, soit au dernier rang, complètement à droite. Place qu’elle occupa à peu près 25 secondes avant de réaliser que non, décidément, ce n’était pas là la place idéale non plus. La voici qui redescend donc doucement la travée sous mon œil amusé. Arrivée à ma hauteur, elle s’arrête, inspecte de loin les environs… elle va se poser c’est imminent… pas à côté de moi please, c’est une causeuse celle-là c’est évident, le genre à parler toute seule et à me gâcher le film.

C’est finalement à mon niveau, mais de l’autre côté de la travée qu’elle s’installe, cette fois pour de bon, elle n’en bougera plus. Bon ça va, elle n’est pas trop près, ses marmonnements ne devraient pas m’atteindre (par contre le mec qui est juste devant elle ne connaît pas encore sa douleur…). La grande illusion commence et mes souvenirs sont si lointains qu’il semble que je le découvre pour la première fois, ce récit de militaires français faits prisonniers pendant la Grande Guerre et qui se retrouvent dans un camp de prisonniers allemand à planifier leur évasion. Si la Seconde Guerre Mondiale n’avait pas encore commencé lorsque Jean Renoir a réalisé La grande illusion, son film n’en commente pas moins allègrement les atermoiements de l’époque, les troubles de l’Europe, le patriotisme, la fraternité. Et l’espoir, toujours l’espoir.

Jean Gabin était jeune et charismatique à souhait, Eric Von Stroheim insaisissable et fascinant. Je ne suis pas seul dans la salle à me laisser emporter par le film. Lorsque les prisonniers se mettent à siffler « Il était un petit navire » à l’écran, j’entends la fameuse spectatrice entonner le refrain en chœur. Elle marmonne régulièrement, comme je le suspectais, et je vois régulièrement son voisin de devant se retourner, mais d’où j’étais je n’aurais su dire s’il s’agissait d’agacement ou de stupéfaction. Un peu des deux certainement. Sa saillie verbale la plus spectaculaire restera tout de même lorsque Gabin, planqué dans une étable et craignant de voir surgir un soldat allemand, voit entrer sous ses yeux une vache. La spectatrice s’est alors exclamée en riant : « Haha ! Eh bah au moins ils auront du lait !! », avec une voix tonitruante qui a fait se tourner toute la salle vers elle. Un vrai spectacle à elle toute seule.

Jusqu’au bout elle marmonna, et lorsque le film terminé, chacun se relevait en se rhabillant, je l’entendis ronchonner dans sa barbe quelque chose d’indistinct qui me colla un dernier sourire aux lèvres avant que je ne quitte la salle. Elle a réussi à m’amuser sans me gâcher La grande illusion. Mais je n’aurais pas aimé être assis plus près d’elle.

mercredi 7 mars 2012

Le territoire des loups : mollo sur le pathos !

Mièvrerie. Niaiserie. Bons sentiments. Pathos. Appelez cela comme vous voulez, mais j’ai un problème avec l’étalage de cette douceur mielleuse à l’écran. Bien sûr il y a des genres pour lesquels la « nunucherie » est adéquate et plus supportable que d’autres, car il y a bien un lieu et un temps pour se répandre dans l’idéologie cucul, mais certains ne devraient surtout pas s’y prêter. Et il est désolant de voir que certains cinéastes pensent qu’aller chercher les larmes aux yeux des spectateurs est un moyen d’assurer une certaine qualité à leurs films, ou du moins de s’attirer un peu plus la sympathie.

J’adore My Sassy Girl, la comédie romantique coréenne qui joue habilement avec les sentiments pour faire pleurer dans les chaumières, mais je me serais agacé de Sur la route de Madison si Clint Eastwood n’avait pas su épurer son film amoureux pour le rendre désenchanté. Ce qui est gênant c’est que la problématique de la mièvrerie au cinéma dépasse le cadre de la romance et des films purement sentimentaux. Il y a quelques jours je soulignais l’incapacité de Stephen Daldry à s’affranchir du pathos excessif dans lequel il englue Extrêmement fort et incroyablement près, même s’il faut reconnaître que ce film-là touche un sujet suffisamment sensible aux États-Unis – le deuil des victimes des attentats du 11 septembre – pour que l’on comprenne que le film ne parvienne pas, ou n’ose pas s’en dégager (on se souvient tous de l’horreur mièvre que constituait le World Trade Center d’Oliver Stone…).

Mais deux jours à peine après Extrêmement fort et incroyablement près, je suis tombé sur un autre film faisant un excès de bons sentiments aux dépens même de la belle oeuvre qu’il aurait pu être : Le Territoire des Loups de Joe Carnahan. C’est bien le dernier long-métrage du moment dans lequel je m’attendais à voir débouler des niaiseries sensiblement semblables à celles du film de Daldry. Et pourtant. Certains diront peut-être que j’exagère et que je vois le mal (ou en l’occurrence la mièvrerie) partout et que le film de Carnahan ne mérite pas d’être associé à des qualificatifs comme « mielleux » ou « niais ». Certes je ne cherche pas à réduire le film à cela, alors revenons en arrière. Un avion convoyant vers Anchorage les employés d’une compagnie pétrolière travaillant dans le Grand Nord de l’Alaska s’écrase au milieu de nulle part, ne laissant que sept survivants paumés dans une nature glacée et dangereuse, en plein territoire d’une meute de loups décidés à faire d’eux leurs prochaines proies.

Si le public a surtout vu son adaptation cinématographique de L’Agence tous risques, il vaut mieux se souvenir que Joe Carnahan a réalisé le diaboliquement fun Mise à Prix et l’écorché Narc. Avec ces films en mémoire, je voulais bien croire en la rumeur qui bruissait faisant du Territoire des Loups un des films coup de poing de ce début d’année, malgré une critique française très discrète à son sujet. Deux heures après être entré en salle, l’impression laissée par le film est effectivement grande, comme une tempête sourde qui vous arrache et vous emporte, une exploration de la bestialité et de l’homme mis face à ses instincts naturels et à la recherche de sa propre survie. Et c’est autant le calme que l’animalité qui peuvent émaner des personnages malgré la situation extrême à laquelle ils sont confrontés qui saisit et séduit dans Le territoire des loups. Cependant Carnahan ne se contente pas de baigner son film dans cette atmosphère froide et amère qui suffit pourtant à nous plonger au cœur de son sujet et de ses personnages. Non. Le cinéaste préfère ajouter une couche de sensiblerie absolument superflue qui vient régulièrement freiner l’effet du film. C’est un grand gaillard au bord de la mort qui appelle sa petite sœur décédée enfant, ou un autre qui voit sa jeune fille l’aider à franchir le pas vers sa dernière demeure. Ce sont les souvenirs de sa femme accrochés à la mémoire du personnage incarné par Liam Neeson (par ailleurs impeccable).

En faisant traverser son film de ces flashes, Joe Carnahan empêche l’âpreté de totalement s’emparer du Territoire des Loups, ce qui l’aurait propulsé bien plus haut et m’aurait tout à fait soufflé. Ce qui n’est pas le cas en l’état, malgré une progression scénaristique intense emmenant le récit vers un dénouement d’une puissance et d’une amertume qui laisse des traces savoureuses. L’abus de mièvrerie nuit à la santé des films mais parfois, comme avec Le Territoire des Loups, il en faut plus pour annihiler totalement ses effets. Heureusement. Mais tous les films ne sont pas Le territoire des loups, alors s’il-vous-plait mesdames et messieurs les cinéastes, mollo sur le pathos.

mardi 6 mars 2012

Chronicle bouscule le film de super-héros

Je n’écris pas de billets sur tous les films que je vois. Des films j’en vois, beaucoup, souvent, plus que je n’écris de billets. Je ne tape pas sur tous les mauvais films que je vois, et je n’encense pas non plus toutes les perles qui passent devant mes yeux. Depuis le début de 2012, j’aurais voulu vous décrire l’état dans lequel m’a mis Take Shelter de Jeff Nichols, la claque que je me suis pris devant cette déferlante d’oppression et d’émotions. J’aurais voulu crier mon admiration pour La Taupe, ce Tinker Tailor Soldier Spy que j’ai trop souvent lu comme froid, et chiant, et incompréhensible, quand je l’ai trouvé sophistiqué, intelligent, profond et fascinant. Je ne l’ai pas fait.

J’aurais voulu, j’aurais dû écrire sur ces films. Peut-être ne me suis-je pas senti obligé de le faire car finalement, je m’attendais à aimer ces films. Ils font partie de ces longs-métrages dont l’on se doute fortement en s’asseyant dans la salle qu’ils vont nous parler, nous toucher. J’avais trop aimé les films précédents des cinéastes responsables des films cités dans ce premier paragraphe. C’était presque une évidence. Et puis il y a d’autres films. Les inattendus. Ceux qui non seulement sont signés par d’illustres inconnus, mais qui en plus, comme ça, à vue de nez, ne semblent pas en mesure de nous remuer plus que de raison. Alors que pourtant si, contre toute attente, lorsque la lumière se rallume, on se relève doucement de son fauteuil, le regard encore un peu dans le vide, on se traîne vers la sortie, sans se presser, en laissant les sensations se calmer, et les idées se mettre en place. Les films dont on n’attend pas grand-chose et qui marquent immédiatement.

A l’heure où j’écris ces lignes, il est 1 heure du matin, plus vraiment un samedi soir, pas encore un dimanche matin, et il y a quelques heures, j’ai vu un tel film. Pas besoin d’entretenir le suspense pendant des paragraphes, ce film inattendu, c’est Chronicle. Non que je n’attendais rien du premier film de Josh Trank, mais j’étais loin d’en attendre autant. J’étais loin d’attendre de telles sensations, et une telle ambition dans un film que je voyais plutôt comme un divertissement du samedi après-midi. C’est amusant car la veille au soir, j’avais vu un autre film prenant le parti d’être filmé en caméra subjective, The Devil Inside, et celui-ci était sans nul doute, dans le jargon technique très pointu des amateurs de salles obscures (excusez-moi pour le langage scientifique que je vais employer), une bouse. Une bouse molle et n’allant littéralement nulle part. Mais Chronicle n’est pas The Devil Inside.

Trois lycéens américains, dont l’un filme tout, tout le temps, explorent une galerie souterraine au bout de laquelle ils entrent en contact avec un minéral qui va leur donner des super pouvoirs. Tel est le principe de Chronicle en son cœur. Mais là n’est pas le seul visage du film.  Le premier visage de Chronicle, c’est le teen movie. La chronique d’un lycéen américain moyen, timide, associable, mal dans sa peau, écrasé par un univers familial difficile. Le second visage, c’est cette trame déjà décrite, ces trois lycéens qui se découvrent des supers pouvoirs, leur tentative d’apprivoisement de ces pouvoirs. Leurs jeux, leurs expériences, leurs sensations. Le troisième visage, c’est celui de la réalisation des personnages, de la compréhension - ou de l’incompréhension.

Il y a un problème dans Chronicle. Ces trois visages sont globalement les trois actes du film, et il est évident que Josh Trank a eu du mal à lier le second et le troisième acte. Il y a un moment de flottement en début de troisième acte, un moment où le réalisateur va trop vite, ne contrôle pas assez le rythme de son intrigue. Mais c’est presque superficiel. Je n’écris pas ce billet pour pinailler sur quinze minutes d’un film qui m’a autrement tant parlé. J’écris ce billet parce qu’il y a dans Chronicle quelque chose que je ne m’attendais pas à trouver. Une volonté incroyable de propulser le spectateur au cœur du récit. Une capacité à s’emparer de cette caméra subjective et de l’utiliser pour bouleverser complètement les sensations que l’on peut éprouver face à un film de super héros. Car c’est bien cela qu’est Chronicle. Plus qu’un gimmick, c’est une peinture du mythe du super héros qui se trouve propulsé par l’habileté de son réalisateur à le renouveler par la forme.

Si jusqu’ici c’était essentiellement le genre horrifique qui s’était emparé du récit en caméra subjective, c’est parce que celle-ci accentue le réalisme, et donc les sensations. Ce que parvient à faire Josh Trank, c’est d’appliquer cet art de la sensation au film de super-héros. A ce titre la séquence qui voit s’envoler les lycéens partant tester leurs supers pouvoirs dans les cieux est un bijou, décuplant tout type de sensation ayant déjà été ressenti face à un film de super héros. Oubliés les vols d’Iron Man, Spiderman et consorts. Josh Trank sculpte le super-héros du quotidien, l’observant à l’œil documentaire dans sa famille, dans les couloirs de son lycée, à la fête de ses potes, puis dans ses exploits surhumains.

Le dernier acte du film, bien que mal introduit, parachève la qualité de l’œuvre. C’est l’affrontement du bien et du mal redimensionné à Seattle, à l’avènement d’un super-méchant en même temps que d’un super-héros. Il y a quelque chose de follement ambitieux tout en restant très terre-à-terre. La pression de la société, le poids de la famille. La culpabilité. Chronicle parvient à inscrire sa vision décomplexée du film de super-héros dans la société moderne, tout en ne perdant aucunement sa capacité à maintenir sous tension.

Je suis sorti de Chronicle en me disant qu’un film comme The Avengers, dans quelques semaines, présenté comme le film de super-héros ultime, me semblera bien fade face à ce petit film qui a su réinventer le genre en parvenant à faire coïncider une forme et un regard moderne. Je n’ai pas eu besoin d’attendre The Avengers pour voir le film de super-héros ultime. Chronicle l’est.

dimanche 4 mars 2012

J'ai croisé la route de Max Von Sydow un soir de mars...

Difficile de dire que j’aie été excité à l’idée de voir Extrêmement fort et Incroyablement près ces dernières semaines. Quand le film avait été annoncé, il y avait certes des raisons de l’attendre. Un roman de Jonathan Safran Foer que j’avais lu et aimé. Un réalisateur, Stephen Daldry, à la filmographie plus que respectable avec Billy Eliott, The Hours et The Reader au compteur. Une distribution intéressante, entre Tom Hanks, Max Von Sydow, John Goodman, Viola Davis ou Jeffrey Wright (comment ça j’ai oublié Sandra Bullock ? J’ai peut-être fait exprès, non ?). Et une bande annonce au son de « Where the streets have no name » de U2 qui a fait son petit effet la première fois que je l’ai vue l’automne dernier. Pourtant ces dernières semaines, ma curiosité pour le film s’était nettement affaiblie.

La faute à une critique et un bouche-à-oreille étonnamment pauvres, pour ne pas dire médiocres. Certes le film avait décroché une nomination à l’Oscar du Meilleur film en janvier, mais celle-ci arriva à la surprise générale en faisant du long-métrage de Stephen Daldry le film le plus mal critiqué à se voir ainsi nommé à l’ère de Rotten Tomatoes. J’avais donc finalement besoin d’une motivation supplémentaire pour me pousser à aller découvrir Extrêmement fort et Incroyablement Près. Celle-ci est arrivée lorsqu’a été annoncée une projection spéciale du film à l’UGC Ciné Cité Les Halles en présence de Max Von Sydow himself. Max Von Sydow ! L’acteur d’Ingmar Bergman ! L’exorciste ! Le tueur à gages des Trois jours du Condor ! Pelle le Conquérant ! (bon d’accord il a aussi joué dans Vercingétorix avec Christophe Lambert, mais bon, on lui pardonne). Max Von Sydow ? Bon d’accord, je vais aller le voir le film de Stephen Daldry, puisque vous m’offrez de rencontrer le grand acteur suédois.

La projection n’étant pas une avant-première (le film était sorti la veille en salle, réalisant au passage un score proche de l’anémie au box-office), il restait encore près de 150 places à vendre à 20 minutes de la séance (hein ? ah non moi j’avais réservé ma place, quand même…). Mais à l’heure dite, les rangs étaient complets, et lorsqu’arriva l’acteur qui était quelques jours plus tôt au Kodak Theater pour sa nomination à l’Oscar du Meilleur acteur dans un second rôle pour ce même film (un prix remporté par Christopher Plummer), la salle ne fut pas loin de la standing ovation. A l’origine, Von Sydow n’était censé faire qu’une apparition pré-projection, mais une fois la petite bafouille d’introduction au film faite, l’acteur vint s’asseoir dans la salle à nos côtés et resta tout le long de la projection, deux rangs plus bas que moi, annonçant qu’il serait présent une fois le film fini pour répondre à nos questions. C’est suffisamment rare lors de ce genre de projection pour être souligné.

J’avais lu le roman de Jonathan Safran Foer quand il était sorti il y a quelques années, mais je dois bien avouer que je ne me souvenais que de la trame principale, et pas vraiment des détails. Difficile donc de juger par rapport au roman. Plus facile de juger par rapport à la réputation, peu flatteuse, du film. Est-ce aussi mauvais que j’ai pu le lire ici et là ? Non. Cela valait-il une nomination à l’Oscar du Meilleur Film ? Certainement pas, à mes yeux.  Extrêmement fort et incroyablement près s’est avéré pour moi une véritable frustration. Frustration parce qu’il y a suffisamment de belles choses dans le long-métrage de Stephen Daldry pour que l’on puisse regretter qu’il n’en tire pas un autre film que celui-ci. Frustration parce que le cinéaste émaille son scénario d’un pathos lourd, très lourd, trop lourd.

Si l’émotion effleure la surface de la pellicule et dessine en filigrane un drame poignant, notamment lors des scènes qui voient se confronter le jeune héros Thomas Horn avec Max Von Sydow ou celle, à la fin du film, face à Jeffrey Wright, le film est empesé par son traitement du deuil. Le scénario d’Eric Roth est alourdi par des dialogues nunuches à souhait et un sens du larmoyant trop appuyé. C’est l’histoire d’un garçon dont le père est décédé dans les attentats du 11 septembre et qui quelques mois plus tard trouve une clé dans les affaires du défunt. Il se met en tête de trouver ce qu’ouvre cette clé, dusse-t-il rencontrer et retourner tout New York pour le faire. Ce sont particulièrement les séquences du jeune garçon avec sa mère, incarnée par Sandra Bullock, qui plombent le film de cet excès de sentimentalité mal maîtrisé. Frustration, donc.

Mais les applaudissements qui ont accompagné le retour de la lumière dans la salle furent on ne peut plus mérités pour Max Von Sydow, qui brille en vieil homme muet qui aide l’enfant dans sa quête et ne communique que par les gestes et l’écriture. L’acteur venait apparemment de rentrer le jour-même de Los Angeles, où il s’était rendu pour les Oscars. Mais c’est bien en France que l’acteur a élu domicile depuis quelques années, expliquant par là-même ses facilités avec notre langue lorsqu’il s’est agi de discuter avec nous. Je dis nous, mais non, je n’ai pas pris la parole pour poser une question à Von Sydow. D’autres s’en sont chargé à ma place, poussant même à se demander si « Extrêmement fort et incroyablement près » ne faisait pas référence à la façon dont il convient de s’adresser à Max Von Sydow, l’acteur transformant presque involontairement chaque question en sketch, tendant l’oreille, s’approchant de celui qui posait la question et lui demandant de répéter sa question deux ou trois fois. Mais l’homme a passé les 80 printemps depuis plusieurs années, sans perdre de sa prestance, il ne s’agit donc certainement pas là de se moquer de Max Von Sydow, pour qui mon admiration est intacte.

Lorsque ce n’était pas Von Sydow qui forçait le sourire, c’est l’équipe d’UGC qui jouait la farce, ou plutôt la cabine de projection automatisée, à qui l’on n’avait pas signalé que Max Von Sydow avait choisi de rester après la projection, repoussant donc la séance de 22h15 à plus tard (ceux qui se sont déplacés pour la dernière séance devaient être content de poireauter 30 minutes avant que l’on vide la salle...). C’est donc en plein phrasé de l’acteur que les publicités se sont lancées dans son dos, sur l’écran, coupant du même coup le son des micros. Deux minutes plus tard, l’écran reprenait son teint blanc et le son revenait. Il y en a un dans la cabine de projection, si vraiment quelqu’un s’y trouvait, qui se verrait certainement passer un savon une fois la soirée terminée…

Pendant une bonne demi-heure, Von Sydow nous parla donc avec force détails de son personnage de vieil homme muet, mais également du plaisir de se voir nommé aux Oscars, de ses souvenirs de ses jeunes années au côté de Bergman, au théâtre et au cinéma, de Pelle le Conquérant, son film le plus marquant à ses yeux, et de son attachement à la France dont il a fait son pays de cœur. Imposant et pourtant abordable, Max Von Sydow s’en alla finalement à l’ombre de la salle, laissant un souvenir bien plus marquant que le film qu’il était venu présenter. Et moi, je suis content de pouvoir dire que j’ai croisé la route de Max Von Sydow un soir de mars 2012.
over-blog.com