vendredi 30 décembre 2011

Footloose, ou les super-pouvoirs de Dennis Quaid sur moi

Les obsessions collent à la peau, et peuvent vous pousser vers des films que dans d’autres circonstances, vous n’auriez sûrement pas approchés. Cela m’est arrivé le week-end dernier. Une obsession plus aussi soutenue qu’avant mais tout de même assez vivace pour m’entraîner au Publicis un dimanche soir à 21h30, qui plus est un 25 décembre, en pleine période où je cours après les derniers films potentiellement importants de 2011, et où chaque projection devient précieuse. Mais j’assume. Pas de souci. Je le dis. Regardez, je l’écris même sur ce blog. Oui, je suis allé voir le remake de Footloose un dimanche soir à 21h30 sur les Champs-Élysées juste parce que je n’aime pas rater un film dans lequel joue Dennis Quaid.

Oui je sais, ce n’est même pas la peine de me le dire, j’en suis pleinement conscient, Dennis Quaid n’est pas le meilleur acteur du monde. Moi-même, un de ses grands fans, je le pense. Celui qui croit que les obsessions portent sur les meilleurs confond obsession et admiration. Quoi que  je l’admire le père Quaid, forcément. Mais je suis pleinement conscient de ses défauts, ses limites, et du fait qu’il y a de plus grands acteurs dans les environs. Je vous raconte cela aujourd’hui, alors que j’ai certainement pris du recul par rapport aux heures paroxystiques de ma fascination pour l’acteur, donc ce n’est finalement pas le fan obsessionnel qui parle.

Ce qui est drôle c’est que je ne me souviens même plus quel film a ouvert le compteur de mon rapport à Dennis Quaid. Ou même si c’est un film précis ou une conjonction de longs-métrages. C’était à la fin des années 90, cela j’en suis certain… et en jetant un œil à sa filmographie, je serais tenté de penser que cela date de 1998 ou 1999, quand Quaid était au creux de la vague et ne tournait pas ses meilleurs films. Peut-être en avais-je en même temps découvert de plus vieux à la télé, ceux de sa grande époque, L’étoffe des héros, L’aventure intérieure, The Big Easy… toujours est-il que depuis 2000, je n’ai jamais raté un film dans lequel figurait Dennis Quaid au cinéma. Parfaitement, même les nanars comme Les cavaliers de l’Apocalypse ou Une famille 2 en 1. Et ce dernier n’était sorti qu’en VF aux Montparnos, et c’est là-bas que je l’ai vu. A une époque j’achetais même tous ses films en DVD, particulièrement ceux qui ne sortaient pas en salles en France, mais aujourd’hui je ne me vois pas acheter Soul Surfer, son film chrétien sur la jeune surfeuse s’étant fait mangé un bras par un requin qui vient de sortir directement dans les bacs.

Qu’est-ce que je m’éparpille moi ce soir. Je n’avais pas l’intention d’écrire un billet sur mon obsession, passée ou présente, pour Dennis Quaid. Pas aujourd’hui en tout cas. Je voulais me contenter d’écrire quelques lignes sur Footloose. Si si, je vous assure, il y avait quelque chose à dire sur Footloose, aussi improbable cela puisse-t-il paraître. Oh bien sûr pas sur les qualités cinématographiques du film, qui s’avèrent finalement vite limitées, non non, je voulais parler de tout ce qu’un tel film parvenait, entre les mailles d’un divertissement banal, à distiller sur l’Amérique. Je voulais parler de la fascination culturelle qui pouvait découler de la vision d’un film sur une bande d’adolescents qui en 2011 se rebellent contre une Amérique coincée dans un puritanisme anachronique. Je me serais bien vu m’enflammer pour tout ce qu’il peut y avoir de jubilatoire à lire entre les lignes d’un film aussi inoffensif que ce Footloose cuvée 2011.

J’aurais tout de même parlé au passage du personnage du meilleur pote très plouc mais très drôle campé par le jeune Miles Teller qui n’était pas loin d’être bouleversant dans Rabbit Hole il y a quelques mois. Je n’aurais pas mentionné grand-chose d’autre pour souligner l’apport cinématographique du film.  J’aurais intitulé mon billet « Footloose : abysse cinématographique mais fascination culturelle », certains auraient pensé que je refaisais le coup de mon billet sur Roland Emmerich, à savoir voir midi à quatorze heures, et, et… Et non. Finalement j’ai commencé à parler de Dennis Quaid, et j’ai dérivé. Et maintenant, Footloose n’est plus dans l’air du billet. Ce n’est peut-être pas plus mal. Dennis Quaid m’a peut-être empêché d’écrire n’importe quoi. Et à la place m’a fait écrire un billet sur le billet que je n’ai pas écrit… Même moi je m’y perds. Aaaah, si seulement ce cher Dennis n’avait pas joué dans Footloose, je n’en serais pas là. C’est d’ailleurs sûrement le moment d’espérer que son prochain film à sortir en France sera d’un autre calibre. Cela m’évitera bien des désagréments, non ?

mardi 27 décembre 2011

Hollywood se découvre une passion pour le passé

Mais que se passe-t-il à Hollywood ? L’usine à rêves qui oublie trop souvent l’art au profit du dollar semble avoir un caillot coincé dans le ciboulot qui l’empêche de penser et agir comme elle en a l’habitude. Pensez donc. Quels sont les deux films qui attirent le plus l’attention en cette fin d’année dans les couloirs de Tinseltown, à côté d’un Mission Impossible : protocole fantôme qui surprend son monde en s’affirmant comme le succès du box-office de Noël ? Deux films qui s’avèrent des aimants à nominations et récompenses et qui se font flatter aux quatre coins du pays… Deux films qui ont pour point commun de porter aux nues l’héritage cinématographique et de remettre les années 20 et 30 à la mode : The Artist et Hugo Cabret.

Le succès du premier est une aberration magnifique. Un film muet en noir et blanc d’origine française prenant pour cadre le Hollywood des années 20, tourné à la manière d’un film de l’époque. Avec pour star Jean Dujardin et Bérénice Bejo, deux comédiens hexagonaux dont les américains doivent avoir le plus grand mal à prononcer le nom (ne parlons même pas de celui du réalisateur Michel Hazanavicius). The Artist aurait pu n’être qu’un film de niche avec de jolies critiques qui auraient fait parler de lui quelques semaines et auraient ensuite été noyées dans la saison des Oscars sous les machines américaines à attirer les prix, les films de Steven Spielberg, Stephen Daldry, David Fincher ou Alexander Payne.

Mais la noyade médiatique n’a pas eu lieu. C’est l’inverse qui s’est produit. Si les films américains ont squatté de plus hautes places au box-office (quoique pour la plupart des places décevantes), l’attention d’Hollywood n’a jamais quitté The Artist depuis sa sortie en novembre. Harvey Weinstein, qui distribue le film aux États-Unis via The Weinstein Company, s’est assuré de faire du film d’Hazanavicius l’un des évènements de l’automne et un sérieux candidat aux Oscars. Et plus les semaines passent, plus ce statut s’affirme, le film engrangeant de semaine en semaine plus de prix et de nominations, récompenses des critiques, Golden Globes, Independent Spirit Awards, Screen Actor’s Guild et j’en passe.

Le film français muet en noir et blanc, qu’Hollywood aurait en temps normal balayé d’une pichenette, est devenu le chouchou de la communauté cinéphile et professionnelle du 7ème Art américain. Et si pour le moment sa présence dans les charts américain reste modeste, si les distinctions continuent à affluer, il y a des fortes chances que le film d’Hazanavicius entre dans le cercle fermé des films français ayant réussi à s’affranchir du carcan dans lequel les films étrangers sont presque toujours enfermés au box-office américain. Le succès américain du film pourrait même rejaillir sur la carrière du film en France, où le film ressortirait très certainement en salles si d’aventure les nominations aux Oscars pleuvaient sur The Artist dans quelques semaines, pour s’ajouter aux 1,5 millions de spectateurs déjà séduits de ce côté-ci de l’Atlantique.

Ce qui est étrange, c’est que l’un des plus sérieux candidats aux mêmes récompenses aux États-Unis est un film qui comme The Artist  semble parfaitement anachronique à l’heure Hollywoodienne. Hugo Cabret de Martin Scorsese. Le cinéaste new-yorkais est un habitué, ces dernières années, des récompenses et de la course aux Oscars, et même de flirts très prononcés avec les cimes du box-office, alors trouver le titre de son dernier film parmi les longs-métrages les plus appréciés de l’année au Pays de l’Oncle Sam n’est pas si étonnant que cela. Ce qui l’est en revanche, c’est de découvrir le film qu’a concocté Scorsese : alors que l’on nous annonçait un grand film populaire de Noël, Hugo Cabret s’avère être un film très personnel aux allures d’hommage au cinéma et à ses racines. Un grand film cinéphile qui déclare l’amour de Scorsese pour le patrimoine cinématographique et la nécessité de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour le préserver.

Assurément le film en déconcertera plus d’un. Et penser qu’un studio hollywoodien, en l’occurrence Paramount Pictures, a pu offrir à Martin Scorsese 170 millions de dollars sur un plateau d’argent pour qu’il réalise un film sur l’importance de la conservation des films est proprement hallucinant. Car plus qu’un film populaire de Noël, c’est bien là ce qu’est Hugo Cabret, une déclaration d’amour au vieux cinéma trop vite oublié, et à ceux (ou en l’occurrence, celui, Georges Méliès) qui les premiers ont œuvré pour faire de cet art le plus populaire du siècle dernier. Soit Scorsese les a bien berné sur ses intentions, soit Paramount est le studio Hollywoodien le plus couillu et ambitieux qui soit (serait-ce un peu des deux ?). Si les responsables du studio ont un jour cru qu’ils tiendraient là un grand succès et qu’ils reverraient la couleur de leur argent, ils ont été bien naïfs. Mais cela fait du bien de savoir qu’il est encore possible de passer entre les mailles du filet, et qu’un beau film comme Hugo Cabret puisse exister (même si une fois de plus, je me serais bien passer de la 3D - étonnamment mal adaptée au film, n’est pas Spielberg qui veut finalement).

Et voici donc qu’Hugo Cabret et The Artist, ces deux films hautement improbables, déchaînent les passions de l’usine à rêves. A l’heure des suites à foison et des adaptations de comic book par dizaines, un peu de fraîcheur fait un bien fou, aussi vieux jeu soit-elle, même si c’est plus pour amasser des récompenses que pour attirer les foules. Après tout, qui sait ce que sera le véritable potentiel de tels films, une fois que les plus prestigieuses récompenses leur seront décernées ?

samedi 24 décembre 2011

Concernant mes films préférés de l'année...

Lorsque les derniers jours de l’année s’amorcent, c’es l’heure des comptes et des bilans, même pour les cinéphiles. C’est une période excitante et délicieuse où l’on se prend de passion pour la liste de nos films favoris de l’année écoulée, où l’on débat avec son voisin du film le plus important de l’année, où l’on rit gentiment du goût de tel blogueur qui s’est entiché d’un film que l’on a trouvé minable et où l’on regrette d’avoir raté telle perle lorsqu’on la voit apparaître dans les Tops de plusieurs magazines. Et avant d’amener la discussion avec d’autres, de tels classements amènent d’abord un débat avec soi-même, tiraillé que l’on peut être entre plusieurs films pour un nombre limité de places dans le si convoité Top.

Alors que l’on arrive à Noël, ces listes fleurissent partout, dans les journaux, dans les magazines, sur les sites et blogs partout sur le web. Chacun a son mot à dire et je n’aime rien tant que découvrir ce que chacun a bien pu retenir de l’année écoulée. Et c’est souvent à celui qui dégainera le premier… mais dégainer le premier n’a jamais été mon envie, mon premier souci au moment de constituer ma traditionnelle liste des films préférés de 2011 étant plutôt d’attendre que l’année soit finie, et avec elle l’assurance d’avoir vu tous les films que je souhaitais voir en salles. Certains peuvent se lancer plus tôt car ils fréquentent assidûment les projections de presse, d’autres ont peur d’être anachronique en publiant leur classement en janvier, et d’autres encore se disent que les chances qu’un grand film sorte dans les derniers jours de décembre sont minces.

Pour ma part, je suis au regret d’annoncer aux impatients qu’il y a encore une bonne douzaine de films à l’affiche ou sur le point de l’être que j’ai envie de voir avant d’arrêter mon Top. J’ai vu suffisamment de grands films, au fil des ans, qui sortaient dans les derniers jours de l’année pour savoir que la fin de l’année peut toujours cacher un film méritant de figurer parmi les meilleurs de l’année. Des exemples ? Les chats persans, Tetro, Le bon, la brute et le cinglé, Gone Baby Gone, Master and Commander, la trilogie du Seigneur des Anneaux, Les Autres, Incassable, The Fountain ou Ma vie sans moi sont tous sortis, leurs années respectives, dans les deux dernières semaines de décembre, et ont pour la plupart figuré dans mes Tops annuels.

Je m’en voudrais de laisser de côté un film de cette ampleur pour une simple envie pressante de mettre en ligne mon Top au plus vite. Alors en attendant je déguste les films qui me restent à voir, je coche, je raye, et au passage, j’acquiesce ou conteste les choix des autres. En espérant bien qu’ils seront là eux aussi dans deux semaines pour s’offusquer de mes choix, les applaudir, ou en débattre. Des indices ? Non ! Mais vous vous doutez tout de même bien que Le gamin au vélo ou Polisse n’y figureront pas…

jeudi 22 décembre 2011

Non aux Chipmunks, oui au Havre ! Enfin...

Le mercredi, c’est jour de sortie, et en ce 21 décembre 2011, la sortie évènement du jour, c’était Alvin et les Chipmunks 3. J’en frémissais d’impatience. Je comptais les jours depuis le moment où mes yeux s’étaient pour la première fois posés sur cette bande-annonce folle et hilarante dans laquelle les écureuils au timbre crispant échouaient sur une île déserte et entonnaient avec une classe folle « Bad Romance » de Lady Gaga. Chaque fois que je les apercevais chanter dans la bande-annonce, mon cœur battait la chamade et mes rires étaient incontrôlables. Voilà le film qui manquait à l’année 2011, enfin il arrivait.

Quand je vois que c’est Alvin et les Chipmunks 3 qui est – aisément  – arrivé en tête des démarrages sur Paris/Périphérie le jour de sa sortie, devançant La délicatesse et A Dangerous Method, je me dis qu’il y a des gens qui doivent réellement penser ce que j’ai écrit dans le premier paragraphe, aussi fou que cela puisse paraître. Personnellement, chaque vision de la bande-annonce me hérissait le poil et me faisait remuer la tête en un signe irrépressible de négation. A chaque fois, que j’entendais Alvin et ses copines entonner le fameux tube de Lady Gaga, et surtout que j’entendais les rires amusés fusant dans la salle, je perdais un peu plus espoir en l’humanité. Quand je pense que le film a fait presque autant d’entrées à la séance de 14h que L’ordre et la morale sur toute sa première journée à Paris…

Vous l’aurez compris, je ne suis pas allé voir Alvin et les Chipmunks 3 le jour de sa sortie (je n’irai aucun autre jour non plus, au passage…). En lieu et place, je suis allé voir Le Havre d’Aki Kaurismäki en compagnie d’un camarade cinéphile bordelais de passage à Paris, après des hésitations dues à nos projections respectives des jours derniers (« J’ai pas vu le Polanski », « Ah mais moi je l’ai vu, par contre j’ai pas vu le Cronenberg », « Ah bah celui-là c’est moi qui l’ai vu »). Le Havre a été le consensus satisfaisant les deux parties qui avaient peur qu’à la fin il faille se rabattre sur Alvin et les Chipmunks. Au pire on serait retourné voir Drive… On aurait dû retourner voir Drive.

Le Havre fait partie de ses films que je suis allé voir poussé par une critique unanime depuis le Festival de Cannes, où beaucoup s’étaient étonné de voir le film oublié par le jury au moment de décerner le Palmarès. Mercredi 21 décembre, les critiques étant tout aussi élogieuses pour saluer l’œuvre de Kaurismäki, le doute n’était pas permis, Le Havre était un des films immanquables de la semaine, si ce n’était pas tout simplement LE film immanquable de la semaine (aurais-je le temps à un moment d’aller revoir L’irlandais avec des sous-titres ?). Je me souviens encore de la projection pénible de L’homme sans passé, mais je me suis laissé convaincre, un peu comme Le gamin au vélo au printemps dernier, lorsque mon aversion pour le cinéma des Dardennes n’avait pas fait le poids face à la conscience cinéphile. Parfois, je ferais mieux de laisser cette bonne conscience en veilleuse et suivre mon instinct, Le Havre me l’a indubitablement rappelé.

La vérité c’est que la bande-annonce m’avait déjà un peu refroidi, mais que je ne me suis pas laissé décourager, pensant que celle-ci pouvait être mensongère. Pourtant j’aurais dû reconnaître certains signes dans celle-ci, notamment le jeu d’acteurs. Mon Dieu, le jeu d’acteurs du Havre. Kati Outinen qui campe la femme du héros, Marcel, homme d’âge mur et vivotant avec son épouse dans un taudis populaire du Havre lorsqu’il tombe sur un garçon clandestin se cachant de la police. Kati Outinen, comédienne finlandaise, muse du cinéaste, qui passe l’intégralité du film à tenter de sortir ses répliques en français de la manière la plus intelligible possible (de façon quasi phonétique la plupart du temps), au détriment de toute notion d’interprétation. André Wilms, dans une sorte d’emphase théâtrale dans son jeu qui confine au surréalisme (est-ce voulu ?), tout comme le jeune garçon. Seul Darrousin, plus premier degré que les autres, s’en tire honorablement.

Et que dire de la tentative (ratée) de Kaurismaki d’accoupler le cadre havrais contemporain avec une atmosphère désuète sortie des années 80 ayant la grise mine (dans l’ambiance) de ses films finlandais ? Si ce n’était le thème, le cadre politique, et les accessoires tels les téléphones portables, on se croirait à l’évidence au début des années 80. Cette stylisation ne prend pas, et couplée à la direction d’acteurs en roue libre, propulse le film dans les méandres de l’ennui, malgré une mise en scène et une direction artistique réussies. Certes le cinéaste finlandais tient son discours sur la place de l’émigré dans la société occidentale, et on lui en est gré, mais lorsque le discours est parasité par un non-sens cinématographique, il devient difficile de se prendre de passion. A l’évidence les critiques y sont parvenus, pas moi. Et j’ai préféré André Wilms, succinctement grandiose d’absurde, en allemand alcoolique dans Americano de Mathieu Demy. Il faut dire que ce film-là pouvait également compter, outre un récit teinté d’une douce mélancolie, sur la présence gracieuse et affolante de Salma Hayek en strip-teaseuse attachante. Peut-être si la Salma d’Americano avait fait un caméo dans Le Havre

mardi 20 décembre 2011

Un film coréen dans le flou et l'ennui

Les films coréens se font si rares dans les salles obscures françaises qu’ils sont tous de vrais petits évènements pour ceux qui comme moi en raffolent. Si 2011 ne restera pas dans les annales comme l’année où un flot de films coréens s’est déversé dans les cinémas français, décembre met tout de même les bouchées doubles en nous proposant deux films coréens à l’affiche, quand seuls trois films de la même nationalité étaient sortis depuis le début de l’année. Et si j’avais déjà vu Oki’s movie à la Cinémathèque lors de la rétrospective Hong Sang Soo, il me restait à voir Entre chien et loup, un inédit du cinéaste Jeon Soo-il datant de 2005. Je n’allais tout de même pas le rater.

Jeon Soo-il, pour ceux qui ont du mal à le remettre, est le réalisateur de deux films déjà sortis en salles dans l’Hexagone ces dernières années, l’an passé Destination Himalaya, et auparavant celui qui l’a révélé, La petite fille de la terre noire. D’ailleurs un cinéma parisien semble être décidé à devenir la salle fétiche du réalisateur coréen, puisque comme pour Destination Himalaya en 2010, l’Espace Saint-Michel est le seul lieu cinéphile de la capitale où Entre chien et loup était visible à sa sortie. Je me souvenais encore parfaitement de la séance de Destination Himalaya l’an passé dans la salle du sous-sol du cinéma, avec ce couple franco-américain ronflant dans mon dos et cette femme rouspétant contre un bruit qui la dérangeait (une anecdote que je me plais encore régulièrement raconter…)…

Mais pour ce nouveau film de Jeon Soo-il - qui date en réalité de 2005, les films de ce réalisateur ont une nette tendance à sortir en France avec quelques années de retard – c’est la salle du premier étage qui m’a accueilli. Une salle où je me souvenais également avoir vu Treeless Mountain, un autre drame coréen, quelques années plus tôt. L’Espace Saint-Michel aime décidément le cinéma coréen. Enfin, je m’éparpille. Si le cinéma coréen a été rare dans les salles françaises en 2011, il avait jusqu’ici été passionnant, de l’humour délicieux de Ha Ha Ha à la tension sombre de The Murderer, en passant par la noirceur explosive de J’ai rencontré le Diable. Mais force est de constater que les films coréens de décembre sont moins emballants que leurs prédécesseurs, Entre chien et loup encore moins que Oki’s movie.

Pour tout dire, c’est l’ennui qui a dominé la projection du film de Jeon Soo-Il, qui lorgnait finalement presque du côté de Hong Sang Soo dans la thématique. Un cinéaste criblé de dettes quitte Pusan quelques jours pour un impératif familial en province. En chemin, il tombe sous le charme d’une fille du coin à qui il va assidûment faire la cour. Ne se croirait-on pas chez Hong Sang Soo ? Seulement voilà, Jeon Soo-il n’est pas Hong Sang Soo (même si j’en connais quelques uns qui oseraient dire que c’est une qualité !), et ses histoires de famille, de séduction, d’alcool et de deuil ne prennent finalement jamais vraiment forme. Le film tourne en rond comme le personnage féminin le fait dans la neige.

Cette déception eût pu presque être un soulagement, si les craintes de début de projection concernant mes voisins de derrière s’étaient confirmées. Ceux-ci, deux personnes âgées, un homme et une femme, étaient assis juste derrière moi dans la salle. Lorsque la lumière s’est éteinte et que le générique d’ouverture du film a commencé, ils ont eu une conversation plutôt incongru que je vous retranscris ici :
(elle) « Bah non, j’arrive pas à lire.
(lui) – T’es sûre ? Attend que ce soit le film et que les sous-titres apparaissent.
(après quelques minutes, la première scène dialoguée apparaît, et avec elle des sous-titres)
(elle) – Bah non c’est tout flou, j’arrive pas à lire c’est sûr.
(lui) – Eh bah voilà ce que c’est que d’oublier ses lunettes. Alala ! »

Tout à coup, une peur s’est emparée de moi. Et s’il allait passer tout le film à lui lire les sous-titres ?! La chose m’était arrivée en décembre 1998 à l’UGC Rotonde lorsqu’une mère s’était mise à lire les sous-titres du film Au-delà de nos rêves (avec Robin Williams en mort découvrant un paradis tout peinturé, vous vous souvenez ?) pour son enfant. Hors de question que cela se reproduise. Et cela ne s’est pas reproduit. Non parce que je me suis retourné pour leur intimer de se taire, mais parce que la vieille dame, dans un moment de dignité par lequel elle a gagné mon respect éternel (n’ayons pas peur de l’emphase), a alors dit à celui qui devait être son époux : « Bon bah tant pis, je vais regarder les images au moins ». Une phrase qui n’a l’air de rien mais qui à une époque où les gens jouent avec leurs casque de motos ou font tout un tas de choses bruyantes qui vous rendent fous, ce geste de sacrifice qui devrait nous être à tous naturel, revêt une grandeur d’âme sans nom.

Alors tant pis si finalement, le film m’a déçu et ennuyé, car la découverte qu’il y encore des spectateurs pour qui le respect des autres importe plus que son confort personnel vaut bien un film chiant.

jeudi 15 décembre 2011

Chérie, où j'ai mis ma clé anglaise, j'ai des mangeuses de pop-corn à dézinguer !?

Dans Super de James Gunn, Rainn Wilson, justicier du quotidien, revêt son costume de super-héros ordinaire et se munit de sa clé anglaise fétiche pour aller méchamment corriger un mec doublant sans vergogne la file d’attente au cinéma. Il le fracasse avec une violence jouissive exprimant la colère qui peut nous habiter lorsque des spectateurs laissent tout civisme de côté, oublient le respect d’autrui, et piétinent votre sacro-sainte passion pour la salle obscure. C’est excessif, mais cela reflète parfaitement la lassitude qui peut gagner certains d’entre nous lorsque l’on tombe dans une salle sur quelqu’un pour qui le cinéma n’est qu’une distraction comme les autres qui ne nécessite pas plus de retenue que si l’on allait encourager son équipe favorite au stade ou que l’on regardait Nouvelle Star à la télé.

J’ai un défaut qui ne veut décidément pas se dissiper, je déteste l’inattention des autres au cinéma. Si vous lisez régulièrement ce blog, vous vous en êtes certainement déjà rendu compte. Je fais passer cela pour un défaut, même si au fond de moi je pense (je sais) que le défaut c’est l’inattention des autres. Et lorsque l’inattention passe par du bruit, j’en ferais presque un ulcère. Samedi, mes nerfs ont été mis à rude épreuve. Déjà quelques jours plus tôt, un mangeur dechips avait testé ma patience. Mais samedi, c’était un degré encore supérieur d’agacement, un degré encore supérieur de connerie humaine incarnée… et multipliée par quatre.

Pourtant avec un film d’auteur français produit par Sylvie Pialat, je me croyais à l’abri d’un public irrespectueux du film et des spectateurs. Mais non, Dernière Séance ne m’a pas protégé d’une bande d’adolescentes qui se sont installées juste derrière moi et mes amis avec chacune un seau de pop-corn et une envie de voir un film d’horreur bien sanglant. Seulement voilà, Dernière séance ne répond pas tout à fait aux critères que les demoiselles attendaient d’un film qui tranche, avec ses allures de cinéma d’auteur à plusieurs niveaux de lecture. Je les entendais dans mon dos, et compris vite qu’elles avaient choisi le film en lisant le synopsis, soit l’histoire d’un cinéphile travaillant dans un cinéma de quartier provincial qui se métamorphose une fois la nuit tombée en tueur en série.

J’aimerais pouvoir vous dire sincèrement ce que j’ai pensé du film de Laurent Achard, mais mon attention a été tellement détournée de l’écran tout au long de Dernière Séance que j’en suis sorti en ne sachant trop ce que j’avais réellement pensé du film. Car près d’une heure et demie durant, j’ai du me retenir de ne pas tomber moi-même dans la violence. J’ai réfréné des pulsions de meurtre qui m’assaillent dès qu’un spectateur me pourrit un film par son comportement égoïste et stupide. Le genre de sentiment qui vous donne envie d’attraper une clé anglaise, de vous retourner et de chercher le calme par le sang.

Les quatre filles en questions parlaient, beaucoup. Tapaient des pieds dans les fauteuils, souvent. Chantaient même, occasionnellement. Et surtout, prenaient plaisir à le faire quoi qu’en pensent le reste de la petite salle, si petite que tout le monde a pu allègrement profiter de leur présence, et pas seulement le mec se retournant constamment pour tenter de leur faire comprendre qu’elles n’étaient pas devant leur télé (oui ça c’est moi). Malheureusement, plus je me retournais, plus elles étaient contentes de se faire des ennemis, et pouffaient encore plus de rire. Ma seule victoire serait passée par l’échange de mots violents et le lancer de clé anglaise dans la tronche, exactement ce qu’elles attendaient. Alors rien. J’ai pris sur moi. J’ai laissé mon sang bouillir dans mes veines. J’ai laissé mes tempes cogner, mes poings se serrer, ma mâchoire se crisper.

Non, je ne sortirai pas la clé anglaise. Non, je ne sortirai pas la clé anglaise (bon d’accord, je ne suis pas Crimson Bolt, je n’en ai pas). Elles n’ont même pas eu la décence de quitter la salle. Elles l’ont quittée en même temps que les autres, au générique de fin, amusée de voir une dernière fois la haine dans mon regard. J’ai eu l’impression que le film m’aurait agacé si j’avais été pleinement attentif, mais peut-être l’impression était-elle biaisée par la noirceur de mes pensées pendant la projection. La prochaine fois, c’est sûr, j’aurai une clé anglaise avec moi. Au cas où.

mardi 13 décembre 2011

Cherchez l'intrus à l'avant-première de "A dangerous method" de David Cronenberg...

La salle est pleine à craquer. Voilà un quart d’heure que nous attendons tous, le cœur battant, l’excitation montant, dans quelques minutes, il sera là, il franchira ces portes, descendra l’escalier acclamé par la foule et aura droit à une standing ovation. Ca y est, il y a de l’agitation à l’entrée de la salle, de nombreux costards entrent et se postent dans l’ombre, staff, sécurité… C’est bon, le voilà qui accourt, un micro à la main, et dévale l’escalier pour se poster devant nous… il s’excuse du retard en alignant les marches… et s’arrête devant l’immense écran blanc, devant un parterre de 500 spectateurs pendus à ses lèvres. Vincent Perrot !! Hein, quoi ? L’animateur télé un brin ring’ ? Mais, que fait-il ici ? Je rêve, me suis-je trompé de salles ? Mais que se passe-t-il ?

La soirée ne devait pas se passer ainsi. Vincent Perrot n’était pas dans mes plans ce lundi soir. En sortant de chez moi, j’étais tombé par hasard sur le tournage de De l’autre côté du périph’, un buddy movie à la française prévu pour 2012 avec dans les rôles principaux Omar Sy et Laurent Lafitte. Les deux gaillards attendaient devant la statue de Molière que la prise commence, mais pas le temps pour moi de regarder à quoi ressemblerait cette séquence en devenir, car une avant-première de A dangerous method m’attendait aux Halles. Ce film que David Cronenberg a consacré à Jung et Freud, les deux grands psychanalystes du début du 20ème siècle. C’était ce film que j’étais venu voir lundi soir, dix jours avant sa sortie française, ce film accompagné de son réalisateur canadien et de son acteur américain Viggo Mortensen, idolâtré de par le monde depuis qu’il incarne aux yeux de beaucoup Aragorn, héros Tolkienien du Seigneur des Anneaux.

C’étaient eux que je voulais voir lundi soir, d’où mon choc lorsque j’ai vu Vincent Perrot se présenter à nous, apparition surréaliste teintée d’une excitation apparemment sincère de la part du MC d’un soir. Après avoir fait son petit numéro de fanboy tenant un micro (« Combien ont vu le premier film de Cronenberg d’abord ? Levez la main ? Cinq ? Les cinq meilleurs dans le public ! »), l’animateur a finalement appelé à la barre l’équipe du film, non seulement composée des attendus David Cronenberg et Viggo Mortensen, mais également de Vincent Cassel et des producteurs Jeremy Thomas et Martin Katz. Si Vincent Perrot n’avait pas l’anglais très à l’aise, Cronenberg et Mortensen (chevelure de Dieu, rasé de près, carrure impressionnante, l’homme en impose même s’il faisait l’aller-retour depuis Madrid où il joue au théâtre) ont fait l’effort de parler en français, parfois devant un Vincent Cassel tout sourire, un peu moqueur.

Oubliée l’ambiance interloquée par l’arrivée de Vincent Perrot. Tout était désormais électrique et enthousiaste, bien loin de l’avant-première timide vécue une semaine plus tôt au MK2 Bibliothèque avec The Descendants. En revanche, le film d’Alexander Payne était autrement plus mémorable que A dangerous method qui a tourné à la déception flagrante. Il faut dire que Cronenberg s’est tiré une balle dans le pied en mettant au premier plan Keira Knightley et son rôle de patiente déséquilibrée attirant toute l’attention de Jung. L’actrice anglaise se roule avec emphase dans l’outrance la plus totale dans son jeu, et ce dès les premiers instants du film. Dès lors, Cronenberg part avec un handicap.

Malheureusement, ce n’est pas là la seule tare du film. Le second défaut, qui découle du premier, est que Cronenberg se trompe de sujet. Au lieu d’axer son scénario sur la relation potentiellement passionnante liant Jung à Freud, le disciple et le maître, le cinéaste se focalise plus volontiers sur celle unissant Jung et sa patiente devenue collègue incarnée donc par Knightley la criarde. Les meilleurs moments du film sont ceux qui associent Michael Fassbender dans la peau de Jung à Viggo Mortensen dans la peau Freud, l’amitié, le respect, le doute, la désillusion, la méfiance. Il y a là tout le potentiel d’une histoire d’hommes autant que de psychanalyse, une histoire s’étalant sur plus d’une décennie. Mais le scénario de s’égare, fait des pauses inutiles et surtout des sauts mal gérés. Les ellipses s’enchaînent, sans trop de sens, donnant l’impression de trous narratifs diluant tout sens de temporalité qui aurait donné au film un souffle espéré qui ne vient finalement jamais. Les années défilent à l’écran, mais cela se ressent à peine tant le récit manque de densité.

On pourra se consoler en admirant le joli sens du cadre de Cronenberg et en s’amusant des interprétations cocasses et délicieuses de Viggo Mortensen et Vincent Cassel, mais lorsque l’on en est ainsi à gratter pour chercher quelques points de satisfaction dans un film, c’est que la déception domine.  Un film si tiède de la part de David Cronenberg, c’est à n’y rien comprendre. C’était donc bel et bien Vincent Perrot qui était venu nous présenter le film deux heures plus tôt, pas de doute. Car si Cronenberg se plante ainsi avec un sujet si porteur, c’est vraiment que tout peut arriver en ce bas monde, même voir Vincent Perrot débouler dans votre salle de cinéma pour faire son animateur.

jeudi 8 décembre 2011

Hara-Kiri de Takashi Miike : sans la 3D... mais avec des chips ?

Si Takashi Miike restera pour longtemps dans l’esprit des cinéphiles français le réalisateur de l’éprouvant Audition, il est surtout un des cinéastes les plus prolifiques et foutraques d’Extrême-Orient. En France, la plupart de ses films sortent plus facilement en DVD qu’en salles, et alors que l’on a presque définitivement tiré un trait sur notre espoir de voir sur grand écran 13 assassins, le japonais a surpris son monde en se trouvant propulsé cette année en compétition pour la Palme d’Or au Festival de Cannes, qui plus est avec un film semblant bien calme pour ce survolté de la caméra. Ces jours-ci, Hara-Kiri : mort d’un samourai fait un tour que l’on peut prédire rapide dans les salles françaises, vu le nombre anémique de spectateurs curieux se déplaçant pour l’occasion.

C’est à la dernière séance de sa première semaine d’exploitation que je suis allé voir Hara-Kiri, un mardi soir à 22h15, dans une petite salle peu peuplée des Halles. Les dernières séances en semaine sont un moment à part. L’ambiance qui y règne est confidentielle, les silhouettes sont fatiguées et éparses, la journée s’y meurt doucement avant que devant le film, un dernier sursaut de vie nous propulse hors de la torpeur de fin de soirée. Plus la salle est vide, plus cette étrange atmosphère est fascinante. Ce mardi soir, nous devions être une vingtaine devant Hara Kiri, principalement sans doute des amateurs de cinéma asiatique.

La dernière fois que j’avais vu un film de Takashi Miike sur grand écran remontait à quelques mois,  lorsque l’année dernière la rétrospective Takeshi Kitano au Centre Pompidou m’avait amené à découvrir Izo, qui devint immédiatement un des pires films qu’il m’ait été donné de voir dans une salle de cinéma. Il faut croire que je n’étais donc pas rancunier envers Miike en ce mardi soir, même s’il faut bien avouer que le fait que son film ait concouru pour la Palme lui donne un cachet dont Izo manquait pour le moins…

Ce qui saute aux yeux dans l’exploitation en salles (en France) d’Hara-Kiri, c’est l’absence de 3D. Le film avait fait parlé de lui sur la Croisette tout autant en bien qu’en mal du fait qu’il était présenté en 3D. Certains se demandaient clairement ce que la technologie venait faire dans ce film de samouraïs posé qui aurait aisément pu s’en passer, pendant que d’autres louaient la profondeur visuelle et la qualité graphique apportées. Les critiques à tendance fraiches et l’absence du film au palmarès semblent avoir fait dominer l’idée selon laquelle la 3D était dispensable. C’est une des explications avancée par le distributeur Rezo Films ces jours-ci (notamment dans le Cahiers du Cinéma de décembre qui s’interroge sur la question) ajoutant que Takashi Miike lui-même arguerait qu’il ne s’agit pas là d’une démarche artistique mais d’une concession faite à ses producteurs qui lui réclamaient de tâter la 3D.

Du coup, la vingtaine de spectateurs que nous étions en ce mardi soir ne chaussaient pas de lunettes sur le nez pour nous immerger un peu plus dans le récit de ce samouraï se présentant dans la demeure d’un seigneur en faisant la requête de se faire hara-kiri dans cette riche et puissante propriété, et qui se voit raconter par le maître des lieux l’histoire d’un autre samouraï venu quelques semaines plus tôt faire la même requête. N’en déplaise au distributeur ou à Miike, j’aurais tout de même été curieux de découvrir le film en 3D, tant seuls les cinéastes chevronnés et aguerris (Spielberg, Herzog) semblent capables d’apporter une plus value artistique à la technique. Miike pourrait tout à fait entrer dans la catégorie des réalisateurs savant manier la 3D et parfaitement l’intégrer à son film.

Mais les spectateurs français n’ont pas leur mot à dire sur la question, et les films de Miike ne courant pas les rues dans les salles françaises, nul n’oserait véritablement se plaindre, d’autant que l’on se plaint par ailleurs de l’usage un peu intempestif de la 3D de manière générale, moi le premier. Je ne pense pas, en plus, que la 3D m’aurait convaincu que la seconde moitié d’Hara-Kiri fut époustouflante, contrairement à une entame subjuguante tant sur le plan formel dégageant une sérénité admirable, que sur le plan narratif, le film déployant un sens du récit et de la mise en abyme implacables. La seconde partie du film, elle, verse doucement mais sûrement dans un mélo si appuyé qu’il en devient presque agaçant.

Et comme si cet abus de mélodrame n’était pas suffisant à peiner, un spectateur à décidé de secouer la quiétude de notre petite salle en sortant… un paquet de chips. Quelle mouche l’a donc piqué celui-là, situé en plein milieu du premier rang, seul devant, pour se lancer ainsi, pendant le dernier quart d’heure du film, dans une séance de bruitage parfaitement déplacée. La fin du film a beau contenir un grand combat au sabre montant un peu les décibels par rapport au reste du long-métrage, il n’en reste pas moins que dans une petite salle (à peine 100 places) presque vide, un paquet de chips ouvert, fouillé, refouillé, re-refouillé en long en large et en travers, agrémenté de bruits de mâchouillements des dites chips sans franchement prendre la peine de fermer la bouche en même temps, résonne fortement aux oreilles des autres spectateurs. Ceux situés dans son dos, au deuxième rang, ont commencé à râler, à lancer des « chut ! » et des « oh ! », mais l’homme n’y prêtait guère attention.

Mais lorsque le film s’est achevé, le générique ne se déroulait pas depuis cinq secondes que le mangeur de chips avait déjà détalé plus vite que son ombre. Avait-il peur qu’un des 19 autres spectateurs lui tombe dessus et l’engage dans un duel au sabre duquel il risquait de ne pas sortir entier ? Avait-il aperçu la montagne faite homme qui était assis au cinquième rang (non non pas moi, je n’étais pas seul à squatter le cinquième rang…) ? En adepte du générique de fin, je suis sorti en errant durant les dernières minutes d’ouverture du cinéma, cherchant la sortie tout en espérant ne plus jamais tomber sur un mangeur de chips dans une salle de cinéma…

mercredi 7 décembre 2011

Où se cachent les spectateurs à l'avant-première de The Descendants ?

L’avant-première d’un film américain en présence de son équipe, que ce soit son réalisateur, son acteur ou les deux, impose d’arriver tôt pour le spectateur un chouia maniaque que je suis. Afin d’être parmi les premiers à retirer ma place et à entrer en salle, et ainsi être assis où je le veux pour découvrir ce film que j’attends en général avec impatience. Parce que qui dit « avant-première d’un film américain » dit en général « séance complète et longue file d’attente ». En général. Car parfois les astres débloquent, la Lune a une mauvaise influence et les cinéphiles, cinémaniaques et spectateurs lambda débloquent un peu et ne se présentent pas en masse à l’avant-première tant attendue.

Une avant-première de The Descendants, l’un des favoris dans la course aux prochains Oscars, réalisé par Alexander Payne et interprété par George Clooney, un film porté par un buzz remarquable aux États-Unis où il est sorti il y a deux semaines, avait lieu lundi soir à Paris. En fait, deux projections avaient lieu. L’une à l’UGC Ciné Cité Bercy, l’autre au MK2 Bibliothèque, presque deux mois avant la sortie française calée au 25 janvier prochain. Le genre d’avant-première qu’un cinéphile parisien ne voudra manquer pour rien au monde, d’autant plus qu’Alexander Payne était annoncé présent. A l’origine, j’avais réservé ma place pour le voir à Bercy, parce que je préfère le confort de ce cinéma plutôt que celui du voisin de la rive gauche, et surtout parce que, que cela soit sur le site web de MK2 ou dans Pariscope, il n’était pas précisé si le réalisateur serait présent à la projection du MK2.

Peut-être tous les spectateurs potentiels ont-ils douté comme je l’ai fait de la soirée du MK2 Bibliothèque et se sont tous rabattus sur Bercy. Mais mon ami Michael m’a proposé au dernier moment d’aller plutôt à la projection du Mk2, il avait une invitation et m’assurait que Payne serait bien présent. Changement de programme donc, et en route pour l’esplanade venteuse (et ce soir-là, bruineuse) du 13ème arrondissement. Dans le hall du multiplexe, on aurait pu se croire à une séance de début d’après-midi en pleine semaine, et non à 19h30… Des caisses sans clients, des spectateurs attendant ici et là, comme si Charles Bronson et son harmonica allaient soudain descendre de train et dézinguer l’atmosphère.

Sur les télés annonçant les salles et les places restantes, je découvre que The Descendants ne passe dans aucune des deux grandes salles, mais dans la 12 qui englobe à peine plus de 230 fauteuils… et qu’il reste encore 190 places à vendre, trente minutes avant le début supposé de la projection ! Pour ne pas perdre la face ou infliger un moment de solitude à Alexander Payne lorsqu’il entrera dans la salle, des annonces sont faites au micro pour attirer le chaland (rare, Bronson n’a semble-t-il toujours pas pointer le bout de son nez), et le pousser vers la salle 12, mais après une attente plus longue que prévue, une fois les spectateurs assis en salle, il faut se rendre à l’évidence : la salle sera à moitié vide, pour ne pas dire moins…

Si le début de la projection s’est tant fait désiré, ce n’est pas parce qu’Alexander Payne était en retard. D’après le type de la Fox qui s’est adressé à nous, le réalisateur américain était dans les murs du cinéma, flânant dans la boutique de DVD en attendant qu’on l’appelle pour présenter le film. Non, le retard était en fait dû à un problème de… téléchargement. Le film, projeté au format numérique, était arrivé quelques heures plus tôt et était en train d’être téléchargé (« On en est à 95%, c’est bientôt bon !! », ce n’est plus Charles Bronson qu’on attend mais Mark Zuckerberg semble-t-il…). Au bout d’un moment ils se sont judicieusement dit que tant qu’à attendre, autant faire descendre Alexander Payne pour qu’on fasse connaissance ! Si les applaudissements furent nourris à son arrivée, un petit sentiment de honte planait sur la salle, à accueillir le réalisateur de Monsieur Schmidt et Sideways, six ans après son dernier long-métrage et alors qu’il remplit les salles aux États-Unis et s’apprête à récolter les nominations aux Oscars, dans une salle à moitié vide (et si le retard était dû à une tentative désespérée du cinéma d’attirer encore quelques spectateurs de plus pour grossir les rangs décharnés de la salle 12 ?).

Qui de MK2 ou 20th Century Fox France a mal fait son boulot pour annoncer l’avant-première, je ne saurais dire, toujours est-il que les instances du lieu se sont vite rendu compte qu’il n’était pas nécessaire de squatter une grande salle pour accueillir The Descendants. Espérons qu’à Bercy, les ventes de places aient été meilleures (et les invitations distribuées en plus grand nombre). Lorsqu’Alexander Payne apprit pourquoi la projection était en retard (quand il est arrivé pour faire passer le temps, le retard était déjà de 25 minutes), il en a profité pour nous dévoiler (sans trop de surprise) ce qu’il pensait de la projection numérique et de la mort annoncée de la pellicule. Un grain qui se perd, une homogénéisation de l’image, une part de l’âme du cinéma qui disparaît. Des paroles dont l’on se rappellera deux heures plus tard, lorsque la lumière se rallumera après le film, tant on trouve dans The Descendants cette attache aux racines et cette culture de ce qui nous est transmis par nos parents et nos aïeux.

Pourtant ne prenez pas The Descendants pour un film traditionnaliste vantant les jours heureux du passé. George Clooney y incarne un avocat à Hawaï, issu d’une longue lignée d’hawaïen avec des cousins vivant aux quatre coins de l’archipel du Pacifique. Marié, sa femme vient de subir un grave accident et est dans le coma. Le voilà donc promu parent en chef de ses deux filles, avec lesquelles il n’a pas l’habitude de jouer au père mais va pourtant partir sur les routes de Hawaï, prévenir la famille et les amis de la situation… et retrouver l’amant de sa femme. Combien de fois le film pourrait verser dans le plus facile des mélos avec le plus évident pathos… alors qu’il ne cède jamais. Alexander Payne manie la délicatesse et la subtilité tel un maître en la matière.

The Descendants, comme son titre le laisse entendre, tisse un récit familial, et peint avec humanité les relations qui lient parent et enfant, ce qui unit et ce qui éloigne. Sur les routes d’Hawaï, le cinéaste trouve un décor qui trop souvent n’est utilisé que pour sa géographie exotique et pas assez pour ce que la réalité de l’archipel peut vraiment être, et qu’il parvient ici à rendre palpable, loin des clichés. Il s’y dégage une mélancolie certaine, qui cadre bien avec ce récit cherchant à exprimer que de la douleur et du chagrin, quelque chose surgit en chacun de nous et s’épanouit. Il n’y a rien de grandiloquent chez Alexander Payne. Il ne cherche pas absolument l’émotion en nous narrant un drame. Elle vient naturellement, et découle d’une multitude de personnages tous écrits avec autant de soin, qu’ils soient là de la première à la dernière scène ou qu’ils ne fassent que passer.

J’ai peur que tout cela paraisse un peu déprimant non ? Il ne faut pas s’y tromper pourtant, The Descendants est également une comédie,  avec des pointes d’humour comme Payne en a le secret (qui a oublié la scène du portefeuille dans Sideways ?), notamment ici grâce à un personnage d’adolescent pas vraiment fute-fute qui traîne avec la fille du héros et squatte la famille pour notre plus grand plaisir. J’ose à peine me relire car je sens que je n’arrive pas le moins du monde à retranscrire par écrit ce que j’ai pu ressentir à la vision du film. Cette tendresse, cet humour, cette émotion, cette amertume. C’est un cinéma à vivre plus qu’à raconter. Nous n’étions qu’une centaine dans la salle à vivre ce moment de privilégiés : découvrir un des grands films de 2012.

Lorsqu’il fut temps de quitter la salle et de regagner le hall, il avait beau ne pas encore être 22h30, les écrans annonçant les salles et les films étaient éteints, le hall désert, pourtant un coup d’œil sur les horaires, et il semblerait que toutes les dernières séances n’étaient pas encore commencé… Il faut croire que l’harmonica a fini par retentir dans le hall du Mk2 Bibliothèque.

samedi 3 décembre 2011

Brad Pitt plutôt que Megumi Kagurazaka ?!

J’ai la réputation d’être tête en l’air. Ce n’est même pas une réputation, c’est une vérité et un constat quotidien. Si je ne fais pas les choses dans l’instant, alors les minutes, les heures, les jours s’égrènent et je me réveille trop tard pour constater que quelque chose m’échappé. Je suis obligé de m’envoyer des mails pour penser à ne pas oublier. Si j’ai une attention aussi défaillante, c’est peut-être parce qu’en matière de cinéma, au contraire, je n’ai pas pour habitude de laisser mon attention  défaillir. Un coup d’œil au Pariscope le mercredi, et je garde en mémoire sans trop de difficulté dans quelles salles et à quels horaires passent tous les films qui m’intéressent. Un acteur de troisième plan qui passe à l’écran, et je me souviens vite dans quels autres films je l’ai vu. Cela peut même aller jusqu’à me souvenir au jour près de dates de sorties de films remontant à 12 ou 15 ans. C’est mon côté freak.

Pourtant cette semaine je n’ai pas assuré. Ma mémoire a failli dans les largeurs. Voilà des semaines que je guettais du coin de l’œil le Festival Kinotayo à la Maison de la Culture du Japon à Paris. Un festival de films japonais récents dont la réputation n’est pas la plus étincelante de la capitale mais qui permet tout de même de découvrir des inédits parfois alléchants. Avant que je me penche en détail sur les films projetés, j’avais immédiatement repéré dans le programme Guilty of Romance de Sono Sion, que je n’avais pas pu voir à l’Étrange Festival en septembre (contrairement à Cold Fish) et que je comptais d’autant plus rattraper lors de Kinotayo que le réalisateur et son actrice Megumi Kagurazaka étaient annoncés présents aux projections

Lorsque je me suis enfin penché sur le reste de la programmation, j’ai sélectionné une demi-douzaine de films que j’étais en mesure de voir malgré mon retard. Chaque soir, je me suis trouvé une excuse pour finalement ne pas y aller. De mauvaises critiques, d’autres choses à voir, une grande fatigue, toutes les excuses ont été bonnes pour finalement ne pas me déplacer jusqu’à Bir-Hakeim et tous les rater. Sauf Guilty of Romance. Il était hors de question de le rater celui-là, même si Cold Fish avait été loin de m’emballer à l’Étrange. La première des deux projections qui étaient à ma portée, je l’ai sciemment ratée. J’avais entendu dire que les projections en présence de Sono Sion étaient blindées à la MCJP, et il n’en fallu pas plus pour me décourager de faire le pied de grue pour ne pas être assuré d’entrer en salles. La solution me tendait les bras : la dernière projection du film, hors les murs de la MCJP.

J’étais persuadé que peu de spectateurs étaient au courant que certains films du festival étaient également projetés au cinéma La Clef dans le Quartier Latin, dont Guilty of Romance. Surtout, si Sono Sion n’était en revanche pas annoncé présent à cette séance, la délicieuse Megumi Kagurazaka l’était, elle. Finalement, après être déjà passé par Cannes en mai (à la Quinzaine des Réalisateurs), au Forum des Images une première fois en juin pour la reprise des films de la Quinzaine, puis une seconde fois en septembre pour l’Étrange Festival, et enfin quelques jours plus tôt à la Maison de la Culture du Japon de Paris… Guilty of Romance attirerait peut-être moins de monde à cette projection plus discrète un lundi à 18h. Certes, Megumi Kagurazaka a certainement assez de fans (autant de sa plastique ravageuse que de ses performances d’actrice) pour remplir une fois de plus une salle de cinéma sur son seul nom… Mais c’était tout de même une belle option pour enfin découvrir Guilty of Romance. C’était lundi dernier à 18h… je m’étais fixé cet objectif le jeudi précédent… puis je n’y ai plus pensé pendant quelques jours… jusqu’au lundi soir en question… aux alentours de 20h.

Je venais alors de rentrer chez moi après être allé voir Le stratège, qui en fin de seconde semaine d’exploitation, était annoncé partant dans la plupart des salles qui le projetait. Un film sur les coulisses d’un club de base-ball, Brad Pitt a beau en être la tête d’affiche, ça ne fait pas un kopeck auprès des spectateurs français. En découvrant que le film risquait de ne plus passer à Paris deux jours plus tard, j’ai paniqué et me suis précipité aux Halles pour le voir, à la séance de 17h ce fameux lundi. Et je n’ai pas regretté un seul instant tant le film, un brillant regard sur les arcanes d’un sport si opaque, éloquent et passionnant, n’est pas un simple film de sport. J’en suis sorti conquis… jusqu’à ce que, arrivé chez moi donc, j’aie un flash. « Mais… mais… on est lundi 28 !! Mais… mais… c’était aujourd’hui la projo de Guilty of Romance !!! NOOOOOOOOOON !!!! C’est pas VRAIIIIIIIIIIIII !! Je l’ai raté !!!! J’ai oubliééééé !!!! Pourquoi je ne suis pas allé voir Le stratège demain !!!??? Je me serais bien tapé la tête contre les murs si je ne tenais pas à celle-ci plus que cela. C’était rageant. Voilà que j’étais mitigé entre mon enthousiasme pour le film de Bennett Miller que je venais de voir et le désespoir d’avoir totalement raté le Sono Sion que je m’étais promis de voir. Et ce n’est pas comme si de toute façon, Guilty of Romance allait sortir en salles dans 3 mois. Les films du japonais ne sortent jamais en salles en France. Jamais.

Heureusement que le film pour lequel j’ai raté ma rencontre avec Megumi Kagurazaka avait la trempe du Stratège, qui n’a pas volé sa belle cote aux États-Unis qui le voit aller tutoyer les Oscars. Bennett Miller et Aaron Sorkin (qui signe le brillant scénario) envoûte par cette belle adéquation d’images et de mots flamboyants. J’ai beau n’y rien comprendre au base-ball, j’ai beau ne pas m’intéresser le moins du monde à comment se gère un club sportif, j’ai eu beau ne pas toujours capter ce qui se tramait à l’écran, il se dégage du film quelque chose d’inhabituel pour un film prenant le sport pour cadre. Il n’y a pas ici de dépassement de soi, d’exaltation sportive ou quoi que ce soit du genre. Mais une passion nourrie d’amertume, une vision mêlant réalisme et romantisme, pas de ce romantisme qui unit les amants, mais celui qui confère une mélancolie aux êtres et à leur approche de la vie.
Brad Pitt plutôt que Megumi Kagurazaka, tel fut mon lundi contre mes espérances premières. Je peux me consoler en me disant que si Guilty of Romance vaut Cold Fish, il ne m’aurait pas enthousiasmé. On se console comme on peut.
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