samedi 31 juillet 2010

Si vous passez par Venise en septembre...

Lorsque la sélection du Festival de Cannes était tombée en avril dernier, les commentaires allaient bon train pour souligner la fadeur apparente des films retenus par Thierry Frémaux et son équipe. Et lorsque le jury présidé par Tim Burton a rendu son verdict la presse a globalement salué un palmarès qui retenait à une absence près (Another Year de Mike Leigh) les meilleur films présentés en compétition (même si la Palme à Apichatpong Weerasethakul a fait grincé quelques dents).

Dans un mois, c’est au tour de la Mostra de Venise de lancer ses propres festivités, et la vénérable manifestation italienne a ces jours-ci dévoilé les films qui concourront pour le Lion d’Or, qu’on pourrait situer à la seconde place de la hiérarchie mondiale des distinctions les plus prestigieuses du monde cinéphile (derrière la Palme, devant l’Ours d’Or). Après le « Booooooof » général entendu après l’annonce de la sélection cannoise, que retenir de celle de Venise ?

Ce qui frappe le plus dans cette liste de films, c’est à quel point elle ne pioche pas bien loin. Un coup d’œil suffit à remarquer que cinq films sont américains (plus un qui en a tout l’air), quatre sont italiens, trois français. Trois nations se partagent ainsi plus de la moitié des films en compétition. Ca manque un peu d’éclectisme. Pour le reste, deux japonais, deux espagnols, un chinois, un russe, un grec, un allemand, et deux films aux nationalités englués dans les coproductions.

Est-elle excitante cette liste de films ? D’un point de vue personnel, je serais tenté de répondre : « Pas excessivement ». Le plus intéressant dans ces choix, c’est peut-être l’intrusion de nombreux films de genre, ou au moins de cinéastes s’étant fait connaître avec le genre. Après The Wrestler il est par exemple difficile de continuer à appeler Aronofsky un cinéaste de genre, mais il n’empêche. Le réalisateur fait l’ouverture en compétition avec son Black Swan. A ses côtés, on trouve en revanche Alex de la Iglesia, Tsui Hark et Takashi Miike, des noms que l’on n’attendait pas forcément en course pour le Lion d’Or (surtout Miike si vous voulez mon avis…).

Côté français, un habitué de Venise, Abdelatif Kechiche avec Vénus Noire, un ancien réalisateur star qui ne déplace plus les foules, François Ozon avec Potiche, et un espoir, Anthony Cordier avec Happy Few. Pour ce qui est des américains, la sélection affiche clairement sa préférence, cette année, au cinéma indépendant. En plus du Aronofsky, les États-Unis amèneront sur le Lido le nouveau film de la délicate Kelly Reichardt, Meek’s cutoff, avec un excellent duo de jeunes acteurs, Michelle Williams et Paul Dano, Promises written in water, la nouvelle réalisation du rare Vincent Gallo, et Road to Nowhere, de l’encore plus rare Monte Hellman. Aronofsky, Reichardt, Gallo, Hellman, il faut tout de même avouer que la sélection US de Venise 2010 a une belle gueule, surtout qu’il faut y ajouter le fameux Somewhere de Sofia Coppola, qu’on avait un temps annoncé à Cannes et qui finalement se retrouve en Italie. Après la grosse déception Marie-Antoinette, tout le monde est curieux de découvrir la nouvelle réalisation de miss Coppola, ce qui fera sans doute de Somewhere le film le plus scruté de la Mostra.

A noter également le nouveau Tom Tykwer, qui retourne en Allemagne et à sa langue maternelle après avoir signé son meilleur film, L’enquête, en langue anglaise et le nouveau Julian Schnabel, Miral, situé au cœur du conflit Israélo-Palestinien. Je me réjouis également de la présence de Norwegian Woods de Tran Anh Hung, la transposition cinématographique du beau roman de Haruki Murakami « La balade de l’impossible », qui faisait partie de mes 10 films les plus attendus de l’année il y a quelques mois.

Venise nous réserve même un film surprise, qui sera annoncé début septembre, au dernier moment donc. Évidemment, difficile de ne pas penser à Tree of Life de Terrence Malick. On sait que Thierry Frémaux a fait des pieds et des mains pour essayer de l’avoir à Cannes, mais que finalement le film n’était pas prêt. Marco Müller, le directeur de la Mostra, imite-t-il Frémeaux ? Fait-il lui aussi le forcing pour ajouter le film de Malick à sa sélection jusqu’au dernier moment (ce qui porterait tout de même le nombre de films américains à six… peut-être trop ?) ? Réponse dans un mois.

Hors compétition, il est amusant de signaler que les frères Affleck, Ben et Casey, vont chacun présenter un film en tant que réalisateur. Pour Ben, il s’agit de son second long-métrage après le remarquable Gone Baby Gone, le polar bostonien The Town, dont l’alléchante bande-annonce circule sur le net depuis quelques semaines. Pour Casey, c’est un premier film, un documentaire suivant le parcours de Joaquin Phoenix (son beau-frère hors caméra) depuis qu’il a annoncé son retrait des plateaux de cinéma pour se consacrer à une carrière dans le rap. Le long-métrage s’intitule I’m still here, the lost year of Joaquin Phoenix. John Woo sera aussi de la partie hors compétition avec Reign of Assassins, qu’il a coréalisé avec Su Chao Pin.

Enfin, au rayon “il tourne plus vite que son ombre”, le sud-coréen Hong Sang Soo semble vouloir faire de la concurrence à Brillante Mendoza. Alors qu’il a présenté Ha Ha Ha à Cannes en mai dernier (il y a même remporté le Prix Un Certain Regard), Hong fera la clôture de la section Orizzonti de Venise avec déjà un nouveau film, Oki’s movie.

Alors, Vincent Gallo a-t-il encore signé un film radical ? Catherine Deneuve viendra-t-elle avec le même survêt’ sportif qu’elle porte dans Potiche ? Quentin Tarantino aura-t-il plus de cojones en tant que Président du Jury à Venise plutôt qu’à Cannes ? Malick présentera-t-il un jour son film quelque part ? Vivement Venise qu’on ait des réponses !

jeudi 29 juillet 2010

Harrison Ford va-t-il enfin sortir des limbes ?


Que reste-t-il d’Harrison Ford ? Celui qui a autrefois été tout en haut de la A-list Hollywoodienne et du box-office, qui est-il aujourd’hui ? Il a la soixantaine, tourne peu, et ce peu est au choix sans intérêt, décevant, ou au mieux, pour un grand cru, juste mineur. Alors quoi, il devient gâteux Han Solo ? Il a perdu sa grinta Indiana Jones ? Il ne sait plus choisir les bons rôles ? En vérité, Ford pourrait bien tourner en ce moment même le film capable de le remettre en selle…

Et il serait temps. Car un coup d’œil sur sa filmo, et on se rend compte que l’acteur fait le flemmard depuis des années à Hollywood. Si j’osais je dirais que la carrière d’Harrison Ford est sur le déclin depuis… allez, 1993 et Le Fugitif. Ca commence à faire long. Depuis 1980 et Les aventuriers de l’Arche perdu, Ford était la plus grande star à Hollywood. Han Solo l’a révélé, Indiana Jones en a fait une star, almienté en cela par Blade Runner, Witness, et bien sûr les suites des aventures d’Indy.

En 1993, Le Fugitif, c’est un peu le climax de la carrière de Ford. 350 millions de dollars de recettes dans le monde, sept nominations aux Oscars. Pourtant après ce film et jusqu’à aujourd’hui, il n’y aura plus qu’un seul vrai succès digne de son rang de plus grande star d’Hollywood, Air Force One de Wolfgang Petersen (pas le plus prestigieux de ses films…) en 1997. Le reste de sa carrière compte ici ou là des films un peu ambitieux mais qui ne marchent que vaguement au box-office (Apparitions de Zemeckis, K19 de Kathryn Bigelow), des échecs artistiques inutiles (le remake de Sabrina, le face-à-face qui fait pschitt avec Brad Pitt dans Ennemis rapprochés), des parenthèses légères qu’on souhaite vite oublier (Six jours, sept nuits, Hollywood Homicide), et bien sûr une des plus grosses déceptions pondues par Hollywood la décennie passée, le consternant Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal (j’ai même dû aller chercher le titre sur Internet, je l’avais oublié !). Et encore, je n’ai rien dit sur Firewall.

Harrison Ford voudrait certainement oublier la plupart des films qu’il a fait ces 17 dernières années, à n’en pas douter (on est comme lui). Bien sûr nous avons encore deux espoirs d’ici la fin de l’année. Un premier en août avec Droit de Passage, mais avouons qu’un film tourné il y a trois ans, remonté hors de la supervision de son réalisateur et duquel Sean Penn, qui avait tourné quelques scènes, a demandé à être coupé au montage, ça ne fleure pas bon la rédemption pour Harrison Ford.
Le deuxième espoir est une comédie sur les coulisses d’une émission de télé dans laquelle il partage l’affiche avec Diane Keaton, Morning glory. Le duo est intéressant, et le réalisateur aux commandes, Roger Michell, a fait de bons films, il est donc permis de croire qu’il s’agira là d’un bon film pour Harrison Ford. Mais ce n’est pas encore cela qu’on attend de lui. Moi je sais que ce n’est pas encore cela que j’attends de lui.

Gamin, Ford m’a fait rêver et jubiler avec des films d’aventures dans lesquels, et c’est là le plus important, l’acteur imposait un charisme flegmatique, un magnétisme cool et dangereux à la fois, tout en restant très humain. Je ne dis pas que je veux revoir Ford précisément dans ce rôle là, mais je veux revoir Ford en imposer à l’écran. Je veux revoir Ford sortir de la carapace protectrice dans laquelle il s’est réfugié ces dernières années. Je veux le voir se décrisper. Je veux le voir être cool, de nouveau (non Harrison ton diamant à l’oreille ne te rend pas cool…).

Et j’ai bon espoir qu’en 2011, Harrison Ford sera de nouveau cool, enfin. Cet espoir, je le fonde en Jon Favreau et en un film qui s’intitule Cowboys & Aliens. Je ne pense pas que Jon Favreau soit un grand cinéaste, mais ce qu’il a fait avec le premier Iron Man c’est, au-delà de nous offrir une fantaisie ultra-jubilatoire, rappeler à bon nombre de gens qui l’avaient oublié - ou peut-être qui ne l’avaient jamais su - à quel point Robert Downey Jr. est un acteur cool et charismatique. En s’engageant à adapter le comic book « Cowboys & Aliens », Favreau s’empare d’un sujet qui pourrait bien donner un grand film d’aventures jouissif.

Imaginez plutôt. Le cadre ? Le Far West. Oui oui, les cowboys, les indiens, les saloons, les chevauchées endiablées. Dans un patelin de western, la population locale qui a déjà fort à faire pour régler ses problèmes locaux voit débarquer des vaisseaux extraterrestres décidés à envahir la région. Pour les shérifs, les cowboys et les indiens, c’est l’heure d’enterrer la hache de guerre pour repousser l’envahisseur. Un pitch pareil, moi je signe les yeux fermés pour aller voir à quoi ça va ressembler. Alors quand en plus, je sais que Harrison Ford, Daniel Craig, Sam Rockwell et Paul Dano sont de la partie devant la caméra, je trépigne d’impatience. Il y a quelques jours, la première photo officielle a été dévoilé, Daniel Craig déguisé façon western avec un drôle d’engin lumineux au poignet. Ca donne envie d’en voir plus !

Harrison Ford ne s’étais plus attaché à un film si ambitieux et plein de promesses depuis belle lurette (euh… non franchement ça remonte à trop loin pour essayer de trouver). L’idée de le voir cavaler à cheval avec un stetson sur la tête et un colt à la ceinture au côté de Daniel « James Bond » Craig me réjouit d’avance. Et me rappellera peut-être enfin au bon vieux temps où il faisait bon attendre un film avec Harrison Ford.

mardi 27 juillet 2010

Je ne veux pas laisser Inception s'échapper...



Le film s’est terminé il y a près d’1h30. C’est si peu, et pourtant cela semble déjà une éternité. Les certitudes s’effacent encore plus vite que les doutes. Les interrogations se font plus nombreuses à mesure que le film s’éloigne. Il y a une heure et trente minutes, la salle se rallumait après m’avoir plongé moi et 400 autres personnes dans le noir pour pénétrer l’esprit tortueux de Christopher Nolan et son nouveau film, celui dont tout le parle, celui que tout le monde veut voir. Celui duquel chacun sort étourdi, certains par l’ennui peut-être, du moins par la confusion, mais beaucoup, j’en suis sûr, comme moi, en sortent étourdis d’excitation, de vertige et de bonheur. Inception.

Mais derrière la brume qui recouvre l’esprit, difficile de recouvrer le fil de ses pensées autour du film. Sortir d’un tel film et vouloir écrire dessus équivaut à une course contre le temps et les souvenirs similaire à celle que les protagonistes du film entament. Que dire, que régurgiter, qu’analyser ? Faut-il analyser un film tel qu’Inception ? Est-ce ma volonté que d’analyser Inception ? Je ne le crois pas. L’analyse filmique n’a jamais été le but de ce blog, et je ne vais pas commencer avec Inception, même si à l’évidence, de tous les films que j’ai vu depuis que j’ai commencé L’impossible blog ciné, le film de Christopher Nolan est celui qui mériterait le plus ce genre d’exercice.

Pourtant il faut que je parle d’Inception. Il faut que je couche sur le papier, sur le clavier, les sentiments qui m’assaillent une heure trente après en être sorti. Il faut que je raconte à quel point j’ai été absorbé par le film. A quel point deux heures et trente minutes durant, j’ai retenu ma respiration. Avec quelle force mon cœur battait lors du dernier acte du film. Avec quelle force il battait encore tout du long du générique de fin.

Je veux dire à quel point Inception m’est apparu encore plus vertigineux que je l’attendais, que je l’espérais. Mais pas de ces vertiges qui vous prennent la tête et vous collent un mal de crâne agaçant, non. Un vertige fascinant, élaboré, minutieux, qui vous attrape aux tripes et vous entraîne, vous laissant tout le temps la sensation que vous touchez presque la vérité du doigt. Que la combinaison de l’énigme est là, quelque part, sous vos yeux, à votre portée, que vous l’effleurez et qu’elle ne fait que vous attendre.

Il faut que je couche ces pensées. Ce ressenti. Ce ressenti d’un film fouillant les tréfonds de l’âme humaine, les remords, les regrets, les espoirs. Les souvenirs. La forme est un leurre. C’est un emballage hollywoodien nécessaire à tisser les méandres sans limites de ce qui se cache en nous. C’est « James Bond rencontre Matrix » sur l’affiche du film. Certes, en apparence, il y a de cela. Mais il faut plonger. Au-delà de la surface, au plus profond des recoins du récit et des personnages. On se croirait en fait plus dans l’eXistenZ de Cronenberg que dans le Matrix des frères Wachowski, mais peu importe. On est déjà ailleurs.

Que vais-je retenir d’Inception ? Plus les minutes s’écoulent depuis ma sortie de la salle, plus je crains que le film s’évapore. Qu’il s’effondre comme les rêves s’effondrent lorsque l’on se rend compte que la réalité est ailleurs. Je ne veux pas de cela. Je veux que le film reste. Que mon cœur continue à battre à la vitesse folle qui était la sienne pendant la projection. Que les fils se dénouent tout en gardant du mystère. Je veux comprendre tout en restant dans l’évasif.
Je veux revoir Inception.

lundi 26 juillet 2010

Deauville 2010 approche, mais moi j'attends toujours Deauville 2009...

Au début de l’année, le Forum des Images a projeté dans le cadre d’un festival The Messenger d’Oren Moverman, le film qui avait été récompensé en septembre 2009 du Grand Prix au Festival du Film Américain de Deauville. Ce jour-là je ne pouvais pas aller à la projection. « Baaaaaah, allez, c’est pas bien grave, avec le Grand Prix à Deauville et le buzz, il va finir par sortir en salles ce film ». Je commence à me dire que j’ai peut-être été un peu optimiste.

Cela va bientôt faire un an que The Messenger a raflé son prix à Deauville, presque autant qu’il est sorti dans les salles nord-américaines, mais ce drame s’attachant à deux soldats dont le job est d’aller annoncer aux familles que leurs proches, maris, fils, pères, sont morts au combat, ne pointe toujours pas le bout de son nez en France. L’excellente réputation du film et ses nombreux prix (sans compter une nomination à l’Oscar du Meilleur acteur dans un second rôle pour Woody Harrelson et une nomination à l’Oscar du Meilleur scénario original) ne semblent pas suffire.

Si je pense à The Messenger, c’est parce que la semaine dernière, la liste des films en compétition pour le  Festival du Film Américain de Deauville 2010, qui se tiendra du 3 au 12 septembre sous la présidence d’Emmanuelle Béart, a été dévoilé. Parmi eux, quelques films qui m’ont déjà tapé dans l’œil et que j’attends avec impatience. En espérant qu’ils ne seront pas de nouveaux Messengers restant sur le bas côté des salles hexagonales, les voici succintement présentés :

- Abel, premier long-métrage de l’acteur mexicain Diego Luna, qui a été salué par la presse lors de son passage à Cannes en mai dernier. Un gamin qui ne parle pas se met à causer et prend la tête de sa famille quand son père se barre.

- Buried, un film concept (un homme est kidnappé en Irak et se réveille enterré vivant dans un cercueil) qui fait le buzz sur la toile depuis son passage à Sundance en début d’année.

- Cyrus, la comédie indépendante qui fait son petit trou au box-office américain cet été, par les frères Duplass, avec John C. Reilly en homme nouant une relation avec une femme (Marisa Tomei) dont le grand fils (Jonah Hill) est envahissant.

- Holy Rollers (Jewish Connection), l’histoire d’un jeune juif new-yorkais qui, dans les années 90, se laisse embarquer dans un trafic d’ecstasy. Avec Jesse Eisenberg, dont on parlera certainement beaucoup cet automne grâce à The Social Network de David Fincher.

- Mother and child, un drame sur la maternité et l’abandon avec Naomi Watts, Samuel L. Jackson, Annette Bening et David Morse (pas le film qui m’excite le plus dans la sélection…).

- The Dry Land, un drame sur le difficile retour au pays pour un soldat américain ayant combattu en Irak. Un premier long passé par Sundance.

- The Joneses (La famille Jones), une comédie sur une fausse famille poussant leurs voisins à la consommation, avec dans les rôles du faux papa et de la fausse maman, David Duchovny et Demi Moore.

- The Myth of the American Sleepover, probablement mon film le plus attendu de la selection, une radiographie de la jeunesse américaine passée par la Semaine de la Critique à Cannes (que je n’avais maleheureusement pu voir lorsqu’il était passé par la Cinémathèque en juin).

- Two gates of sleep, un autre film indépendant américain passé par Cannes, que j’ai vu au Forum des Images il y a quelques semaines et dont j’ai déjà parlé ici.

- Welcome to the Rileys, le deuxième long du fils de Ridley Scott, Jake, plus de 10 ans après son premier, Guns 1748. Avec James Gandolfini dans le premier rôle, celui d’un père de famille se prenant d’affection pour une jeune stripteaseuse interprétée par Kristen Stewart.

- Winter’s Bone, le Grand Prix du Festival de Sundance 2010, une fille partant à la recherche de son père fraîchement sorti de taule.

vendredi 23 juillet 2010

Guide du cinémaniaque parisien


Il y a quelques jours, je me suis rendu à la Cinémathèque à l’occasion de la rétrospective Akira Kurosawa. Si l’on excepte les films repris de la Semaine de la Critique que j’étais allé voir début juin, voilà plusieurs mois que je n’avais pas mis les pieds dans ce haut lieu de la cinéphilie parisienne. Et ce qui m’avait le plus manqué de la Cinémathèque, c’était ses cinémaniaques. Connaissez-vous des cinémaniaques ? En croisez-vous de-ci de-là dans les salles obscures ? Voilà des années maintenant que j’en côtoie, ne serait-ce que de loin, et lorsque j’ai commencé ce blog, je me suis vite dit « Un de ces quatre, il faudra que je parle des cinémaniaques… ». Mon retour à la cinémathèque m’a rappelé à cette promesse, et il est temps que j’ouvre donc le chapitre « cinémaniaques ». Ce chapitre, je l’ai déjà entrouvert dans certains billets, dans lesquels j’en mentionnais certains. Mais il leur faut un billet à eux.

Tout d’abord, c’est quoi, un cinémaniaque ? Le terme n’est pas du tout officiel. Je l’emprunte à un documentaire fascinant que j’ai vu il y a plusieurs années sur Arte (la bande-annonce pour les curieux). On y suivait une poignée de new-yorkais dont la vie était construite autour de leur cinéphilie aigüe. Ils ne travaillaient pas, ou très peu, car leurs journées, toutes leurs journées, étaient dévolues aux salles de cinéma de New York. Inlassablement, ils repéraient dans les programmes de la ville les meilleurs films à l’affiche. Ils étaient connus de tous les employés de tous les cinémas de la ville. Ils avaient leurs habitudes, leurs manies. Le documentaire les appelait des cinémaniaques, et j’ai depuis adopté le terme.

Bien sûr, New York n’a pas l’apanage de la population cinémaniaque. Paris, capitale mondiale de la cinéphilie, peut se targuer d’une communauté probablement plus grande encore. Pensez donc à tous ces cinémas que compte la capitale française. Tous ces multiplexes, toutes ces salles art & essai, cette cinémathèque, ce Forum des Images, tous ces lieux qui font de Paris la ville offrant la programmation la plus riche de films, qu’ils soient récents ou anciens. Ces salles je les fréquente moi-même régulièrement, plusieurs fois chaque semaine, tous les types de salles pour tous les genres de films, et croyez-moi qu’au cours de mes expéditions dans les salles obscures, j’en ai vite repéré, des cinémaniaques.

Soyons honnête, vous avez peu de chance d’en croiser si vous allez voir Twilight dans un Gaumont ou UGC des Champs-Élysées (les cinémaniaques sont rarement des adolescentes fans de Robert Pattinson, il faut le reconnaître…). La Cinémathèque Française reste le temple des cinémaniaques, leur second foyer. Elle l’était lorsqu’elle était installée sur les Grands Boulevards et à Chaillot, elle l’est toujours à Bercy. Tous ces vieux films qui y passent sont les cibles préférées des cinémaniaques. Mais il n’y a pas que là qu’on les croise. Les films exclusifs, en festivals notamment, sont également des valeurs sûres, leur buzz entraînant inlassablement les plus curieux et assidus. Et bien sûr il n’est jamais exclu d’en croiser dans une salle programmant un film nouvellement à l’affiche, aux Halles, à Bibliothèque ou ailleurs, au milieu des spectateurs « lambdas ».

Ces cinémaniaques, je les connais de vue. Et ne sachant comment ils s’appellent, j’en ai baptisés certains de surnoms sommaires.
Le premier d’entre eux a été « le vieux barbu ». Celui-là, c’est presque toujours à l’UGC Ciné Cité Les Halles que je le croise. Depuis des années, c’est mon cinéma de prédilection, dans lequel je me pose plusieurs fois par semaine, et il se passe rarement plus d’un mois ou deux sans que je le croise, le vieux barbu. La soixantaine, grosse barbe grisonnante, habillé en jean / t-shirt, celui-ci s’installe systématiquement au premier rang, le plus au centre possible. Discret, venant toujours seul, je l’aperçois aussi de temps en temps en festivals ou lors d’avant-premières. Aux Halles, il connaît presque tous les employés, avec lesquels il discute invariablement des films qu’il voit.

Aux Halles, je croise aussi régulièrement « l’homme qui rit ». Celui-là, la discrétion ne fait pas partie de sa panoplie, au contraire. D’ailleurs si cela m’amuse toujours de le voir faire la queue pour le même film que moi, je m’en inquiète toujours vite. Car bien sûr, si je l’appelle l’homme qui rit, ce n’est pas seulement parce que le bonhomme a le rire facile (sinon, moi aussi je mériterais ce surnom), mais surtout parce qu’il a un rire strident rappelant… une sinistre sorcière (si si). Je me souviens encore des premières fois où j’ai entendu ce rire retentir, un rire faisant réagir en général toute la salle. Il m’a fallu plusieurs films partagés en sa compagnie pour que je puisse le distinguer dans la salle, que je mette enfin un visage sur ce rire. Depuis, je l’ai côtoyé de nombreuses fois.

Je me souviens de le voir s’asseoir à deux places de moi, sur le même rang, pour l’horripilant Non ma fille tu n’iras pas danser, me plongeant ainsi dans un petit état de panique (« Nooooon, il va me gâcher le film avec son rire » ne sachant pas encore que je n’aimerais pas le film), avant qu’il décide que c’était une mauvaise place et qu’il descende (ouf !) deux rangs plus bas. Je me souviens aussi de cette fois (quel film était-ce ?), ou il avait tellement hésité sur la place à prendre dans la salle, changeant, se relevant, tournant tout autour pour repérer la place parfaite, qu’il dû se résoudre à se poser au second rang, par dépit, car la salle s’était entretemps remplie.

Mais l’homme qui rit n’est pas le seul cinémaniaque perturbateur. Il y a aussi « la vieille du Publicis ». Vous l’aurez deviné, elle a passé la soixantaine et c’est au Publicis que je la croise tout le temps. J’exagère lorsque j’emploie l’expression « tout le temps », car je ne l’ai pas croisé tant que ça, mais elle m’a à chaque fois fait forte impression. Calée dans les premiers rangs (non loin de moi donc, qui suis un adepte du quatrième ou cinquième rang en fonction des salles), elle se met presque complètement sur le côté… et parle. D’où je suis, cela ressemble plus à des marmonnements, mais à n’en pas douter, elle parle. Elle commente le film en même temps qu’elle le regarde. Ca peut énerver. La dernière fois que je l’ai vue, c’était récemment, à une projection du film d’aventures Centurion, pendant lequel elle riait allègrement, et avait beaucoup de choses à dire sur la façon de faire des hommes de la Légion de Rome.

Je préfère décidément les cinémaniaques discrets qui ne risquent pas de me déranger pendant que je suis dans mon film. « L’homme au chronomètre » par exemple. Celui-là, c’est un vrai de vrai, que je croise aussi bien à la Cinémathèque pour les rétros que dans les UGC pour les nouveautés. La première fois que je l’ai vu, si mes souvenirs sont bons, c’était à l’UGC George V, il y a quelques années de ça. Je ne sais plus pour quel film, mais toujours est-il qu’on en était au générique de fin. J’ai l’habitude de rester jusqu’au bout du générique, et alors que je me retourne pour voir s’il reste du monde dans la salle, je remarque cet homme le rang derrière moi, sur le côté. Il est debout, sac à dos en place, scrutant le générique quasi terminé. Je remarque qu’il tient fermement dans sa main un chronomètre passé autour de son cou. Je l’observe arrêter son chronomètre pile au moment où le générique se termine et que la salle se rallume. Il écrit alors la durée du film dans un petit carnet.

A l’heure d’Internet où l’on peut savoir sur des centaines de sites quelle est la durée exacte d’un film, l’anecdote m’a amusé. L’homme au chronomètre est devenu un familier de mes sorties cinéphiles. Je le croise régulièrement, fidèle à son chronomètre qui toujours est activé lorsque le film commence et arrêté lorsque les lumières se rallument. Depuis, j’ai aussi remarqué que le carnet dans lequel il note la durée du film lui sert de bloc note. Je ne saurais dire pour le moment s’il s’en sert également pendant le film, mais une fois le film fini, lorsque je me tourne vers lui, je le vois griffonner frénétiquement sur son carnet.

Ce qui m’amène à mon cinémaniaque préféré. Le plus étrange et insaisissable. « L’homme aux sacs plastiques ». Celui-là, il me fascine. La Cinémathèque est son terrain de jeu. Lorsqu’au début de ce billet, je disais avoir vu des cinémaniaques rue de Bercy le week-end dernier, il s’agissait de l’homme au chronomètre et de l’homme aux sacs plastiques. J’aurais bien du mal à donner un âge à ce dernier. Si tous ceux que j’ai jusqu’ici cité ont plus de 45 ans, celui-ci est plus jeune. Les premiers temps où je l’ai repéré, je pensais qu’il n’avait pas plus de 30 ans. Probablement parce que je ne l’avais pas vu de près, car je pense depuis qu’il a plus (même si son look ne permet pas de l’affirmer…). Avec lui, on se croit toute l’année en été. Je me souviens l’avoir vu en hiver attendre devant l’Élysée Lincoln, dans le froid, en T-Shirt et espadrilles. La passion des films doit lui tenir chaud. Ses espadrilles ne semblent jamais le quitter, tout comme les innombrables sacs en plastiques qu’il trimballe avec lui et qui m’ont poussé à l’appeler ainsi.

L’homme aux sacs plastiques a sa place préférée dans la salle… par terre. Longtemps j’ai cru qu’il était un adepte du premier rang où il s’enfonçait profondément dans son siège car je ne voyais jamais sa tête qui dépassait. Puis un jour j’ai découvert que non, c’est en fait assis à même le sol qu’il s’installe, le dos appuyé contre le siège du premier rang, à l’extrémité droite de la salle. Il regarde les films du sol, presque sous l’écran, comme à la grande époque de la Cinémathèque racontée par Bertolucci dans Dreamers, lorsque les spectateurs les plus assidus s’asseyaient par terre juste devant l’écran pour être les premiers à capter les images s’échappant de l’écran. Nostalgique de cette époque qu’il n’a probablement pas connue vu son âge. Et à la fin du film, il est le dernier à quitter la salle, dialoguant souvent à bâtons rompus avec un pote cinéphile, du film en question ou d’un autre, lâchant des infos et des commentaires avec son accent fleurant le sud, regardant dans le vague avec son air débraillé.

Ils sont comme ça les cinémaniaques. Absorbés. C’est pour ça que j’ai une affection particulière pour eux. Parce je me suis toujours un peu reconnu en eux, surtout depuis le documentaire vu sur Arte à l’époque. Je les regarde amusé en me disant au fond de moi que je suis un peu comme eux. Moi aussi je trimballe toujours mon sac avec ma bouteille d’eau. Moi aussi je reste jusqu’à la dernière seconde du générique. Moi aussi on m’a déjà fait des remarques sur mon rire pendant un film. Moi aussi, je choisis précisément ma place dans la salle. Même si je me dis que je ne suis pas atteint de cinémaniaquerie au même degré qu’eux, je les reconnais, et je les aime bien, ces cinéphiles jusqu’au-boutistes. On doit tous avoir un peu de ça en nous, non ?

mercredi 21 juillet 2010

Un été au Publicis

Au risque de me répéter, le Publicis est l’un des trésors les mieux gardés de Paris. Un cinéma unique dans la capitale tant par sa programmation que par ses caractéristiques intrinsèques de salle. C’est le cinéma des sorties techniques, ces films distribués dans une poignée de salles en France, comédies américaines, films de genre, animation japonaise… En général ce sont des films dont le public ciblé est plutôt constitué de cinégeeks ayant la vingtaine ou la trentaine, des mecs (et quelques filles) fans de Will Ferrell, de science-fiction et de tout ce qui vient du continent asiatique.

C’est ça, le Publicis, dans des conditions optimales. Sièges confortables, deux vastes salles à écrans larges, et (ce qui est la bénédiction du Publicis tout autant que sa malédiction) il y a toujours de la place ! Qu’il vente, qu’il neige, ou qu’un soleil de plomb pèse sur la capitale, le Publicis n’affiche jamais complet. Je ne l’ai en tout cas jamais vu complet pour ma part, même il y a quelques années lorsque j’y avais vu en avant-première, de longs mois avant leurs sorties respectives, A bittersweet life de Kim Ji-Woon et The jacket de John Maybury. Tant et si bien que je crains souvent qu’un jour ou l’autre ce cinéma cher à mes habitudes cinéphiles ne se trouve obligé de fermer boutique, d’où ma grande satisfaction chaque fois que je vois que le public se déplace plus nombreux que d’habitude pour venir y voir un film.

Pour ma part, je sais déjà que je vais passer une partie de l’été à naviguer entre les deux salles du cinéma des Champs-Élysées. Je m’y suis déjà rendu à trois reprises depuis le début de l’été. La première fois, c’était pour la sympathique comédie Trop belle !, la comédie type à passer en exclusivité au Publicis. Puis j’y ai vu l’aventure épique Centurion retraçant le funeste destin d’une légion romaine mystérieusement disparue dans ce qui deviendrait quelques siècles plus tard la Grande-Bretagne. Pas l’épopée de l’année, mais un film appréciable dans le genre.

Enfin ce week-end, après de nombreux films successifs dans la salle 2 (la plus petite des deux, où j’ai vu les deux films précédemment cités, plus notamment My Name is Khan et The Crazies), j’ai enfin remis les pieds dans la magnifique salle 1 pour une nouvelle sortie technique, Repo Men. Un film de science-fiction cette fois, prenant pour cadre une société futuriste dans laquelle une entreprise (The Union) a la mainmise sur un marché juteux : la greffe d’organes artificiels. Les protagonistes, les « repo men », sont une brigade attachée à l’entreprise chargée de récupérer les organes greffés lorsque les clients ne sont plus en mesure de payer leurs traites. Et par « récupérer les organes », il faut comprendre, « ils débarquent au milieu de la nuit chez vous, vous ouvrent le bide et vous laissent crever sur place ». Ce genre de petite attention tendre.

Le film est incroyablement violent et sanglant, tombant même un peu trop facilement dans la violence gratuite. Les personnages, campés par Jude Law, Forest Whitaker et Liev Schreiber, manquent d’épaisseur. En revanche, le film bénéficie d’un twist final déconcertant et excitant qui rehausse nettement la qualité globale de l’œuvre.

Voilà pour mon début d’été. Mais ça ne fait que commencer. Car dans les semaines à venir, le Publicis risque de rester un de mes lieux de cinéphilie de prédilection, avec dans un premier temps, en août, le Festival CineMADness offrant notamment un indépendant américain inédit qui me fait très envie (Wristcutters), avant que le cinéma n’enchaîne Tell Tale de Michael Cuesta, Gentlemen Broncos de Jared Haress (réalisateur des cultes Napoleon Dynamite et Super Nacho), et enfin juste avant la rentrée American Trip (Get him to the Greek), le spin off de l’excellent Sans Sarah rien ne va !
Gardez-moi une place au cinquième rang pour tous ces films, j’arrive !

lundi 19 juillet 2010

Toy Story s'offre de la grandeur


Les Toy Story n’ont jamais été mes Pixar préférés. J’ai parfois l’impression que c’est faire la fine bouche que de dire que le long-métrage précurseur du studio d’animation et sa suite étaient pour moi des crus mineurs, révolutionnaires visuellement mais moins entraînants pour ce qui est de l’écriture. Woody, Buzz et leurs compagnons d’aventures en plastique m’ont toujours laissé plus indifférent que Némo, Rémy ou Carl Fredricksen.

Dimanche, en regardant Toy Story 3 sur grand écran, j’ai pensé pendant une bonne partie du film qu’effectivement, la troisième aventure était excellente, comme toujours avec Pixar, mais qu’elle ne m’interpelait toujours pas autant que la plupart des autres films du studio. Jusqu’à ce que je me rende compte que j’avais tort. Jusqu’à ce déclic actionné en moi, ce cheminement long mais tout à coup évident de ce qu’avait à nous raconter cette histoire de jouets. C’est à peu de choses près la dernière demi-heure du film. Celle qui donne à un film toute sa grandeur. Celle qui donne à une saga, puisque c’en est une, toute son ampleur. Toute sa raison d’être.

Toy Story 3 m’a ému sans que je m’y attende. En observant le passage à l’âge adulte. En exprimant le désir de transmission d’une génération à l’autre. En tournant la page. Je me fais infiniment peu loquace dans ces lignes, car il n’y a de meilleur moyen d’exprimer les sentiments qui nous étreignent à la fin de Toy Story 3 qu’en les vivant. Le dernier acte du long-métrage a la puissance émotionnelle de l’ouverture de Là-haut ou du flash back inattendu d’Anton Ego dans Ratatouille. C’est tout ce qu’il y a à savoir.

samedi 17 juillet 2010

The Last Day, quand un film en cache un autre...



Vendre un film, c’est mentir. Ca peut l’être, tout du moins, pour un distributeur ou un éditeur de DVD qui choisit de faire passer un film pour ce qu’il n’est pas forcément, espérant le rendre ainsi plus attirant aux yeux des spectateurs. Mettre l’accent sur les trois bonnes blagues d’un film pour faire croire que c’est une comédie hilarante, mettre le nom d’un acteur en haut de l’affiche alors qu’il n’a que deux scènes à l’écran… Les techniques de marketing pour pousser monsieur ou madame tout le monde à adhérer au produit que l’on vend n’ont pas de limites. Ce point de vue est plus criant que jamais ces jours-ci.

Il y a quelques jours, je suis tombé sur une affiche étalée sur un kiosque à journaux vantant la sortie en DVD d’un film intitulé The Last Day. Le visuel ? Une ville attaquée par les eaux. L’accroche ? « Après 2012 et Le Jour d’Après ». Si ça, ça ne sent pas le gros film apocalyptique hollywoodien réalisé, ou au moins produit, par Roland Emmerich, c’est que je ne connais pas bien mon abécédaire de film de fin du monde… Après tout, le titre est le premier indice, The Last Day, le dernier jour.

M’enfin c’est bizarre quand même… ça ne me dit absolument rien, un film apocalyptique américain de ce titre. Une seule solution, aller voir la bande-annonce sur Internet. En deux clics, je trouve la vidéo promo de la sortie du DVD, avec ça, j’en saurai plus sur ce blockbuster. La bande-annonce en question confirme l’angle de l’affiche et vend clairement un gros film relatant la fin du monde, nous en mettant plein la vue non stop avec des scènes d’apocalypse semblant prises un peu partout dans le monde. Mais pour moi, c’est la surprise.

Avant de regarder la vidéo je pensais tomber sur une production direct-to-dvd américaine standard avec dans les rôles principaux, au choix Lorenzo Lamas ou Casper Van Dien. Quelle ne fut pas ma surprise donc de reconnaître rapidement le film dévoilé par la bande-annonce française. J’étais à côté de la plaque. Je me suis laissé berner par la plus flagrante tromperie marketing pour vendre un film pour ce qu’il n’est pas. Car The Last Day n’est pas un film apocalyptique nous contant une possible fin du monde comme 2012 ou Le jour d’après, film avec lesquels il n’a aucune filiation. The Last Day n’est en fait même pas un film hollywoodien… que dis-je, même pas américain.

The Last Day est un film… coréen. Et si je l’ai reconnu si facilement, c’est parce que l’été dernier, en août 2009, j’ai fait partie des 10 millions de personnes à l’avoir vu dans les salles coréennes. Ce film, c’est bien Haeundae, le plus gros succès du box-office sud-coréen en 2009 (avant qu’Avatar ne sorte), dont je vous avais parlé ici même il y a près d’un an. Or Haeundae, pardon, The Last Day, n’est pas un film apocalyptique. Non, point de danger de fin du monde. Certes il s’agit bien d’un film catastrophe, mais tout à fait local, un tsunami à Pusan, la deuxième ville de Corée du Sud et première station balnéaire du pays. Ce que la bande-annonce omet également de préciser, et qui surprendra tous les français qui achèteront le film en DVD, c’est qu’avant d’être un film catastrophe, Haeundae / The Last Day est… une comédie. Une bonne grosse comédie avec des personnages clownesques à souhait, avant que le tsunami ne déferle avec moult effets spéciaux, ceux-là même que l’on voit dans la bande-annonce française. Et même à ce moment-là, le film ne se dépare pas totalement de son humour parodique.

Loin de moi l’idée d’essayer d’enrayer les ventes du film, car il faut l’avouer, Haeundae m’avait franchement diverti et amusé, surtout sur grand écran. Ceci n’est qu’un avertissement aux amateurs de fin du monde à la Roland Emmerich. Attention, The Last Day risque de vous surprendre. Mais vous rirez, c’est certain, même si l’équipe marketing de Wild Side veut vous laisser croire que le frisson primera sur tout (ne leur dites pas que je vous l’ai dit)…

vendredi 16 juillet 2010

Dustland, un court en cavale

Les blogs ciné ne parlent pas assez des courts-métrages, ces petites choses qui bien souvent restent tapies dans l’ombre mais permettent de découvrir les créations de cinéastes jeunes (ou moins jeunes !) pouvant, qui sait, devenir les cinéastes majeurs de demain. Ayant vécu une partie de ma vie à Pantin en Seine Saint-Denis, le court métrage, je connais. Le Ciné 104, le cinéma local, organise chaque année un des plus grands festivals de courts-métrage de France, Côté Court (dont j’ai même fait partie du Jury Jeunes il y a quelques années… excellent souvenir).

Récemment j’ai assisté à la projection d’un court-métrage d’une jeune diplômée de l’ESRA. Bon je ne vous cacherai pas que c’est une amie, mais ne croyez pas que cela fasse des lignes qui vont suivre un quelconque éloge subjectif. Elle serait la première à m’en vouloir de noircir des lignes qui ne transpirent pas la sincérité. Alors n’ayez crainte, ce que je dirai de Dustland, le court-métrage en question, n’a rien de moins objectif que si je n’avais jamais rencontré Leah Marciano (la réalisatrice). Ca va se voir, d’ailleurs, mais autant le signaler.

De quoi ça cause alors, Dustland ? D’une poignée de personnages qui par un concours de circonstances, vont voir leurs chemins se croiser près de la frontière suisse. Il y a un couple de musiciens et leur manager devant donner le soir même un concert ; une jeune fille fan de ce groupe cherchant à se rendre au concert en faisant du stop ; un vieil homme transportant les cendres de sa défunte épouse ; un jeune routard à vélo vagabondant dans les environs. Et il y a Ellen et Jim. Ellen l’infirmière amoureuse de Jim le patient, qu’elle a fait évader de l’hôpital psychiatrique. A cause d’eux, la région est bouclée. A cause d’eux, tous vont se retrouver ensemble, le temps d’une soirée, dans une ferme locale.

Un film choral pour un court-métrage, c’est audacieux, et risqué. Lorsque j’ai vu tous ces personnages apparaître les uns après les autres avec la promesse qu’ils se télescopent, j’ai eu un peu peur. Je n’ai rien contre les films à personnages (principaux) multiples, mais je trouve déjà qu’1h30 est souvent trop peu pour un tel choix narratif, alors une petite demi-heure pour une bonne demi-douzaine de personnages, le risque de ne faire que les effleurer est grand. La qualité de Dustland, étonnamment, est de ne pas vouloir trop en faire et de ne pas se donner plus d’ambition qu’il n’est possible pour cette tâche ardue.

Finalement, les personnages ne s’éloignent pas des sentiers battus, du veuf attendrissant aux deux personnages solitaires se rapprochant inexorablement, en passant par les musicos passionnés, il n’y a rien de bien surprenant dans la construction des personnages, un défaut qui devient une qualité lorsqu’il s’agit de faire tenir tant de personnages dans un court film. Du coup le problème vient d’ailleurs. De deux aspects du film. Le premier, c’est que, consciente ou non du danger de tous ces personnages pouvant amener beaucoup de dialogues, Leah Marciano choisit de se simplifier la tâche en laissant la musique parler à la place de ses protagonistes. Ce qui en soit n’est pas une mauvaise idée si ce choix est bien dosé, mais malheureusement pendant une bonne partie du film, la dose est mal calculée.

Je suis le premier à apprécier un film se laissant bercer d’une atmosphère mélancolique exprimée en musique, mais je suis également le premier à m’en agacer lorsqu’on en abuse (Cameron Crowe, c’est une des raisons pour lesquelles tu as foiré Rencontres à Elizabethtown !). Aussi bonne que puisse être la musique employée dans Dustland, elle est trop présente. Ce que je trouve regrettable, car lorsqu’elle délaisse son couple en cavale d’infirmière / patient qui jouent les nunuches à l’eau de rose en batifolant dans la paille (sérieux Leah, qu’est-ce qui t’est passé par la tête là ?), les dialogues savent se montrer justes et savoureux, particulièrement lorsqu’il s’agit d’apporter un zeste d’humour.

Allons, laisser la musique transcrire les mots et les émotions n’est pas une réponse absolue, il faut savoir s’en affranchir et prendre confiance dans son écriture. Lorsqu’elle aura dompté ce travers, et la naïveté suspecte de ses scènes d’amour, j’ai bon espoir que mademoiselle Marciano trouvera un langage cinématographique plein de promesses. La suite au prochain court-métrage…

jeudi 15 juillet 2010

Un drôle de Symbol pour saluer Paris Cinéma



Mon Paris Cinéma s’est achevé lundi soir avec un dernier inédit japonais. Après la déception Hana de la veille, je comptais bien laisser l’ennui de côté avec Symbol, le genre de film au pitch barré qui laisse penser en entrant dans la salle « Ca passe ou ça casse ». Le film avait été programmé à la précédente édition de Deauville Asia, le Festival du Film Asiatique de Deauville, au printemps dernier. Je me souvenais avoir lu le sujet du film en regrettant de ne pouvoir aller en Normandie voir le film tant il semblait sûr qu’avec un sujet pareil, il y avait peu de chances qu’il sorte un jour dans les salles françaises. Peut-être à l’Étrange Festival ?

Grâce à la mise à l’honneur du cinéma japonais à Paris Cinéma, il ne m’a pas été nécessaire d’attendre éventuellement l’Étrange Festival. Symbol était à Paris cette semaine, et je ne l’ai pas manqué. Mais de quoi ça parle donc, vous impatientez-vous (et si ce n’est pas le cas, faites semblant au moins, pour le fun…) ?

Tenez-vous bien ce film japonais commence… au Mexique. Sur une route poussiéreuse et désertique, une voiture avec au volant une bonne sœur clope au bec fonce à travers ce décor purement américain. S’il n’y avait eu l’apparition du titre à l’écran, on aurait pu croire à une erreur de salle. Mais non, c’est bien Symbol qui démarre dans cette famille populaire d’un bled mexicain, avec des grands-parents qui s’engueulent, un gamin rêveur, et un drôle de catcheur. D’ailleurs les retardataires entrés en salle après l’apparition du titre à l’écran semblent déboussolés une fois installés dans leurs sièges. L’un d’entre eux sort même avant de revenir moins d’une minute plus tard, s’étant sans doute vu confirmé par une ouvreuse que oui, ce catcheur mexicain est bien l’un des personnages de Symbol.

Puis, alors que l’on se demande comment le scénario va bien pouvoir nous amener au pitch décrit dans le programme, nous y voilà sans prévenir. Tout à coup, on passe de la bonne sœur mexicaine à une pièce immaculée dans laquelle se réveille un japonais en pyjama. Quelques dizaines de mètres carrés, quatre murs blancs semblant monter jusqu’au ciel… et une protubérance sur l’un des murs. Intrigué, notre homme appuie dessus… alors de petits chérubins, des anges de statue sortent en riant des murs, nus, avant de tous redevenir invisibles… sauf pour ce qui est de leurs parties génitales. Tout à coup, le japonais en pyjama se retrouve avec des centaines de petits pénis caoutchouteux ornant les murs blancs. Et très vite, il se rend compte qu’en pressant l’un de ses pénis, quelque chose sort des murs immaculés. A chaque pénis, un nouvel objet. Et la sortie, elle est où ?

Lorsque cet emprisonnement est lancé, on se dit que le prologue mexicain était un leurre incongru, un peu comme le « Pendant ce temps, à Vera Cruz » de La Cité de la Peur, une fantaisie narrative. Et puis finalement non. Alors qu’on ne s’y attend pas, le réalisateur Hitoshi Matsumoto revient à cette famille mexicaine. Le film va ainsi osciller tout du long entre le catcheur « Escargot Man » (oui oui) au Mexique et l’homme en pyjama dans sa pièce à bites. Cette coexistence narrative est des plus étranges, mais fonctionne parfaitement, aussi bizarre que cela puisse paraître. Ce petit film loufoque tient étonnamment bien la route pendant 1h10 ou 1h15. Sans surprise, le sel du film tient principalement à la partie enfermée dans cette pièce blanche. Le mérite en revient à des trouvailles scénaristiques souvent hilarantes pour faire évoluer le récit dans cette impasse apparente, avec les découvertes du prisonnier, et bientôt ses stratagèmes pour sortir de sa pièce blanche. Il règne dans ce pan du film un esprit manga tout à fait réjouissant.

Ce qui est peut-être le plus important dans la réussite de toute cette partie, ce qui fait tenir le film, c’est la performance d’acteur. Hitoshi Matsumoto lui-même campe ce drôle de type enfermé, et sa prestation est tout bonnement hallucinante. Précis et physique, l’acteur / réalisateur arrache les fous rires tout du long… de ces 1h15. Malheureusement, Symbol dure un peu plus d’1h30, et le film s’écroule peu ou prou dans son dernier acte, ne parvenant pas du tout à trouver la prolongation finale de tout ce qui fait le sel de ce qui a précédé. Matsumoto finit par tourner en rond et tomber dans une sorte de trip métaphysique peu inspirée.

J’aurais aimé finir mon Paris Cinéma 2010 sur une note finale enthousiasmante comme elle semblait pouvoir l’être avec Symbol. Dommage, cela s’est joué à 20 minutes près. Heureusement, pas de quoi me décourager de revenir l’année prochaine pour l’édition 2011 !

mardi 13 juillet 2010

Avec Hana, on s'ennuie ferme au temps des samourais !

Un inédit de 2006 réalisé par Kore-Eda Hirokazu dans le programme de Paris Cinéma ? Immanquable bien sûr ! Enfin, ça c’était avant de le voir, car le réalisateur japonais de ces incontournables que sont (entre autres) After Life, Nobody Knows, Still Walking ou le récemment sorti (et déjà malheureusement quasi invisible dans les salles alors qu’il est magnifique) Air Doll, nous a bien eu. Son film en costume planté dans le Japon du 18ème siècle m’a scotché de sommeil à mon siège dans la salle 12 du MK2 Bibliothèque.

Et pour le coup, il n’y a guère eu d’espoir : l’illusion est tombée presque immédiatement, car le cinéaste s’est englué dans son récit éclaté et difficile à suivre dans les premières minutes de Hana. Nous sommes au 18ème siècle, un temps de samouraïs et de vengeance. Ca tombe bien car de vengeance il en est beaucoup question dans Hana. Le problème c’est qu’on en parle énormément sans jamais l’accomplir, la vengeance, et très vite, on finit par s’emmêler les pinceaux, entre le jeune samouraï qui veut venger la mort de son père mais ne sait pas bien se battre et les vieux samouraïs qui campent dans le coin pour fomenter la vengeance de leur maître assassiné.

Il y a de l’humour, certes. De la tension oui. De la romance dans l’air ? Absolument ! Des personnages hauts en couleurs ? Oui, il y en a bien quelques uns. Tadanobu Asano fait même une apparition trop brève de trois scènes. Non, Kore-Eda Hirokazu n’a décidément rien oublié… sauf qu’en n’oubliant rien, il a tout foiré. Le réalisateur nippon semble tellement avoir à cœur de blinder son film de passages obligés, de sous-intrigues, de complots et de bavardages souvent inutiles, qu’il tisse en fin de compte un film très soporifique… qui (à l’aide !!) dure plus de deux heures (et croyez-moi, on a l’impression que cela dure même plus de trois heures…).

Heureusement que depuis sont venus Still Walking et Air Doll… sinon on jurerait que ce bon cinéaste file un mauvais coton. Allez, plus jamais ça, monsieur Kore-Eda !

lundi 12 juillet 2010

"Du silence et des ombres" ressort, et un désir s'accomplit.

Les grands romans sont des pièges. Non pour les lecteurs qui s’en délectent et se plongent dans ces univers sans images autres que celles des mots et des interprétations personnelles qui en découlent. Non. Le piège est pour les cinéastes, ou les scénaristes, ou les producteurs, ou tous à la fois, qui ne peuvent souvent résister à la tentation de porter à l’écran un livre qui les aura marqués autant que leurs concitoyens. Le piège c’est que chacun s’approprie un récit à sa lecture, et voir la retranscription de ce même récit d’un point de vue différent, en l’occurrence celui d’un cinéaste, à travers un film, s’avère bien (trop) souvent décevant.

Combien de fois, un grand film nait d’un grand roman ? Pas tant que ça. Ce qui n’empêchera pas le cinéma de continuer à porter à l’écran les ouvrages marquant de leur époque, et les spectateurs de faire les curieux pour voir ce qu’ « ils » ont tiré de leur livre adoré. Combien de fois me suis-je laissé piéger, de Dune adapté de Frank Herbert par David Lynch à La route adapté de Philip Roth par John Hillcoat ? (alors que pendant ce temps, Clint Eastwood est capable de tirer un chef d’œuvre cinématographique d’un roman de gare, Sur la route de Madison… sacré Clint…)

Ces déboires confrontant le lecteur et le cinéphile qui sont en moi m’ont enseigné deux choses. Premièrement qu’un grand livre ne donne pas forcément un grand film, loin de là (et qu’un petit livre peut donner un grand film, hein Clint !). Deuxièmement qu’il ne faut pas voir un film juste après avoir lu le livre dont il est l’adaptation ciné (« pas tout de suite » signifiant pas dans l’année qui suit, si possible…). La précipitation ne donne jamais rien de bon (je repense à toi, satané Dune de David Lynch !!). C’est grâce à ce dernier précepte que j’ai attendu avant de voir Du silence et des ombres de Robert Mulligan.

Le film triplement Oscarisé de 1962, j’en avais entendu parler depuis des années sans jamais l’avoir vu. Cela faisait partie de ces classiques qu’il faudrait bien qu’un jour ou l’autre je vois. Mon ami Michael qui voue un culte féroce à Cameron Crowe (je sais, je sais… mais il a fait de bons films avant Vanilla Sky et Rencontres à Elizabethtown) m’en avait parlé le premier en me révélant qu’il s’agissait là d’un des films préférés de Crowe.

Un jour, il y a trois ou quatre ans, j’achetai un peu par hasard « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » de Harper Lee, justement le roman dont est adapté Du silence et des ombres. Lorsque je le lus, je découvris une œuvre incroyablement fine, un regard juste sur l’enfance, sur la ségrégation dans le sud des États-Unis. Un portrait drôle, touchant, attachant de l’Amérique profonde du début du 20ème siècle. Un grand roman. Un très grand roman (lisez-le vite si ce n’est déjà fait !!). Bien sûr, après l’avoir vu, l’envie de voir Du silence et des ombres m’assaillit vite. Mais les expériences passées (pfffff… ça y est, je repense à Dune, bon sang !) m’ont réfréné, et je me suis promis de patienter avant de regarder le film de Mulligan.

Les mois se sont écoulés, devenus années, et voici qu’inopinément, Du silence et des ombres est ressorti en salles le 7 juillet dernier en copie restaurée. Le temps s’était suffisamment écoulé pour que je me penche sur le film. Je me suis donc rendu dans la salle Langlois du Grand Action (qui aurait été parfaite avec de meilleurs sièges, il faut l’avouer), qui fut notamment le théâtre, il y a quelques années, de mon premier visionnage (en copie neuve à l’époque) de Rio Bravo de Howard Hawks. Aaaaaah, quel souvenir !

Ce qui me frappe dans Du silence et des ombres (oui, revenons à nos moutons…), c’est d’abord le titre. A l’époque le titre français ne s’était pas aligné sur le beau titre du roman, ce qui donne cet étrange « Du silence et des ombres », qui se rapporte autant au fond du film qu’à sa forme. Pour ceux qui auraient encore à découvrir le roman et le film, un éclaircissement scénaristique : Atticus Finch est avocat dans une petite ville d’Alabama au début du 20ème siècle. Il est également veuf, et doit s’occuper de ses deux garnements d’enfants, Scout et son grand frère Jem, qui n’aiment rien tant que traîner dans le quartier en espionnant le voisinage.
Atticus est un homme droit et juste, et lorsque le juge du comté lui annonce qu’il cherche un avocat pour défendre un homme noir accusé d’avoir violé et battu un jeune femme blanche, Atticus accepte. Plus que cela même, car Atticus va vite croire son client innocent et tout faire pour lui éviter la condamnation, tout en inculquant à ses enfants les valeurs qui sont les siennes.

Le roman d’Harper Lee, sorti en 1960, était un grand roman engagé contre la ségrégation raciale qui minait toujours amplement son pays à l’époque. Le tour de force du film de Robert Mulligan, c’est qu’il ne se contente pas d’être fidèle à l’écrit et de filmer ce qu’Harper Lee avait si bien décrit. Il donne vie au film avec un sens du décor et de la mise en scène palpables. La tendresse transparaît tout autant que l’inquiétude. Les décors sont aussi soigneux que la musique apporte un véritable souffle, tantôt joyeux, tantôt frissonnant.

Il parvient même à conserver, même si dans une moindre mesure, ce qui faisait la force et l’originalité du roman : raconter cette histoire du point de vue des enfants, et particulièrement de la jeune Scout. C’est la candeur d’un point de vue enfantin qui donne toute sa force à ce récit révoltant prônant l’égalité alors que celle-ci n’était pas franchement bien vue à l’époque. Il est impossible, également, de ne pas souligner l’interprétation remarquable de Gregory Peck, qui décrocha l’Oscar du Meilleur acteur pour ce rôle de père avocat. Face à lui, dans un rôle court mais déterminant, Robert Duvall, jeune et blond, faisait ses débuts d’acteur.

Du silence et des ombres a été tourné rapidement après la sortie de « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » (deux ans seulement). Je ne sais ce que j’en aurais pensé si j’avais manqué de recul. Aurais-je été séduit par ce noir et blanc jouant la carte de l’atmosphère au diapason de la musique d'Elmer Bernstein (c’est plutôt la musique qui est au diapason de l’image…) ? Je suis bien content d’être incapable de répondre à cette question, et de ne garder avec moi que la joie d’avoir enfin vu ce film qui me tournait autour depuis un certain temps. Et de n’avoir aucunement été déçu. Tiens, et si je redonnais une chance à Dune, moi ?

dimanche 11 juillet 2010

The Housemaid, le cinéma coréen se remake en avant-première

Il est des films à propos desquels les débats passionnés sont recherchés et désirés, ces conversations à bâtons rompus qui animent si souvent les échanges entre amateurs de films. Des films qui abasourdissent, des films qui choquent, des films qui émeuvent, des films qui agacent. Des films qui ne laissent pas indifférents. Im sang Soo a déjà signé de tels films, que ce soit son évocation claustrophobe de l’assassinat du Président Park Chung-Hee dans The President’s Last Bang ou son adaptation du célèbre roman Le Vieux Jardin.

En s’attelant à un remake d’un classique du cinéma coréen vieux de 50 ans, on pouvait légitimement attendre de lui un film remuant avec force les avis cinéphiles. Présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, The Housemaid n’a pourtant pas déchaîné les passions, qu’elles soient positives ou négatives, de la part des festivaliers, critiques ou professionnels. Le gastronome en cinéma coréen que je suis ne pouvait pas pour autant rater l’occasion de voir le film d’Im Sang Soo plus de deux mois avant sa sortie en salles à la rentrée prochaine.

Paris Cinéma a fait fort cette année en programmant dans les avant-premières la plupart des films primés sur la croisette en mai, de la Palme d’Apichatpong Weerasethakul au Grand Prix de Xavier Beauvois en passant par le Prix du Scénario de Lee Chang Dong. The Housemaid a beau n’avoir pas été récompensé, la manifestation parisienne a tout de même programmé le film au MK2 Bibliothèque. Projection à laquelle j’ai assisté en compagnie de la plupart des amateurs de cinéma coréen de la place parisienne, et d’une flopée de coréens résidents dans la capitale française.

Sans grande attente, on ne peut pas parler de déception. Peut-être Im Sang Soo aurait-il signé une œuvre plus intéressante sur le sujet de l’asservissement et des relations maître / esclave au sein de la société contemporaine s’il ne s’était pas attaché à un remake, mais plutôt à une vraie création. Son Housemaid se trouve tel quel un peu bancal. Rappel pour ceux qui ne connaitraient pas le sujet, il s’agit d’une jeune femme rentrant au service d’une riche famille comme gouvernante et nounou. La famille en question est un jeune couple (riche bien sûr) déjà parents d’une petite fille ravissante et attendant des jumeaux pour très bientôt. Rapidement, notre servante va entamer une liaison avec le maître de maison.

En sortant de la salle, je me sentais mitigé à propos de The Housemaid, et plus de 24 heures plus tard, cela n’a pas changé. Il y a toujours de belles choses dans le film d’Im Sang Soo, une mise en scène glacée notamment, mais le scénario manque de tenue, à chaque fois que l’on croit qu’Im tient quelque chose, il n’exploite pas et tente autre chose, ailleurs avec ses personnages. Le sujet est fort, mais il s’oriente dans l’attendu, un attendu qui le pousse parfois au n’importe quoi (le dénouement en est la parfaite illustration).

C’est dommage, car la scène d’ouverture – qui scénaristiquement n’a pas grande utilité mais ça ce n’est pas grave – était une mise en bouche particulièrement alléchante, sorte de prise de pouls de la ville coréenne la nuit, laissant augurer de quelque chose qui ne viendra jamais. Il y a aussi ce personnage de la gouvernante en chef de la maison, cette ajuma sexagénaire qui guide l’héroïne dans la maison de ses nouveaux maîtres. C’est le personnage le plus réussi du film, le mieux écrit, dont l’ambiguïté a un vrai sens, dont les atermoiements sont tout à fait palpables, et qui offre à son interprète Yoon Yeo-Jeong l’occasion de faire montre d’un grand talent (la comédienne était également à l’affiche à Cannes cette année de l’hilarant Ha Ha Ha de Hong Sang-Soo).

Certains se satisferont peut-être de découvrir la jolie Jeon Do-Yeon (Prix d’interprétation à Cannes il y a trois ans pour Secret Sunshine) dans un rôle fort peu habillé, et si je ne fait pas la fine bouche moi-même, j’aurais tout de même préféré sortir de la salle convaincu par le film.

vendredi 9 juillet 2010

Un aperçu asiatique de la compétition de Paris Cinéma...

Les années où le pays mis à l’honneur à Paris Cinéma ne me botte pas des masses, j’attache une attention toute particulière aux films de la compétition. Des films indépendants d’horizons variés, qui côtoient les avant-premières cannoises vers lesquels nous sommes tous un peu attirés. Chaque année est l’occasion de fureter et découvrir de beaux petits films (Aaaaaah, Old Joy de Kelly Reichardt, il y a quelques années…). Cette année, avec tous ces films japonais mis en avant qui me tendent les bras, je n’ai pas assez de temps pour me pencher avec autant de soin que je le voudrais sur les films en compétition.

Je n’ai le temps que pour deux d’entre eux, en fait, et ces deux films je les ai vus l’un après l’autre mercredi soir. Le croirez-vous, l’un est japonais, l’autre coréen ! Le premier s’intitule Sawako Decides et est réalisé par le jeune cinéaste Yuya Ishii (qui présentait également un deuxième film au festival, dans le cadre du focus sur le nouveau cinéma japonais, To walk beside you). Pour être rapide et caricatural, on pourrait appeler le film une comédie sociale féministe. La Sawako du titre a fui cinq ans plus tôt son patelin natal pour Tokyo, où elle n’a jamais su garder un mec, et n’a pas trouvé mieux qu’un job d’assistante où son patron la traite comme une moins que rien.

Alors lorsque son père, qui dirige une compagnie d’emballage de coquillage, se trouve au plus mal, et que son petit ami du moment, viré avec une gamine sur les bras, veut absolument qu’ils rentrent chez elle et qu’ils reprennent en main l’entreprise familiale, Sawako se laisse entraîner. Il faut dire que Sawako a un trait de caractère particulier. Elle est résignée. Elle pense que quoi qu’il arrive, dans le monde ou dans sa vie, elle n’y peut pas grand-chose. Alors elle laisse les choses se faire, sans tenter de prendre une quelconque emprise dessus.

Le titre du film s’avère très vite un énorme spoiler. On passe plus d’une heure en compagnie d’une jeune femme charmante mais tout fait incapable de prendre des décisions sur sa vie et préférant se laisser mener par les autres… alors forcément, il n’est pas difficile de savoir où Ishii va nous emmener. Mais ce n’est pas bien grave. L’essentiel, c’est que le long du chemin, le réalisateur nous présente des personnages cocasses empêtrés dans notre société. Cette société en crise à l’échelle globale, cette société où tout se répercute partout, et l’où on ne sait trop de quoi l’avenir sera fait. Tiens, c’est étonnant finalement à quel point le cadre et le fond ne sont pas si éloignés de Solanin, vu le week-end dernier. Certes le ton est radicalement différent, mais en fin de compte, on se reconnaît dans les deux tableaux. Preuve s’il en était de la lucidité de ces films. Même si au passage, je dois bien avouer que j’ai failli piquer du nez à plusieurs reprises devant Sawako Decides.

Pendant le film, je pensais sincèrement que la fatigue était plus fautive que l’œuvre en elle-même, mais juste après j’ai donc enchaîné avec La rivière Tumen, et là point de paupières lourdes me faisant lutter à chaque instant pour ne pas somnoler. Pourtant sur le papier, il semblait plus facile de se sentir fatigué devant le film coréen que devant le film japonais. A la comédie féministe a ainsi succédé un drame social prenant pour cadre un petit village chinois situé à la frontière de la Corée du Nord. Entre la Chine et la dictature de Kim Jong-Il, c’est un fleuve qui fait office de frontière naturelle. Un fleuve gelé en hiver, sur lequel traversent des nord-coréens cherchant à fuir le régime stalinien.

Dans ce village vit un grand-père avec ses deux petits-enfants. Elle est une jeune femme muette, lui est un garçon d’une douzaine d’années. Comme tout le monde dans ce petit village chinois, ils sont imprégnés de culture coréenne, jusqu'à parler la langue (sous une forme très locale tout de même). Et lorsque des nord-coréens demandent de l’aide après avoir franchi illégalement la frontière avec la police chinoise et l’armée coréenne aux trousses, ils leur ouvrent leur porte.

Vous conviendrez que le pitch de La rivière Tumen est moins entraînant sur le papier que Sawako decides. Si vous ajoutez à cela le retard du Festival, qui nous a fait poireauter debout un bon quart d’heure de plus devant la salle, les ingrédients auraient pu être réunis pour définitivement me plonger dans le sommeil après les phases intermittentes du film japonais précédent. Pourtant ce petit film coréen m’a tenu en haleine et en éveil pendant 1h30. Aucun étourdissement ou ronflement devant ce poignant drame humain.

Contée avec force sobriété, cette histoire de peuples déracinés, d’immigration clandestine, d’hommes, de femmes, et surtout d’enfants, amenés à être confrontés à la détresse humaine, souvent avec pudeur, ne commet aucune faute. D’un point de vue formel, c’est une maîtrise totale. Mise en scène élégante, décor subjuguant, difficile de ne pas être happé par le récit. Sur le fond, le réalisateur signe là semble-t-il une histoire très personnelle à laquelle il parvient à insuffler une vérité et une émotion brutes. Il tisse des personnages naviguant hors de tout manichéisme, confrontés à la difficulté de juger les hommes avec acuité.

C’est l’histoire d’une frontière derrière laquelle on ne sait trop ce qu’il s’y passe, tout en ne le devinant que trop bien. C’est l’histoire d’enfants trop jeunes pour comprendre toute la complexité d’un monde, tout en étant bien obligés de naviguer dans ses eaux troubles. C’est l’histoire d’un lieu extraordinaire et pourtant si banal. C’est l’histoire d’un film plein de courage qui laisse un goût amer. Un film qui devrait sortir dans les salles françaises à la fin de l’été, le 25 août. Notez-le bien.

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