mercredi 29 septembre 2010

Land of Scarecrows, un film coréen pour les inconditionnels

Il y a presque un an jour pour jour, je rendais compte sur ce blog d'un film vu en exclusivité au Cinéma des Cinéastes, dans le cadre de la reprise des films sélectionnés par l'ACID à Cannes en 2009. Ce film, j'étais allé le voir les yeux fermés car il s'agissait d'un film coréen.
Douze mois plus tard, ce film, Land of Scarecrows, sort en salles en France. Enfin, pour être tout à fait exact il faudrait plutôt annoncer que le film sort dans UNE salle en France, le Reflet Médicis à Paris. Si vous avez aimé Le dernier repas, le précédent film de Roh Gyeong Tae à être sorti en salles en France, vous foncerez avec plaisir sur Land of Scarecrows. Mais lorsque vous n'avez pas aimé Le dernier repas, l'envie ne se fait pas pressante. Venez lire ici ce que j'en ai pensé, ça sera plus simple !

mardi 28 septembre 2010

Ces acteurs télé que le ciné ne sait pas (encore ?) employer

Combien de grands acteurs de cinéma ont fait leurs débuts à la télévision ? Combien ont été cantonnés à des rôles pour le petit écran pendant des années avant que le grand écran ne s’intéresse à eux ? Énormément, à n’en pas douter. George Clooney ou Jason Bateman sont de belles preuves que l’on peut exploser au cinéma après quelques années de télé et de galères, grâce à un rôle, une série, ou un concours de circonstances. Jon Hamm, l’acteur alpha mâle de la série « Mad Men », s’affiche ces jours-ci dans l’un des succès surprises de la saison, The Town de Ben Affleck, et il en impose.

Il y a quelques jours, une nouvelle m’a comblé de joie : JJ Abrams, qui commence au moment où j’écris ces lignes les prises de vue de son nouveau long-métrage, Super 8, a engagé Kyle Chandler pour tenir l’un des rôles principaux de ce mystérieux film. Kyle Chandler fait partie de ces acteurs que j’adore mais que le cinéma n’a jusqu’ici quasiment pas exploité à sa juste valeur. Il n’est pas le seul comédien dont le potentiel exprimé à la télévision attend toujours de s’étaler sur grand écran. Petite revue d’effectifs personnelle de ces acteurs que j’aimerais voir briller dans une salle de cinéma plutôt que de mon canapé…

Kyle Chandler
Âge : 45 ans
Découvert dans : la série « Demain à la Une » à la fin des années 90.
Meilleur rôle au cinéma : Bruce Baxter, l’acteur godiche du King Kong de Peter Jackson
Je me souviens parfaitement de la toute première fois que j’ai vu Kyle Chandler. Accrochez-vous, c’est précis. C’était le dimanche 31 août 1997 (je vous avais prévenu). Je n’avais pas encore 16 ans, je remontais en voiture de chez mon grand-père de Perpignan, avec ma sœur, mon père et ma belle-mère. On s’est arrêtés sur cette longue route pour faire une pause dans un hôtel. A la radio, on ne parlait que de la mort de Lady Diana, la nuit précédente, à Paris. Avec ma sœur, dans la chambre d’hôtel, on est tombé sur ce qui ressemblait à un téléfilm. Un type de Chicago qui remarque que le journal qu’il reçoit chaque matin sur son palier est celui du lendemain. En fait de téléfilm, il s’agissait du pilote de la série « Demain à la Une », avec Kyle Chandler dans le rôle principal. J’ai ensuite suivi la série religieusement pendant 2 ou 3 saisons avant de perdre un peu le fil vers la fin (la série s’est arrêtée en 2000). C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de Kyle Chandler. Après cela, il aura fallu attendre que Peter Jackson lui offre un second rôle croustillant qui vole à peu près toutes les scènes dans lesquelles il apparaît dans King Kong, en 2005, pour le voir à nouveau sur le devant de la scène. Drôle et charismatique, il s’y révèle pleinement, et après un job d’appoint dans « Grey’s Anatomy », Chandler trouve un excellent rôle dans « Friday Night Lights », la série de Peter Berg adaptée de son film du même titre. Le film est sorti directement en DVD en France, et la série a été cantonnée à une diffusion tronquée sur NRJ12, mais pour qui a vu Chandler dans le rôle du coach, l’évidence du talent du comédien n’est pas à prouver. On l’a aperçu ces dernières années dans des petits rôles dans Le jour où la Terre s’arrêta et Le Royaume, mais l’annonce de sa participation au projet Super 8, produit par Steven Spielberg et réalisé par JJ Abrams, alors qu’il n’est plus retenu par la série « Friday Night Lights » qui vient de s’achever, laisse une ouverture pour une possible réussite dans son passage vers le grand écran.

Nathan Fillion
Âge : 39 ans
Découvert dans : la sitcom canadienne « Un toit pour trois ».
Meilleur rôle au cinéma : Capitaine Malcolm « Mal » Reynolds dans Serenity de Joss Whedon
Acteur canadien, Nathan Fillion a la particularité de s’être fait connaître dans la même sitcom qui a vu débuter Ryan Reynolds, « Un toit pour trois ». Fillion n’y tenait qu’un second rôle, mais déjà sa bonhomie et sa gueule sympa éclipsait facilement ses partenaires. C’est là-dedans que je l’ai découvert, au début des années 2000. Mais la série qui en a fait une star dans le monde des geeks, c’est « Firefly », la série éphémère créé par Joss Whedon après « Buffy contre les vampires » (dans laquelle Fillion a également tenu un rôle récurrent vers les derniers souffles de la série). « Firefly » a transformé Nathan Fillion en cowboy de l’espace téméraire et charismatique, un rôle qu’il a retrouvé sur grand écran lorsque sous la pression des fans un film tiré du feuilleton, intitulé Serenity, a été réalisé par le créateur Whedon. Le film n’a pas eu le succès escompté, et Fillion n’a pas percé sur grand écran, malgré l’excellente comédie horrifique Horribilis qui a suivi. Une série mort-née, « Drive », un rôle récurrent dans « Desperate Housewives », un épisode de « Lost », et un nouvel épisode geek culte plus tard (« Dr. Horrible’s Sing-along Blog » sur Internet), et Fillion s’est trouvé un premier rôle dans une série qui cartonne aux États-Unis et en France, « Castle ». Une série bien sage qui vaut essentiellement pour le charme irrésistible de Fillion. Mais quand je repense à son cowboy de l’espace sur grand écran, je me dis que son heure au cinéma va bien finir par arriver. J’vous ai dit qu’il avait commencé au cinéma dans Il faut sauver le soldat Ryan ? Bon, il jouait un des frères Ryan qu’on ne voit pour ainsi dire pas du tout, mais quand même, c’est classe.

Hugh Laurie
Âge : 51 ans
Découvert dans : “Blackadder”, la série britannique comique des années 80.
Meilleur rôle au cinéma : Roger Charlston, un des amis de Peter dans le Peter's Friends de Kenneth Branagh.
Hugh Laurie est un des acteurs les plus populaires du moment… à la télévision. L’acteur oxfordien va avoir bien du mal à se défaire de son docteur House, le rôle qui l’a amené à la gloire par la télévision américaine. Pourtant difficile de faire plus british que Laurie, diamant comique dans les années 80 et 90 à la télévision anglaise, que ce soit au côté de Rowan Atkinson ou Stephen Fry, avec lequel il a formé un fameux duo après que les deux hommes se soient côtoyés sur les bancs de Cambridge avec Emma Thompson. Mais son talent comique télévisuel ne lui a jamais vraiment ouvert les portes du cinéma, si ce n’est quelques petits films et seconds rôles ponctuels, dans Peter’s Friends, Raison et Sentiments, Les 101 dalmatiens ou Le vol du Phoenix. En adoptant l’accent ricain et la démarche traînante du médecin le plus cynique du paysage audiovisuel, Hugh Laurie s’est ouvert les portes de la gloire… mais pas encore celles du cinéma. Certes, une voix sympa dans Monstres contre Aliens, un flic parmi d’autres dans Au cœur de la nuit, mais cela ne va pas bien loin… Un conseil messieurs les producteurs et réalisateurs : laissez Laurie lâcher les chevaux du rire, comme au bon vieux temps de Fry & Laurie et Blackadder. Les fous rires seront garantis, et Laurie trouvera sa place sur grand écran.

Damian Lewis
Âge : 39 ans
Découvert dans : la mini-série de dix épisodes Band of Brothers produite par Steven Spielberg et Tom Hanks
Meilleur rôle au cinéma : William Keane, le père cherchant désespérément la fille qu’il a perdue dans Keane de Lodge Kerrigan.
Je n’arrive toujours pas à m’expliquer le fait que Damian Lewis ne soit pas devenu un acteur de cinéma de premier plan au cours de la décennie écoulée. Winters, cet officier traversant la Normandie entre les balles dans « Band of Brothers », c’était lui. Un grand roux très anglais qui jouait un américain sans fausse note, plein de courage, de compassion et d’amertume. Seul un rôle au cinéma aura su re-capturer tout le talent de Lewis, celui de Keane de Lodge Kerrigan, dans lequel le comédien, en père errant à la recherche de sa fille, est désarmant. Ses autres apparitions sur grand écran ont été plus anecdotiques, chez Lawrence Kasdan (Dreamcatcher), Martha Fiennes (Chromophobia) ou Lasse Hallström (Une vie inachevée) et quelques films britanniques n’ayant pas traversé la Manche. En 2007, Damian Lewis est donc retourné à la télévision pour « Life », dans laquelle il n’aura pas incarné son personnage de flic zen plus de deux saisons. La bonne nouvelle, c’est que l’acteur sera visible dans les prochains mois sur grand écran dans la nouvelle comédie réalisée par l’excellent David Gordon Green, Your Highness. Un délire médiéval interprété par James Franco, Danny McBride, Natalie Portman et Zooey Deschanel (et donc lui, Lewis). Ca va le changer.

Il a encore tout à prouver, mais je meurs d’envie de le voir sur grand écran :
Henry Ian Cusick
Âge : 43 ans
Découvert dans : la série “Lost” créée par JJ Abrams.
Meilleur rôle au cinéma : il n’a rien fait qui vaille d’être mis en avant !
Henry Ian Cusick est l’un des acteurs emblématiques de LA série fantastique de la décennie, « Lost ». Il y a incarné dès la seconde saison Desmond Hume, un écossais voyageant dans le temps et formant le temps d’une saison un duo mémorable avec Dominic « Charlie » Monaghan. Difficile pour le moment de vraiment savoir ce que vaut Cusick en dehors de Desmond Hume, mais je serais prêt à payer cher pour voir ça…

Le Frenchy du lot :
Daniel Russo
Âge : 62 ans
Découvert... il y a trop longtemps pour que je me souvienne dans quoi. Probablement Génial mes parents divorcent de Patrick Braoudé...
Quand j’aperçois Daniel Russo à la télévision, dans des téléfilms de qualité (ça arrive parfois), l’idée farfelue me vient que le comédien français est peut-être le plus mal employé dans le cinéma hexagonal. Parce que sur grand écran, Russo a presque exclusivement été utilisé comme bouffon alors que le bonhomme recèle un talent dramatique monstre. A la télé, qu’il touche à Bérégovoy (« Un homme d’honneur »), aux collabos (« 93, rue Lauriston »), aux flics (« A cran ») ou aux drames de la vie ordinaire (« Le doux pays de mon enfance »), Russo est invariablement juste et magnétique. Pendant ce temps, le cinéma ne lui offre que des miettes, quelques (rares) bons petits rôles, et beaucoup de comédies oubliables (et oubliées). Je ne peux être le seul à avoir noté à quel point le potentiel cinématographique de Daniel Russo est grand et inexploité…

Il y a suffisamment d'acteurs sous-exploités au cinéma pour avoir matière à faire un second billet sur le sujet, un de ces jours... qui sait quand.

vendredi 24 septembre 2010

Il fait encore des films Edward Burns ?

Je me suis posé la question il y a quelques semaines. Tout à coup sur le site de bandes-annonces d’Apple, je tombai sur l’affiche d’un film intitulé Nice Guy Johnny sur laquelle était écrite « A film by Edward Burns ». A une époque, je guettais du coin de l’œil ce que concoctait l’acteur/réalisateur new-yorkais, mais depuis quelque temps, il semblait avoir plus ou moins disparu de la circulation. Du moins ne semblait-il plus vraiment d’actualité qu’il fasse un film ces temps-ci. Pourtant si, il l’a fait, dans l’indifférence un peu générale.

Pour ceux qui sont trop jeunes, ou ceux qui ont la mémoire courte, Edward Burns a été un des espoirs du cinéma indépendant new-yorkais. Mais c’était il y a 15 ans, quand Les Frères McMullen enchantait Sundance, quand Jennifer Aniston jouait dans Petits mensonges entre frères, quand Robert Redford le produisait et que Steven Spielberg le faisait jouer dans Il faut sauver le soldat Ryan. C’étaient les années 90.
Edward Burns, c’était le gars de la banlieue, dans ses films ou ceux des autres, le gars de Queens, de Long Island, rarement celui de Manhattan. Le mec fier encombré d'une famille bancale mais aimante.

Avec sa carrure et sa belle gueule qui rappelle les jeunes années de James Caan ou Richard Gere, on aurait pu l’imaginer accéder à la A-list hollywoodienne le Burns, à une époque. Le problème c’est qu’à quelque époque que ce soit, il n’a jamais semblé s’intéresser à une quelconque liste hollywoodienne. Après Il faut sauver le soldat Ryan, le climax de sa carrière d’acteur, en 1998, Burns n’a pas enchaîné. Il n’a pas fait de film avant 2001 et Rencontres à Manhattan, sa quatrième réalisation, la dernière à être sortie en salles en France. Après cela, la décennie 2000 a ressemblé à un gros gâchis pour ce qui est de sa carrière d’acteur, et à du bricolage discret en famille pour ses réalisations.

En tant qu’acteur, il tourne des films aussi essentiels (faut-il préciser mon ton ironique ?) que 15 minutes avec Robert de Niro, Sept jours et une vie avec Angelina Jolie, A sound of thunder avec Ben Kingsley ou le remake US de La mort en ligne de Takashi Miike. Heureusement il décroche aussi des seconds rôles dans des films tout aussi essentiels (haha) mais qui ont le mérite d’avoir un peu de succès, comme The Holiday ou 27 robes, ou dans la série Entourage.

Les frères McMullen sont loin, très loin désormais, et il faut bien avouer qu’aucun des films d’Edward Burns que j’ai vu depuis n’était au niveau de son coup d’essai. Il faut aussi avouer que je n’ai vu aucun de ses films depuis Rencontres à Manhattan. J’ai Ash Wednesday, avec Elijah Wood et Burns lui-même, depuis un p’tit bout de temps en DVD, mais je ne l’ai toujours pas regardé. The Groomsmen avait eu droit à une sortie DVD en France, mais je n’ai pas (encore ?) mis la main dessus. Quant à Purple Violet, celui qui était encore jusqu’à peu son dernier film, en 2007, il a marqué son temps en devenant le premier film à être diffusé en exclusivité sur iTunes, sans passer par la case cinéma ou DVD. Depuis, c’était le silence radio excepté quelques uns des films cités en tant qu’acteur et une websérie intitulée The Lynch Pin écrite, produite, réalisée et interprétée par ses soins en 2009. Dix épisodes (pas mal) de 3 minutes dans laquelle il incarne un tueur à gages sur une mauvaise pente qui cherche à raccrocher.

Nice Guy Johnny, son neuvième long-métrage derrière la caméra, débarque donc sans prévenir, d’autant plus qu’il ne semble pas avoir les traits du cinéma auquel Burns nous avait habitués. Point de comédie dramatique urbaine ici, mais plutôt à vue de nez une petite romance aérienne de bord de mer, sans aucune tête connue (alors que ses films en sont généralement peuplés) sinon la sienne. Une fois de plus, Burns écrit, produit, réalise et interprète (un second rôle cette fois). Une fois de plus, le film ne fera pas de vague en sortant sur tous les supports en même temps, dans une micro poignée de salles (américaines bien sûr), en DVD, et online, le 26 octobre.

Edward Burns fait toujours des films, mais je suis bien l’un des derniers à m’en soucier.

jeudi 23 septembre 2010

Vous prendrez bien quelques navets... ?

Que Diable s’est-il passé au mois d’août ? D’où nous est venue cette tornade ? Se sont-ils passé le mot ? Est-ce un hasard ? Non, je n’y crois pas, les distributeurs se sont forcément consultés cette année pour nous offrir, au mois d’août 2010, un véritable festival de navets. Certes le mois estival n’est jamais le mois le plus porteur en grands films, et on y trouve chaque année des films jetés là discrètement en espérant que personne ne s’en apercevra.

Le problème c’est que cette année, je ne suis pas parti en vacances pendant l’été (ça ne peut pas être tous les ans la Corée !), me retrouvant à arpenter les salles obscures sans être obligé de faire une sélection draconienne pour optimiser au mieux les films à voir. Cet été, j’avais tout mon temps pour me risquer sur le bizarre, comme dirait Blier (Bernard, pas Bertrand). En tout cas sur le douteux. Résultat, au mois d’août, j’ai vu cinq navets en salles. Cinq films que je considère à peu près irregardables de nullité, alors qu’entre janvier et juillet, sur sept mois, je n’en dénombrais que quatre.

Accusés, levez-vous à l’appel de votre titre.

Droit de passage, un véritable jet à la poubelle pour un film qui traînait depuis des mois (pour ne pas dire années) dans le tiroir de son distributeur. Le film a été tellement charcuté au montage que l’on se surprend à se demander si Steven Seagal n’a pas fait un meilleur film sur le sujet de l’immigration. Sûrement que si.

Djinns, le petit frenchy de la bande, que je ne m’imaginais pas placer dans un tel billet à l’époque où le film était en projet. Mais malgré les efforts visuels, le scénario est mou, le rythme inexistant, la finalité invisible. Le néant scénaristique absolu. Aaaaaaaaah, c’est pour ça qu’il est balancé dans une poignée de salle en plein été…

The Expendables, celui qu’on attendait comme le grand film hommage aux films d’action des années 80 / 90, mais qui n’est au final qu’une mauvaise parodie de ceux qu’il était censé finement saluer. Au lieu de s’appuyer sur du vieux pour faire du neuf, Stallone a préféré faire un Chuck Norris daté 1986 sans aucun recul. Aucun fun, que du lourdaud et de l’ennui. Même pas drôle. Juste navrant.

Salt, l’autre gros film hollywoodien estival de la liste, que presque tout le monde, depuis que je l’ai vu et le casse implacablement, me dit que j’y vais fort et que j’exagère. Pourtant je suis 200% sincère, et honnête, et surpris qu’on ne me croie pas, lorsque je décline ma profonde aversion pour l’escapade ridicule d’Angelina Jolie. Malgré Liev Schreiber.

Le bruit des glaçons, le p’tit dernier (ah bah non, Djinns n’était pas le seul frenchy en fait), la goutte d’eau qui a fait déborder la bouteille de blanc. Une ancienne gloire du cinéma provoc’ et irrévérencieux français qui n’a plus grand-chose de provoc’ ou irrévérencieux. Blier (Bertrand, pas Bernard) n’est plus que l’ombre d’un bon dialoguiste qui sonne désespérément creux. J’ai passé plus de temps à observer la tête des spectateurs regardant le film qu’à vraiment regarder le film moi-même, histoire de voir si j’étais le seul atterré. Ma voisine dormait.

Enfin, ça c’était août. Ouf, aujourd’hui c’est l’automne. Et la saison s’annonce plus excitante que ce torve été. Comme d’hab’, mais ça fait du bien de se le dire après cette addition de daubes.

mercredi 22 septembre 2010

The Housemaid et Simon Werner sont déjà passés par là…

Si vous êtes surpris qu’un film coréen sorti il y a maintenant une semaine n’ait pas eu droit à quelques lignes sur l’IBC, laissez moi vous rafraichir la mémoire… En juillet dernier, The Housemaid était projeté à Paris Cinéma, où j’avais eu la chance de le voir (contrairement à Des Hommes et des Dieux pour lequel je m’étais pris un « Complet » en pleine face). Alors pour ceux qui aimeraient savoir ce que j’avais pensé du nouveau film d’Im Sang Soo, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, cliquez ici !

Aujourd’hui, mercredi 22 septembre, un autre film passé par la Croisette se faufile dans les salles obscures hexagonales. Il s’agit du teen movie français Simon Werner a disparu…, un film ambitieux et réussi qui ne ressemble pas vraiment à ce qui se fait habituellement dans le paysage cinématographique français lorsqu’on s’intéresse aux ados. En mai dernier, j’avais vu le film à la reprise des films d’Un Certain Regard, au Reflet Médicis. Pour en savoir plus sur ce que j’avais blablaté sur ce premier film, suivez le guide.

C’est tout pour la petite piqûre de rappel !

lundi 20 septembre 2010

Dans la salle, tout le monde vous entend parler...

L’émerveillement qu’était la nouvelle vision de Memories of Murder se passait de commentaires contextuels qui auraient pu parasiter la description de l’émotion qui m’a assailli devant le film. Pourtant j’avais une anecdote sympa à raconter sur cette projection au Gaumont Parnasse… alors je lui consacre un p‘tit billet à part, histoire de ne pas garder cette amusante « rencontre » pour moi seul.

La projection de Memories of Murder avait donc lieu dans une petite salle du Gaumont Parnasse (la 4 pour les puristes du détail), contenant dans les 90 places (à vue de nez), presque toutes occupées au moment où la salle s’est éteinte. Mais avant que le rideau ne s’ouvre sur l’écran (malheureusement ce n’est qu’une figure de style, point de rideau au Gaumont Parnasse comme dans la plupart des salles de nos jours, mais je m’éloigne là), avant le début du film disais-je, il s’est écoulé plus de temps que prévu. Un retard sur l’horaire qui a amplement laissé le temps à mon voisin de derrière de parler ciné avec le type qui l’accompagnait.

Enfin, en fait de discussion, il s’agissait plus précisément, comment dire, d’un commentaire dialogué (quoique, souvent monologué) sur le contenu du magazine Gaumont distribué dans la salle. Vous voyez, ces magazines édités par les multiplexes présentant les films sortant dans le mois. En attendant que Memories of Murder commence, Specty (un diminutif de spectateur qui lui va comme un gant, faut bien lui trouver un p’tit nom pour vous raconter ça comme il faut) a eu tout loisir de lire en long en large et en travers le magazine Gaumont, faisant parfois participer son poto un peu éteint à ses réflexions. Le mieux, c’est que je vous retranscrive le plus fidèlement possible ces monologues ou dialogues (pour être totalement fidèle, il faudrait que vous entendiez sa voix inimitable à l’écrit, tant pis il faudra vous en passer). C’est parti.

En préambule, quelque chose qui n’est pas sorti du magazine Gaumont…

Specty : « T’as vu les affiches du film là ? Putain comment ça s’appelle déjà… ? »
Poto : « Bah là c’est dur de deviner… »
Specty : « Mais si l’autre là… un sorcier…
Poto : « L’apprenti sorcier avec Nicolas Cage ? »
Specty : « Nan nan l’autre là, le p’tit… »
Poto : « Harry Potter ? »
Specty : « OUAIS c’est ça !! Harry Potter, t’as vu y a déjà des affiches dans le métro ! »
Poto : « Bof, moi j’m’en fous en fait d’Harry Potter… »
Specty : « Ah… »

Ensuite, les commentaires du magazine Gaumont se sont enchaînés…

A propos de Moi, moche et méchant :
Specty : « Pfff… Gad Elmaleh, n’importe quoi... »
Poto : « En VO c’est qui ? »
Specty : « C’est Tom Hanks (en fait c’est Steve Carell). C’est quand même autre chose que Gad Elmaleh. Celui-là il a fait deux spectacles drôles et depuis que de la merde. »

A propos de Notre jour viendra :
Specty : « Vincent Cassel. Je déteste Vincent Cassel. Putain il m’énerve ce mec. »

A propos de Laisse-moi entrer :
Specty : « Laisse-moi entrer… c’est qui qui a fait ça… Matt Reeves !! Oh putain c’est le réalisateur de Cloverfield !! Quelle merde ça !! Oh la daube !! Laisse tomber ça va être nul Laisse moi entrer c’est sûr, c’était trop mauvais Cloverfield, tu l’as vu ? » (bon là je lui en veux pas, même s’il est excessif, je ne suis pas fan de Cloverfield moi-même…)

A propos de Resident Evil : Afterlife :
Poto : « Oh c’est Samuel Hadida qui a réalisé le nouveau Resident Evil ? »
Specty : « Nan y a écrit « Samuel Hadida présente », ça veut pas dire qu’il l’a réalisé… attend je vérifie quand même on sait jamais… Réalisé par Wes Anderson. Nan c’est pas Hadida c’est Wes Anderson. Attend… ah non non c’est Paul WS Anderson… j’me disais aussi, Wes Anderson pour Resident Evil, j’ai mal lu. »

A propos de Mange, prie, aime :
Specty : « Ah ça j’ai bien envie de le voir par contre ! »
Poto : « Le film avec Julia Roberts ? Ah bon ? »
Specty : « Attend, Pretty Woman, Erin Brokovich !! C’est les films de toute une génération ça ! J’adore Julia Roberts ! ».

A propos de True Romance (je ne sais pas s’il commentait là quelque chose lu dans le magazine…)
Specty : « Tu l’as pas vu ??!! Wouaaah, mais faut le voir ! C’était avec Christian Slater, Dennis Hopper et… et… et… ah, Christopher Walken !! J’suis trop fort. D’ailleurs j’me d’mande si y avait pas une sœur Arquette qui jouait dedans aussi… attend… YES !!! (a-t-il vérifié sur un iPhone ?) Ah mais je suis vraiment trop fort moi ! ».

Je vous les ressors de tête, il se peut donc que j’ai oublié un ou deux commentaires sympas… Après cela, la lumière s’est éteinte, le rideau imaginaire s’est ouvert, et la magie de Memories of Murder a opéré… sans que j’entende une fois la voix de Specty.

samedi 18 septembre 2010

Memories of Murder, six ans plus tard...

L’occasion était trop belle. Cette semaine, le Gaumont Parnasse inaugurait un rendez-vous apparemment appelé à devenir régulier, une semaine à la découverte de la cinématographie d’un pays sous l’intitulé « La Terre tourne ». Du lundi au dimanche, un film projeté chaque soir. Pour cette première, le pays mis à l’honneur était… la Corée du Sud. Ce n’était pas là l’occasion pour les connaisseurs de découvrir des pépites rares ou inédites, la manifestation ayant à l’évidence plutôt pour but de faire découvrir des incontournables du pays à des novices, ou simplement permettre aux amateurs de revoir sur grand écran leurs films préférés.

Car pour ce qui est des films sélectionnés, les organisateurs ne s’y sont pas trompés, en proposant le récent La rivière Tumen plus une belle brochette de ce qui s’est fait de mieux ou presque ces dix dernières années en Corée : JSA de Park Chan Wook, Locataires de Kim Ki Duk, My sassy girl, The Chaser, Secret Sunshine de Lee Chang Dong. Et celui qui m’a attiré au Gaumont Parnasse jeudi soir. Tous les films proposés cette semaine étaient déjà passés sous mes yeux au moins une fois, mais il en était un que je désirais ardemment revoir, Memories of Murder. L’occasion était trop belle de le revoir dans une salle de cinéma.

Voilà un peu plus de six ans que j’avais découvert le film de Bong Joon-Ho sur grand écran. C’était en 2004, une année qui avait également vu la sortie dans les salles françaises de Deux sœurs de Kim Jee-Woon et d’Oldboy de Park Chan Wook. L’année où le cinéma coréen m’a conquis. Je n’avais pas revu Memories of Murder depuis cette première fois. 

La salle était quasi complète pour le film qui a révélé le réalisateur de The Host en France. Je me souvenais comme si je les avais découverts la veille des tous premiers plans de l’œuvre, ces champs devenus scène de crime où règne une pagaille campagnarde réjouissante, et du tout dernier, dont je parlerai plus loin. Je me souvenais de cette affaire de meurtres tombant sur la tête d’une petite ville de la province coréenne à la fin des années 80. Ces jeunes femmes retrouvées ligotées, violées, tuées. Ces flics locaux dépassés, maladroits, cogneurs. Ce flic de Seoul absorbé, déterminé, mais dépassé lui aussi. Cette enquête piétinant, ce tueur insaisissable, ces corps s’accumulant, cette atmosphère bon enfant se faisant de plus en plus pesante. Je m’en souvenais, oui, mais j’ai découvert, ou redécouvert, autre chose en revoyant Memories of Murder.

Voir un film plusieurs fois, ce n’est pas l’apprécier de la même façon à chaque vision. Avais-je ressenti exactement la même chose il y a six ans ? Pas sûr. Je connaissais très peu la Corée à l’époque, son histoire, sa chronologie, sa politique, sa société… Cette nouvelle vision s’est enrichie de ma propre expérience avec la Corée. Le grand polar que j’avais vu à l’époque m’est désormais apparu avec un contexte historique et politique plus clair. Une période, la fin des années 80, si particulière du pays, qui se ressent dans le cadre du film.

J’ai découvert Memories of Murder sous un angle politique – les derniers souffles de la dictature militaire, les révoltes populaires, la période transitive vers la démocratie – qui fait battre le cœur de l’intrigue. Cette toile de fond accompagne l’atmosphère et la densifie. Elle dessine les contours des personnages. Elle prolonge les problématiques du cadre. Dans Memories of Murder, le bordel ambiant est à l’image d’un pays en plein changement, à l’image d’une société qui se cherche. Les policiers vivent leur enquête, elle est leur quotidien pendant que le pays gronde, y compris contre eux, ces symboles de l’oppression. Ils veulent se donner les moyens d’attraper un tueur pendant que la plus haute hiérarchie préfère s’occuper de réprimer les mécontentements populaires.

L’occasion était trop belle. Retourner voir ce film m’ayant marqué, avec l’instinct qu’il me procurerait une émotion cinématographique nouvelle. Tout paraît si simple lorsque l’on regarde un film de Bong Joon-Ho. Tisser la toile d’une intrigue absorbante. Donner vie à des personnages aboutis. Parler de l’histoire de son pays, de ses maux, de sa fragilité, à travers un genre populaire. Observer la fin d’une ère à travers l’échec d’une enquête policière. Donner une grandeur crédible à des êtres humains ordinaires.

Et conclure son film par un plan bouleversant. Y mettre plein cadre, en gros plan, le visage de Song Kang-Ho, cet immense acteur, et filmer la fracture à peine perceptible d’un regard rappelant que les années n’effacent pas les regrets, la douleur, l’amertume. Le doute. L’occasion était trop belle de revoir Memories of Murder. Et d’y voir un nouveau film, encore plus grand.

jeudi 16 septembre 2010

Blier m'emmerde !

J’ai bien envisagé d’intituler mon billet autrement, mais c’est bien là le fond de ma pensée. Et s’il y a de toute façon un cinéaste qui ne s’offusquerait pas que j’emploie un vocabulaire cru pour interpeler, c’est bien Bertrand Blier. Alors oui, Blier m’emmerde. Ce n’est pas nouveau. Aussi loin que je me souvienne, Blier m’a emmerdé. Pas l’homme directement bien sûr. Je serais tenté de dire que l’homme, on s’en tamponne un peu. Non, c’est bien son cinéma qui m’emmerde. Et forcément, à force de réaliser des films qui me font ainsi réagir, c’est lui qui finit par m’emmerder.

Mon premier souvenir d’un film de Bertrand Blier au cinéma, c’est Mon Homme. Je m’en souviens très bien, j’avais 14 ou 15 ans (après vérification de la date de sortie, j’avais 14 ans), le cinéma m’intéressait déjà énormément, mais ce n’était pas encore passionnel. Je ne lisais qu’occasionnellement la presse spécialisée, n’allais que trois ou quatre fois par moi au ciné (et essentiellement du film Hollywoodien), et en général quand ma mère me traînait au Ciné 104 de Pantin pour voir un film d’auteur français, c’était plus une corvée qu’autre chose.

Mon Homme faisait exactement partie de ces films dont je me serais bien passé à l’époque, mais après tout, 1h40 au ciné valait mieux que rester à la maison pour faire mes devoirs. Voilà comment je me suis laissé entraîner vers mon premier Bertrand Blier sur grand écran. A l’époque j’avais déjà dû voir La femme de mon pote, le film le plus mainstream de Blier, à la télé. Probablement. Mais Mon homme a inauguré ma relation cinématographique avec Blier. Ce fut une torture. 1h40 d’ennui et d’agacement pour l’adolescent que j’étais qui aurait préféré voir L’armée des douze singes de Terry Gilliam.

Mais que le moi de 1996 ait détesté Mon Homme n’est pas plus surprenant que cela. Ce qui m’étonne au contraire, c’est que depuis ce jour de 1996 (même en fouillant dans mes vieux tickets je ne retrouverais pas la date exacte, désolé, ces vieux tickets de salles art & essai étaient génériques, sans le titre du film et la date imprimés dessus, et puis ça aurait fait un peu trop geek non ?)… où en étais-je moi ? Oui, le plus étonnant, c’est que depuis Mon Homme, je n’ai pas raté un seul Blier au cinéma. Vous me direz que finalement, ça ne représente que quatre longs-métrages, mais tout de même. Parce que ce qui est ENCORE plus étonnant, c’est que j’ai détesté tous ces films. Ces quatre films. Sans exception.

J’ai détesté Les acteurs, cet hommage creux et vain aux acteurs du cinéma français. J’ai détesté Les côtelettes, cette adaptation foutraque et agaçante de la propre pièce de Blier. J’ai détesté Combien tu m’aimes ?, ce n’importe quoi fatigant malgré la plastique irréprochable de Monica Bellucci (on se raccroche comme on peut dans ces moments-là). Et le week-end dernier, j’ai détesté Le bruit des glaçons, que j’étais allé voir après moult hésitation, en me disant « Allez, le pitch est pas mal, le duo Dujardin / Dupontel promet, tente ! ». Quelle mauvaise idée ce fut. Blier, qui à une époque pouvait au moins se targuer d’écrire des dialogues mordants, n’est plus qu’une parodie de lui-même sur ce plan. Ses dialogues sont prévisibles et faciles, tous plus clichés les uns que les autres dans les situations ennuyeuses dans lesquelles il plante ses personnages. Il y a certes quelques belles idées d’interaction entre la mise en scène et la narration, comme ce glissement du flash-back dans le présent, mais c’est bien maigre face à l’abus de blagues sur la bouteille de blanc.

Les dialogues sont si téléphonés, le personnage de Jean Dujardin si horripilant, le dénouement si décevant… la messe est vite sonnée. Le bruit des glaçons ressemble à une mauvaise pièce de théâtre filmée dans laquelle surnage Albert Dupontel en cancer squatteur. A la sortie (ô combien bienvenue !) de la salle, une pensée résolue m’a assailli : plus jamais je ne me laisserai piéger par Blier. Stop. Fini. C’était le dernier. Je ne m’installerai plus dans une salle de cinéma pour un film qu’il aura signé. Les valseuses et Tenue de soirée sont loin, si loin… Ne me demandez même pas ce que j’avais pensé de Trop belle pour toi (que j’espère ne jamais revoir).
Alors voilà, Blier m’emmerde. Adieu Blier.

mercredi 15 septembre 2010

L'Etrange Festival a accueilli des monstres extraterrestres pour sa clôture

La lumière revient déjà, l’Étrange Festival est terminé. Cette année, j’ai plus profité de la manifestation que d’habitude : six longs-métrages au cours des dix jours de festival. Six longs-métrages allant du polar à l’horreur, du slasher à la SF. Six longs-métrages venus du Japon, de la Corée, de Hong Kong, de Serbie, de Suisse et de Grande-Bretagne. Dimanche soir se tenait la soirée de clôture au cours de laquelle on a eu droit à un petit speech du directeur du Festival et à un palmarès (rapide) consistant en un Prix Nouveau Genre remis à Buried (en salles en novembre), et en deux courts-métrages primés, d’un Grand Prix et d’un Prix du Public et projetés en préambule du film de clôture.

Le premier des deux courts, All flowers in time, récipiendaire du Grand Prix, était signé Jonathan Caouette, révélé il y a quelques années par l’étrange film / journal intime Tarnation. Un court sous l’influence évidente de David Lynch, étrange, rébarbatif et angoissant, une vraie curiosité interprétée entre autres par Chloë Sévigny. Le second court, One night, suit presque sans dialogues la nuit d’une poignée de jeunes femmes en boîte de nuit. Un moment débridé et plutôt drôle quelque part en Australie, détendant à merveille l’atmosphère après le court Lynchien précédent.

Mais ce qui nous réunissait tous ce soir-là, c’était évidemment le film de clôture, le très attendu Monsters. Sachant que je le verrai à l’Étrange Festival, je m’étais expressément coupé de toute bande-annonce du premier long-métrage signé de l’inconnu Gareth Edwards. Tout ce que je connaissais du film c’étaient une ou deux affiches, et un vague synopsis. Je ne saurais dire à quoi je m’attendais avec précision, mais une chose est sûre, je ne m’attendais pas à ce que nous a offert Monsters. Si, en fait, je pense que je m’attendais à un film fauché mais flippant et haletant.

Or, tout d’abord, si Monsters est un film fauché dans les faits, il ne l’est pas à l’écran. Voilà un film qui n’aurait coûté que 15.000 dollars à réaliser, et qui donne l’impression d’avoir bénéficié de plusieurs millions, tant l’univers visuel développé par Edwards et son équipe est bluffant. Ce qui est tout aussi bluffant, c’est la réussite du scénario dans sa volonté de créer une mythologie, un univers narratif fort et crédible. Six ans avant le début du récit, une sonde de la NASA ayant récolté des échantillons d’une vie extraterrestre récemment découverte s’écrase au Mexique. En quelques mois, une forme de vie extraterrestre se développe, et tout un pan du Mexique est placé sous quarantaine. Cette « zone infectée », soigneusement délimitée par des murailles immenses et des contrôles stricts, abrite des monstres géants. Un photographe américain cherchant à prendre des clichés non loin de la frontière avec la zone infectée, à San José, doit rapatrier aux États-Unis la fille de son patron.

Le cadre posé par Gareth Edwards est remarquable. A l’évidence tourné en décors naturels en Amérique Centrale, Monsters ne sent pas le chiqué. Chaque plan, chaque séquence est criante de vérité dans cet univers entre misère et chaos, suffisamment réaliste pour que l’on sente une société similaire à la nôtre, tout en y insufflant cette piqûre de science-fiction, ces immeubles en proie aux flammes, ces panneaux indiquant la zone infectée, ces reportages passant sur les écrans de télé. Cela peut sembler anodin, mais ce sont ces détails qui tissent la force d’un récit inscrit dans le surnaturel. Dès lors que ces bases sont solidement ancrées, le récit peut suivre son cours, l’adhésion du spectateur est acquise. La mienne l’était.

Si bien que lorsque le film ne semble pas vouloir emprunter le chemin qu’on attend de lui, celui d’un film pressé et pressant, offrant de l’action, je ne l’ai pas rejeté. Si Monsters avait manqué sa mise en place, la lente errance que le récit adopte ensuite aurait pu renfrogner. Or la minutie apportée à l’univers visuel, malgré la restriction budgétaire, pousse à s’intéresser à cet angle inattendu choisi pour traiter d’un road movie en territoire ennemi et étranger. Le film avance, explore, accélère un peu pour mieux ralentir. Lorsqu’il devient clair que nos deux héros vont finir par devoir frayer en zone infectée, on s’attend à ce que le film bascule dans une course contre le danger, mais il n’en est rien. Edwards maintient son désir d’explorer la mythologie qu’il a bâtie et s’en servir pour aller plus loin qu’un film d’action. Drame social et romance tout autant que film d’aventure, Monsters flirte avec la métaphore politique, avec les inquiétudes migratoires, guerrières et écologistes de notre époque, pour s’affirmer en tant que film de SF original et intelligent.

Monsters sacrifie l’action pour ne pas se laisser enfermer par les limites d’un genre. En à peine plus d’une heure et demie, le film parvient à se renouveler plusieurs fois, à ne pas prendre les voies les plus visibles pour mieux s’enrichir. Le danger n’est pas prévisible, les monstres ne sont pas forcément monstrueux, et les possibilités deviennent infinies. Lorsque l’écran s’éteint, c’est une surprise. Une surprise par l’incroyable potentiel à aller plus loin. L’incroyable potentiel d’un scénario et d’un cinéaste qui auraient pu aller encore plus loin, non pas à la place de ce que le film est, mais au-delà de ce qu’il est déjà. J’aurais voulu qu’il continue. Qu’il ne s’arrête pas là. Mais pour cela, il lui aurait fallu 5.000, ou 10.000 dollars de plus peut-être ? Quand on pense que Michael Bay ne peut même pas mettre en boîte 3 minutes de film pour le même prix en faisant un Transformers, on se dit que l’argent est entre de mauvaises mains.

Monsters devrait sortir en décembre dans les salles françaises. Amateurs de SF sortant de l’ordinaire, diminuez vos attentes en action et cochez la date sur votre calendrier…

mardi 14 septembre 2010

Ca existe les films de science-fiction suisses ?

Je suis un bon client pour la SF. Il est rare que je laisse passer un film du genre, d’autant qu’ils ne sont pas si nombreux sur grand écran. Même les films qui peuvent sembler faiblards sur les bords (voire bien au milieu) tombent généralement dans mes filets lors de leur passage en salles, que ce soit le blockbuster incontournable à la Star Trek ou l’indépendant discret à la Pandorum. L’Étrange Festival a prouvé par le passé le goût de ses programmateurs pour la science-fiction de qualité, et il m’était donc impossible de faire l’impasse sur le film de SF spatiale de l’édition 2010, avec en tête le souvenir d’avoir découvert dans ce même amphi du Forum des Images le beau Moon de Duncan Jones.

La curiosité du film choisi cette année pour succéder au voyage de Sam Rockwell sur la Lune, c’est sa nationalité. Suisse. Combien d’entre vous ont déjà vu un film de SF suisse, sincèrement ? Sans vouloir porter ombrage au pays de Jean-Luc Godard, il est cocasse de découvrir l’existence d’un film suisse s’aventurant dans l’espace. Bien sûr j’ai acheté ma place d’emblée pour cette rareté (déjà passée par Gerardmer) intitulée Cargo, d’autant que le synopsis était vraiment excitant : au 23ème siècle, la Terre n’est plus qu’un lointain souvenir pour l’Humanité. Notre belle planète bleue n’est plus habitable, trop polluée. A la place, les êtres humains se sont refugiés dans des stations spatiales surpeuplées, excepté ceux ayant les moyens de se payer une place sur Rhea, une distante planète accueillante pour l’espèce humaine.

Le cadre est posé. Notre héroïne est médecin. Elle embarque à bord d’un vaisseau dont l’équipage part construire une nouvelle station spatiale, à quatre années de distance. Pour un tel voyage, l’équipage est placé en cryo-sommeil. Seule une personne de l’équipage, à tour de rôle, prend une garde de huit mois, éveillé à bord du vaisseau. Mais alors que la destination n’est plus qu’à quelques semaines, notre toubib, de garde, a l’impression que quelqu’un d’autre est présent à bord…

L’ambition ne manque à l’évidence pas sur le papier. La première question, la grande question, c’était « A quoi peut bien ressembler un film de SF suisse ? ». L’instinct nous pousse à attendre un film quelque peu cheap, or la surprise est de taille. Cargo n’a pas à rougir d’une production hollywoodienne pour ce qui est de la qualité visuelle. Si ce n’était la langue germanique résonnant dans les couloirs du vaisseau, on pourrait se croire dans un film américain. Il est dès lors permis de se dire que l’on s’embarque pour un film vraiment intéressant, qui va pouvoir nous offrir une grande maîtrise visuelle avec potentiellement un point de vue et une direction originale – après tout on est dans un film suisse, ils ont forcément des choses différentes à dire les suisses !

La déception de Cargo vient contre toute attente du scénario. Le point de départ riche en possibilités cinématographiques - terre surpeuplée, abris de fortune dans l’espace, une riche planète de substitution à la Terre – n’est finalement pas exploité autrement que dans une direction attendue, quelque peu essoufflée par d’autres films, passés plus tôt et ayant déjà traité sujets similaires avec plus d’aplomb et d’originalité. Cargo nous sert un plat froid dans lequel on a déjà plus d’une fois planté nos fourchettes. Les réalisateurs Ivan Engler et Ralph Etter essaient de nous faire peur avec une présence inquiétante, sans grand suspense. Ils dénoncent les mensonges des grands de ce monde qui tentent de nous faire avaler des cachalots. Ils crient au danger du non respect écologique de notre planète. Mais tout cela manque de voix malgré les cris. Sans être mauvais, Cargo est décidément bien convenu.
Et me revoilà plongé un an en arrière, lorsque je marchais sur la Lune avec Sam Rockwell… Ca c’était de la grande SF.

lundi 13 septembre 2010

Dream Home : du sang, du sexe et de l'humour à l'Etrange Festival

Après les déconvenues Mutant Girls Squad et No Mercy, je me suis rendu sans grande attente à la projection de Dream Home. La fournée 2010 de cinéma asiatique semblait déjà être un mauvais cru pour L’Étrange Festival. Et finalement, en m’y rendant sans attente, et sans même vraiment savoir ce que réservait le film de Pang Ho Cheung (ayant seulement survolé le synopsis du film d’un œil), la sympathique surprise est tombée : c’est bon !

Comment décrire en quelques mots Dream Home pour ceux qui aiment les formules rapides… Disons que c’est un slasher social. Le genre est assez rare pour faire du long-métrage une bizarrerie agréable. Quoiqu’ « agréable » soit un terme mal choisi, étant donné la souffrance (j’adore exagérer) que m’ont apporté les scènes gores du film (que voulez-vous, j’suis une p’tite nature moi). Disons donc plutôt que Dream Home est un slasher social bien fun. Car la souffrance était bien masquée par un esprit corrosif et absurde tirant régulièrement la cloche de l’amusement. On s’éclate, devant Dream Home.

Josie Ho, actrice principale et productrice du film, campe une jeune femme rêvant depuis sa plus tendre enfance de vivre dans un bel appartement avec vue sur la baie de Hong Kong. Mais la prolétaire qu’elle est a bien du mal à accéder à son rêve. Elle trime entre deux jobs et doit s’occuper de son père malade. Mais elle tient à ce vieux rêve. Elle y tient énormément. Elle y tient plus que tout. Elle est prête à tout pour assouvir son rêve. Surtout au meurtre.

Dream Home n’est pas un slasher gentiment linéaire. Il faut s’accrocher pour coller les morceaux (le jeu de mots n’était pas voulu). Le récit est éclaté sur plusieurs époques qui se juxtaposent sans cesse. On navigue entre 2007, 2004, 1997 et 1991, pas spécialement dans cet ordre-là. Chaque époque de la vie de l’héroïne a son importance. Chaque époque pose la pierre qui l’amènera à la situation dans laquelle elle se lance et s’empêtre en 2007. En 2007, elle trucide à tout va. Et pour comprendre pourquoi cette jeune femme qui pourrait sembler si douce et docile se réveille en machine à étouffer, égorger, découper, étriper, voire énucléer (désolé si vous mangiez), Pang Ho Cheung prend un malin plaisir à brouiller les lignes du temps.

Le défaut majeur du film, c’est qu’en faisant cela, il brouille également les cartes de la personnalité de son héroïne. Du coup on a du mal à accepter les facettes contradictoires de la jeune femme. D’une scène à l’autre, elle peut se montrer tantôt femme docile, tantôt tueuse implacable. Sa détermination est toujours contrebalancée par une naïveté qui l’empêche d’apparaître comme un personnage crédible. Ce trait serait rédhibitoire si l’on n’était pas de toute façon dans un slasher ayant de grands moments de fantaisie. Notamment lorsque l’on se trouve en 2007 au cours de cette nuit d’horreur et de sang. Le massacre perpétré est constamment désamorcé par un humour jouissif, de la partie de jambes en l’air se terminant dans le sang à ce type éventré qui semble incapable de mourir, trimballant ses boyaux en mains à travers l’appartement pour grappiller quelques minutes de vie supplémentaire (je me suis déjà excusé auprès de ceux qui mangent ?).

Pang Ho Cheung a également l’intelligence de mettre son récit et son talent de réalisateur (la mise en scène fait preuve d’un soin remarquable) au service d’un discours social fin et amusant. Face à la crise du logement à Hong Kong et la flambée des prix de l’immobilier, cette quête désespérée de standing pour une femme vivant dans la simplicité depuis toujours la rend sympathique malgré ses actes. Et si on faisait ça à Paris ? Un massacre dans un bel immeuble pour faire baisser le prix des apparts ? On y réfléchit et on en reparle ?

dimanche 12 septembre 2010

L'Étrange Festival sort son film choc : A Serbian Film

Alors voilà, c’était cela, le fameux A Serbian Film. C’était cela le film dont je regrettais presque (je dis bien presque) ces derniers jours d’avoir acheté une place pour sa projection (disons exceptionnelle) lors de L’Étrange Festival. Je m’étais décidé à y aller parce que j’avais lu ici ou là qu’il s’agissait du film électrochoc de l’année. Surtout choc. Et ma curiosité, cette belle et parfois traitresse curiosité cinématographique qui est la mienne, m’avait donc poussé une semaine avant la projection de A Serbian Film à aller acheter une place au Forum des Images.

En fait d’une place, j’en ai pris quatre, entraînant dans mon sillage trois autres curieux. Le Forum des Images et son équipe avait été bien briefé sur le caractère sulfureux du film. Dans le hall, des affichettes dans tous les coins, alertant les spectateurs potentiels sur A Serbian Film : « Attention », « Choquant », « Scènes à caractère violent », « Strictement interdit aux moins de 18 ans », quelques préventions du genre. Et pour ceux qui n’auraient pas aperçu ces mots, les employés aux caisses avaient eux aussi un petit speech préparé : « Vous savez que c’est un film dur hein ? On nous a bien dit de prévenir. C’est interdit aux moins de 18 ans il paraît que c’est super choquant, à un autre festival y a des gens qui ont fait des malaises devant le film ».

A force d’insister, j’ai fini par douter. J’ai quand même pris les places bien sûr, mais en rentrant chez moi, je suis allé jeter un œil à la bande-annonce sur Internet et survolé quelques échos. Et là, j’ai eu un sacré mouvement de recul. Du glauque, du glauque, du glauque. Du snuff movie, des hangars est-européens, des viols, de la torture… « NOOOOOOOOON, j’ai pas envie d’aller voir ça !!! Mais pourquoi ai-je attendu d’acheter ma place pour regarder des images du film !! Pffffffff… ». Voilà en gros ma réaction à la bande annonce. Toute la semaine précédant la projection, la méfiance ne m’a pas quitté.

Et vendredi, l’heure de A Serbian Film a sonné, et le verdict est tombé : mouais. Ce grand terme scientifique pour exprimer ses sentiments et son ressenti. Mouais. On suit donc un ancien acteur de films pornos, désormais marié et père d’un petit garçon, qui accepte de signer un contrat auprès d’un producteur mystérieux, qui lui promet un film porno transcendant le genre, mais dont il ne doit pas connaître le scénario. Ce qui intéresse notre héros, c’est uniquement le nombre de zéros sur le chèque, qui lui permettra de vivre à l’abri du besoin pour plusieurs décennies. Mais il ne sait pas dans quoi il s’embarque.

Ce dans quoi il s’embarque, sans grande surprise pour qui a entendu parler du film, c’est un snuff movie, un film dans lequel on viole et on tue réellement. Si un tel sujet avait à la base peu de chances de me séduire (il faut bien reconnaître que ce n’est pas un sujet « séduisant »), le traitement choisi par le réalisateur n’arrange rien. Une fois le héros lancé dans le snuff movie, alors que jusqu’ici la tension montait, tout à coup le récit, le suspense et l’intensité dramatique retombent en même temps lorsque la structure narrative se contente d’un flash forward « Trois jours plus tard », à la suite duquel nous verrons les évènements écoulés entre temps en plusieurs flashbacks. Dès lors, toute la dangerosité que l’on sentait poindre dans la première partie du film ne se fait plus jamais vraiment sentir. Elle n’est plus, et toute la place est désormais occupée par le sensationnalisme, le glauque (encore), et une violence que je ne peux m’empêcher de trouver gratuite.

Le scénariste, présent à la projection pour une séance de questions/réponses avec le public à l’issu du film, avait beau justifier le ton l’extrême violence physique de ce film en parlant d’une métaphore de la jeunesse serbe et de l’héritage du conflit yougoslave, difficile de vraiment en être convaincu devant un viol de bébé, des viols incestueux, et de la nécrophilie abjecte. J’ai d’ailleurs un peu de mal à interpréter les applaudissements de la salle (archi bondée, des spectateurs étaient même assis dans les escaliers) devant certaines de ces séquences abominables. Sürement pas de la satisfaction en tout cas (j'espère ?).
Alors voilà, c’était cela, le fameux A Serbian Film. C’était un film à voir, peut-être. Un film choc, sûrement. Un film toc, aussi.

jeudi 9 septembre 2010

Des Hommes, des Dieux, des doutes...

La déception se mesure à l’attente que l’on a d’un film, et non forcément à ses qualités réelles. J’en suis conscient en sortant du film évènement de cette rentrée, Des hommes et des Dieux de Xavier Beauvois. Je suis sorti déçu. Je suis sorti déçu d’un film dont la rumeur cannoise le couronnait avant l’heure. Je suis sorti déçu d’un Grand Prix qui décidément sied bien au cinéma français. Je suis sorti déçu d’une œuvre encensée et auréolée par la presse. Je suis sorti déçu de près de quatre mois d’attente. Je suis sorti déçu d’un film dont j’attendais un bouleversement.

Je suis pourtant sorti déçu d’un bon film. D’un beau film. D’un film s’attachant avec discrétion à une tragédie ayant fait grand bruit. Un film portant un regard tantôt documentaire sur le quotidien de moines en terre algérienne, tantôt lyrique sur un drame annoncé. Un film qui trouve un juste équilibre entre le rapport à la foi que pose une telle communauté et le rôle social que celle-ci a pu jouer dans cette région d’Afrique du Nord où elle avait élu domicile. Un film tout en retenu, préférant la finesse et le mystère au déploiement de violons et d’émotion, même lors de cette scène de dîner où « Le Lac des Cygnes » résonne.

Des hommes et des Dieux montre les larmes mais ne les cherche pas. Des hommes et des Dieux montre les doutes, montre la détermination, montre le courage, mais aussi l’impuissance et le dépit. Certains films sont grand d’emblée, au premier regard. Je suis sorti déçu de n’avoir pas trouvé de la grandeur lors de cette première rencontre avec le film. Mais tenté de penser que le film de Xavier Beauvois est de ceux qui grandissent en nous, en moi, avec le temps. J’aurais préféré que le destin de ces moines de Tibéhirine interprétés par Lambert Wilson, Michael Lonsdale, Philippe Laudenbach et les autres, m’enlace immédiatement. Mais il murira en moi, c’est certain. Des hommes et des Dieux m’a déçu, mais il n’a pas dit son dernier mot.

mercredi 8 septembre 2010

American Trip, on oublie le titre et on s'éclate !

Pas besoin d’avoir pondu une thèse sur le manque de jugeote occasionnel des distributeurs français lorsqu’il s’agit de choisir le titre d’un film étranger pour notre territoire pour comprendre à quel point American Trip, le titre gaulois est nul. Ca sent le réchauffé de tant de comédies récentes que les recenser serait sans intérêt. En même temps je suis le premier à avouer que le titre original Get him to the Greek n’était pas le plus facile à adapter. « Amène-le au Greek », ça sonnerait sûrement bizarre aux oreilles d’un spectateur français. J’imagine les mecs chez Universal. « De toute façon ça va être une sortie plus ou moins technique, on va pas se faire chier on va mettre « American » vu que ça se passe aux Etats-Unis, et on n’a qu’à lui coller « Trip » avec, les mecs se baladent pas mal et ça rappellera Very Bad Trip ». Emballez, c’est pesé !

Universal France a eu beau saloper le titre et la sortie de Get him to the Greek, leur chance est tout de même qu’ils avaient entre les mains une comédie en or. Ce qui fait du bien, quelques jours seulement après deux comédies yankees mineures dont on était en droit d’attendre plus. Une famille très moderne et Be Bad ! avaient meilleure allure sur le papier que ce qu’il ont finalement offert. La première, un peu trop facile et se complaisant dans les clichés sur le dernier acte, malgré quelques beaux moments d’humour et une interprétation impeccable de Jason Bateman. La seconde, parcourue de gags irrésistibles pendant une heure avant de s’effondrer pour cause de trop plein et de manque de concentration, malgré le double rôle de Michael Cera (décidément, la distribution de « Arrested Development » a le vent en poupe !).

La troisième comédie de la semaine se devait donc de rattraper ces déceptions. En même temps, avec Judd Apatow à la production et un spin-off de Sans Sarah rien ne va ! comme point de départ, American Trip partait sur de bonnes bases. Des bases confirmées et transcendées par un humour ravageur laissant rarement une minute de répit. Non, ce n’est même pas « rarement », le terme exact est « jamais ». De la première à la dernière minute du film de Nicholas Stoller (qui avait déjà réalisé Sans Sarah rien ne va), j’ai ri trois fois plus fort que devant tous les autres films vus en 2010.

Si je voulais décrire chaque scène drôle du film, il me faudrait 1h45, car le film en est littéralement plein. Le tempo comique du film est phénoménal, et si j’osais je dirais qu’à ce niveau-là, American Trip pourrait bien se classer dans les comédies les plus hilarantes du cinéma américain, tant l’abattage humoristique est sans limite. A ce titre, il faut bien reconnaître que les films produits par Apatow sont plus frénétiques que ceux réalisés par ses soins, dans lesquels le réalisateur s’attache à s’écarter de l’humour à tout prix (malheureusement parfois un peu trop au profit du puritanisme). American Trip n’évite pas pour autant un désir évident de faire retomber un peu l’atmosphère largement transgressive de l’œuvre pour retrouver un semblant de bienséance du style « La drogue c’est pas bien ! L’infidélité c’est pas bien ! Le ménage à trois c’est pas bien ! Le respect de l’autre et la vie à deux c’est mieux ! ». Le discours n’est pas non plus assommant heureusement, il traverse juste le dernier acte sans nous priver de l’humour décapent jusqu’à la dernière minute.

Russell Brand (le mec de Katy Perry à la ville !), déjà irrésistible en Aldous Snow dans Sans Sarah rien ne va !, confirme tout son talent dans le même rôle. Jonah Hill, qui incarne ici Aaron Green, jeune employé d’une maison de disque californienne chargé d’escorter Snow de Londres à Los Angeles via New York pour un concert géant au Greek Theater qui donne son titre au film en VO, trouve son meilleur rôle depuis SuperGrave. Les deux comédiens ont une alchimie comique qui suinte de l’écran. Ce qui est étonnant, c’est qu’ils ne font pas pour autant d’ombre à Sean Combs, alias P. Diddy, alias Puff Daddy, qui révèle un étonnant talent et arrache lui aussi de nombreux fous rires en patrons de maison de disque poussant son poulain à répondre positivement à toutes les demandes de la star.

C’est bon, on tient la comédie de l’année, hystériquement drôle et après tout éducative. Par exemple, vous saviez, vous, que caresser les poils d’un mur calmait quand on avait pris un Jeffrey, même si ça ne vaut pas une injection d’adrénaline ? Vous ne comprenez pas ? Allez, foncez-voir American Trip, mais n’oubliez pas les mouchoirs pour les pleurs (de rire).

mardi 7 septembre 2010

No Mercy, ou comment Alejandro Jodorowsky m'a survendu un polar coréen quelconque

Après la mise en bouche amusante de la veille, les choses sérieuses commençaient dimanche à L’Étrange Festival grâce à la carte blanche à Alejandro Jodorowsky. L’artiste chilien, maître en divers domaines dont le cinéma (El Topo et La Montagne sacrée entre autres), a choisi pour le Festival quelques films de genre qu’il apprécie particulièrement et bonne surprise, l’un des films retenus se trouve être un polar coréen inédit dans les salles françaises, sorti au début de l’année en Corée du Sud, No Mercy.

Jodorowsky lui-même s’est fendu d’une présentation du long-métrage qui affichait presque complet. Et le bougre nous l’a bien vendu, comme il s’y était déjà employé dans le programme du festival. Mais là, devant les 500 spectateurs que nous étions, Alejandro a laissé parler son enthousiasme de plus de 80 printemps avec accent sud-américain à la clé pour nous convaincre que nous étions partis pour une claque comme les coréens en ont le secret. Le présentateur de luxe est même allé jusqu’à dire que No Mercy était supérieur à Oldboy dans le genre, une comparaison forte quand on sait à quel point les amateurs de cinéma de genre portent haut le film de Park Chan-Wook dans leur cœur.

Malheureusement, force a été de constater, deux heures plus tard, que Jodorowsky nous a bien trompés. Il nous a survendus le film, qui est au final l’exact opposé de ce qu’il voulait nous faire croire: No mercy n’est qu’un ersatz de Oldboy. Une pâle copie qui, loin de le surpasser, ne fait que reproduire son thème et ses effets sans jamais parvenir à transcender le modèle. A la sortie du film, un de mes camarades de visionnage a sorti « No mercy, c’est Oldboy produit comme un épisode des Experts. Oldboy produit par Jerry Bruckheimer et réalisé par Michael Bay, l’action en moins ». Je ne serais pas allé chercher une comparaison par là, mais force est de constater qu’on n’en est pas loin.

Le corps d’une jeune femme est retrouvé près d’un estuaire. Une jeune flic à peine sortie de l’académie assiste les inspecteurs sur l’enquête, tout heureuse de pouvoir côtoyer un de ses anciens professeurs, le Docteur Kang, médecin légiste de son état, sur une enquête. Ce dernier va se trouver au cœur de l’affaire lorsqu’il va découvrir que le tueur tient sa fille en otage et menace de la supprimer si le professeur ne l’aide pas à échapper à la justice.

Il apparaît bien vite qu’il y a une raison précise au chantage exercé sur le légiste de la part du tueur, enfoui dans le passé de l’homme, un passé qu’il devra fouiller en même temps que les policiers enquêtent sur le meurtre. Une course contre le temps et les dissimulations similaires à celle d’Oh Dae-su dans Oldboy. Lorsqu’on a compris que le réalisateur Kim Hyeong-Joon a pris le film de Park Chan-Wook pour modèle, le scénario nous balade sans franchement nous happer, ni tout à fait nous surprendre, malgré le joli minois de l’actrice de dramas Han Hye-Jin et la présence de Seol Kyeong-Gu, plus sérieux que dans Haeundae (autrement connu ici sous le titre The Last Day) mais moins intense que dans Oasis de Lee Chang-Dong.

J’aurais vraiment voulu me prendre une claque devant No Mercy comme je m’étais pris une claque devant Oldboy ou The Chaser, comme me l’avait promis Alejandro Jodorowsky. Sa passion pour le film était communicative, jusqu’à ce que le visionnage nous révèle la supercherie. Certes il n’a pas été aidé par un problème technique survenu en cours de projection : au bout d’1h40 de film environ (qui dure un peu plus de deux heures en tout), nous avons été privés de sous-titres pendant cinq minutes. Pas de bol, il semblait évident que l’absence de traduction écrite intervenait exactement à un moment crucial ou des clés de l’intrigue étaient révélées. Mais pour la majorité de la salle, ces clés se sont évanouies dans la barrière de la langue. Pour ma part, l’incident m’a fortement agacé et déconnecté du film bien après que le sous-titrage ne réapparaisse miraculeusement, plombant le film un peu plus.

Heureusement la projection n’était pas en 35mm, sans quoi l’absence de sous-titres aurait probablement duré au moins le temps d’une bobine. Et j’ai beau avoir fait des progrès en coréen ces dernières années, et comprendre la langue mieux qu’un français lambda, retirez-moi les sous-titres sans prévenir et mes lacunes se font jour. Mais même sans cet incident, No Mercy n’aurait pas fait forte impression, j’en ai bien peur.

Décidément L’Étrange Festival 2010 démarre mollement. Vivement que le sentiment change. Prochaine étape, Dream Home mercredi soir.

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