dimanche 6 juin 2010

Cannes à Paris : Two gates of sleep

Jeudi, 17h, Forum des Images à Paris. La salle 500, ce grand amphi, est une fois de plus quasi vide pour accueillir un film de la Quinzaine des Réalisateurs 2010, qui plus est un film qui n’est diffusé qu’une seule fois. Il faut dire que pendant le Festival de Cannes, peu de journaux ont parlé de Two gates of sleep. Et je dois avouer qu’après l’avoir vu, je suis tiraillé entre un « Tu m’étonnes qu’ils en aient pas parlé… » et un « Comment ont-ils pu ignorer cet étrange film ?! ». Entre les deux mon cœur balance.

Comment le décrire… imaginez… imaginez… Ah, j’ai trouvé. Imaginez qu’Apichatpong Weerasethakul (le cinéaste thaïlandais palmé il y a quelques jours) ait réalisé Gerry en lieu et place de Gus Van Sant… dans le décor des premiers films de David Gordon Green (All the real girls, L’autre rive)… Oui c’est à peu près ça. Dans un coin paumé entre les champs et la forêt, en pleine nature dans une maison qui ressemble plus à un cabanon, vivent deux frères, la vingtaine, et leur mère ayant l’air un brin dérangée. Les garçons chassent pour le dîner le dîner, l’un des deux travaille dans une scierie. Une vie semblant monotone mais en totale harmonie avec leur environnement.

Dans cette première partie, on pense aux premiers films de David Gordon Green, lui-même héritier direct des films de Terrence Malick dans les années 70, Badlands et Les moissons du ciel. Les plans sont étirés, les dialogues quasi absents, la nature omniprésente. On sent le souffle du vent et les rayons du soleil traverser l’écran. La contemplation est pure, mais ces personnages sont si insaisissables qu’ils fascinent, et le film accroche.

Lorsque survient le décès de la mère, Two gates of sleep change de cap. Un changement léger mais qui bouleverse le film. On quitte les alentours du cabanon. Les deux frères refusent de laisser une ambulance venir chercher le corps de leur mère et préfèrent aller l’enterrer là où elle le souhaitait. Commence alors une odyssée le long d’un cours d’eau, et à travers les bois, le cercueil à bout de bras. Une traversée tout aussi silencieuse à laquelle va bientôt s’adjoindre des éclairs mystiques. Les frères sont à bout de nerf sans l’exprimer, des apparitions furtives surgissent entre les arbres. Que voit-on ? Où se dirigent les frères ? Y a-t-il une rancœur entre les deux ?

Two gates of sleep est un film très silencieux qui par ses non-dits renvoie beaucoup d’interrogations, triture les méninges, fascine. Et ennuie aussi, je ne le cacherai pas. Plusieurs fois j’ai laissé mes yeux se fermer quelques secondes, car s’il est clairement influencé par Gus Van Sant, David Gordon Green et Terrence Malick (dans une certaine mesure), Alistair Banks Griffin, dont c’est ici le premier long, n’a pas (encore ?) le talent de ses aînés. Il manque quelque chose à ces « deux portes du sommeil » (le film était sous-titré « Deux chemins vers le rêve ») pour nous empêcher de laisser l’assoupissement prendre le meilleur de nous. Peut-être une certaine forme de poésie que son mutisme constant et son austérité thématique l’empêchent d’atteindre comme on pouvait l’espérer.

Je retiens le nom d’Alistair Banks Griffin, en espérant qu’il refasse surface dans les années à venir avec un film plus fort, tout en étant persuadé que malgré l’envie de dormir qu’a pu m’inspirer Two gates of sleep, c’est un film que je ne suis pas près d’oublier, d’ignorer ou de mépriser. Il a de quoi rester en moi quelque temps.

jeudi 3 juin 2010

Shah Rukh Khan revient en France, attention aux émeutes !

Ah qu’il me semble lointain le jour où j’avais vu Shah Rukh Khan pour la dernière fois sur grand écran. Laissez-moi compter… une… deux… trois… quatre ? Quatre années que la star du cinéma indien ne s’était plus affiché dans les salles françaises. Quatre années pendant lesquelles seule une poignée de divertissements venus de Bollywood ont atteint nos contrées franchouillardes quelque peu allergiques au charme suranné des flamboyants mélos indiens.

La dernière fois, au printemps 2006 donc, c’était Veer Zaara. Pour une fois, j’avais réussi à convaincre pas mal de connaissances qu’il était temps pour eux de venir à la rencontre de ce cinéma si rafraichissant et unique, moi qui était tombé dedans avec Lagaan en 2002. A ma grande surprise (ou pas ?), tous ceux que j’avais envoyés voir Veer Zaara en étaient ressortis conquis par la grandeur et l’émotion du film, et sous le charme de ses interprètes, au premier rang desquels Shah Rukh Khan, la star numéro un du cinéma indien. Un acteur qui selon les standards occidentaux n’est pas franchement beau mec mais qu’il suffit de voir jouer et danser pour déceler en lui une présence qui explique comment il a pu être propulsé au sommet de la gloire bollywoodienne. A l'époque il était même venu faire la promo à Paris avec Preity Zinta et Rani Mukherjee (même que je les avais vus !).

Et le voici donc de retour, le Shah Rukh. Qui plus est dans un film qui porte son nom, My name is Khan. Ca y est, enfin ! Le distributeur a en plus eu la bonne idée de sortir le long-métrage (un petit 2h40, pas si long que ça selon la norme indienne) en cette période creuse de fin mai. Étant donné que le film ne sera de toute façon pas un carton au box-office, le plus important était surtout de l’exposer au mieux dans les salles françaises, et le peu de films sortant ces temps-ci offre une belle disponibilité des écrans. Résultat, si le film n’est projeté en première semaine que dans 16 salles en France, il est visible dans sept salles parisiennes, de l’UGC Ciné Cité Les Halles à l’Arlequin en passant par Le Grand Rex ou le Publicis (là où je l’ai vu). C’est la première fois qu’un film avec Shah Rukh Khan s’expose sur autant d’écrans parisiens, avec des chiffres au box-office tout à fait encourageants.

Toutefois, précisons que My name is Khan est un Bollywood sans vraiment en être tout à fait un. Produit par un studio Hollywoodien, le film n’est pas musical, et quoi que l’on en dise, sans chorégraphies ni chansons, un Bollywood n’est pas vraiment Bollywood. Shah Rukh Khan interprète Ravzin Khan, un homme atteint du Syndrome d’Asperger, une forme d’autisme. Après sa jeunesse dans son Inde natale, Khan part pour San Francisco, où il rejoint son frère qui y a réussi et s’est bâti une nouvelle vie. Aux États-Unis, Khan va trouver l’amour, tenter de le conquérir malgré sa différence, et surtout être confronté, lui le musulman, aux tensions raciales consécutives aux évènements du 11 septembre 2001.

My name is Khan ne fait pas vraiment dans la dentelle, mais cela on peut le dire de tout film de Bollywood. Toutefois s’il manque de subtilité, on ne peut pas lui reprocher de ne pas oser aborder de front des thèmes de société, du racisme aux clivages religieux. Il y a une certaine candeur dans cette façon de traiter avec force et maladresse des sujets sensibles, une candeur qui peut paraître trop appuyée mais qui a le mérite d’oser et de ne pas se donner de limites. On peut également regretter que les comédiens américains ne soient pas tous très bons acteurs (est-ce pour ne pas faire de l’ombre aux stars indiennes ?), mais qu’importe.

Le voyage proposé par My name is Khan est l’essentiel. Le périple de cet homme par-delà les obstacles est parfois (souvent ?) too much, mais c’est une épopée humaine dense et jamais ennuyeuse, portée par le charisme de Shah Rukh Khan et le charme de Kajol (le couple star de La famille indienne). Bien sûr, les danses et les chants manquent. Le film paraît orphelin de cette musicalité, de cette rythmique, de ces couleurs flamboyantes qui font tout le sel de ces productions.

Messieurs les distributeurs, offrez-nous un vrai grand spectacle musical bollywoodien dans les cinémas français ! Que l’on cesse de jalouser nos voisins anglais qui eux y ont droit régulièrement…

mercredi 2 juin 2010

Prince of Persia ou la fantaisie retrouvée de l'aventure Hollywoodienne


Les blockbusters estivaux hollywoodiens ont perdu de leur superbe ces dernières années. « Superbe » n’est peut-être pas le mot adéquat, mais là où ils pouvaient être souvent synonymes d’aventures grisantes à une époque, ils semblent bien trop souvent se perdre désormais dans une voie de garage désespérante. Les films d’aventures en particulier. Ces derniers temps, pour un Star Trek emballant, combien de Pirates des Caraïbes inutiles, d’Indiana Jones décevant, de GI Joe et tout un tas de suites sans intérêt ? Bien trop, j’en ai bien peur.

Quelle ne fut pas ma surprise ce week-end de découvrir que Prince of Persia, les sables du temps, le nouveau blockbuster estampillé Jerry Bruckheimer, fait partie des bonnes surprises du genre. Incroyable mais vrai. Lorsqu’après avoir vu Ha Ha Ha au Reflet Médicis, mon amie Muriel m’a proposé d’aller voir Prince of Persia, j’y suis allé pour le goût du gros film d’aventure en étant persuadé d’avance que ce ne serait qu’avalanche d’effets spéciaux sans âme ni trépidation. Perdu. J’en suis sorti agréablement surpris. Surpris d’avoir assisté à un vrai film d’aventures et non à un simple étalage de numérique.

Entendons-nous bien. Prince of Persia est un déballage d’effets numériques. C’en est truffé, et pas toujours avec la plus grande osmose. Mais là où le film surprend, c’est qu’il utilise parfaitement les codes du film d’aventures, ce qui paraît bête à écrire, mais qui a été très rarement constaté ces dernières années à Hollywood (et ne me parlez pas des Pirates des Caraïbes devant lesquels je me retenais de m’endormir tant c’était mou). La règle numéro 1 du film d’aventure réussi, ce ne sont pas les effets spéciaux, ni les décors, mais bien les personnages. Tissez une belle galerie de personnages, et le film part d’un bon pied. La galerie de Prince of Persia ne déçoit pas.

Jake Gyllenhaal fait un héros hardi et soucieux convaincant, Gemma Arterton un premier rôle féminin qui ne se contente pas d’être sublime (et croyez-moi elle l’est), et ils sont entourés de seconds rôles justement croqués, avec des ressorts comiques (Alfred Molina, impeccable en brigand organisateur de courses d’autruches), des méchants fourbes (Ben Kingsley, comme d’hab’) et d’autres qui savent entretenir l’ambiguïté (Richard Coyle, que j’ai connu en gallois hilarant dans la série Coupling – Six Sexy et qui campe ici parfaitement l’héritier de la couronne qu’on a du mal à cerner).

Les personnages sont la base solide du film, qui nous plonge par la suite dans cette épopée rocambolesque et fantaisiste située en Perse il y a bien longtemps, dans laquelle un Prince, accusé à tort du meurtre de son roi de père, se voit pourchassé par son oncle et ses frères qui réclament justice. En chemin, le Prince, Dastan, met la main sur un poignard aux pouvoirs légendaires : celui qui le porte peut remonter le cours du temps. Avec la gardienne de cette dague magique qui ne lui lâche pas le train, Dastan va tenter de laver son honneur, démasquer l’assassin de son père, et sauver le monde, rien que ça. Le tout sans prendre de douche. Bon courage Dastan.

Comme je l’ai déjà mentionné, les effets spéciaux de Prince of Persia, adapté d’un célèbre jeu vidéo, sont parfois too much, frisant l’overdose. Mais la qualité des personnages et des aventures dans lesquels ils sont projetés pendant près de deux heures contrebalancent bien ce trop plein visuel. Courses poursuites sur les toits de cités anciennes, combats au sabre, traversées de déserts, Mike Newell, qui n’est pas du tout un spécialiste des films d’action (après tout, son film le plus célèbre est Quatre mariages et un enterrement…), s’en tire très bien avec le cahier des charges, donnant un rythme trépidant à cette course, sans temps mort aucun. Et fait ce que l’on n'attendait pas de lui : il fait de Prince of Persia une aventure entrainante.

Plus surprenant encore, on trouve dans ce Prince of Persia un sous-texte politique tout à fait étonnant pour un tel calibre hollywoodien du divertissement. A la base de l’aventure, il y a un conflit politique, une ville que partent conquérir les dirigeants de la Perse pour la punir de cacher des armes vendues à des territoires ennemis… une invasion basée sur des informations qui s’avèrent, une fois sur place… erronées… hum hum… Tout cela a un vague relent familier… Une production Jerry Bruckheimer adaptée d’un jeu vidéo qui enfonce la politique des États-Unis dans l’invasion irakienne ??? Certes ils enfoncent ce qui ressemble plus désormais à une porte ouverte, mais tout de même, on n’en attendait pas tant de Prince of Persia !

Et au final, la balade perse fantaisiste aura fait un joli travail de séduction. Certains me diront « Quoi ??!! T’aimes pas Pirates des Caraïbes mais t’aimes Prince of Persia ???!!! », et à ceux-là je dis avec aplomb, versatilité et force réflexion sur les mots employés : « Eh ouais ! ».

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